Le diagnostic génétique préimplantatoire
des maladies monogéniques
C. Moutou
1
S. Viville
1,2
1
Service de biologie de la reproduction
SIHCUS-CMCO, CHU de Strasbourg,
19, rue Louis Pasteur, BP 120,
67303 Schiltigheim cedex
2
Institut de génétique et de biologie
moléculaire et cellulaire,
CNRS/Inserm/ULP, BP 10142
1, rue Laurent Fries,
67404 Illkirch cedex,
Article reçu le 1
er
octobre 2002,
accepté le 20 février 2003.
Résumé. Le diagnostic génétique préimplantatoire (DPI) est une alternative
au diagnostic prénatal qui permet de détecter une anomalie génétique avant
l’implantation de l’embryon. L’analyse génétique réalisée sur des embryons
humains obtenus par fécondation in vitro permet de ne transférer chez la
patiente que des embryons sains ou porteurs sains, évitant ainsi l’épreuve
d’interruptions médicales de grossesse à un couple présentant une forte proba-
bilité de transmettre une maladie génétique d’une particulière gravité. Plus de
dix ans après les premiers DPI, le nombre de pathologies monogéniques prises
en compte et les technologies employées ont considérablement évolué. Ces
dernières évoluent rapidement et bénéficient des avancées en diagnostic conven-
tionnel et en PCR sur cellule unique avec notamment l’introduction de la PCR
fluorescente et de la PCR multiplex. Dans cette revue, nous décrirons diverses
possibilités actuelles et futures de diagnostic préimplantatoire par PCR des
maladies monogéniques. Nous donnerons également un aperçu des diagnostics
actuellement disponibles en France et des méthodes utilisées dans notre labora-
toire.
Mots clés : diagnostic génétique préimplantatoire, maladie monogénique,
biologie moléculaire, PCR
Summary. Preimplantation genetic diagnosis (PGD) is an alternative to pre-
natal diagnosis allowing the detection of genetic diseases on IVF embryos
before their transfer into the uterus and before the pregnancy. The aim of this
procedure is to obtain unaffected or carrier embryos in order to avoid the
burden of termination of pregnancy after prenatal diagnosis for couples at risk
of transmitting particularly severe genetic disorders to their offspring. For
monogenic diseases, PGD is most often based on single blastomere amplifica-
tion by polymerase chain reaction (PCR). More than a decade after the first
births, the possibilities of diagnosis for monogenic diseases have considerably
increased. As for molecular biology and conventional diagnosis, the technolo-
gies and strategies for PGD are continually improved, with for instance intro-
duction of fluorescent PCR or multiplex amplification. In this review, we
describe several approaches for PGD of monogenic diseases, followed by an
overview of the French practice, particularly in our lab.
Key words: preimplantation genetic diagnosis (PGD), monogenic disease,
molecular biology, PCR
Le diagnostic génétique préimplantatoire (DPI) permet
d’analyser le contenu génétique d’un embryon humain
obtenu par fécondation in vitro (FIV). Cela présente
l’avantage majeur de pouvoir proposer à un couple présen-
tant un risque de transmettre une maladie génétique gra-
vissime, de caractériser la mutation ou le déséquilibre
chromosomique responsable d’une telle affection avant
l’implantation des embryons. Le DPI permet ainsi d’éviter
au couple l’épreuve des interruptions médicales de gros-
sesses à répétition [1]. Il est réalisé sur des embryons
Tirés à part : S. Viville
revue générale abc
Ann Biol Clin 2003, 61 : 521-32
Ann Biol Clin, vol. 61, n° 5, septembre-octobre 2003 521
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obtenus par FIV sur lesquels, au troisième jour après la
fécondation, au stade de huit cellules, une ou deux cellules
sont biopsiées. Après analyse, seuls les embryons sains ou
porteurs sains sont transférés chez la patiente. C’est une
alternative au diagnostic prénatal (DPN) permettant à ces
couples de débuter une grossesse sans être confrontés à
l’attente des résultats des méthodes plus conventionnelles
telles que l’amniocentèse ou la choriocentèse puis à la
difficile décision de l’interrompre en cas de résultats néga-
tifs. Une autre possibilité est d’analyser le premier ou le
deuxième globule polaire avant la fécondation [2, 3]. Cette
alternative permet uniquement d’analyser la contribution
maternelle au futur embryon alors que le DPI, après biop-
sie embryonnaire, analyse l’embryon lui-même et par
conséquent les contributions maternelle et paternelle.
L’analyse génétique se fait soit par réaction en chaîne de
la polymérase (PCR), soit par hybridation in situ à l’aide
de sondes fluorescentes (FISH). La PCR permet d’ampli-
fier de petits fragments d’ADN. Elle est couramment utili-
sée pour le diagnostic de maladies monogéniques soit par
détection directe de la mutation responsable de la patholo-
gie, soit par étude indirecte à l’aide de marqueurs microsa-
tellites polymorphes de la région du gène impliqué. Quant
à la FISH, elle permet de visualiser des régions chromoso-
miques à l’aide de sondes fluorescentes. Elle est utilisée
pour déterminer le sexe des embryons dans le cadre de
maladies récessives liées au chromosome X dans le but de
transférer les embryons de sexe féminin, pour mettre en
évidence des translocations et pour rechercher des aneu-
ploïdies.
L’activité de diagnostic préimplantatoire a débuté en
France [4] près de dix ans après l’annonce de la première
grossesse obtenue après DPI en 1990 par l’équipe anglaise
du professeur Handyside. En effet, les décrets d’applica-
tion de la loi de bioéthique de 1994 (Loi n° 94-654) auto-
risant cette pratique sont parus en 1998 et les premiers
agréments n’ont été attribués qu’en juillet 1999.
Dans cette revue nous n’aborderons que le diagnostic des
maladies monogéniques et nous nous focaliserons donc
sur les diverses possibilités de diagnostic préimplantatoire
par PCR. Nous donnerons également un aperçu des dia-
gnostics actuellement disponibles en France et des métho-
des utilisées dans notre laboratoire.
La PCR sur cellule unique
Principe
La PCR est une technique qui permet d’amplifier de petits
fragments d’ADN de manière exponentielle à partir de
deux amorces nucléotidiques situées en 5’ de chaque brin
complémentaire de part et d’autre de la région à amplifier.
C’est une réaction en chaîne constituée d’un nombre varia-
ble de cycles (20 à 45 en fonction du type de fragment et
de la quantité initiale d’ADN). Chaque cycle se divise en
trois étapes : une dénaturation des deux brins complémen-
taires d’ADN à température élevée (autour de 95 °C), une
hybridation des amorces sur la matrice d’ADN à tempéra-
ture plus basse (de 45 à 65 °C selon la séquence des amor-
ces), une élongation pendant laquelle une enzyme thermo-
résistante (généralement une Taq DNA polymérase) insère
des nucléotides au bout de chaque amorce de manière à
recopier le fragment d’ADN matrice. Les fragments syn-
thétisés servent à leur tour de matrice pour les cycles
suivants et permettent ainsi une amplification exponen-
tielle de la portion d’ADN désirée.
C’est en 1988 que furent reportés les premiers essais de
PCR sur cellule unique [5], suivis de peu par les premiers
diagnostics préimplantatoires [4]. Cependant, les résultats
obtenus n’étaient pas satisfaisants sur le plan de l’effica-
cité (rendement et fidélité de PCR) et de la spécificité
(hybridations aspécifiques aboutissant à des bandes arté-
factuelles). L’utilisation de deux PCR successives (nested
PCR) a permis de résoudre ces problèmes [4]. Le principe
est de générer des fragments comprenant la région d’inté-
rêt lors d’une première réaction en utilisant des amorces
externes et d’utiliser une partie du produit synthétisé
comme matrice pour une seconde réaction à l’aide d’amor-
ces internes afin d’amplifier le fragment désiré. La sépara-
tion des fragments obtenus en fonction de leur taille se fait
par électrophorèse sur gel d’acrylamide et la révélation
fait appel à une coloration au bromure d’éthydium. Cette
technique est actuellement utilisée dans de nombreux cen-
tres de diagnostic préimplantatoire.
Efficacité d’amplification
Si l’amplification par PCR conventionnelle pose peu de
problèmes à partir de l’instant où les conditions de réac-
tions sont établies, l’efficacité d’amplification d’ADN à
partir de cellule unique est beaucoup plus variable et limi-
tée. Plusieurs facteurs peuvent être évoqués pour expli-
quer un rendement limité.
Tout d’abord, la quantité d’ADN disponible comme ma-
trice pour la PCR est extrêmement faible. En effet, avec
une à deux molécules dans une cellule selon qu’elle est
homozygote, hémizygote ou hétérozygote, la quantité
d’ADN de départ est environ vingt mille fois inférieure à
celle dont on dispose habituellement. La procédure du
DPI imposant un délai court entre la biopsie embryonnaire
et le transfert des embryons sain dans l’utérus de la pa-
tiente (généralement le soir même ou le lendemain), il faut
être capable d’obtenir rapidement une amplification effi-
cace, ce qui nécessite de rechercher les conditions optima-
les pour chaque PCR.
Ensuite, les cellules de qualité médiocre dont l’ADN est
partiellement ou totalement dégradé, ainsi que les cellules
revue générale
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anucléées peuvent aboutir à une efficacité réduite ou à une
absence d’amplification. Ce facteur est peu contrôlable
dans la mesure où l’aspect des cellules n’est pas toujours
appréciable. Lors d’un diagnostic préimplantatoire, la qua-
lité embryonnaire, l’aspect des blastomères (beaucoup plus
gros que des lymphoblastes utilisés lors des mises au
point), la visualisation des noyaux peuvent présager de
l’efficacité de l’analyse mais la corrélation entre l’aspect
microscopique et le résultat n’est pas systématique.
Les problèmes liés au manipulateur sont également à
considérer. Ce dernier peut en effet perdre la cellule du-
rant la procédure de mise en tube d’où une absence de
résultat. Il est donc important de s’assurer de l’entrée de la
cellule dans le microtube en réalisant cette étape sous
microscope. La cellule peut se lyser lors de la biopsie
embryonnaire ou lors des lavages précédant la mise en
tube. Il est alors difficile d’estimer si le noyau est ou non
dans le tube.
Enfin, les problèmes inhérents à la procédure elle-même
peuvent influer l’efficacité d’amplification. La composi-
tion du tampon de lyse ou la procédure de lyse ont été
incriminées dans certains échecs d’amplification mais
aucun consensus n’est établi pour cette étape préalable à la
réaction de PCR [6]. La qualité et la concentration des
composants du mélange réactionnel doivent être contrô-
lées. En effet, la PCR sur cellule unique étant beaucoup
plus sensible que l’amplification de grandes quantités
d’ADN, des variations minimes de qualité et/ou de concen-
tration d’amorces, de dNTP, de MgCl
2
ou un changement
de fournisseur sont parfois lourdes de conséquences sur le
résultat de l’analyse. De même, notre expérience a montré
qu’une légère altération des paramètres du thermocycleur
peut conduire à des échecs d’amplification qui ne seraient
jamais observés avec les quantités d’ADN utilisées en
PCR conventionnelle. Il est donc fortement conseillé de
tester tout nouveau lot de réactif et de réaliser un test juste
avant chaque DPI sur cellule unique afin de s’assurer de
l’intégrité des réactifs et de la machine à PCR et de limiter
au maximum les échecs d’amplification.
Amplification préférentielle et allele dropout
L’amplification préférentielle est un phénomène fréquent
lors des PCR sur une seule cellule. Elle est le résultat,
chez des individus hétérozygotes, d’une hybridation des
amorces sur un allèle plutôt que sur l’autre lors des pre-
miers cycles de la réaction. Elle se fait totalement au ha-
sard et aboutit dans les cas extrêmes à l’amplification d’un
seul allèle au détriment de l’autre ou allele dropout (ADO).
Les conséquences de l’ADO sont fonction du mode de
transmission de la pathologie étudiée. Dans les cas de
maladies récessives où les deux parents portent la même
mutation, l’ADO n’a pas de conséquence dramatique. En
effet, l’amplification uniquement de l’allèle normal abou-
tit au transfert d’un embryon porteur sain bien que consi-
déré comme homozygote sain. Cette situation est sans
gravité puisque le but du DPI est de transférer des em-
bryons non atteints, qu’ils soient porteurs sains ou non. Si
c’est l’allèle muté qui est amplifié, l’embryon est consi-
déré comme atteint et n’est pas transféré. Dans ce cas,
l’ADO diminue le nombre d’embryons à transférer et ré-
duit par conséquent les chances de grossesses. En revan-
che, dans les maladies récessives avec hétérozygotes com-
posites ou dominantes, l’ADO a des conséquences
désastreuses puisqu’il peut aboutir au transfert d’un em-
bryon atteint bien que considéré comme sain (maladie
dominante) ou porteur sain (maladie récessive avec hété-
rozygote composite). En cas de grossesse, le diagnostic
prénatal confronterait les parents à la difficile décision
d’interrompre la grossesse. C’est probablement la plus
fréquente cause d’erreur de diagnostic lors de l’applica-
tion clinique.
La fréquence d’ADO est très variable. Les publications
sur le diagnostic préimplantatoire rapportent des taux
d’ADO allant jusqu’à 25 % selon les pathologies étudiées
et les techniques utilisées. L’introduction de la PCR fluo-
rescente réduit considérablement ce taux [7]. En effet,
cette technique environ 1 000 fois plus sensible que la
coloration au bromure d’éthidium a permis de différencier
les cas d’amplification préférentielle extrême, où un des
allèles est amplifié mais non détectable par les techniques
classiques, des véritables cas d’ADO où seul un allèle est
amplifié. Bien que l’utilisation d’amorces fluorescentes ait
permis de diminuer considérablement le taux d’ADO
jusqu’alors observé [8], elle n’élimine pourtant pas com-
plètement ce phénomène. L’utilisation de tampon de lyse
alcalin ou de tampon de lyse avec protéinase K semble
minimiser le risque d’ADO bien qu’aucun consensus en
faveur de l’un ou l’autre ne soit établi [6, 9]. Il a égale-
ment été montré que l’ADO diminue lorsque la tempéra-
ture de dénaturation des premiers cycles est augmentée à
96 °C plutôt que 94 °C [10], en utilisant différentes poly-
mérases [11], (résultats personnels non publiés), en modi-
fiant la durée de chacune des étapes des cycles de la réac-
tion (résultats personnels non publiés). L’enjeu de la mise
au point d’un nouveau diagnostic est alors d’optimiser
chaque paramètre pour obtenir une efficacité d’amplifica-
tion maximale et un taux d’ADO minimal qui devra être
estimé sur des cellules hétérozygotes.
La tendance actuelle est de développer des stratégies afin
de détecter les problèmes d’ADO lors des DPI. Cela per-
met non seulement d’éviter les erreurs de diagnostic, mais
également d’augmenter le nombre d’embryons sains trans-
férables. Dans la mesure où l’ADO est un phénomène
aléatoire, l’analyse indépendante de deux blastomères rend
l’interprétation du résultat beaucoup plus confortable. En
effet, la probabilité pour que les deux cellules donnent un
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ADO pour le même allèle est faible et, si l’une d’entre elle
n’amplifie qu’un allèle, l’autre permettra de conforter l’hy-
pothèse d’ADO et de déterminer le statut de l’embryon.
Des études chez la souris ont montré que l’on pouvait
prélever un quart du volume embryonnaire sans altérer le
développement [12]. Chez l’homme, une étude rétrospec-
tive a conclu à des taux d’implantation comparables après
DPI lors de la biopsie d’un ou deux blastomères [13].
Enfin, la PCR multiplex avec amplification simultanée de
la mutation et de marqueurs microsatellites polymorphes
est elle aussi utilisée pour détecter les ADO puisqu’elle
permet de disposer d’un double, voire triple, diagnostic
pour la même cellule. Les autres avantages de cette techni-
que seront détaillés plus bas.
Contaminations
La prévention des contaminations est une nécessité abso-
lue pour une PCR sur cellule unique fiable. En effet, la
moindre molécule d’ADN contaminante est en compéti-
tion directe avec l’ADN cible à amplifier (une ou deux
molécules). Lors d’un DPI, une telle contamination peut
avoir des conséquences dramatiques et aboutir au transfert
d’un embryon atteint. S’il est malheureusement impossi-
ble d’éviter complètement les contaminations, de nom-
breuses mesures peuvent en diminuer fortement la proba-
bilité. Les sources potentielles de contaminations sont
diverses. Il peut s’agir de cellules parentales restées autour
de la zone pellucide après la FIV : cellules de la corona
radiata (maternelles) ou spermatozoïdes (paternels). Pour
éviter ces sources d’erreur, la fécondation se fait par injec-
tion intracytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI) et les
blastomères sont lavés dans plusieurs gouttes de milieu de
biopsie pour éliminer toute cellule d’origine maternelle.
La réalisation de la biopsie et de la mise en tube sous
microscope inversé permet éventuellement de détecter et
d’éliminer des cellules contaminantes. Par ailleurs, des
cellules des manipulateurs peuvent également interférer et
ces derniers doivent prendre des précautions draconiennes
à chaque étape précédant l’amplification : port de blouse,
surchausses, masque, charlotte et gants stériles à chaque
nouvelle analyse. Enfin, la plus grande cause de contami-
nation est constituée par des aérosols provenant d’amplifi-
cations antérieures. En effet, ces microgouttes d’ADN
concentré sont extrêmement volatiles et peuvent persister
pendant des mois dans l’air ambiant. S’ils pénètrent dans
le tube réactionnel, ils sont préférentiellement amplifiés
par rapport à l’ADN du blastomère et aboutissent à une
erreur de diagnostic. La seule solution pour se prémunir
de ces contaminations est de ne pas créer d’aérosols. Pour
ce faire, il faut séparer physiquement les étapes pré- et
post-PCR en travaillant dans des locaux distincts et, idéa-
lement, dans des locaux pressurisés : en surpression pour
les étapes pré-PCR, en sous-pression pour les étapes post-
PCR. La préparation des cellules et des réactifs doit être
réalisée sous hotte à flux laminaire et les locaux doivent
être régulièrement décontaminés à l’eau de Javel à 10 %
et/ou par exposition aux rayons ultraviolets afin de dé-
truire l’ADN. De plus, les réactifs doivent être distribués
en petits volumes de manière à n’ouvrir qu’une fois le
même tube, et le matériel (pipettes, embouts, tubes, por-
toirs) doit être uniquement dédié aux étapes pré-PCR. Dif-
férentes procédures sont possibles pour décontaminer les
réactifs de toute trace d’ADN avant la mise en contact
avec la cellule à analyser : filtration, autoclave, exposition
à la lumière UV, utilisation de l’uracil DNA glycosylase
(UDG) [14], de l’isopsoralène [15], décontamination du
mélange réactionnel par des enzymes de restriction (exo-
nucléase III [16], AluI [17], HinfI [18] par exemple).
Aucune méthode n’est cependant efficace à 100 %. Il est
donc indispensable d’ajouter des tubes de contrôle de
contamination sans cellule lors de chaque analyse.
DPI des maladies récessives
liées au chromosome X
Dans les maladies récessives liées au chromosome X, les
femmes vectrices ont un risque de 50 % d’avoir un garçon
atteint à chaque grossesse, alors que leurs filles ne sont pas
atteintes qu’elles aient ou non reçu le chromosome X muté.
La détermination du sexe par PCR avec transfert des em-
bryons de sexe féminin est donc une possibilité de test et
fut la première application de DPI en 1990 [4]. Elle était
alors basée sur l’amplification de séquences spécifiques du
chromosome Y et fut rapidement remplacée par des tech-
niques utilisant des amorces communes aux deux chromo-
somes sexuels amplifiant des séquences de taille ou de
structure différentes ou des séquences répétées de ces ré-
gions [19, 20]. Aujourd’hui, la PCR pour détermination du
sexe des embryons a été supplantée par la technique de
FISH, moins sujette aux contaminations et évocatrice
d’anomalies chromosomiques telles les trisomies ou les
monosomies des chromosomes analysés [21].
Dans la mesure où statistiquement un embryon masculin
sur deux est sain, le DPI par détermination du sexe pose
un problème éthique puisqu’il aboutit au rejet d’embryons
sains. Le DPI par détection de la mutation, comme dans le
cas de la myopathie de Duchenne [22] est beaucoup plus
acceptable. Cependant, devant la multitude des maladies
récessives liées à l’X et la diversité des mutations impli-
quées, la mise au point d’un diagnostic par couple est
totalement irréalisable. La solution actuelle reste donc un
pis-aller lorsque la recherche de la mutation en cause n’est
pas possible mais permet de proposer un DPI dans un
délai raisonnable pour des couples qui devraient attendre
des années avant d’avoir un test adapté à leur situation.
revue générale
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Pour les maladies dominantes ou semi-dominantes liées
au chromosome X, les filles et les garçons peuvent être
atteints. L’exemple type de ces maladies est le syndrome
de retard mental avec X fragile dans lequel environ 60 %
des filles porteuses d’une mutation complète présentent un
retard mental. Dans ce cas, le DPI par détermination du
sexe des embryons ne peut pas être proposé. Ces maladies
sont alors prises en charge comme les pathologies à trans-
mission autosomique [23].
DPI des maladies autosomiques
Du fait de sa fréquence élevée dans la population générale,
la mucoviscidose est la première maladie autosomique
pour laquelle un diagnostic spécifique a été mis au point,
par détection de la mutation deltaF508 [24]. Depuis, grâce
aux progrès des techniques de PCR sur cellule unique et
devant le nombre croissant de couples demandeurs, la liste
des maladies a considérablement augmenté. Dans la der-
nière publication du consortium européen de diagnostic
préimplantatoire pour l’année 2001, les indications pour
maladies monogéniques représentent 54 % des demandes
de DPI, dont 65 % concernent des pathologies autosomi-
ques [25]. Les indications les plus fréquentes reflètent la
fréquence de ces maladies dans la population générale :
mucoviscidose, myotonie dystrophique de Steinert, mala-
die de Huntington, Charcot-Marie-Tooth.
Comme en diagnostic prénatal, les stratégies utilisées lors
d’un DPI par PCR font appel soit à des méthodes directes,
visant à mettre en évidence la mutation responsable de la
pathologie, soit à des méthodes indirectes basées sur
l’identification des allèles pathogènes en lieu et place de la
mutation par utilisation de marqueurs microsatellites.
Le diagnostic direct
Il consiste à amplifier le fragment d’ADN contenant la
mutation et à identifier cette dernière à l’aide de stratégies
comparables à celles du diagnostic moléculaire conven-
tionnel. Le choix de la méthode de détection dépend de la
nature de la ou des mutation(s) à identifier [26].
Le cas le plus simple est celui des insertions ou délétions
qui modifient la taille du fragment amplifié (par exemple,
la mutation deltaF508 dans le gène CFTR, délétion de
trois paires de bases, figure 1). Elles sont directement
visibles après migration des fragments de PCR sur gel
d’acrylamide dont la résolution peut mettre en évidence
des différences d’un nucléotide, notamment après migra-
tion sur séquenceur automatique de produits de PCR fluo-
rescents [7, 27].
Les petites insertions ou délétions peuvent également être
mises en évidence par analyse d’hétéroduplex comme cela
a été développé pour le DPI de la mucoviscidose [28], de
la maladie de Tay-Sachs, ou de la polypose colique fami-
liale. Cette méthode ne permet de visualiser que des hété-
rozygotes et il faut par conséquent mélanger les échan-
tillons de PCR avec des ADN connus pour détecter les
homozygotes atteints dans les maladies autosomiques ré-
cessives, ce qui ajoute un risque d’erreur.
La détection de mutations ponctuelles par digestion du
produit de PCR avec une enzyme de restriction est une
stratégie très répandue lorsque la mutation crée ou sup-
prime un site de restriction (par exemple pour la mucovis-
cidose, l’amyotrophie spinale, la bêtathalassémie, [26]).
Cette technique pose cependant problème lorsque la muta-
tion crée un site de restriction. En effet, un ADO avec
amplification de l’allèle normal uniquement (pour les ma-
ladies dominantes), ou en cas d’échec de digestion, l’ab-
sence de fragment digéré peut aboutir à une erreur de
diagnostic et au transfert d’un embryon atteint [29]. Il est
donc indispensable d’inclure des témoins de digestion dans
chaque tube [30] (figure 2).
L’amplification à l’aide d’amorces spécifiques ou ARMS
(amplification refractory mutation system) est utilisée pour
la détection de certaines mutations du gène CFTR [24] et
pour le DPI de l’amyotrophie spinale [31].
Les mutations par expansion de triplets (syndrome de l’X
fragile, myotonie dystrophique de Steinert, maladie de
Huntington, ataxie de Friedreich) représenteront une caté-
gorie particulière d’insertions dans la mesure où les allèles
mutés peuvent atteindre des tailles impossibles à amplifier
1 200
600
0
1 200
600
0
1 200
600
0
1
2
3
Figure 1. Détection de la mutation deltaF508 du gène CFTR
après PCR fluorescente sur cellule unique et électrophorèse
capillaire sur séquenceur automatique (ABI3100). Les produits
de PCR, générés à l’aide d’une amorce marquée par le fluoro-
chrome 6-fam, apparaissent en bleu. Chaque échantillon est
migré en présence du marqueur de taille interne Genescan Rox
500 (traits pointillés bleus). 1) lymphoblaste d’une lignée hétéro-
zygote pour la mutation ; 2) lymphoblaste d’une lignée homo-
zygote provenant d’un individu atteint ; 3) lymphoblaste d’une
lignée témoin homozygote normale au locus F508.
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