PROPHYLAXIEInfos Numéro Spécial 2010 30
En Australie, environ un patient sur 10 consultant
un généraliste souffre d’hypersensibilité dentinaire.
L’hypersensibilité dentinaire est accompagnée de
douleur et d’anxiété; son impact social est étonnam-
ment important par rapport aux autres diagnostics
dentaires. Les facteurs prédisposants et déclen-
cheurs, ainsi que la biologie sous-jacente du méca-
nisme douloureux associé à l’hypersensibilité denti-
naire pris en compte par les dentistes australiens,
expliquent les différentes stratégies de prise en
charge de l’hypersensibilité dentinaire. Les attentes
quant aux résultats du traitement entrent également
en jeu dans l’explication de ces différentes straté-
gies. Ces points de vue peuvent être utilisés pour
décrire la thèse dominante de prise en charge de
l’hypersensibilité dentinaire, qui à son tour définit le
contexte dans lequel toute nouvelle approche ou
tout nouvel agent thérapeutique sera évalué par les
dentistes avant d’être adopté.
Introduction
La santé bucco-dentaire des adultes connaît une
époque de transition. L’idée selon laquelle la plupart
des individus perdraient la majorité de leurs dents au
cours de leur existence n’a plus cours; aujourd’hui, il est
admis au contraire, qu’ils conserveront la majorité de
leurs dents. Cette transition épidémiologique est asso-
ciée à certaines conséquences paradoxales. La plupart
des dents que l’on arrive aujourd’hui à conserver ont eu
de nombreuses caries et/ou des antécédents de mala-
die parodontale. Ces dents sont également sujettes à
de nouveaux problèmes, la plupart étant des maladies
dégénératives chroniques. Parmi ces affections, l’on
peut citer l’attrition, l’abrasion, les fractures et fissures
cuspiennes de la couronne ou de la racine. Para-
doxalement, cette situation est à l’origine d’un nouveau
fardeau de maladies et d’affections et potentiellement
d’un accroissement de symptômes comme la douleur
et des sensations désagréables qui aboutissent à des
consultations chez le dentiste.
L’hypersensibilité dentinaire est l’une des causes
possibles de tels symptômes. L’hypersensibilité denti-
naire se caractérise par une douleur brève et aiguë
émanant de la dentine exposée en réaction à des sti-
muli de nature thermique, tactile, liée à l’évaporation,
osmotique ou chimique, que l’on ne peut imputer à
aucune autre forme de défaut ou de pathologie den-
taire (Canadian Advisory Board on Dentine Hyper-
sensitivity 2003). Il est probable que la prévalence de
l’hypersensibilité dentinaire augmentera du fait de la
transition épidémiologique vers la conservation des
dents. Les dentistes seront de plus en plus souvent
confrontés à ce type de diagnostic, ainsi qu’à la prise
en charge de ce trouble.
La sensibilisation des dentistes à l’hypersensibilité
dentinaire par leurs patients et les différentes stratégies
de prise en charge façonneront leur implication dans ce
domaine de la dentisterie. Cet article a pour objectifs
(1) de documenter la prévalence, l’étendue et l’impact
de l’hypersensibilité dentinaire chez les patients de
dentistes en Australie, (2) de définir, à partir de l’avis de
ces dentistes, les facteurs prédisposants, les déclen-
cheurs et la biologie sous-jacente du mécanisme
douloureux associé à l’hypersensibilité dentinaire et (3)
de donner l’avis de ces dentistes sur la prise en charge
de l’hypersensibilité dentinaire dans leurs cabinets et
par leurs patients à domicile.
Prévalence, étendue et impact de
l’hypersensibilité dentinaire
La prévalence de l’hypersensibilité dentinaire varie
selon les articles. Cette variation semble résulter des
différentes méthodologies utilisées pour documenter la
prévalence. Les études ne portent pas toutes sur la
même population (population/groupes de patients
d’hôpital universitaire, de clinique ou de cabinet privé),
le mode d’identification des cas n’est pas identique
(symptômes spontanément signalés/tests biomécani-
ques de tous les participants avec une gamme de sti-
muli), les participants sont d’âge et de sexe différents.
Néanmoins, la prévalence de l’hypersensibilité denti-
naire obtenue dans les cabinets privés où le signale-
ment spontané des symptômes par les patients donne
lieu à un diagnostic différentiel reflète le mieux la réa-
lité pour la plupart des dentistes australiens.
En Australie, deux études distinctes ont porté sur
la prévalence de l’hypersensibilité dentinaire chez les
patients de dentistes. Dans la première étude réalisée
en 2001-02, un échantillon aléatoire de dentistes de la
région sud de l’Australie a enregistré le principal dia-
gnostic de problèmes dentaires de leurs patients un
jour donné et ont transmis un questionnaire à chaque
patient concernant la nature, la gravité et la durée des
symptômes (Brennan & Spencer 2004). L’hypersensi-
bilité dentinaire était le principal diagnostic de 3,5%
des patients. Le critère de diagnostic principal explique
le niveau inférieur de la prévalence par rapport au chif-
fre généralement donné dans la littérature, à savoir
15%, avec une plage de 10–30% (Bartold 2006; West
2000).
Dans la seconde étude, un échantillon aléatoire
de dentistes australiens, membres de l’association
«Australian Dental Association», ont été interrogés
en 2006–07. Ces dentistes ont consigné le nombre de
patients reçus au cours d’une semaine de travail, ainsi
que les détails de tous les patients souffrant d’hyper-
Numéro Spécial Hypersensibilité
Hypersensibilité dentinaire: présentation de patients
et point de vue de dentistes sur sa prise en charge
Prof John Spencer, School of Dentistry, University of Adelaide, Australie