Les fabricants de l`électroménager leur ouvrent la porte

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ZOOm
Plastiques recyclés
Les fabricants de l’électroménager
leur ouvrent la porte
L’emploi de matières plastiques recyclées fait une percée visible et assumée dans
les nouveaux appareils électriques, électroniques et la bureautique. Depuis deux
ou trois ans, l’industrie manifeste concrètement son engagement dans cette voie.
Principalement pour des motivations environnementales et économiques.
E
n France, l’État a contribué en partie au déclenchement du mouvement
à travers son engagement dans
l’économie circulaire inscrite
dans la Loi de transition énergétique. Il y a deux ou trois ans,
rien ne pouvait prédire vraiment
ce changement de paradigme
[ndlr, à supposer qu’on puisse
le définir ainsi]. Dans les couloirs feutrés des ministères, on
s’est soudain enthousiasmé
pour une nouvelle économie
●●Les
plastiques
issus de DEEE sont
source de nouvelles
matières premières.
plus vertueuse où les déchets
des uns pouvaient devenir la
matière des autres. Faisant toutefois abstraction d’une donnée
incontournable : le prix. Or, pour
l’industrie du recyclage, cet avenir risquait d’être rapidement
compromis par la chute du prix
du pétrole, entraînant celle du
prix des résines vierges. Ce qui
rendait de fait certaines résines
régénérées moins compétitives.
Profitant de cet engouement
pour le recyclage et l’économie
circulaire dans l’Hexagone, les
professionnels de la collecte
et du traitement réagissent.
Sur l’initiative de plusieurs
acteurs, Federec, la Fédération de la plasturgie, l’association 2ACR et l’Ademe, une
étude présentée en 2015 jette
un pavé dans la mare. Celle-ci
transmet plusieurs messages :
le marché des plastiques recyclés est en danger, alors que
l’industrie française dispose
d’un savoir-faire et de technologies pointues pour favoriser
le recyclage des matières plastiques. La conjoncture n’aidant
pas, l’économie du recyclage
des plastiques risque de rater
son entrée dans la spirale vertueuse de l’économie circulaire.
Le sauvetage de la filière doit
désormais passer par une prime
d’incitation à l’emploi de plastique recyclé dans l’industrie.
Le message est entendu :
une étude, pilotée par 2ACR,
sur les mécanismes incitatifs
pour sécuriser le modèle économique des filières de recyclage en France a été lancée
fin 2015, et l’Ademe a initié le
projet Orplast en janvier 2016
assorti d’une aide globale de
10 millions d’euros. Objectif :
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Culture
d’entreprise
Schneider Electric est investi
depuis de nombreuses années
dans une politique de développement durable et consacre
notamment un budget R & D
dans des actions long terme. Il
favorise par exemple le développement de nouvelles matières
bio-sourcées ou l’emploi de PCABS issu du recyclage de DEEE.
Une directive interne spécifiant
les orientations du groupe en
termes de matériaux et dévelop-
Véolia
Seb
favoriser l’intégration des plastiques recyclés dans les produits manufacturés en France.
Aux termes d’une procédure
minutieuse de sélection, sur
les 140 dossiers pré-inscrits
début avril, 106 ont été retenus
au cours d’une première phase
d’examen. L’ensemble représente une enveloppe globale
de 30 millions d’euros, bien
supérieure au budget prévu.
D’ici au mois de juin, l’Ademe
procédera à un échéancier pour
financer rapidement une quarantaine de projets. Pour Roland
Marion, chef de service adjoint
Produits et efficacité matière à
l’Ademe, les résultats de ce premier appel sont encourageants
car ils intègrent des grands
groupes, mais également des
PME et TPE. Par ailleurs, tous
les thèmes du dispositif ont
été sollicités : aide à la R & D
et aux investissements, aide
à l’approvisionnement. Sur ce
dernier critère, qui regroupe
plus de 80 dossiers retenus,
le soutien accordé à hauteur
de 200 000 euros maximum
implique un engagement mutuel
sur le prix entre les recycleurs
et les utilisateurs industriels.
●●La
centrale vapeur
de SEB intègre
jusqu’à 20 %
de PP recyclé.
pement durable dans les cinq ans
à venir met l’accent sur l’emploi
des matières plastiques bio-sourcées et recyclées sur leurs principales résines (PVC, PA, PC, PP) :
« L’ambition de Schneider Electric
est de tendre à l’horizon 2020
vers une utilisation de 20 % de
matières recyclées dans nos nouvelles offres », commente Bertrand­
Hugoo, chargé du développement
de l’écoconception au sein du
groupe. D’envergure internationale, Schneider Electric travaille
ainsi avec ses principaux fournisseurs à la mise au point de
matières recyclées correspondant
à des cahiers des charges les
moins contraignants techniquement, dans un premier temps.
Des efforts ont déjà été faits sur
du PC partiellement recyclé à
25 % provenant de déchets postindustriels, pour la fabrication
des disjoncteurs et des blocs
autonomes d’éclairage de sécurité, ainsi que de la poudre micronisée 100 % recyclée issue de
chutes de fabrication de fenêtres
PVC pour des applications de
type goulottes.
Dans ce domaine, le groupe
SEB a franchi une étape supplémentaire en créant un
partenariat avec Veolia et
Eco-systèmes. Avec comme
résultat la commer­cia­li­sa­tion,
en juillet 2015, d’une centrale
à vapeur composée de 20 % de
PP recyclé. Les résines issues
du recyclage des PAM font l’objet
d’une traçabilité sur la qualité
et d’une constance en termes
d’approvisionnement. C’est une
condition sine qua non pour tout
fabricant prêt à s’engager sur
cette voie. Les recycleurs doivent
aussi, de leur côté, renforcer leur
contrôle, qualifier la matière et
répondre aux cahiers des charges
de leur client.
Comme le souligne Ingrid Tams,
responsablee chez SEB, c’est
l’aboutissement d’une réflexion
longuement murie en interne.
En 2013, le groupe a inscrit à
sa politique d’écoconception qui
comprenait déjà des critères
de recyclabilité, l’utilisation de
matières b
­ io-sourcées et issues
du recyclage. À l’époque, le
prix du pétrole ne s’est pas
encore effondré et c’est l’occasion pour SEB de lancer
son programme de R & D. « À
l’heure actuelle, la conjoncture
est moins favorable, mais le traitement et l’industrialisation de
ces nouveaux produits à base
de recyclé, devraient être transformés en gains économiques
sur le long terme. » Le groupe
SEB fait également partie des
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DR
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entreprises qui ont répondu
présent au dispositif Orplast,
« un plus qui nous aiderait à
améliorer mes caractéristiques
techniques des plastiques recyclés ». Après des essais réussis
sur plusieurs types de produits
(spatule, ventilateurs sur deux
marchés hors UE et sa centrale
vapeur Rowenta), SEB travaille
déjà sur d’autres lignes de produits susceptibles d’accueillir
des résines recyclées telles
que l’ABS et le PET.
●●Le
recyclage de
cartouches usagées
est réalisé depuis
dix ans au moins.
Mais c’est surtout dans le secteur de la bureautique que les
choses bougent le plus. HP n’a
pas attendu les incitations
publiques pour se lancer, dès
2004, dans la fabrication d’un
balai d’imprimante scanner
en plastique recyclé. Avec la
reprise des cartouches usagées, HP réalise un recyclage
en boucle fermée, à hauteur
de 20 % d’intégration. Depuis
2010, HP utilise du PET issu
lexmark
Qualité exigée
de bouteilles et du PP recyclé
issu de cintres pour fabriquer
ses cartouches jet d’encre :
« L’arrivée de plastique recyclé
ne peut se faire aux dépens de
notre cahier des charges. La
qualité est le maître mot, affirme
Catherine Martial, responsable
RSE Europe du Sud chez HP.
Dès que l’on s’engage dans ce
choix avec les investissements
et l’adaptation des moules que
cela engendre, nous devons avoir
des garanties sur le sourcing,
la quantité et la fiabilité de la
matière. Si ces trois conditions
sont réunies, cela peut fonctionner. » En 2015, HP a intégré 9 000 tonnes de plastique
recyclé dans ses produits. Et
30 % des cartouches HP sont
recyclées, prin­ci­pa­lement en
Allemagne chez son partenaire
PDR Recycling. Les nouvelles
cartouches peuvent intégrer
désormais 75 % de matière
recyclée. Des modèles d’écran
sortis il y a environ un an et
demi sont composés de 43 %
de plastiques post-consumer.
D’autres projets sont à l’étude
sur le PP et le PE. Canon a
fêté l’an dernier le 25 e anniversaire de son programme de
recyclage des cartouches toner
en boucle fermée. Certaines
de ses imprimantes intègrent
jusqu’à 25 % de plastiques biosourcés et permettent à Canon
d’utiliser environ 150 tonnes de
résines régénérées par an. Ses
calculatrices sont également
concernées. Cette démarche
s’accompagne d’une politique
globale qui repose sur l’écoconception, le recyclage, le
transport et la consommation
énergétique des usines et des
produits mis sur le marché. Elle
répond souvent à une demande
de la clientèle et aux certifications Iso 14000, qui exigent un
engagement soutenu.
Le fabricant américain Lexmark
a commencé à tâter le terrain
en 2009 avec sa première
imprimante laser contenant
4 % de plastique recyclé puis,
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Konica
en 2012, le groupe se lance
plus largement sur cette voie en
y associant tous ses produits
(imprimantes et cartouches)
et en misant en parallèle sur
la réutilisation. La montée en
puissance est constante. En
2014, 95 % des imprimantes
contiennent au moins 5 %
de recyclé, et aujourd’hui les
dernières imprimantes sorties
en début d’année contiennent
entre 34 et 53 % de plastique
recyclé. Pour les cartouches,
l’intégration de recyclé va de
pair avec le programme mondial
de collecte. En 2014, 50 % de
ces produits sont récupérés,
dont 65 % recyclés. Dans le
cadre de sa politique interne
zéro décharge, zéro incinération, Lexmark veut également
boucler la boucle et augmenter la part de recyclé dans ses
cartouches. En 2016, elles
contiennent entre 15 et 25 %
de plastique recyclé. L’objectif est d’atteindre 50 % d’ici à
2018. Pour garantir son approvisionnement et la traçabilité de
la matière, le groupe mène une
politique de relocalisation de
sa fabrication en Europe depuis
2014, avec notamment une
usine en Pologne, près d’un
centre de collecte et de tri de
●●Konica
est parvenu
à intégrer du Pehd
issu de bouteilles
de lait.
cartouches. En 2016, 40 % de
ses cartouches provenaient
de l’UE. Face à une clientèle
européenne attentive à son
empreinte environnementale,
Lexmark se fixe un objectif de
80 % d’approvisionnement en
Europe d’ici à 2018.
Être plus près des gisements
de matière recyclée, c’est aussi
l’intérêt de Konica France, qui a
choisi d’incorporer du Pehd issu
des bouteilles de lait pour faire
ses bidons de toner (RR n° 8,
2016). Son usine de remplissage de toner à Eloyes, dans les
Vosges, sera destinée également
à la fabrication de ces bidons,
grâce à l’investissement d’un
million d’euros dans une installation de production. La part
de recyclé passera rapidement
de 25 à 100 % et la capacité
devrait, à court terme, atteindre
200 000 unités par mois. Les
bidons seront commercialisés
sur le marché européen.
La filière DEEE
Les éco-organismes de la filière
DEEE en France jouent un rôle
non négligeable, puisqu’à travers eux les fabricants et les
metteurs en marché peuvent
réduire leur contribution en intégrant plus ou moins de plastique recyclé. En effet, l’an
dernier, l’emploi de plastique
recyclé post-consommation à
hauteur de 10 % est apparu
pour la première fois dans le
tableau des critères permettant de moduler la contribution
des producteurs de 20 %. Ces
critères et les amplitudes de
modulation ont été établis par
le ministère de l’Environnement,
sur proposition des fédérations
professionnelles avec le soutien des éco-organismes. Sont
concernés officiellement par
le critère sur l’emploi de plastique recyclé : les lave-linge, les
lave-vaisselle, les ordinateurs
et les téléviseurs. Un premier
bilan sera dressé en 2017, pour
réajuster si besoin les critères
et veiller à l’équilibre financier
de la filière REP.
Les éco-organismes mettent également en œuvre leurs propres
outils pour inciter les producteurs.
Avec son dispositif R
­ eeecyc’ Lab
lancé en mars 2016, Eco-systèmes fournit aux fabricants
plusieurs indicateurs vertueux
sur le plan environnemental
et économique, tels que l’emploi de matière recyclée. Ces
données sont relayées plus en
amont par le Gifam* qui participe activement à la commission
consultative des agréments de
la filière DEEE. Acteur des discussions sur la transposition de
la directive DEEE et partie prenante des écomodulations, le
Gifam est aussi le porte-parole
des travaux menés par 2ACR
et Eco-systèmes au niveau des
fabricants en France. Il suit par
ailleurs, à l’échelle européenne,
les actions menées par le Ceced
(European ­Committee of Domestic Equipment Manufacturers).
Depuis deux ans, un groupe de
travail réunissant les recycleurs
et Digital Europe (représentant
des fabricants du brun) se penche
sur l’emploi de plastique recyclé à l’échelle européenne.
Objectif : trouver des synergies
et faire en sorte que les solutions techniques des premiers
correspondent aux cahiers des
charges exigeants des seconds. n
Catherine Moncel
* Groupement interprofessionnel
des fabricants d’appareils ménagers.
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