Texte de Perrine Maurin, contribution du 20 janvier 2015
Je parle ici depuis ma position de metteur en scène, dirigeant une cie en Lorraine
depuis 10 ans : Les œuvres artistiques que nous crééons naissent dans un
contexte particulier, que peu de gens connaissent s’ils ne sont est pas « du
milieu ». Ce « milieu » du spectacle vivant en Lorraine je l’observe depuis 10 ans.
Or les conditions d’exercice de nos métiers dans ce milieu se sont
énormément durcies depuis 10 ans et ce au fur et à mesure de la baisse des
crédits pour la création artistique, baisse des crédits issues des collectivités
(conseil régional, général, villes), issues du ministère, issus des lieux qui baissent
leur marge artistique car eux-mêmes subissent cette baisse générale… Et c’est
particulièrement à vous, personnels politiques et administratifs des institutions
qui nous soutiennent, membres ou au service du « service public de la culture »
que je voudrais m’adresser ce soir.
Ce durcissement des conditions d’exercice de nos métiers a plusieurs
explications conjointes :
- La première, que je ne développerai pas ici car cela demanderait trop de temps,
concerne notre régime d’indemnisation spécifique de chômage, la fameuse
« intermittence ». Le durcissement des conditions d’accès aux régimes
d’indemnisation chômage, fait que nous avons un temps pour la création
artistique qui se réduit comme peau de chagrin. Nous sommes dans un
régime tellement contraint, que nous devons enchainer les contrats – sous une
forme ou une autre - pour arriver à survivre financièrement. Le temps nous est
compté. Or nous oeuvrons dans des domaines artistiques, ou il n’est pas
possible d’être sous cette pression temporelle. La pensée, la recherche, la
tentative, l’erreur, le succès, la répétition, l’apprentissage de textes, la découverte
de nouveaux auteurs, acteurs, metteurs en scène… etc tout cela demande du
temps. C’est un long chemin que de penser et de créer. On ne fait pas ça
comme une recette de cuisine. Ce temps auparavant - avant 2003 - nous était
« alloué » pour une activité véritablement complexe, longue, demandant de
multiples compétences (dont celle de savoir se vendre, de savoir défendre un
projet, de savoir faire des fiches de payes, de savoir faire des budgets, de savoir
communiquer, de savoir faire de la médiation, de savoir transmettre son savoir
et ses compétences, de se former, d’écouter des disques, de lire des livres, de voir
des films, de voir des spectacles) mais aujourd’hui ce temps nous est compté.
Tout cet apprentissage on pouvait, tant bien que mal, avant 2003, trouver « un
peu », pas trop, de temps pour tout cela. Mais avec le nouveau système, ce n’est
plus possible. C’est étouffant.
La deuxième chose qui est intervenue en 10/15 ans et qui explique cette « course
en avant » c’est que la baisse des budgets a généré une crispation du milieu
professionnel, milieu déjà tendu pour des raisons que je ne développerai pas
non plus faute de temps (
la tendance structurelle du « système » de produire plus d’œuvres
que les structures ne peuvent en proposer au public)
. Cette crispation se traduit par une
diminution (parlons d’une quasi-disparition) des productions : par
production j’entends le fait qu’un opérateur (salle, ville, festival) produise une
création à elle toute seule, sans autres coproductions. La nécessaire