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LaProvence.com
12 mars 2015
Pas tous égaux face à l'AVC
Marseille et la région Paca restent sous-équipées en centres spécialisés dans le traitement des
accidents vasculaires cérébraux
Le « stroke center » de la Timone (ici l’IRM) très performant, ne suffit pas à couvrir tous les besoins de la population.
Photo Nicolas Vallauri
AVC : agir vite c'est vital", dit le slogan de la campagne du ministère de la santé pour la prise en charge
des accidents vasculaires cérébraux.
L'AVC, cet arrêt brutal de la circulation sanguine, entraîne la mort des cellules cérébrales dans la zone
touchée. On estime qu'à chaque minute qui passe, ce sont 2 millions de neurones qui disparaissent...
C'est pourquoi, plus la prise en charge se fait tôt, plus les séquelles -hémiplégie, troubles moteurs,
aphasie- sont réduites, voire évitées.
Agir vite, d'après les protocoles actuels, c'est réaliser en moins de 4 heures 30 le transport du patient, le
diagnostic par IRM et/ou scanner, la thrombolyse (dissolution du caillot) quand cela est possible, et la
prise en charge neuro-vasculaire. Et c'est ce que fait à Marseille l'unité neuro-vasculaire (UNV) de la
Timone. Comme tous les "strokes centers", cette équipe conduite par le Pr Jean Pelletier fonctionne
24h/24. Avec 674 patients admis en 2014 éligibles à la thrombolyse, c'est l'un des plus gros centres en
France dédiés à l'AVC.
Mais cela suffit-il à offrir les meilleures chances à l'ensemble de la population? Non, a tranché la société
française de neuro-vasculaire (SFNV), qui a réalisé en 2014 un audit sur la question. "Le centre de la
Timone est très performant, mais il a besoin d'être épaulé par une autre structure", résume le Pr
François Chollet, président de la SFNV, qui rappelle qu'en cas d'AVC, "le seul fait d'être pris en charge
par une UNV réduit de 20 % la mortalité et les séquelles".
Autant dire que le décalage est grand entre les habitants de l'Ile-de-France, qui bénéficient de 19 UNV
dont 6 à Paris, et ceux de la région Paca équipée de seulement 5 UNV disposant de l'ensemble des
plateaux techniques, situées à Marseille, à Nice, à Toulon, Avignon et Aix... Rapporté à la population, le
ratio est de 1 à 2.
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C'était déjà la conclusion des experts consultés par l'Agence régionale d'hospitalisation (ARS) Paca en
2003, qui avait préconisé un minimum de trois strokes centers pour la seule ville de Marseille. En 2007,
le rapport parlementaire Barbier, s'alarmait lui aussi de ces grandes disparités gionales... Aujourd'hui,
alors que deux projets ont été déposés à Marseille (lire ci-dessous), on ignore tout des intentions des
autorités de tutelles. Quand et sur quels critères l'Agence régionale d'hospitalisation Paca prendra-t-elle
enfin une décision ? Malgré nos incessantes relances, impossible d'obtenir la moindre réponse à ce qui
est pourtant une question majeure de santé publique.
1. Les UNV dites "de territoires", comme celles d'Avignon ou d'Aix ne proposent pas toutes les activités
requises.
L'hôpital public veut s'organiser au nord de Marseille, le secteur privé au sud
Le groupe Générale de Santé, qui possède la clinique Clairval du Redon a créé la surprise. D'abord
parce qu'il n'est pas fréquent que le secteur privé s'investisse dans un domaine aussi lourd que la prise
en charge des AVC. Ensuite parce que le projet présenté à l'ARS est porté par le Pr François Nicoli, ce
spécialiste mondialement reconnu de l'AVC, transfuge de l'AP-HM dont il avait démissionné à grand
fracas en 2011, reprochant au CHU le manque de moyens alloués à l'unité neurovasculaire qu'il dirigeait
à l'époque...
Des moyens, humains et financiers, que serait donc capable de fournir la Générale de santé, avec ce
projet d'UNV pour lequel le groupe se dit prêt à investir lourdement (entre 2,5 et 3 M€).
L'autre point fort du dossier serait l'utilisation systématique des toutes dernières techniques de
traitement des AVC ischémiques, par "débouchage" mécanique du caillot (thrombectomie par stent). Un
geste qui, d'après de toutes récentes études internationales, s'avère remarquablement efficace (moins
de décès, moins de séquelles) en particulier pour les AVC les plus graves ; et qui élargit jusqu'à 6
heures le délai de prise en charge dans des centres experts.
La Générale de Santé a déposé son projet il y a presque un an, elle attend toujours une autorisation.
"Les besoins sont au Nord"
C'est que depuis deux mois, l'ARS a... l'embarras du choix. Un projet concurrent, porté par l'AP-HM
envisage le problème tout autrement. "Nous proposons de créer une UNV à l'hôpital Nord, car c'est au
nord du département que sont les besoins. La santé publique l'impose, c'est une évidence absolue",
martèle Jean-Jacques Romatet, le directeur général de l'AP-HM. Mais le CHU est-il en mesure de
fournir les équipes de neurologues ? "Nous sommes en cours de formation et de recrutements externes.
La possibilitéd'associer des équipes de l'hôpital militaire Lavéran est également envisagée", assure le
directeur général. Quant à la technique de thrombectomie, elle est déjà utilisée à la Timone (225
patients en ont bénéficié en 2014). "Le CHU est bien sûr capable d'utiliser les techniques les plus
sophistiquées, mais que n'est que la partie visible de l'iceberg. L'essentiel est d'avoir une organisation
qui permette une prise en charge rapide, de tous les malades", insiste Jean-Jacques Romatet.
Pourquoi ne pas envisager alors une collaboration public-privé, comme cela existe ailleurs, au bénéfice
de la santé publique? Selon nos informations, la Générale de Santé est demandeur. "Si Clairval veut
déménager dans les quartiers nord, on peut en discuter...", répond Jean-Jacques Romatet.
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En France, il s'en produit un tous les quatre minutes
Une personne sur 6 fera un AVC au cours de sa vie. Les accidents vasculaires cérébraux font chaque
année, 140 000 victimes et plus de 60 000 décès. Il s'en produit 1 toutes les 4 minutes en France.
Laissant fréquemment de lourdes séquelles. Ces "attaques", comme on les désignait jadis, figurent au
premier rang des causes de handicap acquis chez l'adulte avec 500 000 personnes qui souffrent au
quotidien d'hémiplégies, de troubles moteurs, d'aphasie. Si le risque d'AVC augmente avec l'âge, 25%
concernent les moins de 65 ans. Il peut également survenir chez l'enfant. D'un point de vue économique,
on estime que l'AVC coûte chaque année 4,5 milliards d'euros à la collectivité, pour les seules dépenses
d'hospitalisation des patients.
Un patient sur 2 n'a pas accès à un centre
En Paca, chaque année, plus de 10 000 hospitalisations font suite à ces accidents, qui ont provoqué 1
425 décès en 2012. Dans notre région, plus de 27 000 personnes souffrant de séquelles bénéficient
d'une prise en charge par l'assurance-maladie à 100% pour AVC invalidant.
Il existe en France 134 unités neuro-vasculaires spécialisées dans la prise en charge (contre seulement
87 en 2009). Ces centres sont dotés d'un appareil d'IRM et d'une équipe expérimentée (neurologues,
infirmières, kinésithérapeute, ergothérapeute, orthophoniste...) apte à réaliser un diagnostic et une prise
en charge rapide et efficace. Les UNV sont en mesure d'administrer la thrombolyse, un médicament qui
dissout les caillots sanguins dans les 4 h 30 suivant les premiers symptômes. Autre atout des UNV :
l'équipe pluridisciplinaire peut commencer très tôt la rééducation et minorer le handicap. Le problème est
qu'actuellement, moins d'une victime d'AVC sur 2 (46 %) y a accès (données du Forum cardio-coeur-
diabète qui s'est réuni à Paris en février 2015)...
Sophie Manelli
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