La personne polyhandicapée digne de soins en fin de vie aussi. Isabelle Hodgkinson Association Pourtant la Vie Accompagnement et soins palliatifs Polyhandicap C’est un texte de loi qui nous donne la définition du polyhandicap « Handicap grave à expressions multiples associant une déficience motrice et une déficience mentale sévère ou profonde, entraînant une restriction extrême de l’autonomie et des possibilités de perception, d’expression et de relation. Ce polyhandicap éventuellement aggravé d’autres déficiences ou troubles nécessite le recours à des techniques spécialisées pour le suivi médical, l’apprentissage des moyens de relation et de communication, le développement des capacités d’éveil sensori-moteur et intellectuelles concourant à l’exercice d’une autonomie optimale. » Les personnes polyhandicapées, n’en déplaisent à certains, sont des personnes humaines, vivantes, dignes d’intérêt et de soins. Elles ont un nom et un prénom. Elles ne bougent que très peu, ne parlent pas et sont dépendantes d’une autre personne pour tout : être nourri, lavé, habillé, installé assis, déplacé… Elles peuvent « être » mais « faire » est plus difficile, voire impossible. La communication existe mais avec un code spécifique à chacune. Soins palliatifs/rééducation fonctionnelle. L’univers des soins palliatifs et de la rééducation fonctionnelle sont très proches : • Le travail sur l’homme comme finalité La dépendance totale oblige à accepter les interventions multiples sur le corps. Le soignant pouvant constamment transgresser la sphère privée du patient. D’où des règles de conduites pour exprimer le respect et la considération de la personne (dire bonjour, parler au patient..) • Le travail de confort, L’objectif principal de la prise en charge est d’améliorer la qualité de vie et le bien être du patient au quotidien pour accéder à des activités autres personnelles ou sociales. En particulier lutte contre la douleur, échelle DESS • Le nursing n’impliquant qu’une connaissance technique limitée. • L’exigence de coopération avec un travail d’équipe et une pluridisciplinarité indispensable entraînant une modification des frontières entre professionnels et un assouplissement des relations hiérarchiques • Un rapport au temps particulier, avec un respect de la lenteur • L’interaction continuelle avec la famille L’univers des soins palliatifs et de la rééducation fonctionnelle sont très éloignés : La rééducation fonctionnelle n’envisage pas la mort du patient polyhandicapé. Elle n’envisage pas de fin à son suivi. On est complètement dans un processus de vie, sociale, familiale, personnelle et dans un processus d’amélioration lente mais certaine. Le jeune va mettre 10 ans à tenir un jouet dans la main, va dire maman un jour peut être. ..L’espérance de vie est de plus en plus longue, avec un corps qui grandit, grossit, se transforme, devient pubère, puis un vieillissement apparaît, des cheveux blancs parfois. La mort n’est pas envisagée. Et le monde de la rééducation n’a aucun savoir faire dans ce domaine. La personne vit en milieu familiale ou en externat ou internat de semaine. L’accompagnement de la famille se fait plus dans l’acceptation du handicap, l’adaptation de la vie de la famille en fonction du plus fragile, les projets de vacances, de séparation, de changement de vie, de déménagement… etc. Comment meurt une personne polyhandicapée aujourd’hui ? Exemple d’une fin de vie d’un adulte dans un service de pathologie digestive suite à des complications de gastrostomie Exemple de fin de vie par négligence volontaire d’un médecin Exemple de fin de vie accompagnée par un pédiatre. Paradoxe Une personne qui ne bouge pas, ne parle pas, souvent assez maigre peut évoquer quelqu’un qui est proche de sa fin. Il est dans un lit, dépendant pour tout, ne participe que très peu, la mort est proche. En fait la personne polyhandicapée est bien vivante. L’espérance de vie recule régulièrement, le corps se transforme au fil du temps, croissance, puberté, vieillissement…Ils ont une vie, si différente soit-elle des normes données par la société, avec des personnes qui les aiment, qui les entourent, qui prennent soin d’eux, qui les occupent, les emmènent en voyage…Ils ont une place dans une famille, une société. Ils sont vivants. Et vivent dans un milieu protégé qui les reconnaît comme humain et digne d’intérêt et de soins et qui sait prendre en compte la lenteur, les difficultés de communication, la différence. Quand arrive la maladie ils vont être confrontés à un monde qui ne les connaît pas et qui implicitement ou non va se poser les questions habituelles : humains ? Vivants ? Intérêt ? Aux urgences La question de la mort est très présente : il ne bouge pas et ne parle pas : n’est-il pas en train de mourir ? Et s’il est en train de mourir, la priorité n’est elle pas à la jeune femme qui vient de se casser une jambe ? Et ne faut il pas le laisser à sa mort ? Le problème est que l’on peut attendre longtemps que la mort arrive car le patient est malade comme n’importe quel malade et sa maladie est somme toute guérissable si on prend soin de lui. Si on l’abandonne, la mort effectivement viendra répondre. Dans les services de pathologies ordinaires la question qui est posée est « cette vie vaut-elle le coup d’être vécue ? » Et là aussi il y a abandon de soin ou négligence. Cancer du sein trois fois plus élevé chez la femme handicapée du fait d’un défaut de dépistage. Ceci explique que la mort survient dans des conditions dramatiques : les soignants le regardaient comme en fin de vie déjà alors que la famille le regardait comme un simple malade et attendait la guérison. Quand il s’agit d’une maladie grave et d’une réelle fin de vie le corps médical est démuni. Le monde de la rééducation n’est pas prêt à affronter la fin de vie. Le monde de la médecine somatique a du mal à considérer l’intérêt d’un accompagnement puisque le patient est « mourant » depuis longtemps. Les soins palliatifs sont particulièrement adaptés pour accompagner une personne polyhandicapée et sa famille à la fin de sa vie. Résumé court ; Les personnes polyhandicapées sont des personnes humaines, vivantes, dignes d’intérêt et de soins. Elles présentent une restriction extrême de l’autonomie, peuvent « être » mais peuvent difficilement « faire ». L’univers des soins palliatifs et de la rééducation fonctionnelles sont très proches considérant l’homme comme une finalité, oeuvrant pour le confort du patient, exigent un travail d’équipe, une interaction continuelle avec la famille dans un rapport particulier au temps. Cependant, en rééducation on n’envisage pas la mort du patient, on lutte pour une intégration sociale, dans un processus d’amélioration lente mais certaine, l’accompagnement de la famille se fait vers l’acceptation de la différence pour une longue existence. La personne polyhandicapée meurt aujourd’hui dans des conditions le plus souvent aberrantes. Elle est dans une situation de dépendance permanente. Quand un phénomène aigu se déclare elle ne change pas de statut, comme changerait quelqu’un qui, de bonne santé devient malade, devient dépendant. Comme si cette personne était déjà mourante depuis longtemps. Et ainsi en cas de problème aigus, les soins ne sont pas donnés (« il va bientôt mourir, ce n’est pas la peine »), en cas de problème chronique, il n’est pas accompagné en fin de vie (« il a toujours été en fin de vie »). Or l’équipe de rééducation de sait pas faire face à la mort malgré les points communs qui lie cette spécialité aux soins palliatifs. La personne polyhandicapée est une personne humaine vivante, digne d’intérêt et de soins et devrait pouvoir bénéficier du même accompagnement que les autres.