LA REVOLUTION INDUSTRIELLE INTRODUCTION La « Grande Divergence » (Gregory CLARK) ◦ avant: une stagnation pluri-séculaire, avec des phases de variations limitées ◦ un moment: le décollage ◦ après: entrée dans l'ère de la croissance moderne une période charnière – la première division temporelle Deuxième divergence: géographique – mise en place de la différenciation Nord – Sud (auparavant, des logiques de survie semblables partout) La levée du « verrou malthusien » ◦ hausse de la richesse amène une hausse de la natalité ◦ une sorte de niveau d'équilibre: le revenu de subsistance limite la croissance démographique (insuffisance des ressources – limitation et retour a l'équilibre) ◦ Malthus: « le grand banquet de la nature » Production par tête: ◦ périodes de relation de type hausse de la population – baisse de la production ◦ entre 1650 et 1790 – la courbe acquiert de la verticalité – stabilisation ◦ 1790 – retournement du phénomène: hausse de la population amène hausse de la production Un nouveau monde économique et social ◦ l'usine s'intègre a la ville, symbolique du paysage urbain ◦ changement d'énergie motrice ◦ une civilisation nouvelle (industrielle, urbaine) ◦ les interrogations: ▪ quelles racines? quels antécédents? La Révolution Industrielle constitue-t-elle réellement une rupture ? ▪ Le rôle des facteurs de production dans la Révolution Industrielle. ▪ La Révolution Industrielle comme mutation du système productif et institutionnel. ▪ La dynamique de l’évolution dans le cours du 19ème siècle. La première Révolution industrielle: jusqu'en 1850 (1851 Exposition universelle de Londres) 1. LA REVOLUTION INDUSTRIELLE MARQUE-T-ELLE UNE RUPTURE ? 1.1. Rostow et le « take off » Walt Whitman ROSTOW, 1958, Les étapes de la croissance économique une lecture alternative a la conception marxiste: une analyse des différences de développement dans le monde ◦ analyse marxiste: rapports de force, héritage du colonialisme, un sousdéveloppement obligé et coordonné par les pays développés (analyse de Marx exploitation (Marx: « je ne suis pas marxiste ») ≠ analyse marxiste – exploitation entre les pays) ◦ analyse rostowienne: un problème de retard, non de blocage/domination 1.1.1. Identification de cinq étapes de développement que l’ensemble des pays doit suivre La société ou l'économie traditionnelle ◦ société basée sur l’agriculture, manque de moyens de transports, commerce peut être important (ports surtout), peu d’investissement, production faible, les mentalités ne sont pas tournées vers le progrès, reproduction des traditions Conditions préalables au démarrage ◦ nouvelles techniques découvertes, accès aux marchés extérieurs, ouverture du pays, apparition des entrepreneurs, volonté d’investir (qui implique une conception d'un futur différent), création d’un État national centralisé Démarrage ou take off, décollage ◦ courte période, l’économie fait un bond lui permettant de quitter le stade agraire, augmentation de l’investissement, augmentation de la croissance, secteurs moteurs à forte croissance, cadre politique et institutionnel favorable, un changement de nature fondamentale et irréversible ◦ « La croissance devient la fonction normale de l’économie. » Marche vers la maturité ◦ longue période, généralisation de nouvelles techniques, modification des structures productives, investissement atteint au moins 10 % du revenu national, spécialisation des pays, de nouvelles valeurs se répandent (travail salarié), le pays est marqué par des réformes sociales en cours et non pas par un simple enrichissement Ère de la consommation de masse ◦ production de biens de consommation durables et de services domine, le revenu réel par habitant s’élève, loi d’Engel (baisse relative des aliments au profit des autres dépenses, particulièrement celles consacrées aux services) ; nouvelles institutions, démocratie politique, stabilité sociale 1.1.2. Les caractéristiques du take off cause essentiellement technologique : nécessité d’accumulation de capital, de progrès technique une administration publique qui considère « la modernisation de l’économie comme une affaire politique sérieuse de la plus haute importance » Doublement du taux d’investissement (de 5 à 10 % du revenu) Nécessité absolue de progrès dans l’agriculture: plus d'ouvriers, moins d'agriculteurs – nécessité des progrès de productivité 1.1.3. Les critiques du modèle de Rostow Sur le modèle en général : ◦ Conception évolutionniste qui propose une voie unique de croissance (sous développement n’est qu’un retard de croissance): un processus presque “biologique” ◦ Processus décrit correspond à celui des économies occidentales érigées en modèle Sur la conception du take off : ◦ Discussion sur l’identification des take off proposés par Rostow (à la fois sur la date et sur l’existence même d’un take off) (cas notamment des États-Unis et de l'Allemagne) ◦ Remise en cause de la brutalité du décollage dans la réalité historique ◦ Interrogation sur les chiffres d’investissement proposés par Rostow (débat historique reste ouvert sur ce point) 1.1.4. L’évolution des estimations des taux de croissance anglais à la fin du 18ème siècle N. B. : estimation Deane et Cole en 1962 , Crafts en 1995 1.2. Le processus de protoindustrialisation 1.2.1. Analyse fondatrice : F. Mendels à propos des Flandres (1969) Définition des éléments caractéristiques d’une situation de protoindustrialisation ◦ développement d’une agriculture de commercialisation régulière ◦ développement d’une industrie dont les marchés se diffusent en dehors de la région ◦ articulation entre négociants urbains, agriculteurs artisans ruraux (modèle de base de la production est le domestic system ou putting out system) et artisanat urbain Passage de la protoindustrialisation à l'industrialisation ◦ comportements économiques nouveaux avec recherche de gains monétaires (la place de la monnaie comme résultante de l'activité et comme nécessité face a la spécialisation ) ◦ terreau favorable pour l’industrialisation (activité artisanale est d’abord un complément de l’activité agricole puis prend de plus en plus d’importance) ◦ action des marchands qui regroupent progressivement les producteurs pour réduire les coûts (lutte contre les rendements décroissants ) et basculent vers une logique industrielle ( factory system) ◦ indicateur: taux de fécondité (enfant = un travailleur potentiel ) ◦ Mais la protoindustrialisation ne débouche pas systématiquement sur l’industrialisation (ex.: la Bretagne, le Languedoc) Bilan critique de la notion de protoindustrialisation ◦ Apports : ▪ Accent sur la dimension régionale de la Révolution Industrielle ▪ Importance de l’articulation ville – campagne ▪ Proposition d’une logique d’émergence progressive de la logique industrielle Interrogations et limites : ◦ Question de l’origine de la protoindustrialisation ◦ Question de l’explication des trajectoires divergentes ◦ Sous estimation du rôle de la production urbaine au démarrage du processus 1.3. Quelle portée pour la révolution des techniques ? 1.3.1. La machine à vapeur L'innovation clé de la Révolution industrielle, un démultiplicateur de l'énergie (avant, des énergie limitées quantitativement, qualitativement, géographiquement) Premier prototype (travaux de Denis Papin) remonte à la fin du 17ème siècle Étape suivante est celle de la Machine de Newcomen (1712) ◦ pour le pompage dans les mines – une activité spécifique La machine de James Watt (1765 – 1774) ◦ Perfectionnement d'une machine de Newcomen (lors d'une réparation d'un horloge hydraulique – système a double effet) ◦ un technicien de laboratoire a l'Université d'Édimbourg ◦ Étape essentielle est l’association de Watt avec Matthew Boulton, industriel qui lui permet de produire les machines à vapeur ◦ Réussite passe par une technique commerciale originale : Watt et Boulton proposent le remplacement des machines de Newcomen par leur machine et se rémunèrent sur les économies de charbon réalisées ◦ La propagation de la machine a vapeur de Watt est d'abord lente, mais après égalise les autres sources d'énergie (qui continuent de progresser pendant un certain temps), pour les dépasser ensuite. 1.3.2.L'innovation dans le textile La navette volante par John Kay (1733) ◦ La navette volante crée une forte demande de fil alors que l’activité du filage reste très largement artisanale – une forte pression sur les innovations suivantes Les innovations dans la filature ◦ Spinning Jenny – Hargreaves – 1764 ▪ Permet de filer plusieurs dizaines de fils simultanément ◦ Water Frame - Arkwright – 1769 ▪ Utilisation de l’énergie hydraulique et distribution de l'énergie dans l'usine ◦ Spinning mule (ou mule jenny) – Crompton –1779 ▪ Utilisation de la vapeur qui permet d’obtenir un fil à la fois plus fin et plus robuste, articulation des innovations ◦ Filature devient plus productive et efficace que le tissage L’impact sur le tissage ◦ nécessité économique de gagner en efficacité ◦ un changement de nature, remise en cause progressive de la protoindustrialisation ◦ développement de l'usine et du salariat ◦ Power loom – tissage mécanique : Cartwright -1785 ◦ Métier Jacquard - 1801 L’industrie textile ◦ le point tournant entre les années 1850 – 1860 : plus que doublement de la production, temps de tissage divisé par 25 1.3.3.Les transports Des progrès a technique constante: amélioration des routes, organisation: relais de poste L’apparition du chemin de fer ◦ 1804 machine de Threvithick ◦ 1814 « The Rocket » - Stephenson ◦ 1830 « North Star » Les réseaux de chemin de fer ◦ Un gain en densité incroyable (ex. États-Unis) Un débat : chemins de fer et révolution industrielle ◦ Thèse 1 : le chemin de fer un secteur moteur (D. Landes) ▪ Fort taux de croissance ▪ Poids important dans l’économie ▪ Innovations se diffusent et obligent les autres secteurs à s’adapter ▪ Un impact direct sur l’activité économique forte demande de la part du secteur (investissements, achats) ( ex.: 50% des investissements anglais dans le chemin de fer entre 1840 et 1850) pression sur l’innovation (résistance et légèreté de la machine à vapeur mobile (qualité du métal), unification du temps dans le territoire national, signalisation (sécurité sur une ligne unique), éclairage des gares) forte baisse des coûts de transport (modification des conditions d'échange, spécialisation) développement de l'emploi dans les entreprises ferroviaires ▪ De nouvelles formes d’organisation économique lien entre secteur privé et secteur public pour la construction du réseau ◦ éviter des « projets parallèles et parasites » dans les zones attractives ◦ ex.: France: Étoile Le Grand: système de concession a partir de Paris ◦ le chemin de fer politique : ex.: Transsibérien, BBB) recours presque systématique au financement externe ◦ en particulier émission d’actions: ex.: Compagnie des chemins de fer du Nord 1859 (sous l'Empire de Napoléon III) ◦ ex.: États-Unis: les transcontinentaux: système de concession des territoires a coté de la voie ferrée – prise de valeur – revente – financement) organisation nouvelle de l’entreprise ◦ division par fonctions (activités techniques, commerciales, de gestion des RH, rôle de la hiérarchie, …) Thèse 2 : la cliométrie et la relativisation du rôle du chemin de fer ( R. Fogel) ◦ Années 60 aux États-Unis, Robert Fogel - un prix Nobel, application des techniques d'économétrie sur l'histoire. ◦ Analyse contre-factuelle : que se serait-il passé si les chemins de fer n’avaient pas existé au 19ème siècle aux États-Unis ? ◦ Réponse : le PIB américain en 1890 n’aurait été réduit que de 3 % par rapport à son niveau effectif ; les américains auraient investis dans d’autres moyens de transport (canaux) ce qui aurait entraîné une baisse de leur coût et donc réduit l’impact négatif de l’absence de chemins de fer ◦ Critique : ▪ Fogel ne prend en compte que les effets directs du chemin de fer sur l’économie (baisse des coûts de transport) ▪ Il n’intègre pas l’ensemble des effets d’entraînement de l’industrie nouvelle sur l’activité économique Accord assez général sur le rôle essentiel tenu par les chemins de fer dans la dynamique de la RI 1.3.4. Éléments de synthèse sur l’innovation dans la Révolution Industrielle Innovations peu liées à la science mais plutôt le résultat d’un « bricolage » la plupart des innovateurs était illettrée et n'était pas des scientifiques, ils appliquaient des procédés d'amélioration Innovations apparaissent fréquemment comme la réponse à un déséquilibre Importance des micro-innovations (innovations incrémentales) qui s'enchaînent Diffusion de l'innovation n'est pas automatique ◦ Contraintes économiques (investissements, baisses alternatives des coûts ) ◦ Existence de résistances (ex.: mouvement luddiste contre les baisses des salaires) ◦ Limites géographiques: la taille du marché et son enclavement – désintérêt pour les innovations: ex.: les tuiles, les briques) 1.4. Qu'est-ce qu'une révolution industrielle ? 1.4.1. L’émergence d’un nouveau système technique ( Bertrand Gilles) Système technique : ensemble des cohérences qui se tissent à une époque donnée entre les différentes technologies et qui constituent un stade plus ou moins durable de l’évolution des techniques ◦ acier: passage de la forge classique (petite quantité, minerai de qualité) à l'industrialisation: Darby (Ang.): élimination du carbone ◦ un système interconnecté: résistance, efficacité, possibilité 1.4.2. L’affirmation d’une « General Purpose Technology » (GPT) Définition simple : innovation produisant ses effets sur un grand nombre de secteurs Eléments complémentaires : ◦ GPT connaît un processus d’amélioration autonome ( « improvement » : articulation innovations majeures et innovations incrémentales) ◦ GPT favorise l’apparition d’autres innovations (« innovation spawning ») La succession historique des GPT: ◦ machine à vapeur ◦ moteur a électricité/explosion ◦ chip 1.4.3. Un processus économique et social complexe Voir article de François Caron dans le dossier de documents 1.4.4. Une question de conclusion: faut-il parler ici en singulier ou en pluriel? la Révolution Industrielle: une période particulière de basculement des révolutions industrielles dans un enchainement 2. LA DYNAMIQUE DES FACTEURS DE PRODUCTION DANS LA REVOLUTION INDUSTRIELLE 2.1. Agriculture et Révolution Industrielle 2.1.1. La Révolution Agricole et ses trois dimensions Progrès technique limité ◦ Peu de progrès techniques significatifs lors de la Révolution agricole (perfectionnement de techniques médiévales voir antiques) ◦ Progrès les plus significatifs : soc de charrue en fer, égreneuse à coton ( Whitney – 1795 – États Unis) ◦ les machines agricoles n'arriveront qu'à la fin du XIXe siècle Modification des modes d’assolement ◦ une révolution agronomique: passage de l'assolement (rotation des cultures) triennal ou biennal à des nouvelles cultures fourragères (alimentation du bétail) et la disparition lente de la jachère ◦ A. YOUNG: une étude comparative entre la France et l'Angleterre Développement de « l’individualisme agraire » ◦ Marc BLOCH, années 1930 ◦ limitation de l'organisation collective et de l'importance des communaux par les « enclosures », la propriété privée apportant l'intérêt de l'exploitant qui récupère le bénéfice total ◦ Une lecture libérale : importance du respect des droits de propriété ( « Lorsque les fruits sont à tous et que la terre n'est à personne, la terre ne produit que des bruyères et des forêts. » Jean Baptiste Say) ◦ Cf. Tragedy of the Commons - Gareth Harding – Science 1968 Révolution agricole est un phénomène pluriel et pluri-séculaire ◦ A. Young - The farmer's Tour to the north east of England (1769) 2.1.2. L’agriculture, facteur déterminant de la Révolution Industrielle ? Document de référence: « Agriculture et Révolution Industrielle, quelques réflexions » - F. Crouzet – 1967 ◦ Question: La Révolution agricole est elle une condition nécessaire et suffisante a la Révolution industrielle? ◦ Réponse: Nécessaire oui, suffisante sans doute pas. La révolution agricole est une précondition de la Révolution Industrielle ◦ Argument 1 : l'antériorité chronologique de la Révolution agricole ◦ Argument 2 : la RA permet le déclenchement de la révolution démographique ▪ Révolution agricole permet la sortie de la "trappe malthusienne" ◦ Argument 3 : l’augmentation relative de la population industrielle suppose nécessairement des progrès de la productivité agricole Mais elle n’en n’est pas une condition suffisante ◦ La révolution agricole a-t-elle joué un rôle autre que « permissif » à l’égard de la Révolution industrielle ? ◦ Question 1 : La Révolution agricole a-t-elle permis l’approvisionnement en main d’œuvre de l’industrie ? ▪ Thèse (énoncée pour la première fois par Karl Marx) : mouvement des enclosures libère une main d’œuvre importante qui va devoir émigrer vers les villes pour assurer sa survie. ▪ Discussion : nouvelles formes de l’agriculture apparaissent « labour intensive » - Chambers ▪ Conclusion : « il n’y a pas eu d’exode rural généralisé avant le second tiers du 19ème siècle » ▪ Complément d’argumentation : population active industrielle vient essentiellement de l’accroissement naturel ◦ Question 2 : La Révolution agricole a-t-elle permis le financement de l’industrie nouvelle par un transfert d’épargne ? ▪ Réponse: la réalité historique ne permet pas de conclure a l'existence des transferts importants des capitaux ▪ Cause de la Révolution industrielle: un fort niveau de profit réinvesti dans un domaine restreint ◦ Question 3 – Peut-on accepter l’analyse de Bairoch sur le rôle de la demande agricole dans la Révolution industrielle ? ▪ Thèse de Bairoch : « … l’augmentation de la productivité agricole [est] à la base du développement cumulatif de l’Angleterre » ◦ Proposition de conclusion ▪ « Le rôle de la productivité agricole n’a pas été aussi décisif que le voudrait P. Bairoch. De plus la Révolution agricole n’a pas réellement contribué à fournir main d’œuvre et capital à l’industrie naissante. » ▪ « Ainsi nous pouvons considérer que l’accroissement de la productivité agricole a été une condition nécessaire de la Révolution Industrielle, essentiellement parce que l’agriculture devait nourrir une population industrielle et urbaine plus nombreuse, mais non pas une condition suffisante. L’impulsion décisive n’est pas venue du secteur agricole. » 2.2. Démographie et Révolution Industrielle 2.2.1. La transition démographique Adolphe LANDRY: ◦ Le passage d'un régime dit traditionnel (stade "pré-transitionnel") caractérisé par une fécondité et une mortalité élevées à un régime démographique dit moderne, caractérisé par une fécondité et une mortalité faibles. Modèle type est celui de l’Angleterre ◦ Enclenchement de la baisse de la mortalité à partir du milieu du 17 ème siècle ◦ Forte croissance de la population: au XVIIIe le multiplicateur transitionnel =3 Cas particulier de la France ◦ Chute précoce de la natalité ◦ Faible croissance de la population durant la RI ◦ Explication la plus couramment évoquée : législation sur l’héritage ▪ disparition de la transmission au fils ainé (droit d'ainesse) ▪ 1789: confiscation des biens de la noblesse et du clergé et leur distribution ▪ pour éviter un morcellement, la natalité baisse Causes de la transition démographique ◦ Pas de réel impact de la médecine (vaccination anti variolique - Jenner 1796) ◦ Importance des progrès de l’hygiène (l'accouchement, le savon, l'assainissement urbain) ◦ Élément déterminant: l’amélioration du niveau de vie et les progrès dans l'alimentation 2.2.2. Population et Révolution Industrielle Double impact de la croissance démographique sur la Révolution Industrielle ◦ Impact sur l’offre (important : faible éducation : enfant devient rapidement actif) ◦ Impact sur la demande Débats autour des liens transition démographique – Révolution Industrielle ◦ Crainte de la surpopulation - T. R. Malthus – Essai sur le principe de population (1798) ◦ Marx et la surpopulation relative: la masse des ouvriers nécessaire au capitalisme – pression sur les salaires Contre exemple de l’Irlande ◦ Forte croissance démographique ◦ Pas de réelle révolution industrielle ◦ Choc de la « Grande Famine » 2.3. Le financement de la Révolution Industrielle Question de l’origine des capitaux nécessaires au financement de l’investissement 2.3.1. L'accumulation de capital est un préalable à l’investissement industriel Rôle du profit agricole Rôle du commerce colonial (Les Pays-Bas, (Espagne, Portugal: l'afflux des métaux fragilise la logique commerciale) Pas de validation historique d’un phénomène de transfert de capitaux de l’agriculture et du commerce vers l’industrie naissante 2.3.2. Le financement industriel privilégie les ressources propres Montant relativement faible des investissements nécessaires (sauf exception) Importance de l’épargne et de sa mobilisation en réseaux Profits élevés des premiers industriels Réinvestissement quasi systématique des profits dans l’entreprise Financement externe joue un rôle de complément dans la 1ère RI (crédits de trésorerie) 3. UN NOUVEAU MONDE ECONOMIQUE ? 3.1. La lecture marxiste : la naissance du capitalisme Marx ne parle pas de la Révolution industrielle ( Bianchi 1830), analyse chez Paul MANTOUX (fin XIXe) 1835: voyages de Friedrich ENGELS: observer l'industrie textile 3.1.1. Révolution Industrielle correspond à la mise en place du mode de production capitaliste Importance centrale de « l’accumulation primitive du capital » Dépossession des travailleurs de leur outil de production (rôle des enclosures et des lois sur les pauvres) – apparition des rapports sociaux Le capital accumulé dans le commerce peut alors se transformer en capital productif – sans vérification historique Révolution industrielle: mutation, nouvelles logiques économiques et relations sociales, basculement du système Perspective historique marxiste discutable 3.2. Le rôle des institutions 3.2.1. La question des droits de propriété Lecture libérale : efficacité du système de droits de propriété est un élément essentiel de la dynamique économique H. Root – Les origines institutionnelles du retard français – 1994 ◦ respect des droits: usus (utiliser librement), abusus (disposer librement – vente), fructus (récupérer les fruits) ◦ Ancien régime: définition insuffisamment précise dans un système politique qui donne un pouvoir démesuré a un acteur économique – contreperformance, absence d'une dynamique ◦ corporations: limitation de la production Le point tournant en Angleterre: 1689 The Glorious Revolution 3.2.2. Un débat : le rôle des brevets Brevet se situe à l’articulation entre innovation et droit de propriété ◦ il résulte un paradoxe fondamental de l'innovation comme bien public a libre utilisation: une question d'incitation ◦ apparait pour la première fois en 1400 à Venise Complexité historique du lien brevet – diffusion de l’innovation ◦ John Kay protège mal son invention: diffusion est rapide mais il n'en profite pas ◦ James Watt utilise les brevets pour conserver un monopole ▪ améliorations progressives du système, brevets destinés à bloquer les recherches concurrentes (ex.: brevets sur les engrenages) ▪ utilisation du travail d’autrui (dépôt de brevets provenant du travail de son collaborateur Murdoch) ▪ Diffusion de la machine à vapeur s'accélère avec la tombée des brevets dans le domaine public La qualité discutable des brevets anglais: ◦ prix, efficacité ◦ une condition nécessaire mais pas suffisante pour expliquer l'antériorité des innovations anglaises Interrogation sur d’autres formes de stimulation de l’innovation ◦ concours: un thème proposé par l'État, avec une prime et un passage direct au domaine public 3.2.3. La dynamique de l’entreprise Paradoxe de l’entreprise : présente dans la R. I. mais absente de la pensée ◦ on réfléchit sur le groupe des industriels (Ricardo), sur le capitalisme (Marx), sur l'entrepreneur (Say) ◦ 1937: première réflexion sur l'entreprise en tant que structure Importance croissante de la logique d’entreprise (vente, profit, patrimoine, …) ◦ Réflexion sur l’entrepreneur (Say) avec rôle particulier dans l’activité économique) + diversité de l’origine des entrepreneurs (commerce, artisanat, techniciens, …) ◦ Importance des sociétés (codification du droit – France 1807: Le code du commerce (par Napoléon, 3 ans après le Code civil)) ◦ Liens significatifs entre l’entreprise et la famille ▪ apport de capitaux, gestion (la maison du directeur dans l'usine), transmission du patrimoine (ex.: Schneider)) (ex.: Rothschilds: aubergistes – grossistes – banquiers) ▪ famille élargie: XIXe: rôle essentielle de la femme « conjoint-collaborateur » dans la petite bourgeoisie: conseil, gestion des comptes L’émergence de l’usine, du « factory system » ◦ Une première lecture : usine et efficacité technique ( Adam Smith) ▪ division technique du travail ▪ développement des techniques modernes ▪ rapprochement physique des travailleurs et leur articulation avec les machines ◦ Une interprétation alternative : What do bosses do ? -Steven Marglin – 1974 ▪ les premières usines n'apparaissent pas pour des raisons techniques, mais dans une logique sociale (les fabriques) ▪ un regroupement a technique identique pour mieux contrôler ◦ Critique de Marglin par David Landes : What do bosses really do ? ▪ Reprise de la thèse de Babbage (années 1810) : usine et division du travail permettent de minimiser le coût du travail en ajustant les besoins de main d'œuvre ◦ Marglin et Landes ne parlent pas exactement de la même chose Synthèse sur le développement de l’usine ◦ factory system (ou modèle usinier) s’impose rapidement et facilement lorsque les nouveautés techniques permettent des gains importants de productivité ◦ si l’écart de productivité est modéré, le système traditionnel, le petit atelier artisanal peuvent survivre mais au prix d’une forte compression des coûts, portant principalement sur le salaire ◦ l’état de la technique ou des marchés peut également favoriser les petites unités de production ▪ cas des produits diversifiés ou changeants, marchés cloisonnés: une question des couts des transports: les forges a bois se maintiennent jusqu'à l'arrivée du chemin de fer ◦ Les usines tiennent une place sonore et visuelle importante dans le milieu urbain (le haut fourneau) Dynamique de l’usine dépend donc de l’articulation de différentes logiques 3.2.4. L'État et la Révolution Industrielle La Révolution Industrielle et l'État minimal ◦ Révolution industrielle s’est faite dans un cadre libéral où l’État n’intervient que pour fixer des règles du jeu (unification du système de mesure) ◦ Intervention publique est limitée à la fois quantitativement (poids d'investissement inférieur a 10%) et qualitativement (l'État régalien) ◦ Opposition ici entre un État anglais efficace car peu interventionniste et un État français dont l’intervention est trop systématique ▪ En France, l'intervention ressort du bon plaisir du roi et par la même imprévisible, Turgot contre les prélèvements internes sur le commerce Un État acteur de la Révolution Industrielle ◦ Importance de l’intervention de l’État au delà de la simple question des institutions ▪ Intervention dans le domaine des infrastructures chemin de fer, canaux, réseau routier: France – État, Angleterre – péages routiers pour l'investissement privé) Intervention dans le domaine financier Intervention dans le domaine de la politique commerciale extérieure au début les Anglais protectionnistes: Corn Laws, Navigation Acts (Cromwell) – exportations et importations par les bateaux anglais: assurances (Lloyds) douanes, chantiers navals) – un sens particulier de la logistique) ▪ État premier emprunteur qui nourrit les structures financières Question n’est alors pas celle du degré d’intervention de l’État mais celle de sa qualité ◦ cf. différence dans le financement public entre la France et l’Angleterre pendant la période des guerres révolutionnaires et napoléoniennes – 1790 - argent pour la guerre: ▪ France – monnaie en papier et inflation qui freine la croissance économique ▪ Angleterre – titres de dette – développement du marché financier londonien - City) Synthèse sur la question des institutions ◦ Analyse de Douglas North (The Rise of the Western World) ▪ nécessité de mettre en place des institutions qui permettent de réduire les coûts de transaction ▪ élément important est la pression démographique qui joue sur le prix relatif des facteurs de production et oblige à faire évoluer les institutions (ex.: le servage fragilisé par la peste noire) ▪ certains pays arrivent à mettre en place des institutions efficaces ( ex.: brevets, financement – Pays Bas, Angleterre), d’autres non ( ex.: Espagne: l'or des Amériques fait que la monarchie stérilise les affaires économiques, inflation, 3-4 faillites) Interrogations sur les thèses de D. North ◦ Pertinence du modèle de la rationalité de l’homo oeconomicus pour rendre compte des comportements historiques ? ▪ cf. importance de l’honneur au 18ème siècle y compris dans les affaires) ▪ Réalité des institutions considérées comme adaptées au développement au 17ème et 18ème siècle brevet en Angleterre est complexe, coûteux et protège mal ? ▪ Les institutions analysées sont-elles propres à l’Occident ? Non pour certains auteurs (Jack Goody (anthropologue) et Gregory Clark): en 1500 des États performants en Inde, des entreprises arabes 3.3. Les mutations des mentalités 3.3.1. De nouvelles conceptions intellectuelles Thèse de Max Weber ◦ diffusion de l’éthique protestante est congruente avec le développement de l’esprit du capitalisme Analyse de David Landes (La richesse et la pauvreté des nations ) ◦ Révolution industrielle se ramène à une révolution des techniques ▪ développement de la mécanisation ▪ la capacité de mesurer le temps (cadre, efficacité) ▪ des énergies « inanimées » ▪ progrès dans l’utilisation de matières premières) ◦ Révolution des techniques ("Prométhée déchaîné") est permise par des mentalités : mentalités européennes sont mieux adaptées au progrès que dans d’autres régions 3.3.2. Une « Révolution industrieuse » ? Thèse de la Révolution industrieuse - J. de Vries (1994) ◦ Une mutation significative des comportements, en particulier dans le cadre familial (liée au domestic system) ◦ articulation travail – le loisir (référence à G. Becker) se modifie avec l’idée que le travail ne permet pas seulement la satisfaction directe des besoins de la famille (agriculture vivrière) mais qu’il permet un gain monétaire qui justifie un effort productif plus significatif ◦ augmentation de l’offre de travail des ménages qui précède et rend possible la révolution industrielle ◦ Élément clé ici est le changement de mentalités face au travail et à la logique marchande 3.4. La dynamique des marchés 3.4.1. Les conditions favorables du développement des marchés Processus de constitution de marchés nationaux qui s’articule avec une dynamique de la demande intérieure ◦ Avant: la profondeur des marchés réduite dans le quotidien – un processus d'auto-entretien ◦ Exemple: 1898: la phylloxéra atteint la totalité des vignobles français, très nombreux et omniprésentes de culture vivrière et de consommation locale : la solution première est d'inonder les cultures: le Languedoc-Roussillon, ou cette pratique est facilitée, s'en sort en premier et élimine les vins de mauvaise qualité et petit rendement qui ne constituent pas un bon investissement – spécialisation (nécessité du chemin de fer) et passage à la logique marchande Naissance des marchés autour de trois aspects principaux ◦ Unification réglementaire et technique du marché ◦ Amélioration des transports ◦ Suppression des douanes intérieures (Zollverein 1834, la Révolution française) ◦ Unification des systèmes de mesure et de paiement Évolution des structures commerciales ◦ Développement des boutiques (permanentes – différence avec les foires et les colporteurs) ◦ Mise en place de réseaux commerciaux (grossistes: spécialisation, intermédiaires entre les producteurs et les détaillants) Apparition de nouveaux produits qui favorisent la consommation ◦ Textile : apparition des cotons imprimés – variété, mode (Oberkampf) ◦ Vaisselle : développement de la porcelaine et de la faïence avec des décors imprimés (version abordable du produit de luxe : Wedgwood) Innovations fondent de nouveaux marchés , par leurs caractéristiques ◦ consommation des produits industrialisables et renouvelables (par choix et par nécessité - s'usent) Transformations sociales suscitent une dynamique de la demande (cas de l’Angleterre) ◦ Formation d’une classe moyenne agricole relativement riche ▪ (yeomen engagés dans les activités commerciales) (conséquence de la Révolution agricole) ◦ Faible coupure dans les modes de vie entre les nobles et le reste de la population ▪ proximité des nobles dans les campagnes avec les paysans enrichis et des fonctions notables: l'imitation tire vers le haut Développement d’une classe moyenne urbaine autour de quelques activités en croissance ◦ le commerce maritime: les Lloyds – structure autour des syndicats qui se portent assureur a base de leur fortune personnelle (aristocrates, roi d'Angleterre), ils reçoivent des primes, si le bateau est perdu ils le couvrent – cloche qui sonne et le registre des bateaux coulés – rendent possible l'activité économique et mettent en place une structure administrative – transfert des richesses vers le commerce et l'activité économique, la première institution de la City (le nouveau bâtiment de Foster) – création d'un effet de masse de Londres) Apparition de débouchés significatifs pour des produits industrialisés de « demi luxe » ◦ services de faïence, robes de coton – production illimitée dans les entreprises ◦ articulation production – consommation ne peut se faire dans le strict cadre local – un changement d'échelle et de nature La dynamique de la demande est renforcée par le rôle du commerce extérieur ◦ Débat autour du poids du commerce extérieur dans la dynamique de la demande au démarrage de la Révolution Industrielle. ▪ Un taux d'ouverture global faible (5-7% à la veille de la Révolution industrielle anglaise) ▪ Mais des exportations concentrées sur quelques secteurs avec un poids important Les exportations anglaises de coton (en particulier vers les États-Unis) jouent un rôle fondamental dans le développement de l’industrie. ▪ Le développement des importations permet une pression à la baisse des prix qui favorise la hausse du niveau de vie . 3.4.2. Les cercles vertueux de la demande (Patrick VERLEY) Expansion de la demande - Hausse de la production - Économies d’échelle, Gains de productivité - Baisse des coûts ◦ conditions de mise en place du schéma (demande, richesses) ◦ une production qui permet des économies d'échelle et l'élargissement des marchés: la différence entre la porcelaine de Saxe et la porcelaine de Wedgwood (consommation ostentatoire selon VEBLEN) 3.5. Deux trajectoires dans la Révolution Industrielle : Angleterre et France 3.5.1. L'Angleterre : le modèle de la Révolution Industrielle ? le triangle fondamental de Londres – Manchester (Birmingham) – Midlands, Angleterre n'égale pas Grande-Bretagne ou Royaume-Uni Angleterre apparaît comme le pays pionnier et leader dans le domaine de la RI ◦ Pays pionnier : antériorité dans les différents domaines de la RI ◦ Pays leader : diffusion des techniques et des politiques à partir de l’Angleterre ▪ fin XVIIIe – espionnage industriel Question clé : comment expliquer l'avance anglaise dans la Révolution Industrielle ? ◦ Le rôle des facteurs naturels ▪ île (protège des invasions, stimule le commerce maritime) ▪ espace relativement réduit et facilement aménageable ▪ rareté relative en bois (défrichements) et en eau (moins de dénivelé, débit faible) ▪ richesse en charbon (gisements peu profonds, exploités dès le XVIe) ◦ Les innovations technologiques ▪ Rôle du système des brevets ▪ Importance de l'éducation et de la culture technique niveau culturel au-dessus de l'essentiel du continent ▪ Caractéristiques de "l'esprit britannique" (pragmatisme <-> esprit français) en 1770, en Angleterre on invente, en France on rédige l'Encyclopédie ▪ Mais, discussions sur la pertinence de ces arguments (en particulier système de brevets) ◦ Société et institutions (rôle de la révolution de 1689) ▪ Valorisation (sociale et politique) de la richesse "bourgeoise" (équilibre politique, droits individuels - entrepreneurs ) ▪ Rôle moteur des aristocrates (présents dans leurs domaines) dans la Révolution Agricole (ex.: duc de Norfolk intrigué par le commerce) ▪ Tolérance vis-à-vis des minorités facteur favorable aux innovations France: 1689: révocation de l'édit de Nantes sous Louis XIV ▪ 1790 – guerres impulsées par la Révolution française déficit budgétaire anglais – émission des titres de dette publique: épargne thésaurisée/investie dans les terres sont reconduites vers les dettes étatiques et contribuent à la dynamisation économique le rôle de la dette publique: nécessité des titres de dette publique aujourd'hui – un placement sans risque – un référent pour les autres titres élargissement de la perspective aux grandes entreprises, une logique d'apprentissage des marchés financiers ▪ Corn Laws : prix relativement élevé des denrées – rentabilisation des investissements – un point de plus pour le développement de la Révolution agricole ▪ l'ouverture commerciale n'exclue pas le protectionnisme (un rapport au PIB, une politique douanière spécifique) ▪ Boston Tea Party: révolte contre les prix élevés par les taxations, même avec l'indépendance des colonies du Nord-Est les relations commerciales sont maintenues + intensification des relations avec le Sud ◦ Le rôle de la demande (cycles de Verley) ▪ Émergence des classes moyennes britanniques: précocité du développement industriel et commercial améliorations de l’agriculture – le pouvoir d'achat agricole rôle du commerce en particulier du commerce maritime qui suscite des activités importantes Pourquoi ce modèle se diffuse-t-il difficilement en Europe continentale ? ◦ Accent sur l’importance de l’aristocratie de cour qui privilégie les dépenses ostentatoires avec peu d’effets d’entraînement ◦ Faiblesse des classes moyennes urbaines ◦ qui s'engagent dans la marchandisation plus que les paysans enrichis, qui achètent les terres sans beaucoup d'impulsion économique Le débat sur le commerce extérieur ◦ Thèse 1 (Bairoch) : Relativisation du rôle du commerce extérieur ▪ poids réduit dans l'activité + exportations sont le moyen de financer les importations ▪ le commerce extérieur n'est pas un objectif, plutôt un déterminé qu'un déterminant ◦ Thèse 2 : 3 arguments pour souligner le rôle clé du commerce en Angleterre ▪ Degré d'ouverture relativement élevé si on analyse à l’échelle sectorielle les nouveaux produits exportables – un taux d'ouverture beaucoup plus significatif ▪ Ouverture s'accroît régulièrement (hors période de guerre) ▪ Concentration du commerce sur les secteurs moteurs (textile) Quel bilan pour le débat ? ◦ Débat sur les causes de l’avance anglaise a un enjeu en termes de politique économique : ▪ identification d’un (ou de) facteur (s) déterminant (s) peut être utilisée pour les expériences suivantes de développement le Tiers-Monde des années 60 – 70 – quelles leçons peut-on tirer en matière agricole? Bairoch) ▪ un phénomène pluri-dimensionnel ◦ Mais pour certains auteurs (Mokyr: The gifts of Athena: dynamique technique dans la croissance économique ), la question des raisons de l’avance anglaise dans la Révolution Industrielle n’est pas essentielle : ▪ la réussite anglaise est due à une conjonction particulière de facteurs explication stochastique: une configuration qui n'est pas strictement reproductible on ne peut tirer de leçons sur d’autres expériences de développement ▪ la course a eu lieu une fois, l’Angleterre a gagné mais elle ne sera pas refaite et aucune autre course ne lui ressemble ▪ la reproduction du modèle n'a jamais été possible 3.5.2. La France : retard ou voie spécifique ? 1750 – la France a un niveau de vie supérieur ou égal a l'Angleterre Première question : peut-on parler d'un "take off" en France ? ◦ Remise en cause de la thèse de Rostow ("take off" dans les années 1840) Maurice LÉVY-LEBOYER (1960-70: travail de reconstruction des statiques) – l'idée d'une croissance graduelle ◦ en 1830-40, le take-off serait trop précoce, l'économie française reste largement pré-industrielle ◦ Le rôle de la Révolution française: ▪ 1,5 million de morts dans la révolution et dans le guerres napoléoniennes (jeunes hommes difficilement remplaçables avec une dynamique démographique faible) ▪ les assignats: émission de la monnaie papier logique inflationniste perte de la valeur et de la confiance un frein pour la modernisation ▪ confiscation et revente morcellement peu de gros propriétaires qui ont la volonté et les moyens d'investir dans la terre et de s'engager dans une agriculture commerciale frein aux mutations agricoles et a l'exode rural la Révolution « conservatrice » des structures agricoles Florin Aftalion (économiste libéral français né en 1937, professeur de finance à l’ESSEC) ◦ la Révolution facteur premier du retard française ▪ 20 ans de guerre, des troubles politiques ▪ 1788-9 – crise agricole qui précède et dans une certaine mesure amorce la Révolution ▪ remise en cause des douane intérieures, unification du système de mesures 1801 – création de la Banque de France le franc germinal – une stabilité monétaire modernisation de l'administration – les départements (1 lycée par département et le bac) 1804 Code civil Idée de croissance sans "take off" (Lévy – Leboyer) Deuxième question : doit-on parler d'un "retard français" ? ◦ Thèse du retard ▪ France est marquée par un niveau de développement et de richesse équivalent à celui de l’Angleterre au milieu du 18ème siècle ▪ Révolution française aurait bloqué la R. I. : coût humain, troubles financiers, développement d’une petite propriété rurale peu efficace - débat sur l'impact économique de la Révolution ▪ France souffre de certains handicaps par rapport à l’Angleterre (charbon plus difficile à exploiter, territoire plus complexe à mettre en valeur) ◦ Idée de la spécificité du développement français : cf. article de Woronoff ▪ Techniques modernes ne s'imposent que lentement (rôle des ressources en bois et en hydraulique) ▪ l’offre du charbon : insuffisance des ressources, mauvaise qualité, extraction couteuse ▪ énergie : la France perfectionne ses ressources, on va au bout du système rationalité et non un retard avantages : compétences acquises + éviter les coûts de passage au nouveaux systèmes jusqu’à 1860 les techniques anciennes conservent une pertinence économique une coexistence des énergies différentes (contraire à Schumpeter) ▪ Structures productives diversifiées industrie française = proto-industrialisation + micro-industrie (artisanat) + usine → impact sur la demande ▪ Caractéristiques particulières de la demande Thèse du "dualisme" de l'économie française au 19ème (Levy-Leboyer) Conclusion Double interrogation : Caractère unique du mouvement ◦ unique : modélisation, théories X diversifié : les expériences nationales ◦ difficulté pour identifier un « modèle » de la RI ◦ le dernier quart du XVIIIe siècle décisif ◦ les lectures de Rostow et de Marx se révèlent réductrices ◦ 1851 : La Première Exposition universelle de Londres – prééminence de l’industrie, Angleterre comme maîtresse des techniques (Crystal Palace) Ampleur du basculement que représente la RI ? ◦ Certains auteurs remettent en cause la réalité même de la Révolution Industrielle en insistant sur les enchaînements de « micro changements » démarrés bien avant le 18ème siècle et qui conduisent progressivement à un nouveau système sans qu’on puisse identifier clairement de rupture brutale (John Nef, 1962) 4- La dynamique de l’évolution dans le cours du 19ème siècle 4.1. Les transformations de l’entreprise 4.1.1. L’évolution des formes juridiques De l’entreprise à la société ◦ Sociétés (sous des formes diverses) existent depuis le Moyen – Age ◦ Forme dominante est la société de personne ▪ responsabilité des actionnaires sur leurs biens ▪ transparence ▪ remboursement et responsabilité personnelle ▪ SA : non-responsables sur les biens, les pertes sur l’apport Code du Commerce de 1807 ◦ propose une première codification des types de sociétés par action ◦ Société Anonyme est soumise à autorisation ministérielle pour sa création ▪ la garance du gouvernement, mais une démarche lourde - seules 651 SA seront crées entre 1807 et 1867 ▪ Sociétés en commandite sont privilégiées distinction gestionnaire et fournisseur du capital ex.: Italie du XVIIe – l’armateur et le capitaine ex.: entreprise française aujourd’hui : Michelin Loi sur les sociétés de 1867 ◦ lève le contrôle ministériel sur les créations de S. A. (premier assouplissement en 1863 pour les sociétés avec un capital réduit) ◦ Évolution de même type dans les autres pays européens : 1856 en Grande Bretagne, 1870 en Allemagne ◦ Pas de développement brutal des sociétés par action à partir des modifications législatives ◦ Lente évolution du poids des sociétés anonymes ▪ les SA passent de 4 % des sociétés dans les années 1860 à 15 % au début du 20ème siècle (avec une hausse du capital moyen par société) ◦ les SA : donner confiance et limiter les risques des apporteurs du capital Débat sur le lien formes juridiques de l'entreprise – croissance ◦ Thèse 1 : mutation des formes juridiques apparaît comme le préalable au développement de nouvelles industries caractérisées par des besoins en capitaux plus importants ▪ exemple type est celui des chemins de fer - Société des chemins de fer du Nord) – thèse de CARON (fr.) ◦ Thèse 2 : mutation des formes juridiques est une résultante des besoins nouveaux de capitaux ◦ Thèse 3 : relative indifférence entre développement des entreprises et formes juridiques ▪ possibilités de logiques diverses et coexistence de formes variées ▪ un fourmillement des petites unités (plus de 10 personnes → Woronoff) ▪ les secteurs à forte concentration : raisons techniques, l’atelier marque aussi le paysage (centre des villes, lofts, ...) 4.1.2.Le mouvement de concentration Difficultés pour mesurer précisément la concentration des entreprises (diversité des indicateurs) mais tendance à une augmentation de la taille moyenne des unités de production durant le 19ème siècle Concentration est nette aux États-Unis, moins marquée dans d’autres pays Concentration ne remet pas en cause la prééminence des petites unités Causes de la concentration sont diverses ◦ Progrès technique et coût croissant du matériel (économies d’échelle) ◦ Concurrence sur certains marchés (premiers temps du chemin de fer) ▪ grand nombre de concurrents amène la concentration ▪ ex. : Angleterre et le chemin de fer – plus de 100 entreprises; automobile, sidérurgie ◦ Rôle des crises économiques qui touchent surtout les petites entreprises ▪ XIXe – les crises comme accélérateur de la concentration ◦ Nouveaux modes de financement (banques, marchés financiers) ▪ favorisent les grandes structures ◦ Ouverture douanière dans certains secteurs ▪ des politiques de libre échange sectorielle ex. : textile français sous le 2nd Empire ▪ accroît la concurrence et génère un mouvement de concentration ◦ Un paradoxe : le marché concurrentiel instable débouche sur la concentration Attitudes différentes des gouvernements face à la concentration ◦ Volonté de contrôle du gouvernement américain ▪ lois anti-trust : loi Sherman en 1892 contre les monopoles – démantèlement de la Standard Oil en 1909 ▪ loi Clayton en 1914 ◦ Correspond sans doute plus à une logique politique qu’à un principe économique (efficacité de la concurrence) ▪ image des robber barons – les barons voleurs dans les années 1890 – dénoncés par les campagnes de presse Gouvernement allemand favorise la création de cartels ◦ une logique de puissance, d’efficacité productive ◦ exemple en France : le Comité des forges (un regroupement des forges) – mise en place des tarifs pour la limitation de la concurrence 4.1.3.La rationalisation de l’organisation Accroissement de la taille des entreprises entraîne des évolutions dans leur organisation : ◦ "professionnalisation de la gestion" ◦ articulation formation supérieure et postes élevés ▪ ingénieurs : croiser le savoir scientifique et une application pratique : 1720 Ponts et chaussées, 1790 Polytechnique + écoles de commerce et de gestion) ◦ place accrue des « managers » ▪ Alfred CHANDLER, mort en 2007 – La main visible des managers compétences, le pouvoir dans l’entreprise n’appartient seulement à l’actionnaire dissociation propriétaire et gestionnaire ; 1860-80 : baisse de la dynamique anglaise, puisque les propriétaires conservent le pouvoir spécialisation des fonctions dans l’entreprise ◦ FAYOL : division des fonctions : technique, commerciale, financière, gestion de la main-d’œuvre ◦ rationalisation du travail (Taylor, Ford) Évolution concerne essentiellement les grandes entreprises et sa portée ne doit pas être surestimée Le taylorisme ◦ Frederick W. TAYLOR ▪ importance de la direction – étude scientifique (et non empirique) qui aboutit sur la « one best way » ▪ nécessité de contrôle : les contre-maîtres La Première Guerre mondiale fait entrer les techniques tayloro-fordiennes dans les usines automobiles françaises 4.2. Monnaie et financement 4.2.1.La mise en place des monnaies nationales Aspect historique de la monnaie ◦ apparition au 6ème siècle av. J.-C. dans la Mézopotamie (roi Cresus) ◦ 1362 : les premiers francs : guerre de Cent ans – la bataille de Poitiers – Jean II le Bon capturé par les Anglais - rançon Définition de règles d’émission des billets ◦ Position de Ricardo (currency principle – principe de circulation) ▪ Nécessité d’une stricte proportionnalité entre billets émis et stock d’or détenu par la banque centrale afin d’éviter les risques d’inflation. ▪ critiques : règles trop strictes – limitation de l'activité (papiermonnaie : accords de crédit sans un équivalent en or) ◦ Position du banking principle (Tooke) : ▪ Nécessité d’autoriser la banque centrale à conserver une politique discrétionnaire en matière de monnaie ; il ne convient donc pas d’instaurer de règles strictes en matière d’émission. Bank Charter Act (ou Peel Act) de 1844 = la victoire du currency principle ◦ Robert Peel : Bank Charter Act, Abrogation des Corn Laws ◦ La Banque d’Angleterre se voit accorder le monopole d’émission des billets avec une stricte limitation : billets émis au delà d’un certain montant doivent être strictement couverts par le stock d’or détenu. ◦ Rappel de la définition de la £ : 1 £ = 7,32 g d’or fin (1816) La solution française - Système bimétalliste ◦ Accord du privilège d’émission à la Banque de France (crée en 1801, Napoléon Bonaparte actionnaire en tant que 1 er consul (18 brumaire), 1860 : l’annexion de la Savoie – la banque de Savoie intégrée dans la BdF) ◦ les règles d’émission sont plus souples qu’en Angleterre ◦ Franc Germinal (loi du 27 mars 1803) : 1 Franc vaut 5 g. d’argent « au titre de 9/10ème » avec un rapport légal or – argent de 15,5 ◦ codification caractéristique du Premier Empire 4.2.2. Le principe de l’étalon-or un principe d’organisation de la monnaie d’abord national au XIXe : l’étalon-argent – la rupie Principe de l’étalon métallique ◦ valeur de la monnaie est liée à un poids de métal précieux (cours légal de la monnaie) ◦ Métal de référence ▪ peut être l’or, l’argent ou l’or et l’argent (bimétallisme – ex. : France, ÉtatsUnis) ◦ Principe de la libre frappe – libre convertibilité ▪ métal précieux peut être transformé en monnaie et monnaie-papier convertie en métal précieux Le fonctionnement de l'étalon-or : la théorie ◦ Un système simple ▪ émission « automatique » en fonction du stock de métal ▪ détermination automatique des taux de change par comparaison des poids d’or entre deux monnaies ◦ Un système stable ▪ les points d’or (gold export point) lors des paiements internationaux, le jeu de l’appréciation/dépréciation des devises est limitée : le taux de change est défini, règlement par opérations de change ou par conversion en métal précieux – une logique de force d’appel ◦ Un système équilibré ▪ En cas de déséquilibre commercial, il existe des processus qui permettent le retour automatique à l’équilibre (esquissé par Ricardo) ▪ Hypothèses : Currency principle (émission de billets en fonction du stock d’or détenu par le pays) Théorie quantitative : inflation liée à la quantité de monnaie circulant dans l'économie ◦ Un système rigoureux ▪ Création monétaire est liée aux variations du stock d'or Conséquence positive : Régime d’étalon-or permet de limiter les risques d’inflation (ce qui correspond à la réalité historique du 19ème siècle) Conséquence négative : En cas de forte croissance, la quantité de monnaie disponible risque d’être insuffisante face aux besoins de l’économie, ce qui pousse les taux d’intérêt à la hausse et peut déboucher sur une crise ◦ une limite physique – des métaux rares – l’élasticité de l’offre mondiale ◦ les prix « stables » ont connu des phases évolutives dans une tendance globales des cycles, ce qui était une des causes des crises récurrentes du XIXe siècle Conclusion (provisoire) ◦ Système de l’étalon – or est fortement valorisé par les économistes libéraux ▪ Logique spontanée découle de l’application des règles de la monnaie métallique au niveau national et de processus marchands sans besoin d’un accord explicite Système impose la discipline aux agents (évite les risques d’un excès de crédit) Système garantit la stabilité des prix Le fonctionnement de l'étalon-or : la pratique ◦ Les risques du bimétallisme : ▪ Système bimétalliste se révèle sujet à des tensions spéculatives, dues à l’apparition de différences entre le cours légal de l’argent par rapport à l’or (défini de manière fixe) et le cours commercial (l’argent est également une marchandise) ▪ l’argent – les mines sont abondantes au XVe, 1860-70 ▪ loi de Gresham (Angleterre, règne de Elisabeth 1 ère) – la mauvaise monnaie chasse la bonne (spéculations – moins d’or dans la BdF – les spéculations menacent le franc) ▪ significatif pendant le Second empire : la coopération entre les banques centrales) Marche mondiale vers le monométallisme – or ◦ Système adopté en France en 1876 (suppression de la frappe des pièces d’argent) ◦ Débat particulièrement important aux États-Unis lors des élections présidentielles de 1896 ▪ républicains en faveur de l’étalon-or (industrie du Nord-Est, discipline des salaires) ▪ les démocrates : bimétallisme – monnaie plus abondante – Grandes plaines – agriculteurs – surproduction ▪ (Le magicien d’oz : parabole du débat politique autour de la monnaie ? Contexte : représentant démocrate en 1896 demande le bimétallisme vu comme moyen de relancer l’économie Alliance entre l’homme de paille (symbolise les agriculteurs), le robot métallique (symbolise les ouvriers, la rouille renvoyant au chômage lié à la crise), le lion sans courage (représente le candidat démocrate). Marche vers le palais d’oz (unité de poids pour les métaux précieux) représente la marche vers Washington (les embûches en brique faisant référence à l’or), le palais d’or symbolise la Maison Blanche (ses habitants voient le monde à travers des lunettes vertes – dollar), le magicien représente le candidat républicain Mac Kinley. Dorothy (l’américain moyen plein de générosité et de bon sens) parviendra à rentrer chez elle lorsqu’elle se rendra compte du pouvoir de ses sandales en argent.) Le rôle central de l’Angleterre ◦ Polarisation à l'échelle mondiale des stocks d'or ◦ Nécessité de trouver un équivalent à l’or, disponible en quantités plus significatives : livre sterling est considérée comme « as good as gold » ◦ Balances sterling : une partie des livres sterling sorties d’Angleterre ne retournent pas dans le pays et sont utilisées comme moyens de paiement en alternative à l’or (se retrouvent dans les réserves des banques centrales). ◦ les investissements en étranger – sortie des capitaux en livres sterling ◦ domination économique, financière, commerciale – « rule Britannia » ◦ Étalon – or peut être également considéré comme un étalon – sterling ▪ élément essentiel – le taux d’intérêt de la Bank of England – règle pour l’abondance monétaire internationale 4.2.3. Banques et marchés dans le financement de l’économie Système bancaire traditionnel est centré autour du modèle de la « Haute Banque » ◦ Structures familiales avec peu de clients : activités essentielles autour de la gestion de fortune + financement de l'État ◦ la « Haute banque » française – Mallet, Vernes, Neuflize, Schlumberger + importance des familles protestantes Apparition progressive de nouvelles fonctions bancaires ◦ Gestion des comptes courants (développement de la monnaie scripturale) ▪ monnaie scripturale : essentiellement les entreprises et les grandes fortunes (en 1960, 50% des Français n’avait pas de compte bancaire – obligation de payer les salaires par virement/chèque) ◦ Opération de placements pour le compte d’épargnants ▪ placements financiers – titres d'État , placements boursiers ◦ Développement des opérations de crédit ▪ autour essentiellement de l’escompte d’effets de commerce (obligation écrite de payer la dette (ou escompter la traite dans une banque) une avance d’argent + taux d’escompte prélevé par la banque – risque : prime de risque (différence entre le taux d’escompte normal et élevé) ◦ Opérations de change Diversification des systèmes bancaires selon les pays ◦ Le système britannique ▪ coexistence entre des banques d’affaires (merchant bankers) et des grandes banques de dépôt (joint stock banks – constituées sous forme de société) ▪ Principe de spécialisation bancaire : Merchant bankers ont peu de clients et financent des investissements à long terme (fondation de firmes, prise de participation dans le capital) Joint Stock Banks reçoivent d’important dépôts à vue et privilégient le financement à court terme ◦ Modèle allemand - la « banque universelle » ▪ Banque s’appuie sur des dépôts significatifs qui sont utilisés pour des crédits à long terme principe de la transformation d’échéances ; fondé sur le progrès de la statistique – Bernoulli et la loi du grand nombre pour les dépôts à vue ▪ La banque universelle prend aussi des participations significatives dans le capital d’entreprises modèle de la banque pour l’industrie jusqu’à 1990 – des banques actionnaires et prêteuses – modèle allemand né dans la seconde moitié de la Révolution Industrielle) ▪ les « 4D » : Deutsche Bank, Dresden Bank, Diskontogeselschaft, Damstater ◦ Le cas français est intermédiaire ▪ Milieu XIXe en France : système peu développé à poids marginal ▪ Apparition de grandes banques de dépôt au milieu du 19ème siècle avec une stratégie proche du principe de la banque allemande Crédit Mobilier des frères Pereire (1852) Crédit Industriel et Commercial (1859) Société générale (1863) Crédit Lyonnais (1864) proches du modèle allemand + réseaux ▪ Conséquences du krach boursier de 1882 (Zola : L’argent) et la crise qui a suivi « doctrine Germain » ◦ Henri Germain, PDG de la LCL ◦ des ressources à court terme ne peuvent financer des emplois à long terme, doivent rester pour le crédit commercial ◦ repli vers le modèle anglais de la gestion des comptes ▪ Apparition de nouvelles institutions financières plus spécialisées dans le financement de l’industrie ▪ Compagnie Financière du Canal de Suez ( 1858) ▪ Banque de Paris et des Pays Bas (1872) ▪ Comptoir financier de l’Indochine Débat sur le lien structures bancaires – croissance économique ◦ Thèse de Gerschenkron sur l’importance de la constitution d’un système bancaire actif pour dépasser certains blocages de développement n’apparaît pas pleinement validée par l’histoire économique. ◦ Contre-exemple le plus significatif est celui des États-Unis où le système monétaire et bancaire est beaucoup moins structuré qu’en Europe ce qui ne bloque pas la croissance ▪ malgré les crises, en particulier en 1907 Morgan prend les choses en main 1913 création de la Fed Développement progressif des marchés financiers ◦ Présents dès le 16ème siècle ▪ Royal Stock Exchange – 1565 ▪ premier marché financier – Anvers Van den Bourse échange des produits différents (marchandises, actions) techniques (options d’échange, achats à terme) ◦ Rôle des marchés financiers ne deviendra significatif qu’avec le développement des titres publics et l’apparition des sociétés de chemins de fer, premières grandes sociétés par action ◦ Bourses jouent un rôle de financement ▪ 30 valeurs cotées à Paris en 1830 – 1000 à la fin du 19ème siècle ▪ 1980 fin des six bourses régionales en France ◦ Mais aussi sont marquées par des logiques spéculatives ▪ récurrence des crises boursières au 19ème siècle : la « railway mania » frénésie boursière 1845-46, 1948 : sur-investissement – boule – crise européenne) Dynamique monétaire et financière peut être résumée autour d’une triple évolution au 19ème siècle ◦ Dans le domaine monétaire, prédominance de la monnaie métallique est progressivement réduite par le développement de la monnaie scripturale ◦ Développement et structuration des réseaux bancaires qui deviennent des partenaires essentiels de l’industrie + présence physique dans les villes ◦ Marchés financiers gagnent du poids mais restent relativement secondaires ▪ sauf pour les emprunts d’État – la rente = titre symbolique des marchés financiers 4.3. Une 2ème révolution industrielle ? - une nouvelle dynamique qui reproduirait les années 1780-90 et déboucherait sur un nouveau système 4.3.1.La dynamique des techniques nouvelle vague des progrès techniques, essentielles pour la construction des bâtiments – révolutionnent l’architecture – 1903 Flat Iron Sidérurgie : développement de l'acier ◦ Convertisseur Bessemer (1856 – Angleterre) ▪ permet de produire rapidement et en quantité importante de l’acier à partir de la fonte ◦ Procédé Thomas - Gilchrist (1877 – Angleterre) ▪ amélioration du procédé Bessemer qui permet d’utiliser des fontes riches en phosphore (élément essentiel pour la sidérurgie lorraine) ◦ Convertisseur Martin (1865 – France) ▪ amélioration du procédé Bessemer qui permet d’utiliser des déchets d’acier et de fonte et d’obtenir un acier de meilleure qualité Chimie : développement de la chimie organique ◦ 1879 – aspirine (Bayer) ◦ Acide sulfurique et soude (Solvay – 1863 – Belgique) ◦ Acide nitrique (engrais) ◦ Colorants – recherche pour la commercialisation ▪ l’alizarine : fantassins français avec des pantalons rouges – un colorant artificiel allemand – Guerre de 14-18 ◦ Premiers plastiques ▪ caoutchouc synthétique – 1909 Allemagne ▪ bakélite - 1907 Belgique Progrès dans l’électricité ◦ dynamo (Gramme – Belgique – 1869) ◦ « houille blanche » (Berges – France – 1869) ▪ hydroélectricité par turbines – barrages et conduites forcées ◦ alternateur (Ampère – 1834, progrès successifs) Exploitation du pétrole ◦ premier forage en 1859 (colonel Drake en Pennsylvanie) Développement du moteur à explosion ◦ Moteur à 4 temps (Otto -1876) perfectionné par Benz et Maybach – 1887) ◦ Moteur Diesel (1893 – 1897, plus robuste, plus facile à régler) ◦ Développement progressif de l’industrie automobile ( 1910) Apparition de produits nouveaux ◦ Téléphone – Graham Bell (1876) ◦ AT&T : American Telephone and Telegraph ◦ Phonogramme ◦ Éclairage électrique – Thomas Edison ( 1876) ◦ Cinéma – frères Lumière ◦ Avion (Clément Ader – 1897, Frères Wright à partir de 1903) En conclusion : des traits nouveaux pour l'innovation ◦ Importance de la démarche scientifique (science précède généralement l’innovation) ▪ relation forte entre l’invention scientifique, les ingénieurs et l’application dans l’innovation ◦ Rôle croissant des ingénieurs ▪ Etat : formation (écoles d’ingénieurs) + acheteur dans le domaine militaire (Krupp, Schneider) ◦ Mise en place de laboratoires de recherche : activité essentielle des entreprises ▪ rôle pionnier de la General Electric ◦ Perte de la suprématie anglaise dans les inventions Pas une stricte reproduction des années 1780-90 : un système technique plus complexe (nouvelles utilisations du charbon + électricité) 4.3.2. De nouveaux secteurs moteurs Une accélération de la croissance La dynamique de l’investissement ◦ Hausse des taux d'investissement ◦ investissement en machines (part croissante) – vers la production industrielle ◦ Recul relatif de l'investissement en infrastructures Les branches dynamiques (secteurs moteurs de Landes) ◦ effacement progressif du textile ◦ Chemin de fer ◦ Sidérurgie ◦ Chimie 4.3.3. De nouvelles expériences nationales Thèse d’Alexander Gerschenkron ◦ « Economic Backwardness in Historical Perspective » - 1962 ◦ Pays qui connaissent une industrialisation tardive sont marqués par des handicaps (en particulier dans le domaine social et politique) qui ont bloqué leur développement ◦ mais ils connaissent un processus de croissance plus rapide (3-4% par an) une fois enclenchée la Révolution Industrielle avec des caractéristiques qui leur sont propres (ce qui exclue la répétition du modèle anglais ) Traits caractéristiques des développements tardifs ◦ Rôle relativement passif de l’agriculture (essentiellement source de main d’œuvre et de capitaux) ◦ Développement rapide de l’industrie lourde structurée autour de grandes unités ◦ Rôle important du financement externe (secteur bancaire en particulier) ◦ Rôle actif de l’État (évolution politique, impulse le développement) ◦ Apports significatifs de l’étranger (capitaux – les empruntes russes, les techniques) ▪ ex.: le Japon fait appel aux techniciens américains ◦ Le retard initial permet d’emprunter des « raccourcis de croissance » ▪ voie et rapidité propre, une particularité qui s'appuie sur les acquis technologiques Mais interrogations sur une lecture trop systématique des développements tardifs par Gerschenkron Le développement des Etats-Unis ◦ La reproduction du modèle anglais ▪ la Nouvelle-Angleterre – charbon des Appalaches ◦ Développement industriel démarre dans le Nord Est autour des industries textile et sidérurgiques soutenu par une révolution des transports (canaux dans un premier temps (Hudson et les Grands Lacs) puis chemin de fer) ◦ Importance des liens avec la Grande Bretagne ▪ exportations de coton du Sud des Etats-Unis ◦ Les traits particuliers du développement américain: ▪ Mise en valeur du territoire Principe de la « frontière » ◦ TURNER : The significance of the frontier in american history ◦ comment la frontière modèle l’américain et comment son repoussement est significatif pour l’économie américaine – un état d’esprit (conquérir, dominer le territoire hostile) ▪ Richesses naturelles ressources agricoles : les Grandes plaines = grenier des Etats-Unis et de la planète richesse en minéraux (fer, cuivre, or, …) fenêtres maritimes énergie (charbon, hydraulique, pétrole à partir de 1859) ▪ L’apport des hommes Forte croissance démographique ◦ nourrit l’expansion territoriale et la mise en valeur de l’intérieur du sous-continent Importance de l'immigration ◦ immigration asiatique en 1850, la main d’œuvre irlandaise pour le chemin de fer Est-Ouest ◦ les pionniers : deuxième génération des immigrés (les plus récents restent dans les villes du Nord-Est) Facteur travail reste cependant relativement rare (pénurie presque structurelle de la main-d’œuvre), ce qui pousse à une forte mécanisation ◦ affirmation précoce du taylorisme – permet le travail des immigrés peu qualifiés dans l’industrie (issus de l’Europe de l’Est et du Sud) et leur intégration dans la vie active Société ouverte avec des possibilités d’ascensions sociales significatives (self made men – Frederick Douglass - 1859) : ex. : Andrew Carnegie : magnat sidérurgiste – la vision de reproduction du modèle soutient l’immigration ◦ La dynamique du marché ▪ Impact positif de l’unification politique : développement d’une possibilité d’échanges sans frontière, ni risques majeurs malgré les difficultés liées à la guerre de Sécession – Civil War apparaît comme un facteur ponctuel de blocage, et elle mène à l’unification complète Robert GORDON : comparaisons de croissances entre l’Europe et les Etats-Unis - années 1850 en Europe : nationalisme et recomposition ( ex. : différences dans les écartements des rails) ▪ Accroissement régulier de la taille du marché avec l’expansion vers l’Ouest, la croissance démographique et la croissance économique d’ensemble les économies d’échelle apparaissent comme une dimension fondamentale de la croissance américaine (un marché à croissance régulière + concentration forte) ◦ Le rôle de l’Etat ▪ Recours au protectionnisme (permet l’émancipation vis-à-vis de l’économie britannique – un protectionnisme éducateur – un objectif politico-économique) ▪ Action dans la mise en valeur du territoire : Homestead Act – 1862 légitimer les propriétés des colons, création des droits de propriété ; rentabilisation du chemin de fer par la remise du territoire avoisinant à la compagnie ferroviaire) ◦ Faiblesse du système monétaire et bancaire ne freine pas la croissance ▪ l’importance de la monnaie unique – le dollar vert (« green buck ») émis par le gouvernement fédéral pour financer la Guerre de sécession différence de couleur par rapport aux autres monnaies américaines 1913 : Fed : système des banques fédérales de réserver régionales Une voie particulièrement américaine ◦ 1880 – la première puissance industrielle ◦ 1910 – la première puissance économique L’industrialisation allemande par étapes ◦ les restes du Saint Empire Romain Germanique ◦ Unification de l’espace économique (Zollverein 1834) ◦ Deux piliers : industrie lourde + banque universelle ▪ sidérurgie (Ruhr), chimie (vallée du Rhin 1870-80) ◦ Rôle actif de l'Etat à partir de 1870 (Bismarck) ▪ Protectionnisme ▪ formation (articulation formation – appareil productif : apprentissage) ▪ soutien aux cartels (efficacité, éviter les guerres de prix) ▪ politique sociale ◦ Rapprochement du modèle de Gerschenkron ◦ Première puissance industrielle de l'Europe continentale dans les années 1880 Le Japon de l’ère Meïji ◦ développement fermé, blocage, handicap de croissance social et politique ◦ 1853 : le commandant Perry (E-U) dans le vieux port de Tokyo – Japon s’ouvre ◦ 1868 : remise en cause du système politique féodal ◦ 1868 : empereur meurt, règne Meïji de Mutsuhito ◦ Forte impulsion étatique pour initier le développement : ▪ un Etat centralisé autoritaire : répondre au défi américain ▪ Réforme agricole : le système féodal lourd + codification limitative ▪ Création d'entreprises (entreprises publique cédées au privé après leur développement, ; industrie lourde : sidérurgie, armement, construction navale) Appel à l'étranger ("On ira chercher à travers le monde la connaissance afin de renforcer les fondements de la règle impériale " ) Articulation avec les grandes firmes privées zaïbatsu : ◦ Mitsui (chimie, sidérurgie, construction navale) ◦ Mitsubishi ◦ groupe unifié, contrôle, conglomérats ◦ Japon bénéficie de conditions favorables dans ce processus de développement : ▪ pression extérieure : 1905 la flotte japonaise bat la flotte russe – puissance régionale militaire ▪ caractère intensif de l'agriculture ▪ terreau favorable d’artisans et commerçants (en particulier dans le textile) ◦ Développement japonais reste relativement limité en 1914 : ▪ industrie reste fondamentalement dominée par le textile (50% de l’industrie) et le niveau de vie est faible (environ 12 % du niveau de vie américain) La Russie : l’échec de la Révolution Industrielle ? ◦ Importance des handicaps russes : ▪ Climat contraignant pour l’agriculture : faible productivité agricole (+ servage, propriété communautaire) ▪ L’absence de la contrainte spatiale ne pousse pas à la recherche de la productivité ; servage jusqu'à les années 1860 ◦ Poids de la bureaucratie ◦ Difficultés de mise en valeur du territoire ◦ Blocages socio-politiques (régime tsariste, poids de l'aristocratie) ◦ Mouvement d'industrialisation à partir du dernier quart du 19ème siècle ▪ Réformes libérales (conseiller Stolypine) ▪ Équipement en chemin de fer largement financé par le recours aux capitaux étrangers emprunts russes en 1915 – 1/5 des ménages français) ▪ Développement reste limité aux grandes villes + industrie textile ◦ Impossibilité de parler d’une véritable Révolution Industrielle en Russie avant 1914 ▪ développement en « taches de léopard » : foyer industriels éparpillés, agriculture très retardataire En conclusion : Double interrogation : ◦ Caractère unique du mouvement de Révolution Industrielle ▪ difficulté pour identifier un « modèle » de la RI ◦ Ampleur du basculement que représente la RI ? Certains auteurs remettent en cause la réalité même de la Révolution Industrielle ◦ en insistant sur les enchaînements de « micro changements » démarrés bien avant le 18ème sicle et qui conduisent progressivement à un nouveau système sans qu’on puisse identifier clairement de rupture brutale ( John Nef 1962) Il semble cependant difficile de nier l’existence d’une période cruciale : ◦ celle des années 1780 en Angleterre (voir dans certaines régions de l’Angleterre) où un ensemble de transformations se produisent et conduisent à l’émergence d’un nouveau système économique et social , ◦ même si cette émergence est beaucoup plus progressive et complexe que les analyses traditionnelles ne le prétendent ( Malthus et Ricardo n’ont pas compris toute l’ampleur de la Révolution agricole complexe). 4.4 L'ouverture des économies 4.4.1. La dynamique du libre échange La montée du libre échange ◦ La Révolution industrielle dans un cadre de protectionnisme (mercantilisme: objectif de l'excédent commercial en limitant les importations) ◦ Tournant historique en 1846 : abolition des corn laws par le gouvernement anglais (après des dures combats de lobby) marque l’entrée dans une logique de libre-échange ◦ Victoire politique des industriels (rôle de Ricardo) et de leurs représentants sur les propriétaires fonciers et les agriculteurs ◦ Mise en place de traités de commerce bilatéraux : ▪ Traité de commerce franco – anglais (à l’initiative de Michel Chevalier – Saint Simonien) en 1860 – un schéma politique ▪ Généralisation de ces traités entre la plupart des pays européens (exception de la Russie) entre 1863 et 1879) l’impact est accentué par le recours à la clause de la nation la plus favorisée (généralisation aux autres pays qui tiennent des accords semblables) ◦ A partir de 1860, une rupture avec la logique mercantiliste Question de l’interprétation du tournant libre échangiste ◦ un changement des mentalités ◦ Application des thèses formulées par A. Smith et D. Ricardo : caractère positif du libre échange (la notion de la spécialisation) ◦ Libre-échange correspond aux intérêts de l’économie dominante de l’époque, la Grande Bretagne ▪ ouverture aux importations de céréales permet de maîtriser les coûts salariaux et les couts de production ▪ le développement des exportations fournit des débouchés aux produits anglais à l’échelle planétaire ◦ Les éléments objectifs qui favorisent le commerce international: la croissance et la production, l'amélioration des transports, l'étalon-or Le retour au protectionnisme à la fin du 19ème siècle ◦ Tournant à partir de 1879 avec le retour à des pratiques protectionnistes ▪ d’abord en Allemagne lois de 1879 – « coalition du seigle et du fer » (un protectionnisme ciblé, mise en place des cartels) ▪ puis dans les autres pays européens (lois Méline de 1892: Jules MÉLINE, député des Vosges et ministre de l'agriculture) ◦ Ce protectionnisme apparaît comme une réponse aux difficultés de la « Grande Dépression » de la fin du 19ème siècle ▪ Il concerne essentiellement des secteurs fragilisés en France : agriculture et textile pressions déflationnistes, crises conjoncturelles, secteurs confrontés aux baisses des prix, un protectionnisme défensif Les liens libre-échange – croissance économique ◦ Thèse des économistes classiques (Smith, Ricardo) insiste sur le caractère positif du libre – échange en termes de croissance ◦ Idée corrélée avec le fait que la Grande Bretagne, premier pays libre-échangiste, est également la puissance économique dominante de la planète ◦ La phase d’ouverture européenne (1860 - 1875) est également une phase de croissance significative Analyse de Paul BAIROCH : complexité des liens libre – échange – croissance ◦ Argument 1 : naissance de la Révolution Industrielle se fait généralement dans un contexte de protectionnisme plus ou moins marqué ▪ Exemple de l’Angleterre (le commerce, les lois maritimes, les Corn Laws) à la fin du 18ème ▪ ex.: les États-Unis (protectionnisme durable) ◦ possibilité de théoriser l’efficacité d’un « protectionnisme éducateur » (Friedrich LIST: « Le libre échange est notre but, le protectionnisme est notre voie. ») ▪ Libre-échange permet une réduction des coûts et donc un gain de pouvoir d’achat mais qu’il génère des risques pour une nation car il peut bloquer le développement d’industries nécessaires à l’indépendance nationale ▪ croisement de l'intérêt économique individuel et de l'intérêt de la collectivité (industries militaires) ◦ Protectionnisme représente une « perte à la valeur » mais est nécessaire à l’autonomie de la nation pour ensuite mettre en œuvre le libre – échange ◦ Argument 2 : pays qui mettent en œuvre le protectionnisme dans les années 1880 sont caractérisés par une dynamique de croissance plus forte que celle du pays resté strictement libre-échangiste : le Royaume – Uni ▪ Idée que le protectionnisme défensif de cette période représente une solution pertinente aux problème de la Grande Dépression en particulier pour l’agriculture et les industries traditionnelles. ◦ Argument 3 : Dynamique du commerce international à la fin du 19ème siècle apparaît largement indépendante des politiques commerciales (tendance au protectionnisme mais croissance des exportations, du PNB) Le protectionnisme au XIX e ne remet pas en cause la croissance économique 4.4.2. Les flux de capitaux Rôle facilitateur de l’étalon – or ◦ stabilité des taux de change Le rôle central des pays européens ◦ prépondérance des investissements européens (division Nord-Sud) L'exemple anglais ◦ la présence dans les anciennes colonies, pays anglophones, dans le Commonwealth Un aspect des investissements français : les emprunts russes ◦ 20% des ménages français en 1914 Motifs des investissements à l'étranger : ◦ Recherche de profits élevés ◦ rentabilité de l'investissement supérieur a celui sur le territoire national ◦ Stratégies politiques ▪ les emprunts sont soutenus par les gouvernements ( ex.: Égypte, Turquie, Chine) ◦ Stratégies bancaires ▪ les banques occidentales vont chercher des débouchés a l'extérieur ( ex.: les emprunts russes proposés par les banques françaises) Double interrogation : ◦ Craintes de l’époque portent sur le risque de voir de nouveaux concurrents se dresser face aux économies nationales ▪ Edmond Théry : Le péril jaune – 1901 ◦ Interrogations actuelles portent sur un relatif manque de capitaux nationaux pour financer les industries nouvelles de la fin du siècle ▪ les capitaux partent a l'étranger et vont manquer a l'économie nationale ▪ un frein à la croissance? ▪ explication du déclin anglais à la fin du XIXe siècle? Flux d'investissements sont également portés par les premières FMN ◦ les entreprises qui développent une logique de production dans un cadre mondial ◦ Logique essentielle est l'exploitation des ressources naturelles ▪ les plantations et les mines ◦ Caractère limité des stratégies de conquête de marché ▪ internationalisation des entreprises Une polarisation Nord-Sud accrue 4.4.3. Les flux migratoires internationaux Développement d’un mouvement significatif d’émigration à partir du continent européen au 19ème siècle ◦ flux principaux s’orientent vers les États-Unis et dans une moindre mesure vers l’Amérique Latine et les colonies de peuplement (par exemple Algérie) ◦ un taux de migration très fort ◦ un flux polarisé ◦ surtout entre 1871 – 1915 Diversité des motifs de l’émigration : ◦ Un lien avec la croissance démographique européenne ▪ émigration = soupape de sécurité ◦ Émigration pour des raisons économiques ▪ processus marqué à la fois par la fuite de la pauvreté et l’espoir de la richesse (États-Unis = « Land of plenty ») ▪ Importance des progrès dans les transports (lignes transatlantiques) ▪ Immigration intègre également des principes de réseau ex.: China Town, Little Italy Mutations dans les migrations : ◦ Origine des migrants ▪ passage des Anglo-saxons à des populations méditerranéennes et d'Europe centrale ◦ Caractéristiques des migrants ◦ le niveau de formation et de qualification tend à se réduire Hypothèse : taylorisme est une réponse à la question de l’insertion de migrants moins qualifiés Mouvement de fermeture progressive des États-Unis (lois, Ellis Island, quotas en 1830) 4.4.4. Vers une première mondialisation ? Première mondialisation est analysée par K. O’ Rourke et J. Williamson : « Globalisation and history » - 1990 Suzanne BERGER : Notre première mondialisation Idée que la période qui précède la 1 ère Guerre Mondiale est caractérisée par un mouvement significatif d’intensification des flux internationaux et d’intégration des marchés mondiaux en ce qui concerne les marchandises, les hommes et les capitaux (le rapprochement des marchés est de plus en plus significatif) Les trois dimensions de la première mondialisation ◦ le ratio des exportations totales sur le PIB mondial ◦ l'indice d'intégration financière internationale (IDE/PIB mondial) ◦ indicateur de migrations internationales Un mouvement de mondialisation plus important pour les hommes et les capitaux L’ouverture des échanges Symbole de la mondialisation : convergence des prix mondiaux La réduction des marges sur les produits exotiques La colonisation ◦ Ancienneté de la logique de la colonisation ▪ remonte aux grandes découvertes (traité de Tordesillas: ligne de partage entre le Portugal et l'Espagne pour les colonies) ◦ Nouveautés du 19ème siècle : ▪ Déclin des vieilles puissances coloniales (Péninsule ibérique, Pays Bas), affirmation de nouvelles puissances (Angleterre, France, Allemagne, Italie) ▪ Lien colonisation puissance industrielle (complexe) ▪ Mise en œuvre d’une colonisation systématique ou presque ▪ exemple de l’Afrique : une volonté politique de coloniser (Traité de Berlin 1890) Première question : quels sont les motifs de la colonisation ? ◦ Coexistence de trois grands types de motifs : ▪ Motif économique ▪ Motif politique ▪ Volonté de diffuser la civilisation occidentale (une mission civilisatrice) le discours de Jules FERRY (président du conseil) l'importance de l'Afrique la puissance politique d'un pays Deuxième question : quel bilan peut-on tirer du colonialisme ? ◦ Pour les pays colonisateurs: débouchés et ressources ◦ Commerce important avec les colonies : ▪ 1913 : commerce avec les colonies représente 20 % des importations et 37 % des exportations anglaises (10 et 13 % pour la France) ▪ Investissements en capitaux : 50 % des investissements extérieurs britanniques sont orientés vers l’empire colonial lieux privilégiés des investissements (Commonwealth – mise au commun de la richesse) ◦ Contribution à la dynamique de croissance ▪ surtout dans le contexte de la Grande Dépression – 1820 accélération de la colonisation africaine ▪ interrogations sur des effets pervers par manque de concurrence effets pervers qualitatifs: lieux où les acteurs économiques de la métropole n'ont pas de concurrent et donc pas d'incitation en termes d'efficacité ▪ Idée que les colonies représentent globalement un coût pour les États (Jacques Marseille) dépenses militaires et d’administration l’emportent sur les revenus fiscaux des colonies ◦ Colonisation permet par contre des profits privés significatifs ▪ taux de profit des entreprises coloniales (surtout dans le commerce) est nettement supérieur à celui des entreprises de la métropole ◦ Un bilan ambivalent ▪ documents complémentaires: Duflo: Le fardeau de l'homme blanc ◦ Pour les pays colonisés : ▪ La colonisation est source de désarticulation et de blocage des économies colonisées l'orientation de la production vers les besoins de la métropole ◦ ex.: spécialisation de l'Indochine dans le riz, de l'Algérie dans les fruits et le vin extraversion de l'économie, l'économie locale reste marqué par des difficultés (structures de transport ne bénéficient pas au développement) ▪ Colonisation serait alors la source du sous-développement ▪ La colonisation a permis la mise en place des prémices de la société moderne une administration publique, des infrastructures, des progrès dans l’hygiène et l’éducation Elle peut donc fournir les bases du développement Impossibilité de trancher de manière indiscutable entre les deux thèses d’autant plus que les situations locales sont très différenciées ◦ les pratiques des colonisateurs: Français plaquent le système national, les Anglais mettent en place des élites locales La question de l'impérialisme ◦ Principe de l’expansion mondiale du capitalisme est déjà présent chez Marx ▪ une intuition de Marx ▪ K. Marx – F. Engels – Le manifeste du parti communiste – 1848 ▪ repris par Immanuel WALLERSTEIN ◦ Développements d’analyses critiques sur l’impérialisme ▪ Hobson (non marxiste) – L’impérialisme (1902) journaliste socialiste en Grande-Bretagne; critique la logique des exportations et des coûts idée centrale : il faut augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs plutôt que de chercher de nouveaux marchés à l’étranger ▪ Hilferding – Le capital financier (1910) idée centrale : développement du capital financier ( investissements internationaux) est lié à une recherche de domination par ses détenteurs ▪ Lénine - L’impérialisme, stade suprême du capitalisme – 1916 la domination politique, le mode de développement du capitalisme et son extension mondiale ▪ Suzanne Berger – Revue Sciences Humaines – 2003 « la première mondialisation est caractérisée par cette convergence des prix sur le marché mondial » « les investissements à l'étranger étaient extrêmement élevés » ▪ Keynes - Les conséquences économiques de la paix – 1920 un monde fini et unifié par les flux Notes: la Révolution Industrielle ne s'est jamais faite avec un régime démocratique Une dimension schumpétérienne dans la Révolution industrielle – la vague des innovations qui vont nourrir les industries naissantes, mais elle s'articule également avec une dimension smithienne (marché, efficacité, spécialisation) ◦ POLANYI: « La Révolution industrielle, c'est la rencontre de la machine et du marché ». 1620: pèlerins de Mayflower la colonie comme débouché ?!? première manufacture de Creusot: des ingénieurs anglais immigration aux Etats-Unis : des logiques différentes : ◦ début XIX e des artisans concurrencés par l’industrie naissante ◦ fin XIXe paysans (tendances significatives) Bismarck : articles AlterEco novembre Afrique : agriculture extensive difficile à moderniser