No 4 Mai 2012 Le Magazine d’AgroParisTech Alumni REGARDS SUR… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités PORTRAITS & PARCOURS Yves Bourdillon, PG 79 : Journaliste et auteur, l’AgroSymbiose mène à tout ! – le magazine d’AgroParisTech Alumni – N 4 – Mai 2012 O 1 Editorial Déjà un an ! E n un peu plus d’un an, notre association de diplômés AgroParisTech Alumni est passée de l’enfance à l’adolescence, et pour cela, bénévoles comme permanents n’ont pas chômé. En tant que responsable de la communication et des évènements au sein du Bureau et en votre nom, je tenais à les remercier pour avoir concouru à doter notre association des outils indispensables à son développement : une revue de qualité avec Symbiose, une lettre d’information nous permettant de relayer les informations les plus brulantes avec Le Lien, des manifestations régulières donnant la parole à des intervenants de qualité avec les Mardis du Quai Voltaire et un évènement de grande envergure initié par notre Association et coorganisé avec la Cité des Sciences et Sciences Po, intitulé « La fin de la faim en 2050 ? », venant compléter les Rencontres annuelles Agro X ENA dont la dernière édition, intitulée « Eau et ville : dessine-moi un modèle » a été organisée en novembre 2011. Si le chemin parcouru est intéressant, il reste encore beaucoup à faire. Notre association AgroParisTech Alumni va désormais devoir apprivoiser ces nouveaux outils pour les utiliser au mieux et permettre à chacun d’entre nous d’être mieux informé, de mieux se connaître afin de renforcer les liens qui nous unissent. Pour y arriver, deux axes de progrès ont déjà été identifiés pour 2012 : rendre plus fonctionnelle notre interface Internet, que ce soit notre site www.aptalumni.org ou notre présence sur les réseaux sociaux ; mais aussi systématiser la diffusion vidéo de nos manifestations afin que chacun d’entre nous puisse en bénéficier, qu’il soit à Paris, en région ou à l’étranger. Pour autant, notre investissement à tous, bénévoles comme permanents, n’a de sens que s’il vous est utile. Votre participation à la vie de l’association est essentielle, qu’elle prenne la forme d’articles envoyés, de conseils dispensés aux jeunes diplômés, de temps passé à réfléchir avec nous à la direction à donner à notre association AgroParisTech Alumni, ou tout simplement en y adhérant. Nous comptons sur vous. Amicalement. ❙ Pierre Sabatier (PG 01), Administrateur d’AgroParisTech Alumni, Président de PrimeView Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 3 81*5283(&223e5$7,) $*5,,1'8675,(/'( 5e)e5(1&(1e'(/$)86,21 '(6&223e5$7,9(6 &+$03$*1(&e5e$/(6 (71285,&,$ 8QJURXSHLQWHUQDWLRQDO VRFLpWpVFRQWLQHQWVSD\VXVLQHV 8QJURXSHOHDGHU qUHFRRSpUDWLYHFpUpDOLqUHHQ)UDQFH /HDGHUPRQGLDOGXPDOW 8QOHDGHUHXURSpHQGHODPHXQHULH qPHPDwVLHUHXURSpHQ FKHUFKHXUV /·DFWHXUUpJLRQDOGHUpIpUHQFH PLOOLRQVGHWRQQHVFROOHFWpHVVXUOHVGpSDUWHPHQWV HW VLORVGHFROOHFWH PLOOLRQG·KHFWDUHV DGKpUHQWVDFWLIVGRQWpOHYHXUV FOLHQWVDJULFXOWHXUV FOLHQWVYLWLFXOWHXUV FROODERUDWHXUVFRRSpUDWLYHV ILOLDOHVDJULFROHVHWLQGXVWULHOOHV 1275(9,6,21 1275(0,66,21 $JLUSRXUUpSRQGUHDX[JUDQGVGpILVGHO·DJULFXOWXUH %kWLUXQPRGqOHpFRQRPLTXHDJULLQGXVWULHOGXUDEOH FUpDWHXUGHYDOHXU /HGpILDOLPHQWDLUH /HGpILpFRQRPLTXH /HGpILHQYLURQQHPHQWDO /HGpILVRFLpWDO ÈWUHXQPRGqOHJDJQDQW ,QQRYHUGDQVO·DJULFXOWXUHGXUDEOH 2UJDQLVHUOD5HFKHUFKH,QQRYDWLRQ 1275($0%,7,21 126&+$036'·$&7,21 &UpHUXQJURXSHFRRSpUDWLIDJULLQGXVWULHOLQQRYDQW /H7HUULWRLUHOH0RQGHOH)XWXU &UpHUHWSURGXLUHGHVVROXWLRQVDJULLQGXVWULHOOHVGXUDEOHV SHUPHWWDQWG·DXJPHQWHUOHUHYHQXGHVDGKpUHQWVHQ UpSRQGDQWDX[DWWHQWHVGHVFOLHQWVHWGHODVRFLpWp 1RWUHPRGqOHEDVpVXUWURLVFKDPSVG·DFWLRQ FRPSOpPHQWDLUHVQRXVSHUPHWGHUHOLHUOHVDJULFXOWHXUVDX[ WHUULWRLUHVDX[PDUFKpVDXPRQGHDXIXWXUHQFDSWDQW ODFURLVVDQFHPRQGLDOHHQLQQRYDQWGDQVGHVSURGXFWLRQV LVVXHVGXYpJpWDOSRXUDXILQDOHQULFKLUQRVWHUULWRLUHV 5HWURXYH]QRVRIIUHVGHVWDJHHWG·HPSORLVXUZZZYLYHVFLDFRPUXEULTXH©5HFUXWHPHQWª N° 4 – mai 2012 – 2è Année Sommaire Editeur : AgroParisTech Alumni FFE Directeur de la publication : Pierre Sabatier Rédacteur en chef : Ghislaine Challamel Comité de rédaction : Christian Abbas Juliette Auricoste Thierno Iliassa Baldé François Bûche Corinne Couteau Léonore Dobbelaere Patricia Flodrops Amaury Kalt Camille Laborie Edouard Marchand Annie Novelli Odile Piettre Margot Poupeville Marie-Pierre Quessette Pierre Reltien-Tellez Pierre Sabatier Manon Salle Clément Servant Christelle Thouvenin Solange Van Robais 06 Edition et Régie Publicitaire : FFE 15 rue des Sablons – 75116 Paris Tél. : 01 53 36 20 40 www.ffe.fr Directeur de la Publicité : Benjamin Sarfati Responsables de la publicité : Philippe Aboulker Tél. : 01 43 57 91 66 [email protected] Responsable technique : Aurélie Vuillemin Tél. : 01 53 36 20 35 [email protected] Maquette : Laetitia Langlois Regards sur… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités 38 Portraits & Parcours 38 40 Yves Bourdillon (PG 79) : Journaliste et auteur, l’Agro mène à tout ! Fabienne Hermitte (PG 91) : Lauréate du 2e prix des femmes innovantes en Europe 41 Cahier Entreprises 60 En direct de l’Ecole 60 AgroParisTech signe une chaire d’enseignement et de recherche avec Danone Research AgroParisTech investit dans l’information spatialisée au service de l’environnement et des territoires avec GEOSUD 12 000 km à vélo sur les routes de l’innovation Les Randonneuses de l’Agro participent à l’Oxfam Trailwalker Les Débats de l’Agro s’interrogent : que peut-on attendre des entreprises alimentaires et des pouvoirs publics en nutrition ? Les étudiants rencontrent des dirigeants de grandes entreprises « Question de Genre » s’interroge sur la représentation du Féminin et du Masculin dans le monde du travail L’insertion professionnelle des docteurs : le point de vue d’un expert en recrutement 62 64 66 68 70 73 75 Impression : Imprimerie de Champagne 78 Romain Bertrand, doctorant à l’ENGREF au sein du laboratoire d’étude des ressources fôret-bois 80 Echos de ParisTech 80 Les Agros se retrouvent en Chine dans le réseau ParisTech Alumni 82 La vie de l’Association 82 86 90 Évènements Carnet Hommages 96 Tribunes Libres 96 98 100 Chine : entre fascination et aveuglement Parler de solidarité internationale à tout le monde, en toute indépendance Traitements de la vigne, une méthode originale 102 Vu, Lu, Entendu… Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 5 Regards sur… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités Sommaire du dossier p. 7 Présentation du dossier et repères sur la forêt Dominique Danguy des Déserts p. 8 L’effet du changement climatique sur la végétation, deux publications d’AgroParisTech dans Science et dans Nature Jean-Claude Gégout p. 10 Regards croisés sur l’avenir des forêts françaises face au changement climatique Vincent Badeau, Nathalie Bréda et Paul Leadley p. 12 Politique forestière et changement climatique, un cas particulier de projection dans le long terme Jacques Andrieu p. 15 La forêt face au changement climatique : menaces et stratégies d’adaptation Philippe Riou-Nivert p. 20 Les atouts des produits à base de bois pour lutter contre le changement climatique Georges-Henri Florentin p. 25 Produire de la chaleur et de l’électricité à partir de biomasse Pierre de Montlivault p. 27 La recherche en Guyane française face au changement climatique et aux flux de carbone Éric Marcon (et encadré Guyane par Jacques Andrieu) p. 30 L’investissement forestier, à la croisée des chemins ? Clément Chénost p. 32 La ressource forestière française : en pleine expansion, mieux l’ exploiter pour mieux la préserver Jean-Christophe Hervé p. 35 Comment prendre en compte le changement climatique dans l’enseignement forestier supérieur ? Bernard Roman-Amat 6 Le chêne sessile (ou rouvre, Quercus robur) est l’essence la plus commune de la forêt française ; son adaptation aux conditions à venir dépend de la génétique et de la sylviculture ; l’enjeu est d’importance ! Chêne adulte en bordure d’une régénération dans une forêt du Perche ; photo Sylvain Gaudin, CRPF Champagne-Ardenne. Photothèque CNPF. L a forêt tient une place toute particulière dans le changement climatique pour deux raisons. Tout d’abord, son impact sur les écosystèmes forestiers est, et surtout sera, d’autant plus fort que leur cycle d’évolution s’inscrit dans le temps long ; la vie d’un arbre est de l’ordre du siècle, or l’évolution actuelle du climat s’évalue en décennies ; on entend parfois dire « la terre en a vu d’autres » ; certes, mais un changement aussi rapide, il semble bien qu’il n’y ait pas de précédent, au moins durant le quaternaire. En conséquence, les choix qu’ont à faire les forestiers en ce début du XXIe siècle doivent être pensés en fonction du climat estimé à la fin de ce siècle, voire au début du suivant. Redoutable défi, notamment dans le choix des essences à cultiver. Ensuite, il faut considérer que la forêt et le bois peuvent contribuer à atténuer l’évolution du climat : d’une part la forêt est un puits de carbone, l’un de ceux sur lesquels l’homme peut agir de façon directe, en négatif (défrichement, incendie…) comme en positif (reforestation, augmentation du stockage dans la plante ou dans le sol), d’autre part, le bois peut contribuer à atténuer l’effet de serre, soit par l’augmentation de son usage dans la bâtiment (où il stocke durablement du carbone et où ses qualités contribuent aux économies d’énergie), soit par son utilisation comme combustible en substitution aux énergies fossiles (qui sont de la biomasse stockée au cours des temps géologiques). Voilà pourquoi, le comité de rédaction de Symbiose a choisi, pour le dossier du n° 4, de se pencher sur ce sujet. « Menaces et opportunités », le sous-titre veut signifier qu’il faut à la fois s’inquiéter de l’avenir de la forêt et savoir l’utiliser pour limiter le changement climatique. Il n’était évidemment pas possible dans le cadre de notre revue d’être exhaustif sur un sujet d’une telle complexité, aussi avons-nous pris le parti d’apporter des éclairages permettant de savoir où en sont les connaissances, les politiques et les actions relatives à cette problématique. Il ne s’agit donc pas de rentrer dans le débat sur la réalité, les causes ou la quantification du changement climatique mais de se cantonner aux interactions entre celui-ci et la forêt. Observe-t-on déjà des déplacements de végétation quantifiables ? Peut-on prévoir la répartition des essences forestières à la fin du siècle ? Que peuvent faire les forestiers pour préparer une forêt adaptée aux conditions à venir ? Quelles dispositions prennent les pouvoirs publics pour que la forêt et le bois contribuent à l’atténuation du changement climatique ? Pourquoi et comment développer l’utilisation du bois dans le bâtiment et dans la production d’énergie ? La production de bois pourra-t-elle suivre l’accroissement de la demande ? Enfin, élargissant le sujet, nous quitterons les frontières de la France métropolitaine pour comprendre et illustrer les dispositifs internationaux de financement du stockage de carbone en forêt et nous terminerons sur la prise en compte de cette problématique au sein d’AgroParisTech. Les onze articles qui suivent ont été rédigés par des enseignants, des chercheurs, des ingénieurs ou des responsables d’organismes publics qui travaillent sur ce sujet de façon scientifique et pragmatique ; ils sont donc fondés à nous faire un état des lieux. Le comité de rédaction de Symbiose les remercie de partager avec ses lecteurs leurs connaissances, leurs projets, leurs espoirs. ❙ Dominique Danguy des Déserts (P 66, Gref 71), membre du conseil d’administration d’AgroParisTech Alumni, coordonnateur du dossier Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 Quelques repères pour comprendre la place et les enjeux forestiers • Au niveau mondial : la forêt couvre 29 % des terres émergées, soit près de 4 milliards d’ha ; la forêt continue de régresser en zone tropicale de 10 à 12 millions d’ha/an, notamment par extension de l’agriculture, qu’elle soit de subsistance, exportatrice ou à des fins énergétiques. • Au niveau européen : la forêt occupe 37 % de la superficie des 27 pays de l’Union européenne soit 156 millions d’ha ; les principaux pays pour la récolte forestière commercialisée sont la Suède, 59 Mm³/an, l’Allemagne, 54 Mm³/an, la Finlande, 45 Mm³/an et la France, 29 Mm³/an (il s’agit de m³ sous écorce). • La forêt française métropolitaine occupe 29 % du territoire soit 16 Mha ; elle croit actuellement lentement (+ 30 000 ha/an) après avoir doublé de superficie entre le début du XIX° siècle et la fin du XX° siècle ; la forêt française est caractérisée par la variété des écosystèmes (atlantiques, semi-continentaux, montagnards, méditerranéens) ; c’est une richesse (biodiversité, résilience) mais aussi une contrainte (hétérogénéité des produits) ; à la forêt métropolitaine, il convient d’ajouter la forêt des départements d’outre-mer (8 Mha en Guyane). • Les 2/3 de la superficie forestière française sont occupés par les feuillus, le chêne étant l’essence la plus répandue ; les résineux sont dominants en montagne et en Aquitaine ; ils sont en moyenne deux fois plus productifs que les feuillus : respectivement 11,5 et 5,7 m³/ha/an ; l’accroissement de la forêt est estimé à un peu plus de 85 Mm³/an. • La forêt française est publique (domaniale ou communale essentiellement) à 26 % et privée à 74 % ; la forêt privée est morcelée : les propriétés de moins de 10 ha représentent 35 % de sa superficie ; le nombre de propriétaires est évalué à plus de trois millions. Les forêts publiques sont gérées par l’Office national des forêts (ONF) ; les propriétaires privés sont représentés et encadrés par le Centre national de la propriété forestière (CNPF). • Les emplois de la filière forêt-bois sont évalués à 450 000 dans la gestion, la sylviculture, l’exploitation, la première transformation (sciage, pâte, panneaux, énergie) et seconde transformation (bâtiment, ameublement). L’économie de la filière demeure déficitaire, autour de 6 milliard d’ €/an, du fait essentiellement des produits transformés. 7 REGARDS SUR… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités L’effet du changement climatique sur la végétation, deux publications d’AgroParisTech dans Science et dans Nature L’équipe « Ecologie Forestière » de l’Unité mixte de recherche INRA-AgroParisTech LERFOB (Laboratoire d’Étude des Ressources Forêt-Bois) localisée à Nancy a publié en 2008 dans Science et en 2011 dans Nature deux articles sur l’évolution des écosystèmes impactés par le changement climatique Jean-Claude Gégout A l’heure où l’urgence de la crise économique et financière fait passer au second plan ce problème majeur, mais dont les effets redoutables sont étalés dans le temps, il est utile de faire connaître aux lecteurs de Symbiose ce travail et son apport dans le débat scientifique. Au moment de la parution du premier article en 2008, l’effet du réchauffement climatique était montré de façon assez fragmentaire, essentiellement sur un petit nombre d’espèces, sur les milieux boréaux et alpins et sur la marge froide de l’aire de distribution des espèces. De plus, les causes réelles des changements imputés au réchauffement étaient parfois difficiles à discerner. Par exemple, la remontée de la limite forestière (entre forêt et alpage) en montagne était-elle due au réchauffement 8 climatique permettant la réalisation du cycle de vie des essences à haute altitude ou à la déprise agricole conduisant à une dynamique naturelle vers la forêt après abandon par l’agriculture ? Grâce à nos très grosses bases de données, nous avons étudié l’effet du réchauffement climatique sur un très grand nombre d’espèces (171), à l’échelle de l’ensemble de leur aire et sur l’ensemble des massifs montagneux français. Ce travail a été effectué dans le cadre de la thèse de Jonathan Lenoir que je dirigeais et en collaboration avec Pablo Marquet de l’université catholique du Chili et avec Henri Brisse et Patrice de Ruffray du CNRS. Nous avons comparé la distribution altitudinale des espèces avant et après 1985, date charnière à partir de laquelle les températures ont rapidement augmenté en France pour globalement se stabiliser des années 2000 à aujourd’hui (les périodes étudiées sont respectivement 1905-1985 et 1986-2005). Nous nous sommes aperçu que le cœur de la distribution altitudinale des espèces était monté en altitude de 65 mètres environ entre les deux périodes. La remontée était plus forte pour les herbacées à cycle de vie court que pour les essences à long cycle de vie. Ce travail a marqué une étape dans la mise en évidence de l’impact du réchauffement climatique sur les êtres vivants car il a contribué à asseoir la réalité du phénomène sur un grand nombre d’espèces et d’écosystèmes. Il a eut un fort impact médiatique tant à la télévision que dans les journaux français et étrangers et constitue maintenant une référence scientifique reconnue concernant les impacts du réchauffement climatique. Dans l’article de 2011, réalisé dans le cadre de la thèse de Romain Bertrand qui en est le premier auteur, nous montrons que des changements floristiques imputables au climat ne sont pas détectés en plaine contrairement à ce que nous avions observé en montagne (voir dans ce même numéro l’interview de Romain Bertrand). En comparant les changements de composition en espèces observés dans les communautés végétales de plaine à ceux des communautés de montagne, nous montrons qu’un remplacement progressif d’espèces adaptées au climat froid par des espèces adaptées à un climat plus chaud a permis aux communautés de montagne de « compenser » 0,54°C sur les 1,07°C Le coeur de la distribution altitudinale des espèces forestières est remonté de 65 m en altitude dans les montagnes françaises lors des dernières décennies ; Col du Lautaret, Alpes de Haute-Provence. Photo Jean-Claude Gégout. d’augmentation moyenne de la température observée sur la période étudiée. En revanche, pour les communautés de plaine, cette compensation n’a été que de 0,02°C pour un réchauffement similaire (1,11°C), ce qui révèle un déséquilibre grandissant entre la flore forestière de plaine et le climat. Une fragmentation des espaces forestiers plus grande en plaine qu’en montagne et une distance à parcourir plus importante pour retrouver les conditions thermiques de survie normales Résumé Deux études réalisées au centre de Nancy d’AgroParisTech et publiées dans les revues scientifiques Science (2008) et Nature (2011), ont montré que la plupart des espèces forestières montagnardes d’Europe de l’ouest avaient migré en altitude en réponse au réchauffement climatique récent pour retrouver les conditions climatiques favorables à leur développement. Ces migrations, qui ont permis aux communautés végétales montagnardes de s’adapter partiellement au réchauffement climatique, ne se sont pas produites en plaine du fait de plus grandes difficultés de migration des espèces. des espèces sont les principales raisons mises en avant pour expliquer les différences entre plaine et montagne. L’ensemble de ces résultats montre à la fois le fort impact du changement climatique en cours et la complexité de la réponse des écosystèmes qui peuvent conduire à des risques d’extinction d’espèces ou à la création de déséquilibres liés aux dynamiques de réponse très différentes entre espèces ou entre écosystèmes. ❙ Jean-Claude Gégout, Professeur en écologie forestière, HDR., AgroParisTech ENGREF 14, rue Girardet – CS 14216 – 54042 Nancy Cedex [email protected] Abstract Two studies, conducted in AgroParisTech – Nancy and published in the scientific journals Science (2008) and Nature (2011) showed that recent climate warming has caused plant species to shift at higher altitude in order to seek cooler conditions. These shifts allowed mountain plant communities to partly adapt to climate warming. Communities changes linked to climate warming not occurred in lowland forests due to the difficulty of species migration. Les lecteurs qui voudraient en savoir davantage sur le sujet pourront se reporter, outre aux articles parus dans Science et Nature, au n° 3-4 2010 de la Revue Forestière Française, accessible sur http://irevues.inist.fr/revueforestierefrancaise Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 9 REGARDS SUR… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités Regards croisés sur l’avenir des forêts françaises face au changement climatique Une nouvelle étape dans l’approche de l’impact prévisible du changement climatique sur la distribution et la croissance des espèces forestières françaises et le fonctionnement des forêts est concrétisée par une étude menée par des chercheurs de l’INRA, de l’Université ParisSud, du CNRS, du CEA, d’AgroParisTech et de l’Université Joseph Fourier de Grenoble. incertitudes associées. L’objectif de l’analyse était de comparer les sorties de différents types de modèles écologiques et de les confronter afin d’avoir une gamme de scénarios d’évolution. L’étude a porté sur une des cinq essences forestières dominantes en France. En général, les auteurs montrent que les arbres des plaines de l’ouest, du sud-ouest et du centre de la France seront les plus fortement touchés d’ici 2050. Le changement climatique compromettra l’avenir de certaines essences d’arbre en plaine, comme le pin sylvestre. Ces résultats viennent d’être publiés dans la revue « Ecology Letters » (Cheaib et al., 2012). « Imiter la nature, hâter son oeuvre », Bernard Lorentz (1775-1865) résumait ainsi la sylviculture enseignée à l'École royale forestière dont il fut le premier directeur, en 1824. Cet équilibre entre foresterie proche de la nature et forêt cultivée n'est-il pas toujours à rechercher pour adapter la forêt au changement climatique ? © AgroParisTech- centre de Nancy L’ impact prévisible du changement climatique sur la distribution et la croissance des espèces forestières françaises et le fonctionnement des forêts a fait l’objet de premiers travaux au cours de la dernière décennie (Thuillier, 2004 ; Badeau et al., 2010 ; Loustau, 2010 ; voir aussi Chabriat et al., 2011). Une nouvelle étape dans cette approche est concrétisée par une étude menée par des chercheurs de l’INRA, de l’Université Paris-Sud, du CNRS, du CEA, d’AgroParisTech et de l’Université Joseph Fourier de Grenoble. Cette étude a permis d’évaluer, à partir de huit modèles de dernière génération, l’impact possible du changement climatique sur les forêts et de souligner les 10 Le changement climatique, associé à l’augmentation de la concentration atmosphérique en CO2, a aussi des effets positifs sur les arbres. La croissance de certaines essences, comme le hêtre, pourrait être stimulée dans le nord, l’est et en montagne. Plus généralement, les modèles prévoient que toutes les espèces d’arbre étudiées progresseront en altitude, et que le chêne vert trouvera des climats favorables bien au nord de la région Méditerranéenne d’ici 2050. L’utilisation d’une grande gamme de modèles, allant de modèles statistiques à des modèles complexes de croissance des arbres, a permis d’identifier des incertitudes dans les évolutions possibles. Ainsi, il est difficile de prédire l’impact du changement climatique sans une meilleure connaissance des effets directs de l’augmentation de la teneur en CO2 atmosphérique sur la végétation. Par exemple, les fortes teneurs en CO2 peuvent atténuer les sécheresses chez certains arbres. En dépit de ces incertitudes, la plupart des modèles prévoient un recul des espèces de climat tempéré en plaine. Cela concerne plus précisément les essences telles que le hêtre ou les chênes sessile et pédonculé dans les plaines de l’ouest, du sud-ouest et du centre. Ces résultats sont en accord avec d’autres projets de recherche comme « Dryade » qui ont montré que la vulnérabilité des arbres aux insectes et à certaines maladies est augmentée après les sécheresses extrêmes, tandis que le réchauffement augmente certaines populations de bioagresseurs. Les sécheresses extrêmes ou à répétition des années 2003 à 2006, comme celles prévues à l’avenir, ont ainsi déjà engendré des dépérissements et des mortalités anormales des arbres. Le Pin sylvestre sera-t-il, en plaine, la première victime du changement climatique ? Photo Nathalie Bréda, forêt de Vouzeron (Cher). Les résultats de ces travaux accomplis au sein du projet QDIV (Quantification des effets des changements globaux sur la Diversité Végétale), soutenus par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et le GIS (Groupement d’Intérêt Scientifique) « Climat, Environnement, Société » ouvrent de nouvelles perspectives dans la recherche sur les effets du changement climatique sur la végétation. En effet, ils montrent le besoin de combiner plusieurs modèles écologiques de distribution d’espèces, comme le font les climatologues sur les modèles de climat, afin de comprendre leurs incertitudes, mais aussi leurs qualités. Que faire face à de tels scenarii ? Avec cette nouvelle étude, les scientifiques apportent des informations aux gestionnaires des forêts leur permettant d’identifier les régions et essences vulnérables où les évolutions à venir doivent être anticipées. Ces derniers se préparent déjà au changement climatique, en mettant en place différentes stratégies. Certaines consistent à favoriser les espèces plus résistantes à la chaleur et à la sécheresse aux dépens d’espèces plus vulnérables comme le pin sylvestre. Dans d’autres cas, la meilleure stratégie consiste à améliorer la résilience des forêts — par exemple en renforçant la diversité spécifique et génétique, ou en atténuant la sécheresse par une sylviculture plus économe en eau — pour faire face à un avenir incertain. ❙ Vincent Badeau et Nathalie Bréda, UMR1137 EEF Écologies et Écophysiologie Forestières, Département « Écologie des Forêts, Prairies et milieux Aquatiques » – Centre Inra de Nancy [email protected] [email protected] Références : Cheaib Alissar, Badeau Vincent, Boe Julien, Chuine Isabelle, Delire Christine, Dufrêne Eric, François Christophe, S. Gritti Emmanuel, Legay Myriam, Pagé Christian, Thuiller Wilfried, Viovy Nicolas and Leadley Paul. 2012. Climate change impacts on tree ranges : model intercomparison facilitates understanding and quantification of uncertainty, Ecology Letters, Badeau, V., Dupouey, J.-L., Cluzeau, C., Drapier, J. & Le Bas, C. (2010). Climate change and the biogeography of French tree species : first results and perspectives. In : Forests, Carbon Cycle and Climate Change (ed. Quae-INRA, Versailles). Inra Versailles, France, pp. 231-252. Chabriat Géraud, Mollier Pascale, Guehl JeanMarc. 2011. La forêt française face au changement climatique. INRA Magazine 17, 13-25. http ://www.inra. fr/l_institut/l_inra_en_bref/l_essentiel_en_documents/ inra_magazine Loustau Denis (éditeur). 2010. Forests, Carbon Cycle and Climate Change. (ed. Quae-INRA, Versailles). Inra Versailles, France Thuiller, W. 2004. Patterns and uncertainties of species’ range shifts under climate change. Global Change Biology 10, 2020-2027. ❙ Paul Leadley, Laboratoire Écologie, Systématique et Évolution, CNRS/Université Paris-Sud/ AgroParisTech [email protected] Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 11 REGARDS SUR… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités Politique forestière et changement climatique, un cas particulier de projection dans le long terme Si le secteur de la recherche a été le premier à produire des références sur les impacts du changement climatique sur les forêts, les grands organismes gestionnaires de forêts ou venant en conseil se sont assez fortement investis au milieu des années 2000 sur le sujet. de Bernard Roman Amat en décembre 2007 sur le sujet et à la suite de sa présentation devant le Conseil supérieur de la forêt. Jacques Andrieu S i c’est assez naturellement le secteur de la recherche qui, le premier, a produit des références sur les impacts du changement climatique sur les forêts, que ce soit à partir d’entrées écologiques, physiologiques ou génétiques (avec une importante étape franchie dans le cadre du projet CARBOFOR qui a développé une approche autécologique de la question), les grands organismes gestionnaires de forêts ou venant en conseil se sont assez fortement investis au milieu des années 2000, assez récemment donc, sur le sujet ; que ce soit l’IDF (Institut de développement forestier), la Société forestière de la Caisse des Dépôts ou l’ONF (Office National des Forêts). Le débat a surtout été porté au niveau de la politique forestière à partir de la publication du rapport 12 L’appropriation du sujet fut rapide puisqu’il est aujourd’hui au cœur même des stratégies de politique forestière, que ce soit à travers l’adaptation au changement climatique de la forêt française ou la participation de la forêt à l’atténuation (mitigation) de ce phénomène, à travers notamment les questions de stockage de carbone par la forêt et les produits bois. L’objet n’est pas ici de revenir sur les effets attendus des modifications du climat ou des voies de réponse envisageables (les travaux en ce sens sont nombreux et structurés), mais plutôt d’en examiner l’appropriation en terme de politique publique, à l’heure même où la politique forestière est interrogée sur un certain nombre d’orientations. La question du temps long, forte spécificité de la politique forestière, et son lien avec les phénomènes naturels de moyen terme De tout temps, depuis qu’elle peut être identifiée comme telle, la politique forestière s’est par nature attachée à travailler dans le moyen et long terme, en lien avec un secteur dont le rythme de production est, très atypique : généralement de 50 à 150 ans. C’est donc assez naturellement que cette politique aborde la question du changement climatique comme un élément supplémentaire à intégrer, générateur de nouveaux risques marqués d’incertitudes. En terme d’échéances, quel que soit le scénario climatique retenu, ce sont en tout état de cause des pas de temps de 50 ans, 100 ans, 150 ans qui verront des changements sensibles de climat, à la fois en terme de températures, de volume ou rythme des précipitations, voire d’occurrence de phénomènes extrêmes de type sécheresse. Le pas de temps de ces changements correspond à l’horizon d’anticipation habituel des gestionnaires forestiers. accrue des incertitudes climatiques qui induit des préconisations sans doute moins fermées que précédemment. Ces modifications amènent à devoir prendre en compte des changements dans un des seuls éléments qui paraissait stable dans le temps, celui des conditions stationnelles. forêts et en charge de l’écologie. Prise de conscience, étape, portage de l’enjeu au niveau politique, il a beaucoup insisté sur la nécessité de renforcer les connaissances sur le sujet et de favoriser leur transfert vers les gestionnaires. Si toutes les recommandations n’ont pas été suivies à la lettre, elles ont cependant largement irrigué les stratégies ultérieures. Des options différentes en terme d’orientation, partiellement guidées par la manière de prendre en compte le changement climatique En ce sens, par force, le secteur forestier peut être envisagé comme un précurseur de l’intégration des préoccupations climatiques dans la gestion, publique ou privée. L’adaptation à ce changement se conçoit selon la nature des différents impacts attendus : changement de productivité, modification de la distribution des essences forestières, variation des facteurs de risques. En premier lieu se situe notamment la création, en 2008, du réseau mixte technologique « RMT Aforce, adaptation des forêts au changement climatique », animé par l’IDF et regroupant organismes de recherche, de formation, de développement forestier et gestionnaires. Son objectif est clairement positionné vers la fourniture d’outils d’aide à la décision à destination des gestionnaires. Quant à l’attitude du forestier face aux enjeux du changement climatique, différentes voies existent et une tendance à l’opposition d’orientations contrastées se dessine. Ce serait une caricature que de distinguer trop nettement deux voies de réponse. Néanmoins, par commodité ou nécessité d’expression des oppositions, les acteurs se prêtent facilement à cette simplification manichéenne : La forêt et la politique forestière peuvent légitimement revendiquer avoir intégré et développé la notion de développement durable avant que le terme ne soit vulgarisé et diffusé. Elles peuvent et pourront sans doute revendiquer avoir intégré avant les autres, dans leurs orientations même, les conséquences du changement climatique comme axe structurant. Enfin, le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) élaboré sous l’égide du ministère chargé du développement durable, publié en juillet 2011 a marqué une étape essentielle dans l’élaboration d’une stratégie globale tournée vers l’adaptation. Celui ci insiste évidement fortement sur la nécessité d’investir dans la connaissance, la prévision et la modélisation. Ce plan regroupe 19 thèmes dont la forêt fait partie et a été reconnu par ailleurs comme un des quatre enjeux majeurs en terme d’adaptation. Sont notamment développés les besoins de collecte et diffusion de données écologiques, celles relatives aux capacités d’adaptation des peuplements forestiers, de préservation de biodiversité ou plus largement de services environnementaux et enfin d’anticipation et gestion des phénomènes climatiques extrêmes. – d’un côté, la prise en compte du changement climatique conforte, pour certains, la nécessité de renforcer la protection des forêts, de sanctuariser des espaces croissants et des continuités ou trames, de favoriser le vieillissement de la forêt française permettant un stockage de carbone dans le bois sur pied, de conforter la diversité génétique de la forêt en place, gage de résilience. Un investissement primordial dans la connaissance et une dialogue initié entre chercheurs et gestionnaires Il reviendrait sans doute aux instituts de recherche de tracer la genèse de l’entrée progressive du thème changement climatique dans les préoccupations de recherche française et européenne. Celui ci s’est progressivement imposé à travers les différentes disciplines académiques. Différents réseaux d’observation ont été mis à contribution et exploités par ce prisme. On retiendra l’étape qu’a constitué le projet CARBOFOR (2002-2005), centré sur carbone et changement climatique, comme moment focal de cristallisation et diffusion d’un certain nombre de projets. Ce fut également pour les gestionnaires un moment important de prise de conscience des enjeux liés au changement climatique. Le rapport sus mentionné de Bernard Roman-Amat répondait à une demande conjointe des Ministres en charge des Au final, la prise de conscience d’un besoin important de connaissance est largement réalisée, ainsi qu’un travail de fond associant les communautés scientifiques et les gestionnaires forestiers investis sur sur les questions d’adaptation des forêts françaises aux condition futures. Si les résultats ne sont sans doute pas aussi finalisés que le souhaiteraient les organismes de développement, les gestionnaires eux mêmes ainsi que les décideurs, la relative jeunesse en terme de programmes de recherche en est une des causes majeures. Mais c’est également, condition nouvelle, une prise en compte – à l’opposé le changement climatique valide pour d’autres une voie d’intensification de la production, d’accroissement de la récolte pour des stockages de carbone sous forme de produit bois et d’énergie renouvelable, de raccourcissement des cycles, gage d’orientations plus rapides pour tenir compte des incertitudes futures, de rajeunissement de la foret française pour optimiser le puits de carbone actuel et futur. Ces deux voies ne se rejoignent que sur la nécessité d’accroître les connaissances, notamment en matière de génétique, mais avec des fins différentes. Amélioration génétique en vue de plantations mieux adaptées, caractérisation plus fine en vue de favoriser une résilience accrue pour les un, amélioration génétique en vue de plantations mieux adaptées pour les autres. Ces voies croisent celles qui ont pu opposer dans le milieu forestier les tenants de plantation face à ceux de la régénération Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 13 REGARDS SUR… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités naturelle, ceux tenant d’une orientation résolue vers des plantations résineuses face aux protecteurs de forêts feuillues plus diverses, ceux pratiquant une sylviculture par massif équienne face aux avocats d’une sylviculture irrégulière et continue. La science fournira des argumentaires et permettra de pondérer les différentes options, mais ne saura répondre à des approches en terme de valeurs qui alimentent le débat forestier depuis ses origines. Une attention accrue à la question des risques et à leur évolution est certainement souhaitable et pourrait orienter certaines réponses. A l’opposé, la question est posée en regard, parfois avec simplisme également, sur les fondements de politique de protection de la nature du fait de leurs entrées parfois excessivement fixistes, alors que le changement climatique impose une approche dynamique, capable de s’adapter en fonction de l’évolution du climat et de l’apport de nouvelles connaissances. Cette approche inclut une vision sans doute plus dynamique des biotopes, avec des variations et migrations que les outils actuels de protection ne sont pas toujours en mesure d’intégrer. Conclusion L’État, dans ses modalités d’intervention forestière qui se sont longtemps centrées sur la gestion des forêts publiques, n’hésitait pas dans le passé à préconiser des orientations techniques sylvicoles. C’est un champ qu’il a relativement délaissé, d’une part en confiant cette responsabilité aux organismes dédiés à la forêt publique et à la forêt privée, d’autre part en renvoyant les orientations forestières à un processus partagé au niveau régional : ORF (orientations régionales forestières), DRA (directives régionales d’aménagements, SRA (schéma régional d’aménagement), SRGS (schéma régional de gestion sylvicole). De nouvelles questions sont aujourd’hui posées, en lien avec le changement climatique, concernant sa légitimité à réinvestir ces orientations. La politique forestière a toujours eu la prétention de préparer à un instant t la forêt à t + 100 ou t + 150 ans. La question du changement climatique s’inscrit donc naturellement comme une entrée majeure 14 dans cette voie. C’est une gageure que de formaliser des choix de nature politique avec de telles échéances, il n’est pas évident que ce soit d’ailleurs plus difficile aujourd’hui qu’hier. La prise en compte résolue du changement climatique dans des orientations gouvernementales (par exemple le PNACC) est sans doute de nature à permettre une meilleure inscription d’orientations de moyen et long terme telles que celles qui s’appliquent au secteur forestier. Travailler dans le long terme est aussi travailler la question de l’investissement, dans ce secteur où les retours sur investissement sont particulièrement longs. Mais ce terme d’investissement doit être pris dans son acception la plus large d’investissement certes matériel dans la forêt, les plantations, les travaux sylvicoles de régénération ou renouvellement mais également d’investissement des propriétaires, publics ou privés, des sylviculteurs eux mêmes dans leur forêt, d’investissement dans la recherche, d’investissement dans la formation. Une gageure centrale d’évolution de la forêt est probablement là. ❙ Jacques Andrieu (R 83, Enssa 87), Sous directeur de la forêt et du bois, Ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire [email protected] Résumé La politique forestière, comme peu d’autres, s’inscrit dans un long terme correspondant au rythme de production des forêts, généralement supérieur au siècle. L’activité sylvicole, elle même appuyée sur un cycle biologique qui sera nécessairement impacté par les conséquences du changement climatique, est interpellée que ce soit en terme d’adaptation des forêts aux nouvelles conditions, ou par la contribution des forêts à l’atténuation de ce phénomène, notamment en stockant du carbone. Il est généralement admis qu’il relève de la responsabilité de l’État d’investir dans la recherche, le développement et les modalités de suivis particuliers permettant de mesurer le phénomène. Toutefois, de nouvelles questions sont aujourd’hui ouvertes quant à la construction d’orientations prenant spécifiquement en compte les modifications du climat. Elles portent sur l’implication à prévoir pour préparer une forêt française adaptées aux conditions des XXIe et XXIIe siècles tout en optimisant son rôle de puits de carbone. Abstract Forest policy, as few others, is part of a long-term process, linked to the rythms of forest production, usually longer than a century. The forestry activity based on a biologic cycle which will necessarily be impacted by the consequences of climate change, has to deal with the adaptation of forests to the climate change, or the contribution of forests to mitigate this phenomenon, including carbon storage. It is generally admitted that responsibility is down to the state to invest in research, development and implementation of measuring the carblon flow phenomenon. Nevertheless, new questions are now opened as for the construction of guidelines specifically taking into account the changes in climate. They focus on the involvement required to prepare the French forest adapted to the conditions of 21rst and 22nd century, while optimizing its role as a carbon sink. La forêt face au changement climatique : menaces et stratégies d’adaptation La forêt présente la particularité d’avoir un cycle de production de l’ordre du siècle. C’est à la fois un avantage qui lui permet de stocker du carbone mais aussi un inconvénient, rendant délicat tout essai d’adaptation au changement climatique. Philippe Riou-Nivert L a filière forestière est aujourd’hui en difficulté. Si des options fortes ne sont pas prises pour la soutenir, le risque est grand de voir se dégrader un pan de l’économie mais aussi un élément caractéristique du territoire national. Le présent article est une reprise partielle et actualisée d’un article paru dans « La Jaune et la Rouge », numéro d’août-septembre 2010. Le changement climatique : une préoccupation majeure pour les forestiers Le grand public a souvent du mal à se représenter les effets d’une évolution du climat qui se traduirait par une augmentation progressive des températures moyennes de 2 à 4°C au cours des 100 prochaines années. L’échéance du siècle paraît lointaine lorsque la préoccupation du moment est la météo des prochaines vacances. Pour le forestier au contraire, 2100, c’est demain. Par rapport aux productions agricoles, la forêt a en effet une originalité forte : le long terme. Cette particularité permet une certaine souplesse comme par exemple le maintien des bois sur pied si les cours sont trop mauvais mais demande une adaptation continue aux évolutions de la société. Ainsi les chênes plantés par Colbert pour la marine il y a 300 ans ont été convertis en meubles après la disparition des bateaux en bois. Les forestiers ont donc souvent une certaine distance vis-à-vis des grands problèmes qui agitent au jour le jour la sphère médiatique. Pourtant la forêt, qu’elle soit considérée comme espace naturel ou espace de production de bois, est un système biologique en prise directe avec les caractéristiques du milieu. Une question touchant au climat ne pouvait donc laisser les forestiers insensibles. Les arbres plantés aujourd’hui seront encore présents dans la majorité des cas dans 50 ou 100 ans, voire plus. Cela suppose qu’ils soient capables de supporter le climat actuel mais aussi le climat futur. Le sylviculteur ne peut pas en effet, comme l’agriculteur, adapter annuellement sa production aux évolutions de la conjoncture. Lors du renouvellement de ses peuplements, le forestier se posait jusqu’ici beaucoup de questions philosophiques liées directement au long terme : utilisera-t-on encore du bois dans un siècle, quelles essences, quels types de produits, à quel prix seront-ils payés ? Mais il avait une certitude : les conditions de croissance resteraient stables. Le sol et le climat moyens, immuables dans une région donnée, permettaient au moins un choix d’essences adaptées. Cette certitude, la seule sur laquelle il pouvait s’appuyer, vient de voler en éclats ! Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 15 REGARDS SUR… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités Des inquiétudes pour l’avenir Après la tempête de 1999, les attaques d’insectes qui ont suivi et la sécheresse de 2003, nombre de peuplements forestiers ont beaucoup souffert : ici épicéas dans les Vosges. © L.-M. Nageleisen, Département de la santé des forêts du Ministère de l’agriculture Des effets déjà perceptibles Les forestiers ont commencé à se préoccuper sérieusement du changement climatique au début des années 2000. La première impression ne fut cependant pas négative : l’augmentation de la température, accélérateur des réactions métaboliques, et celle du CO 2, carburant de la photosynthèse productrice du bois (et d’ailleurs à l’origine de toute matière vivante) ne sont pas les ennemis du sylviculteur. Les slogans d’EDF prônant un monde sans carbone leur ont toujours paru aberrants. Le CO 2 n’est pas un polluant, c’est la vie. Des études dendrochronologiques menées dans les années 1980 ont d’ailleurs montré que les arbres n’avaient jamais autant poussé depuis un siècle qu’aujourd’hui, attribuant ce surplus de croissance en partie aux évolutions favorables du climat. Malheureusement, ils prirent très vite conscience que ces effets positifs initiaux allaient rapidement être contrebalancés par des effets négatifs biens plus importants. En décembre 1999, deux tempêtes improbables balayèrent toute la France, renversant 170 millions de m 3 (plus de 4 années de récoltes), 15 fois plus que les tempêtes précédemment répertoriées de 16 mémoire d’homme. Dix ans plus tard, la tempête Klaus s’acharna à nouveau sur les futaies de pin maritime d’Aquitaine, les amputant de 43 millions de m3 supplémentaires. Le massif landais, jusqu’ici la plus grande forêt artificielle d’Europe (un million d’hectares) fut ainsi réduit de moitié en une décennie. En 2003, la plus forte canicule jamais enregistrée par Météo France, doublée d’une intense sécheresse, provoqua des dégâts massifs et continue à avoir des répercutions aujourd’hui. Si les climatologues ont toujours hésité à lier de façon sûre l’évolution des tempêtes au changement climatique, ils annoncent en revanche que l’été 2003 sera un été moyen vers 2070… La dernière décennie a donc été une période choc pour les forestiers, pourtant habitués aux caprices du climat. Ils L’accroissement des accidents violents est particulièrement redouté. Hormis les tempêtes (premier facteur de dégâts aux forêts), la première inquiétude des forestiers est l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses estivales, corollaire de celle des températures. Les sécheresses constituent le principal facteur déclenchant des dépérissements forestiers en perturbant et en affaiblissant durablement les arbres. Ainsi, après 2003, de nombreuses essences se sont retrouvées en porte à faux : pin sylvestre en zone méditerranéenne, sapin dans les Alpes du Sud, épicéa et douglas dans les bordures du Massif central, chêne pédonculé un peu partout. Des essences qu’on croyait assez résistantes au déficit hydrique comme les chênes vert et pubescent, le châtaignier ou le pin d’Alep ont aussi été affectées. Les incendies de forêt sont directement liés aux sécheresses. Ils risquent donc de s’amplifier et de concerner des zones où ils étaient jusqu’alors peu redoutés et où les infrastructures de protection ne sont guère développées (Centre et Ouest de la France…). Ainsi en 2003 les surfaces brûlées ont-elles atteint le record de 73 000 ha. Une récente mission interministérielle (juillet 2010) prévoit une augmentation d’un tiers des surfaces sensibles aux incendies, qui pourraient concerner la moitié du territoire national en 2050. Les attaques parasitaires (insectes ravageurs et champignons pathogènes) inquiètent également les sylviculteurs. Si le changement climatique peut en favoriser certains et en défavoriser d’autres, le bilan semble bien être à l’avantage des premiers. Les parasites de faiblesse (scolytes, armillaire) ont de belles perspectives devant eux avec la multiplica- La première inquiétude des forestiers est l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses estivales, corollaire de celle des températures. comprirent que ce n’était pas directement la variation des taux de gaz dans l’atmosphère ou de la température qu’ils devaient craindre, mais les phénomènes induits. tion des peuplements en difficulté après sécheresse, tempête ou incendie. Mais de nombreux autres parasites sont favorisés par l’augmentation des températures. Les insectes (comme la chenille processionnaire du pin) ou les pathogènes (comme les phytophthoras) qui étaient limités par les froids hivernaux ne sont plus régulés. D’autres comme les pucerons ou les scolytes du tronc voient le nombre de leurs générations multiplié en été. Par ailleurs, des parasites exotiques envahissants pourraient trouver, dans une France plus chaude, des conditions favorables à un développement rapide, en l’absence de leurs ennemis naturels. Certains sont déjà identifiés et font l’objet de surveillance aux frontières et de mesures de quarantaine. Les aires potentielles de végétation devraient logiquement suivre les évolutions du climat, dans la mesure où chaque essence ne peut croître que dans des conditions de température et de pluviosité bien définies (1). En 2004, les résultats de la première étude importante sur ce sujet, dans le cadre du programme Carbofor, fit beaucoup de bruit chez les forestiers et, ce qui est rare, eut des échos dans les grands médias. Il y était montré que les aires bioclimatiques actuelles devaient progresser vers le nord de l’ordre de 500 km en un siècle, soit à une vitesse 10 fois plus rapide que la capacité propre de migration de la plupart des essences forestières. Si ces simulations sont correctes, certaines espèces auront peu de chances de se maintenir dans des zones devenues inhospitalières (sauf dans certains refuges microclimatiques) mais elles n’auront pas non plus le temps d’occuper d’elles-mêmes les nouvelles aires favorables. De nombreuses incertitudes subsistent encore quant aux possibilités d’adaptation génétique des essences au nouveau contexte climatique, à l’évolution des cortèges de parasites et symbiotes et à la compétition avec de nouvelles espèces végétales. La sécheresse de 2003 a représenté une première alerte sérieuse en provoquant des dépérissements d’espèces en limite sud de leur aire. La région méditerranéenne est ainsi devenue pour les forestiers la « vigie du changement climatique ». De grandes essences forestières françaises comme le chêne pédonculé, le hêtre, le sapin et l’épicéa (5 millions d’ha à elles quatre, soit un tiers de la forêt française) sont désormais sur la sellette. Évolution simulée des aires bioclimatiques potentielles des principaux groupes biogéographiques en France (Badeau et al., Carbofor, 2010) Cette étude, utilisant un scénario d’évolution du climat pourtant très modéré du GIEC (2) (scénario B2, aboutissant à une augmentation de 2,5 °C de la température moyenne en un siècle), prévoit une évolution considérable des aires potentielles de végétation. Ainsi l’aire favorable aux espèces méditerranéennes passerait de 9 % du territoire actuellement à 28 % en 2100 et celle des espèces du Sud-Ouest de 17 % à 46 %. Parallèlement, les zones correspondant aux essences continentales du Nord-Est seraient réduites et celles favorables aux espèces de montagne seraient ramenées de 16 % à 6 % du territoire. Quelles stratégies d’adaptation ? résineuses mais dont les caractéristiques sont encore largement inconnues ; Le sylviculteur est forcément démuni face à une évolution aussi rapide à l’échelle des rythmes forestiers. Le besoin de connaissances est crucial dans de nombreux domaines : – au niveau technique, on a quelques idées à confirmer pour réorienter la sylviculture, axées sur la réduction du stress hydrique aussi bien au moment de la plantation et des entretiens que de la conduite des peuplements. Il semble judicieux de privilégier par exemple les peuplements à densité faible (futaie claire) ou de favoriser les mélanges d’essences ou de provenances (à la plantation ou en enrichissement de peuplements existants) bien qu’ils soient plus difficiles à conduire, pour ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Pratiquer une sylviculture dynamique, avec réduction des révolutions, lorsque c’est possible, autour de 50 ans, pour maintenir des peuplements sains, stables, plus résistants à la sécheresse mais aussi aux tempêtes et aux attaques de parasites est une tendance qui semble se dégager mais n’emporte pas l’adhésion de tous ; – le diagnostic « prospectif » des stations (3), est devenu indispensable pour décider de l’installation de nouvelles essences ou du maintien d’essences en place. Comment les facteurs limitants de la croissance vont-ils évoluer en un siècle sous la pression du climat ? – l’autécologie des essences est un second point à préciser, notamment pour réorienter les programmes d’amélioration génétique. Quelles sont les essences les plus résistantes au stress hydrique ? La tentation est grande d’appeler à la rescousse des essences exotiques, notamment Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 17 REGARDS SUR… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités Le RMT AFORCE : fer de lance des forestiers contre le changement climatique Le RMT Aforce est un réseau mixte technologique consacré à l’adaptation des forêts au changement climatique. Il regroupe plus d’une douzaine d’organismes forestiers appartenant aux domaines de la recherche, du développement, de l’enseignement, de la formation et de la gestion. Il a été créé fin 2008 sous l’impulsion des forestiers eux-mêmes, conscients de la nécessité de constituer un lieu d’échange et de transfert de l’information autour de cette thématique. Le réseau est piloté par L’Institut pour le développement forestier et fonctionne grâce à une forte implication de ses partenaires. Il est soutenu par le ministère en charge de l’Agriculture et, depuis peu, par France Bois Forêt. Initié à l’origine pour trois ans, il a obtenu une prolongation jusqu’à fin 2013 du label RMT. La première finalité du réseau est la mise au point d’outils d’aide à la décision permettant au gestionnaire de réduire la vulnérabilité des peuplements aux évolutions climatiques attendues. Le RMT Aforce propose chaque année des appels à projets permettant le soutien d’initiatives de recherche et développement sélectionnés en tenant compte des préoccupations et interrogations des gestionnaires. Il a jusqu’à ce jour permis la réalisation de 15 projets dont certains sont encore en cours. Ces projets portent chacun sur l’une des cinq thématiques de travail du réseau : (1) Évolution des stations forestières, (2) Vulnérabilité des peuplements, (3) Gestion, valorisation et conservation des ressources génétiques, (4) Croissance et sylviculture des peuplements, (5) Évaluation économique des décisions de gestion. Le réseau soutient par ailleurs, toute action susceptible de faire progresser le transfert des connaissances et d’aider à la mobilisation de l’information. Il a organisé, au cours des trois dernières années, cinq ateliers. Leur but était d’informer sur les outils disponibles ou innovations transférables au développeur, de faire progresser la réflexion sur les axes de travail du réseau et d’encourager l’incubation de nouveaux projets. Le réseau a soutenu l’organisation du colloque : « Que nous apprend la recherche sur la vulnérabilité des forêts au changement climatique ? ». Il a permis de sélectionner les résultats récents de la recherche exploitables pour la gestion. Le réseau doit à présent s’emparer de ces résultats pour formaliser des outils simples utilisables en gestion : diffusion de cartes de vulnérabilité validées, méthodes de prise en compte du risque dans les guides de sylviculture et dans les directives, formation au diagnostic de vulnérabilité… En 2012 et 2013, Aforce concentrera ses moyens sur la mise en place de trois groupes de travail multi-organismes : (GT1) – Diagnostic stationnel et choix des essences, (GT2) – Gestion de l’eau dans la sylviculture des peuplements existants, (GT3) – Création et renouvellement des peuplements. Ces groupes auront pour vocation de produire des recommandations et des éléments d’aide à la décision et à l’action pour les agents du développement, gestionnaires et décideurs et surtout de donner les clés pour éviter les principales erreurs. L’enjeu est de taille : créer de nouveaux comportements de gestion préventive pour limiter le risque. – les réseaux de surveillance seront aussi à renforcer, tant au niveau phytosanitaire que vis-à-vis des incendies (infrastructures à prévoir). Tous ces axes sont débattus dans le cadre d’un « réseau mixte technologique » (4) qui réunit depuis 2008 une douzaine d’organismes forestiers. La forêt, moyen de lutter contre le changement climatique ? La forêt est reconnue comme le second puits de carbone après l’océan et est en ce sens susceptible de contribuer à la réduction du taux de CO2 atmosphérique. Ce dernier est capté et stocké dans le bois sur pied. En fin de course, après la chute des feuilles, des branches ou la mort de l’arbre, il se retrouve stocké dans le sol. En cas d’exploitation et après transformation, il est séquestré dans les produits mis en 18 œuvre (charpentes, meubles, isolation…) en lieu et place du plastique, aluminium, béton, acier, de fabrication très énergivore et consommatrice de carbone fossile. Le bois utilisé directement comme énergie permet aussi d’éviter de déstocker du carbone fossile. Cette substitution est permanente dans le temps et cumulative, le carbone « biologique » étant du carbone multiples dans d’autres domaines, écologiques (réservoir de biodiversité ou de ressources génétiques, protection des sols, purification de l’eau…) ou sociaux (accueil du public, paysage…). Il faut néanmoins prendre garde à éviter certaines erreurs comme le stockage de volumes trop importants de bois sur pied (peuplements denses) qui les rendrait plus fragiles aux effets mêmes du changement climatique qu’on veut atténuer (sécheresses) et aux tempêtes. Il y a donc là un créneau à saisir, mais de façon judicieuse. Forêt, changement climatique et aménagement du territoire La forêt occupe plus du quart de la surface nationale mais reste le parent pauvre au sein du ministère de l’agriculture dont elle dépend. Le long terme qui la caractérise ne favorise pas les spéculations économiques et bien peu de propriétaires forestiers privés (qui détiennent trois quarts des surfaces) vivent de leur forêt. Les risques importants, notamment de tempêtes, ne sont généralement pas couverts par les assurances et les catastrophes successives, tout comme la réduction régulière des aides au boisement, constituent des éléments importants de démotivation. Dans ce contexte, les incertitudes supplémentaires liées au changement climatique posent problème. S’il s’avérait que des dépérissements importants se généralisent dans les 50 ans à venir, il est peu probable que les sylviculteurs puissent faire face sans un appui fort au renouvellement des peuplements. On assisterait alors à un désintérêt pour la forêt que L’augmentation des surfaces boisées a un intérêt fort, d’autant qu’elle présente des atouts multiples dans d’autres domaines. atmosphérique recyclé indéfiniment grâce à la photosynthèse. seuls les aspects affectifs et patrimoniaux permettent aujourd’hui de contrer. Tous ces avantages donnent à la forêt une importance nouvelle. L’augmentation des surfaces boisées aurait donc un intérêt fort, d’autant qu’elle peut se faire sans regret puisque présentant des atouts Il en résulterait un abandon des surfaces dépérissantes à elles-mêmes, une disparition partielle de l’état boisé et un enfrichement généralisé qui suivrait la remontée des influences méditerranéennes vers le nord. Cette évolution, déjà perceptible suite aux récentes tempêtes, notamment dans les Landes, serait dramatique car source à son tour d’accroissement des risques (incendies), de déstockage de carbone, de désorganisation de la filière bois et de disparition de nombre d’avantages écologiques et sociaux. Seul un programme forestier ambitieux, amorcé par les discours prononcés à Urmatt (Bas-Rhin), en 2009 puis à Egletons (Corrèze) en 2011 par le Président de la République, pourra contrecarrer ces tendances. Conclusion La forêt française est aujourd’hui dans une situation charnière, à la fois cible du réchauffement et moyen de l’atténuer. Plusieurs de nos essences ancestrales sont menacées, des certitudes techniques sont à reconsidérer, des recherches sont à réorienter. Après un grand dynamisme de reboisement jusqu’à la fin des années 80 soutenu par le Fonds forestier national, le soufflet est retombé sous l’effet de la réduction des investissements et de catastrophes à répétition. Les évolutions climatiques, brutales à l’échelle des cycles forestiers, lui porteront-elles le coup de grâce ou serontelles l’occasion de redynamiser la filière ? ❙ Philippe Riou-Nivert, Ingénieur à l’Institut pour le développement forestière, Service d’utilité forestière du Centre national de la propriété forestière, 47 rue de Chaillot 75116 PARIS Notes : (1) Ces besoins propres à chaque essence caractérisent son « autécologie » (2) Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (3) Une station est une étendue de terrain bénéficiant de conditions homogènes de climat, sol, topographie et végétation (4) RMT AFORCE : www.foretpriveefrancaise.com/aforce Références bibliographiques : Badeau V. et al., 2010. Climate change and the biogeography of French tree species : first results and perspectives. In “Forest, Carbon Cycle and Climate Change”, Denis Loustau (Ed.), QUAE, ISBN 978-2-7592-0384-0, 231-252. Chatry. C., Le Gallou J.-Y. Le Quentrec M., Lafitte J.-J., Laurend D., Creuchet B. (juillet 2010) Rapport de la mission interministérielle : « Changement climatique et extension des zones sensibles aux feux de forêts », 53 p. + annexes. Perrier C., 2011, Dossier : « Comment anticiper le changement climatique ? ». Forêt-entreprise, N° 196, p. 12-36 Riou-Nivert, P. et al., 2008. Dossier : « Changement climatique : questions des sylviculteurs et réponses des chercheurs ». Forêt Entreprise, N° 180, p. 11-45. Riou-Nivert, P. et al., 2008. Dossier : « Changement climatique : préparer l’avenir ». Forêt Entreprise N° 182. p. 18_48. Abstract The forest faced to climate change : threats and coping strategies With a production cycle of the order of a century, the forest reduces the effects of climate change by storing carbon. But it’s fragile. Destabilized by the recent storms, the drought and the pest attacks, it needs a strong support to adapt and continue to play its role in the French countryside. Le douglas produit un bois recherché pour le bâtiment. C'est donc une essence à favoriser en sélectionnant des graines provenant de forêts dont le climat actuel correspond à celui escompté durant la seconde moitié du XXI° siècle là où on introduira ces graines. © AgroParisTech- centre de Nancy Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 19 REGARDS SUR… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités Les atous des produits à base de bois pour lutter contre le changement climatique Cet article s’appuie sur les travaux réalisés à FCBA et notamment ceux de l’équipe du Pôle Environnement – Santé, spécialement les contributions de Gérard Deroubaix, Estelle Vial et Claire Cornillier (PG 91) et sur les articles parus dans la revue PCM spécial « foret, bois, cellulose » de 2012 (1) charpentiers, menuisiers, ébénistes, papetiers…) ont valorisé de tous temps ces caractéristiques ! (voir pour plus de détails le numéro précité de PCM). Georges-Henri Florentin Le bois et les produits à base de bois : quelques rappels (même pour des agronomes) Le bois, matériau bio-sourcé, est le produit de la photosynthèse et de quelques éléments (sels minéraux) prélevés en quantité limitée dans le sol. Chimiquement il se compose de : carbone (50 %), d’oxygène (42 %), d’hydrogène (6 %) et d’azote (2 %), atomes recomposés principalement en molécules de cellulose, de lignine et d’eau auxquelles s’ajoutent quelques autres constituants. Matériau naturel ou « dieudonné » il a ses spécificités qui sont atouts souvent, faiblesses parfois par rapport aux matériaux « industriels ». Les produits qui en sont issus, désormais industrialisés amplifient ses atouts et limitent ses faiblesses. Les professionnels du bois (scieurs, 20 Tout au long de sa vie, l’arbre grandit en hauteur et grossit en largeur, sur la base de « tuyaux » qui l’alimentent et assurent ses propriétés de structure remarquables (c’est un matériau « nid d’abeille »). Le bois figure parmi les matériaux présentant l’une des meilleures résistances en flexion (c’est-à-dire par application d’une charge verticale sur un plan horizontal) rapportée au volume. Il est en ce point proche de l’acier et se place au-dessus du béton (qui, lui, travaille remarquablement en compression). A titre d’exemple, le bois peut ainsi assurer des portées horizontales de 120 m en lamellé-collé. Il constitue la structure de bâtiments multi-séculaires (depuis les églises scandinaves, les temples japonais, le bâti en pan de bois R+5 du vieux Rouen ou du vieux Colmar jusqu’à l’Hausmannien). La juxtaposition de vaisseaux de fonction et de nature différentes fait cependant que le matériau est hétérogène, d’une part, et anisotrope, c’est à dire ne possédant pas les mêmes propriétés dans toutes les dimensions, d’autre part. Ceci a des répercussions sur ses propriétés, figure 1 notamment en termes de résistance et de déformation. L’eau pour sa part se trouve à la fois à l’état « libre » (dans les vaisseaux qui permettent la circulation de la sève) et « liée » (dans les parois de ces vaisseaux). Lorsque l’arbre est abattu, l’eau des vaisseaux s’évacue naturellement par ressuyage. Celle située dans les parois demeure ; elle peut aussi être enlevée par un séchage plus poussé. Le bois a la faculté d’absorber et de rejeter l’eau pour se mettre en humidité d’équilibre avec l’humidité ambiante de l’endroit où il se trouve. Un bois placé en milieu humide va gonfler, un bois en milieu sec va se rétracter, ce qui provoque parfois l’apparition de fentes (exemple des meubles dans les appartements surchauffés l’hiver). déstabilisant l’édifice. Lorsqu’un incendie se déclare dans une construction, les pompiers s’enquièrent des matériaux la composant : ils savent que le bois se consume en périphérie en gardant pendant un temps ses propriétés (la présence de poutres en bois réduit les risques d’écroulement) et qu’ils ont un certain délai pour évacuer les habitants (résistance au feu). Ses performances environnementales telles que son caractère renouvelable, son faible coût énergétique et le fait qu’il stocke le carbone sont désormais avérées, et confortées par des argumentaires scientifiques solides : ACV (analyse de cycle de vie) et FDES (fiches de déclaration environnementale et sanitaires) qui s’étayent constamment. « Légèreté et solidité.. », belvédère en châtaignier sur la vallée de l’Eyrieux en Ardèche. Architecte Guy Rénier, BET Bois. Photo Anglade. Comme tous les matériaux (rouille pour l’acier, alcali-réaction pour le béton…), le bois peut subir des dégradations. Ces dégradations évitent que depuis le carbonifère, la terre soit encombrée de monceaux de bois morts. Il peut d’abord subir de légères dégradations, dues à l’eau et aux ultraviolets. Celles-ci modifient sa couleur, on dit communément que le bois grise ou grisaille, comme nous « bronzons » ; cette évolution n’altère en rien ses propriétés. Dans de mauvaises conditions d’utilisations en extérieur, contre lesquelles on peut lutter par la conception, le bois peut toutefois subir des dégradations plus fortes par attaque de champignons et d’insectes. Totalement immergé dans l’eau, le bois a une incroyable durée de vie, de plusieurs siècles (les drakkars vikings immergés dans les marais, les pieux des cités lacustres de plus de 4 000 ans et des cathédrales immergés dans les nappes phréatiques sont là pour en attester). Mais pour peu que des conditions nouvelles fassent baisser la nappe et laissent pénétrer l’oxygène, les champignons se développent sur ce bois. Le choix du site de construction, la connaissance des sols et l’isolation des zones d’humidité non permanente sont donc primordiaux dans la construction avec du bois. Pour une bonne utilisation du bois, l’essentiel est d’éviter les pièges à eau, cuvettes laissant stagner l’eau en présence d’oxygène. Ainsi, les constructions bois reposent bien souvent sur une base en pierre, béton ou métal de telle sorte que le bois ne soit pas en contact direct avec le sol humide. A contrario, dès lors que l’eau s’écoule mais ne stagne pas (pan incliné par exemple), le matériau est protégé. Le bois est bien connu pour ses propriétés acoustiques : résonance apportée par certaines essences (épicéas d’altitude pour violons, pianos). En matière de thermique, il présente une faible conductivité. Il ne transmet pas (ou peu) la chaleur ou le froid (on le dit « chaleureux » au toucher comme au regard), limitant les « ponts thermiques » au contraire des métaux par exemple. Cette qualité est évidemment particulièrement appréciée pour la construction. Elle explique sa présence traditionnelle dans les régions froides ou en altitude et, en partie, le regain d’intérêt actuel dans le cadre du Grenelle de l’environnement. La présence du carbone, recomposé dans les molécules de lignine et cellulose, la porosité du matériau expliquent ces propriétés. Contrairement à des idées reçues, le bois constitue un bon pare-feu. Pourquoi ? Parce qu’il brûle mais ne fond ni ne se déforme. Ceci le rend plus résistant que l’acier qui fond à très forte température et se tord, Le regain d’intérêt du grand public, de la maîtrise d’ouvrage comme de la maîtrise d’œuvre après des années de léthargie se confirme chaque jour. Après l’avoir « oublié », les architectes le redécouvrent et par un (juste ?) retour des choses, le plus ancien des matériaux de construction redevient « tendance ». Le bois, encore « challenger » dans le domaine du bâtiment, par exemple, se tourne résolument vers le futur. Son développement est sensible, tant en rénovation phénomène assez classique, qu’en construction. Quelques références concernant le « carbone vert » – La forêt française absorbe et séquestre annuellement dans le bois plus de 100 millions de tonnes de CO2, soit 4 tonnes de biomasse produites par seconde ou l’équivalent de 1 tonne équivalent pétrole par seconde (tep/sec)… – Un hectare de forêt « efficace » absorbe et stocke de 10 à 15 tonnes de CO2/an (soit l’équivalent de 3 tep/ an, ou la quantité d’émissions de CO2 d’un véhicule parcourant 60 000 km), – A fonctionnalité égale, la fabrication d’une structure bois consomme environ 9 fois moins d’énergie qu’une structure béton et 17 fois moins d’énergie que celle de son équivalent en acier, – Une structure bois stocke du carbone (à raison de 1 t CO2/m3) et constitue en fin de vie un biocombustible renouvelable en puissance (à raison de 0,25 tep/m3). Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 21 REGARDS SUR… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités La forêt est incluse dans ces comptes. La forêt Française est un puits de carbone important avec un flux physique net de captation évalué à - 78,2 m t eq. CO2 en 2008 et en constante progression depuis 1990 (+80 % de 1990 à 2007). Mais ce bénéfice est conventionnellement plafonné dans les comptes à – 3,2 M t eq CO2 au titre du protocole de Kyoto. Figure 1 Carbone et filière forêtbois : les enjeux techniques de comptabilisation Dans le contexte de la lutte contre le changement climatique et de la diminution des ressources fossiles, la filière forêtbois dispose donc d’importants atouts. La photosynthèse permet à la forêt d’être un puits de carbone, et les produits issus de la forêt peuvent prolonger cette fonction tout au long de leur durée de vie en stockant le CO2 de l’atmosphère. Mais la valorisation de ces atouts dépend bien évidemment de leur reconnaissance par les outils de comptabilisation des émissions et captations des gaz à effet de serre. Les modalités de comptabilisation sont différentes selon que l’on fera ces bilans à l’échelle nationale, à l’échelle d’une activité ou d’un produit. La reconnaissance de ces atouts n’est complètement acquise à aucun de ces niveaux, mais elle est plus ou moins avancée. Avant d’entrer dans le détail de ces méthodes, il convient de définir un vocabulaire permettant de décrire les phénomènes par lesquels la forêt et le bois peuvent interagir avec le carbone. En premier lieu, lorsque le bilan net absorptionémission de carbone de la forêt est positif (cas des forêts en développement), alors celle-ci est un puits de carbone et pourra dire qu’il y a « captation » du carbone 22 provenant du CO2 atmosphérique. Ce carbone ainsi capté est stocké en forêt (dans le bois et le sol) ainsi que dans les produits bois issus de la forêt, pendant toute leur durée de vie. On conviendra alors de parler de « stockage » de carbone. La sylviculture, l’exploitation forestière, le transport du bois, la fabrication des produits, leur utilisation en fin de vie, génèrent des émissions de gaz à effet de serre (GES), liées à l’utilisation de combustibles fossiles ou à la dégradation de la biomasse. Il s’agit donc bien là d’ « émissions ». Il est important de noter que les produits bois et même le bois énergie génèrent moins d’émissions de CO2 fossile que les matériaux et combustibles traditionnels qu’ils peuvent remplacer ; la substitution de ces produits concurrents conduit donc à des économies d’émissions de GES. On parlera alors d’un effet « substitution ». Les bilans d’émissions-captations de GES se font à l’échelle nationale, dans le cadre de la Convention Climat des Nations Unies (UNFCCC) et du Protocole de Kyoto. Chaque pays adhérent établit annuellement l’inventaire des émissions et puits, afin de mesurer le respect des engagements de réduction des émissions (voir l’article de Jean-Christophe Hervé dans le même numéro). La loi du 13 août 2005 fixe un objectif de réduction de 3 % par an soit une division par 4 d’ici 2050 de nos émissions. Selon les lignes directrices du GIEC (2), les produits ligneux sont considérés comme un réservoir de carbone. A ce jour, les variations de stocks de carbone des produits de la forêt ne sont pas éligibles au titre des engagements nationaux de réduction des émissions de GES. Cependant, la Convention Climat permet un reporting volontaire de ces variations de stocks, et il est possible que dans les engagements post-Kyoto, les produits de la forêt puissent être pris en compte. La France a réalisé ce reporting pour l’année 2005 (3) : le bilan est une captation de - 4,6 M t eq. CO2. A noter que les produits bois en France constituent un stock de 344 M t eq. CO2. Parce qu’ils prolongent le stockage de carbone forestier, parce que l’augmentation de la quantité de produits bois sur le marché ou l’augmentation de leur durée de vie conduit à un accroissement du stock de CO2 biomasse, les produits bois constituent également un puits de carbone. Il est possible d’assurer une reconnaissance économique de la fonction de puits de carbone forestier. Des marchés réglementés et des marchés volontaires ont été mis en place afin de donner de la flexibilité aux acteurs dans les politiques de réduction des émissions de GES ou d’accompagner les initiatives privées d’actions de réduction des émissions. Des « projets carbone forestiers » peuvent ainsi émerger, visant à compenser les émissions d’autres activités, et être rémunérés. Dans le cadre de l’unité de gestion forestière, un bilan annuel émissions-captations est également établi, qui doit démontrer l’effet puits obtenu. Ces bilans réalisés à l’échelle nationale ou au niveau de l’unité de gestion forestière sont donc basés sur une comptabilité des flux, par année, sur un territoire. Un autre niveau d’analyse des émissionscaptations de GES est celui des produits. L’empreinte carbone des produits est une information dont la diffusion vers le consommateur va croissante. Le Grenelle de l’environnement, en prévoyant un « affichage environnemental » des produits, accélère fortement la généralisation de ce type d’information. L’empreinte carbone est établie en appliquant la méthodologie de l’ACV. Il s’agit d’une approche par flux, sur le cycle de vie du produit. Une différence importante avec l’approche précédente des bilans nationaux ou territoriaux est qu’il n’y a pas, pour l’empreinte carbone, de notion de période d’analyse comme précédemment et que la date d’émission ou de captation des GES n’est donc pas considérée. La figure 1 montre les émissions de GES liées au carbone fossile. Celles-ci peuvent survenir, comme on le voit ici dans le cas d’un produit de construction, à toutes les phases du cycle de vie de ce produit. Le carbone biomasse a un devenir différent lors du cycle de vie d’un produit bois ; comme illustré sur la figure 2, il est capté par photosynthèse en forêt, puis stocké pendant toute la durée de vie du produit, durée qui peut, pour un produit de construction atteindre plusieurs décennies, voire dépasser le siècle. En fin de vie, ce carbone peut être réémis, sous forme de CO2 si le produit est brûlé. S’il est enfoui, il peut se dégrader partiellement CO2 en et en CH4, gaz à plus fort coefficient de réchauffement climatique. Cependant, dans des conditions d’enfouissement dans le sol, cette dégradation est lente et la littérature scientifique indique qu’après 100 ans, seuls 15 % environ de la masse de bois sont dégradés. En analyse de cycle de vie traditionnelle, le calcul se fait sur l’ensemble du cycle de vie, en comptabilisant les flux de GES d’origine fossile et d’origine biomasse : captation et émissions de CO2, émissions de CH4 le cas échéant. Ce calcul ne prend pas en compte le stockage temporaire de carbone biomasse. Ce dernier point peut être considéré comme une insuffisance méthodologique, car il signifie que si l’on considère deux scénarios, l’un ou le produit bois est brûlé immédiatement après sa production et l’autre où il est brûlé Figure 2 : le cycle de vie d’un produit bois et le C biomasse 100 ans plus tard, l’ACV traditionnelle donnera le même résultat d’empreinte carbone. On peut à ce stade rappeler quelques principes communément admis concernant la lutte contre le changement climatique : le CO2 qui n’est pas dans l’atmosphère ne participe pas à l’effet de serre et toute prolongation du stockage du carbone est bénéfique, dans le contexte de mutation actuelle. Dans ce cadre, si la forêt est stable ou en croissance, les produits participent au puits de carbone en évitant l’émission immédiate de CO2 par la dégradation naturelle ou la combustion du bois. Afin de prendre en compte le « bénéfice climat » du stockage temporaire du carbone dans les produits, il peut être proposé de le comptabiliser par une déduction des émissions de CO2, au prorata de la quantité de carbone biomasse contenue dans le produit et de sa durée de vie. Considérant un horizon de temps de 100 ans pour l’étude des impacts des produits, le bénéfice du stockage est ainsi établi à 1/100e du carbone contenu par année de stockage. Ce principe est retenu en France dans le référentiel de bonnes pratiques de l’affichage environnemental des produits de grande consommation (BPX 30-323) ainsi que dans son équivalent britannique (PAS 2050). D’autres référentiels ne le prennent pas en compte à ce jour ou mentionnent le stockage du carbone séparément de l’empreinte carbone. Le dernier atout des produits de la forêt en matière de lutte contre le changement climatique est la substitution d’énergies et de produits plus émetteurs de CO2 fossile. Concernant la substitution d’énergie, il convient de rappeler que l’énergie biomasse en général et le bois énergie en particulier ne sont pas totalement « carbone neutres ». En effet, dans le principe, sur la base d’une origine de forêt gérée durablement, le CO2 biomasse émis lors de la combustion est également capté par la forêt. Au-delà de ce principe, il faut de l’énergie fossile pour cultiver, exploiter, broyer, transporter, voire sécher le combustible. Mais l’énergie biomasse se substitue à des énergies fossiles (gaz naturel, fioul, charbon), fortement émettrices en CO2. Il y a donc bien économie d’émissions de CO2 fossile lorsque l’on substitue une énergie fossile par l’utilisation du bois. De plus cet atout de substitution d’énergie fossile peut intervenir comme un bénéfice en fin de vie d’un produit bois, si ce produit peut être valorisé facilement en énergie. Pour ce qui est de la substitution matériau, la question est plus complexe. Il faut en effet comparer des produits à fonction égale, donc des produits fabriqués à partir de matériaux différents. Le coût énergétique de transformation du bois est modéré et les entreprises disposent fréquemment de sources d’énergie biomasse : les émissions de CO2 fossile de production des produits bois sont donc Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 23 REGARDS SUR… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités devenus si banaux dans nos pays développés. Mais il va falloir aussi nous adapter simultanément à ce changement climatique inquiétant, tout en agissant vite et massivement pour le prévenir. Il est aujourd’hui nécessaire de prêter attention à l’articulation entre les différentes approches de comptabilisation des émissions-captations de GES. La reconnaissance des bénéfices climat du système forêt-bois n’est pas complètement acquise, mais elle progresse sensiblement. Des propositions, des avancées ont été faites, concernant le stockage temporaire de carbone, notamment dans le domaine des produits de grande consommation pour prendre en compte ce bénéfice. La filière forêt-bois doit profiter de cette évolution en « surfant sur cette vague » tant elle sait à l’instar de Sénèque « qu’il n’y a pas de vent favorable à celui qui ne sait où il va ». ❙ Georges-Henri Florentin (PG 74, Gref 78), Ingénieur général des ponts des eaux et des forêts, Directeur général de l’Institut technologique FCBA (forêt cellulose bois construction ameublement) Il va falloir nous adapter à une nouvelle rareté de biens fondamentaux tels que l’eau, l’alimentation et l’énergie. modérées. Ces émissions liées à la mise à disposition (matières premières, fabrication, transport) des produits à base de bois sont, dans un certain nombre de cas, inférieures à celles des produits à base de matériaux concurrents. Il convient cependant d’être prudent sur ces comparaisons car la différence n’est pas toujours significative et des comparaisons défavorables aux produits à base de bois peuvent être rencontrées. De plus les filières des matériaux concurrents font depuis quelques années beaucoup d’efforts pour réduire leur empreinte carbone. L’industrie du bois doit donc se préoccuper d’améliorer également l’empreinte de ses produits, en travaillant sur les distances et modes d’approvisionnement, les sources d’énergie des procédés, l’empreinte carbone des adjuvants et matériaux associés, la durée de vie des produits et leur devenir en fin de vie. 24 En conclusion, il va donc falloir nous adapter à une nouvelle rareté de biens fondamentaux tels que l’eau, l’alimentation et l’énergie, qui sont pourtant Notes : (1) Numéro 16-17 de novembre 2011, articles de Claude Roy (PG 71, Gref 75) et de l’auteur. (2) Groupe IInternational d’Experts sur le Climat (3) Comptabilisation du carbone dans les produits bois en France, … ; Etude FCBA pour le ministère de l’agriculture et de la pêche, 2008 Résumé Tout d’abord affirmons que nous ne nous plaçons pas dans le clan des climato-sceptiques, et qu’à tout le moins, nous faisons le pari « Pascalien » que lutter contre les gaz à effet de serre ne peut faire que du bien à la planète. Deuxièmement, précisons que les points développés dans cet article ne prétendent pas être LA solution du problème, mais y participer, même de façon minoritaire. La filière forêt bois dispose d’importants atouts pour la lutte contre le changement climatique. Ces atouts sont passés en revue et les modalités de quantification de leur effet sont détaillées. Ces modalités sont essentielles pour la valorisation de ces atouts. Sont notamment analysés, les bilans nationaux du système forêt-bois, l’empreinte carbone des produits bois et les effets de substitution. Il apparaît que l’effet du stockage de carbone dans les produits bois pourrait être mieux reconnu en faisant évoluer la méthodologie de l’empreinte carbone. Produire chaleur et électricité à partir de biomasse Dans la foulée du Grenelle de l’environnement, l’usage de la biomasse à des fins énergétiques collectives, au-delà des usages individuels du bois de feu, se développe enfin. Pour un acteur comme Dalkia, cela signifie aujourd’hui développer avant tout le bois énergie. Pierre de Montlivault Une entreprise comme Dalkia se devait de prendre part à ce développement, car il concerne de près ses trois métiers : l’exploitation de réseaux de chaleur urbaine, qui alimentent en chauffage et eau chaude des ensembles de bâtiments, la production d’utilités, et notamment de vapeur, pour les industriels, et enfin la fourniture de services énergétiques (chauffage, ventilation, climatisation…) aux bâtiments (habitat collectif, tertiaire public et privé). A titre liminaire, il est bon de se remettre en mémoire le rôle clé de la biomasse pour tenir les objectifs du Grenelle de l’environnement : la moitié de l’énergie renouvelable supplémentaire à produire d’ici la fin de la décennie dans notre pays, sous formes thermique et électrique devra provenir de la biomasse. C’est un développement sans précédent, qui repose avant tout sur les usages collectifs de la biomasse : habitat collectif, bâtiments industriels et tertiaires. Le Grenelle a également précisé que cette valorisation de la biomasse se ferait sous forme d’énergie thermique (chaleur, vapeur) et électrique (2,300 MW de puissance électrique attendue, à peu près la puissance de deux tranches nucléaires). Quatre ans après le Grenelle de l’environnement, un premier bilan peut être dressé. Indéniablement, un mouvement a été lancé. Pour Dalkia, cela se traduit par l’exploitation de 200 chaufferies bois, pour un volume de 1,2 million de tonnes de bois valorisées chaque année, contre 270 000 tonnes en 2008. Ce 1,2 million de tonnes est transformé en 82 % d’énergie thermique et 18 % d’électricité. Cette électricité est produite dans des installations dite de cogénération, où la vapeur issue d’une chaudière est turbinée pour produire de l’électricité avant d’être utilisée à des fins thermiques. Cette production combinée de chaleur et d’électricité s’est beaucoup développée en France à la fin des années 90, à l’époque à partir de gaz, dans un objectif d’économies d’énergies. La moitié de l’énergie renouvelable supplémentaire à produire d’ici la fin de la décennie dans notre pays devra provenir de la biomasse. Dalkia en exploite aujourd’hui deux fonctionnant à partir de biomasse, la première pour alimenter en vapeur la papeterie de Smurfit à Facture (Gironde), la seconde pour alimenter le réseau de chaleur de la ville de Limoges. Les 198 autres installations ne produisent que de la chaleur. Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 25 REGARDS SUR… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités Récolte de bois énergie à l'occasion d'un nettoyage de parcelle Ce développement est assez représentatif du paysage global du bois énergie, qui s’est développé avant tout pour les usages thermiques. La perception des acteurs de la filière bois peut avoir été momentanément différente, la communication autour des grands appels d’offres pour des installations de cogénération ayant été très soutenue, mais la réalité du développement est avant tout celui d’un maillage de chaufferies alimentant des réseaux de chaleur ou des industriels, et consommant quelques milliers de tonnes par an. Quant à des installations purement électrogènes, si on peut en trouver dans d’autres pays d’Europe comme les Pays-Bas, ce n’est pas le cas de la France. de gros investissements industriels, une sensibilité évidente à la conjoncture économique très chahutée depuis 2008. La forte baisse du prix du CO2, la poursuite d’une bulle de prix bas de gaz en gros, rendent aujourd’hui l’équation économique du bois énergie plus compliquée. Dès lors, le développement du bois énergie, s’il reste soutenu, n’est pas aussi rapide qu’imaginé. Au-delà, les difficultés budgétaires que rencontre le Fonds chaleur d’une part, et l’insuffisance du tarif d’obligation d’achat instauré pour les cogénérations de taille moyenne (de 5 à 12 MW électriques), laissent craindre un décrochement par rapport aux ambitions initiales du Grenelle de l’environnement. En outre, entre les résultats des appels d’offres tant pour des cogénérations (appels d’offres dit CRE, comme Commission de régulation de l’énergie) ou des chaudières biomasse sur des sites industriels (appels d’offres BCIAT de l’Ademe), le taux de réalisation effective des opérations n’est pas de 100 %. Pour les appels d’offres CRE, il est même assez bas, du moins pour les premiers appels d’offres (CRE 1 et 2). A cela plusieurs raisons : des dispositifs administratifs insuffisamment rodés, la procédure étant alors très nouvelle, mais également, s’agissant A partir de quelles ressources s’accomplit ce développement ? La filière bois énergie s’est d’abord construite à partir des produits connexes de scierie et de bois de recyclage. L’une des premières chaufferies biomasse exploitée par Dalkia, celle d’Autun, a été conçue pour valoriser les écorces des scieries voisines. 26 Dorénavant, l’approvisionnement des nouvelles unités énergétiques repose avant tout sur la plaquette forestière. Celle-ci est disponible en quantités suffisantes, comme l’ont montré les études de ressources diligentées par l’Ademe et réalisées par le FCBA, l’IFN et Solagro. Dans une forêt gérée, cette plaquette forestière peut être produite à l’occasion des opérations de sylviculture, et lors des coupes, pour les parties de houppiers sans débouché. Elle est aussi un débouché nouveau pour des propriétaires de parcelles de taillis pauvres ou dépérissants, ou pour des parcelles ayant connu des difficultés de gestion. Cette activité de production de plaquettes forestières est en train de se structurer, tirée par l’entrée en service des dernières chaufferies. Les schémas d’exploitation forestière s’adaptent progressivement à cette nouvelle donne, avec encore un potentiel d’amélioration des itinéraires techniques, compte tenu de la nouveauté du sujet. Le développement de têtes d’abattage adaptées aux feuillus, l’amélioration de la chaîne logistique depuis la parcelle jusqu’à la chaudière, en minimisant les ruptures de charge, sont ainsi des axes d’amélioration importants, sur lesquels Dalkia s’implique avec l’appui de ses équipes techniques et de recherche et développement. Une autre ressource valorisable est constituée par les sous-produits des industries agro-alimentaires : malteries, distilleries par exemple. Dalkia développe pour ses clients industriels des audits et des tests de leurs sous-produits, en s’appuyant sur les laboratoires des équipes de recherche de Veolia environnement, afin de caractériser leurs possibilités de valorisation. Dalkia constate aujourd’hui, et accompagne, une montée en puissance dans la production de plaquettes forestières de l’ensemble des acteurs, de la forêt privée comme de la forêt publique. Ces volumes vont continuer à croître dans les prochaines années, mais il conviendra de garder toujours à l’esprit un point essentiel : la plaquette forestière restera une production annexe de la forêt, produite à l’occasion d’opérations de gestion forestière dont la visée reste la production de bois d’œuvre et d’industrie. En ce sens, le devenir du bois énergie restera intimement lié au devenir de l’ensemble de la filière bois. ❙ Pierre de Montlivault (PG 90, Gref 94), Directeur général de Bois Énergie France, structure d’approvisionnement de Dalkia La recherche en Guyane française face au changement climatique et aux flux de carbone La forêt recouvre plus de 90 % du territoire de la Guyane française, soit un peu plus de 8 millions d’hectares. La population guyanaise (250 000 habitants) se concentre sur la côte : la forêt est difficile d’accès, si ce n’est par quelques fleuves, elle est donc quasiment vide d’occupation humaine permanente. Éric Marcon L a forêt guyannaise n’est pas interrompue par les frontières politiques : le massif forestier du plateau des Guyanes couvre 200 millions d’hectares, un quart de la forêt amazonienne. Outre sa surface qui défie l’imagination, la forêt guyanaise est un système particulièrement complexe et divers. Un hectare contient généralement plus de 100 espèces d’arbres (de plus de 10 cm de diamètre à hauteur de poitrine), localement plus de 200, parmi les 1 600 se trouvant en Guyane, dont 300 ne sont pas encore décrites. La diversité des insectes est au-delà des capacités d’inventaire. Le climat est tropical : la température est stable toute l’année, de l’ordre de 30°C le jour, la pluviométrie annuelle varie de 2 500 à 4 000 mm avec une saison sèche marquée de septembre à novembre et un « petit été de mars » qui interrompt la saison des pluies. En Guyane française, l’exploitation forestière est très limitée, de l’ordre de 60 000 m3 de bois produits par an. La forêt est exclusivement domaniale, gérée par l’ONF, qui vend le bois sur pied. Seul le bois d’œuvre de quelques espèces est prélevé (2 à 5 arbres à l’hectare) et transformé par 3 grosses scieries et quelques petites, qui ne produisent pratiquement que des planches et du bois de charpente. Une seule scierie produit des palettes avec le bois de deuxième choix et les déchets des scieries principales sont utilisés pour la production d’électricité dans une centrale à Kourou. Les questions du changement global se posent de façon cruciale. Les modèles climatiques prévoient tous une augmentation des températures de quelques degrés, mais sont en désaccord sur l’évolution de la pluviométrie. Si elle devait diminuer, la forêt sempervirente devrait être remplacée par une forêt tropicale décidue comme on en trouve au Vénézuela. La rapidité du changement ne permettant pas aux espèces de migrer, les conséquences pourraient être catastrophiques. En parallèle, la population croît de 4 % par an : des déboisements importants seront nécessaires pour l’agriculture et l’augmentation de la surface habitée. L’Unité Mixte de Recherches Écologie des Forêts de Guyane (EcoFoG) rassemble les moyens d’AgroParisTech, du CNRS, du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), de l’Inra et de l’Université des Antilles et de la Guyane (UAG) pour mener des recherches sur la forêt. Les effectifs sont de l’ordre de 35 chercheurs et enseignants-chercheurs, autant de personnels administratifs et techniques, et une trentaine de doctorants, soit 100 personnes environ. AgroParisTech et l’UAG organisent ensemble une deuxième année de master en Écologie Forestière Tropicale, qui accueille une quinzaine d’étudiants. EcoFoG est le résultat de la structuration progressive de la recherche sur la forêt et le bois, commencée par le CTFT (Centre technique forestier tropical) dans les années 1970, organisée par le groupement d’intérêt scientifique Silvolab en 1992 qui a abouti à la création de l’UMR en 2002 et finalement la création d’un laboratoire d’excellence (labex) en 2011, le Centre Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 27 REGARDS SUR… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités essayer de prédire les impacts du changement climatique sur la biodiversité et le fonctionnement de la forêt. La forêt tropicale humide est un écosystème extrêmement divers mais très exposé au changement global. C’est l’objet des recherches menées en Guyane par l’UMR EcoFoG et le labex Ceba. d’Étude de la Biodiversité Amazonienne qui met en valeur le réseau de collaboration entre les structures locales et des unités de recherche métropolitaine dont le terrain d’étude est la Guyane. Mener des recherches en Guyane est plus compliqué qu’en France métropolitaine à cause de l’éloignement des grands centres de recherche et des surcoûts d’approvisionnement. En contrepartie, l’accès à la forêt tropicale est immédiat. Le choix d’AgroParisTech et de ses partenaires est de maintenir une structure de recherche permanente sur place : un campus à Kourou, des locaux à Cayenne, notamment sur le pôle universitaire, un dispositif forestier expérimental (Paracou) et des laboratoires bien équipés. Les recherches menées par EcoFoG concernent tout d’abord le fonctionnement de la forêt tropicale, notamment les processus responsables de la biodiversité. Les recherches sur la phylogéographie permettent de comprendre l’histoire de la colonisation de l’espace par les différentes espèces forestières, et dans une certaine mesure de prévoir les réponses possibles aux changements environnementaux à venir. L’étude des 28 traits fonctionnels des arbres permet de caractériser leurs niches écologiques, c’est-à-dire les conditions environnementales dans lesquels ils sont capables de se développer et de se reproduire. Le changement climatique modifiera l’importance relative des niches disponibles, donc les cortèges floristiques. Les écophysiologistes s’intéressent à la plasticité des espèces (pour leur capacité à s’acclimater) et la génétique écologique aux processus plus longs comme la sélection des populations ou individus capables de tirer parti des nouvelles conditions. Toutes ces disciplines interagissent pour La question du cycle du carbone est traitée par l’étude des flux entre la forêt et l’atmosphère, notamment grâce à une tour à flux qui les mesure en permanence et permet d’en comprendre les déterminants et les variations. Les dispositifs permanents, dans lesquels les arbres sont mesurés sur le long terme tous les ans ou tous les deux ans, permettent de recouper ces résultats en observant les stocks. Les résultats récents ont montré que le moteur principal de la variation des stocks de carbone est la mortalité des arbres, très irrégulière à court terme et encore mal comprise. La production de règles de gestion durables pour la forêt exploitée et l’évaluation du bilan carbone sont parmi les préoccupations des chercheurs. La meilleure valorisation du bois est indispensable pour augmenter les prélèvements et limiter les surfaces exploitées : c’est le rôle du laboratoire de sciences du bois. La déforestation partielle de la Guyane sera inévitable : des outils d’aide à la décision pour l’aménagement du territoire en fonction des conséquences sur la biodiversité et le bilan carbone sont en cours de mise au point. Les recherches sur la biologie des microorganismes des sols ont permis le développement de bioindicateurs permettant de caractériser le bon fonctionnement des sols après déforestation, pour valider ou non la durabilité des pratiques agricoles par exemple. Enfin, le reboisement pour la fixation du carbone est forcément très Résumé La Guyane est presque totalement occupée par la forêt tropicale humide. Les recherches menées sur place concernent tous les aspects de la biodiversité et du changement global : de la compréhension du fonctionnement de la forêt naturelle aux outils de décision pour en limiter les impacts. Abstract French Guiana is almost completely covered by evergreen forest. Research conducted there address all aspects of the global change: from understanding the functioning of rainforest to developing decision-making tools to limit its impacts. limité en Guyane, où la forêt est déjà omniprésente. La restauration des terrains abandonnés par l’exploitation aurifère est cependant un vrai enjeu, sur lequel les résultats de la recherche ont permis des progrès significatifs. En conclusion, un large éventail de recherches couvrant une grande partie des questions liées au changement climatique est mené en Guyane, en partenariat étroit avec des équipes métropolitaines et internationales, notamment brésiliennes. Les résultats concernent l’ensemble de l’Amazonie, où les menaces sur la forêt sont de toute autre ampleur. ❙ Éric Marcon (ENITEF 87, Gref 99), Directeur délégué d’AgroParisTech pour le centre de Kourou L’enjeu de la recherche sur la forêt guyanaise par Jacques Andrieu, Sous-Directeur de la forêt et du bois, ministère chargé des forêts La Guyane est particulièrement touchée par le réchauffement climatique, l’augmentation moyenne des températures depuis 50 ans est évaluée à 2 °C. Les travaux du GIEC (2007) indiquent une probabilité élevée d’allongement des saisons sèches, associée à une augmentation du risque incendie, une diminution de la ressource en eau et un déstockage du carbone. Une équipe du CNRS a mis en évidence en 2009 les conséquences du réchauffement climatique sur la biodiversité de la Guyane. Un recensement effectué en 1995 et en 2005 à la frange de la forêt pluviale guyanaise, sur les pentes de l’inselberg des Nouragues, a montré la disparition de plus de 20 % des espèces végétales sur cette zone. De plus, la moitié des espèces rares ont disparues en dix ans. Les stades juvéniles des arbres et arbustes seraient les plus touchés. L’amélioration de la connaissance des forêts guyanaises est essentielle, notamment sur leur fonctionnement écologique, leur rôle sur le niveau et la régulation des ressources en eau et sur les flux et stocks de carbone. L’essentiel des forêts de Guyane étant primaires ou gérées avec un faible impact sur le fonctionnement écologique et en régénération naturelle, les mesures actives d’adaptation au changement climatique ne pourront qu’être très limitées. Par contre, le rôle de stockage du carbone est important dans une démarche d’atténuation, la Guyane représentant près du tiers de la superficie de la forêt française. Exemple brésilien marquant : les sécheresses de 2005 et 2010 au Brésil ont entraînées d’importants feux de forêt et un déstockage de carbone équivalent à 10 années de stockage (3,8 Gt de Carbone). Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 29 REGARDS SUR… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités L’investissement forestier, à la croisée des chemins ? Le financement des activités de lutte et d’adaptation au réchauffement climatique est au coeur des négociations sur le climat. On estime en effet qu’entre 11 et 22 milliards d’euros par an seraient nécessaires pour réduire la déforestation de moitié d’ici 2031. Clément Chénost C et article présente l’un des leviers pour mobiliser ce financement, l’investissement dans le secteur forestier. L’investissement dans le secteur forestier présente des avantages particulièrement appréciables en temps de crise financière et d’instabilité des marchés : faible corrélation avec les actifs classiques, protection contre l’inflation, retours attractifs sur le long terme avec une prise de risque raisonnable. Ces atouts s’expliquent en grande partie par le sous-jacent de ces investissements : la croissance biologique des arbres. Celle-ci nécessite des conditions favorables en matière de luminosité, d’eau ou de nutriment mais reste globalement indépendante des fluctuations financières. Si les prix du bois sont faibles, le propriétaire forestier peut reporter une coupe prévue, les arbres poursuivront alors leur croissance et gagneront en diamètre, et donc en valeur. Au contraire, la hausse des prix semble être limitée par la mobilisation possible de forêts non exploitées jusque là, comme les forêts de montagne en zone tempérée ou des forêts primaires en zone tropicale. Ces deux phénomènes peuvent expliquer la stabilité des cours du bois, tranchant avec la volatilité des produits agricoles. 30 Si l’investissement public reste prépondérant dans le secteur, l’investissement privé s’est développé depuis une vingtaine d’année, notamment en Amérique du Nord et dans une moindre mesure au Brésil, en Australie et en Nouvelle Zélande. Entre 50 à 60 milliards de dollars auraient été mobilisés en 2010, notamment par le biais de sociétés dédiées à la gestion d’actifs forestiers aux Etats-Unis, les TIMOs. Des tendances de fonds renforcent aujourd’hui l’attrait de ce secteur pour les investisseurs. Le bois (re)devient une ressource stratégique. Matériau renouvelable lorsqu’il provient d’une forêt gérée durablement, disponible en quantité, il peut se substituer à d’autres matériaux « énergivores » comme le plastic, le béton ou encore l’aluminium. C’est aussi une source d’énergie durable pouvant se substituer aux énergies fossiles pour la production de chaleur, d’électricité, de gaz et de carburant. Les différentes politiques environnementales mises en place en Europe et aux Etats-Unis en font ainsi sa promotion. De plus, une forte demande en bois émerge en Chine, Inde ou encore Brésil. Celle-ci vient s’ajouter à la demande plus traditionnelle du secteur de la construction en Europe et aux Etats-Unis, renversant aujourd’hui les équilibres du marché. La forêt abrite les deux tiers de la biodiversité terrestre, la subsistance de 900 millions d’habitants en dépend. La forêt fournit par ailleurs de nombreux services environnementaux et sociaux : elle abrite les deux tiers de la biodiversité terrestre, la subsistance de 900 millions d’habitants en dépend, tandis que sa destruction par la déforestation provoque environ 15 % des émissions globales de gaz à effet de serre. Les grandes forêts tropicales sont aujourd’hui menacées par le développement de l’agriculture à grande échelle (soja, huile de palme, canne à sucre, élevage, etc.) au Brésil ou en Indonésie par exemple. Des impératifs de conservation se concrétisent par le développement de labels garantissant la durabilité des bois exploités comme le FSC ou le PEFC, ainsi que par des politiques L’ONF International L’ONF International (ONFI) est une filiale de l’Office National des Forêts dédiée à la gestion durable des écosystèmes, notamment forestiers. Elle regroupe 70 personnes réparties entre Paris et 5 bureaux locaux : ONF Brasil (Cuiaba), ONF Andina (Bogota), ONF Conosur (Santiago), Sylvafrica (Libreville) et ONF Cameroun (Yaoundé). Ses champs d’action recouvrent les plantations, la gestion durable de forêts naturelles, l’aménagement du territoire, les parcs, la conservation, la production de biomasse énergie et la lutte contre le réchauffement climatique. L’ONFI intervient par exemple sur le renforcement des capacités de pays tropicaux (définition de politiques forestières, négociations internationales, etc.) et l’appui au développement de projets pour le compte d’industriels, collectivités locales ou ONGs. Zébus dans une plantation de Melina et exemple de synergie sylvo-pastorale : le sousbois constitue une réserve de fourrage nourrissant pour ces animaux qui contribuent à l’entretien des parcelles (moindre risque de feu), diminuant ainsi les coûts pour le forestier. de gestion durable des forêts et de lutte contre la déforestation comme le mécanisme REDD+. Négocié dans le cadre de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique, ce dernier vise à réduire les émissions de GES liées à la déforestation et la dégradation des forêts, et à promouvoir la gestion durable des forêts et les plantations. Il propose notamment de mettre en place un système de rémunération du bénéfice « climatique » apporté par les forêts via les marchés et crédits carbone. Ces impératifs écologiques vont ainsi limiter l’exploitation des forêts mais offrent aussi de nouvelles perspectives de rémunération pour les services écosystémiques fournis (carbone, eau, biodiversité, sols, etc.). Augmentation durable de la demande et limitation de l’offre créent une tension sur le marché du bois, mais interroge aussi les acteurs sur les modes de production durable à mettre en place. La plus grande mobilisation et exploitation des forêts et des plantations semi-naturelles de la zone tempérée (qui constituent aujourd’hui l’essentiel de la production de bois) répond à cet objectif, mais sera aussi limitée par des objectifs de conservation. L’exploitation des forêts tropicales est aussi limitée : une part importante des essences commerciales a d’ores et déjà été exploitée et la pression de la société civile pour conserver les grandes forêts primaires se fait chaque jour grandissante. Le développement de nouvelles plantations est ainsi un levier majeur pour répondre à la demande croissante en produits bois. Pour cela, la zone tropicale présente des atouts importants : forte disponibilité de terres dégradées, croissance des arbres 3 à 4 fois supérieure par rapport à la zone tempérée, faibles coûts de main d’œuvre et de gestion. Mais ces plantations devront aussi répondre à d’autres objectifs de développement comme les besoins croissants en denrées alimentaires (nourrir 9 milliards d’habitant en 2050), la préservation des ressources naturelles (eau, sols, biodiversité, etc.) et l’amélioration des conditions de vie des populations locales. En ce sens, des modèles de production durables comme l’agroforesterie sont particulièrement prometteurs. Ces nouvelles perspectives dynamisent le secteur de l’investissement dans le domaine forestier. En France, plusieurs acteurs développent aujourd’hui des fonds d’investissement dédiés à cet actif. Nous pouvons citer par exemple les fonds carbone Livelihoods, Althelia ou le fonds d’agroforesterie Moringa, soutenus par des acteurs industriels et financiers comme Danone, BNP Paribas et la Compagnie Benjamin de Rothschild. Le déploiement de ces initiatives pourra permettre de mobiliser de nouvelles ressources pour le développement de projets forestiers durables. ❙ Clément Chenost (ENSL 02, Gref 07), directeur du développement de l’ONF International ([email protected]) Un exemple de projet d’agro-foresterie, modèle d’avenir ? En combinant cultures forestières et agricoles, l’agroforesterie est une technique permettant de créer des synergies biologiques et économiques entre les espèces, d’apporter des bénéfices sociaux, environnementaux (moindre usage d’intrants, lutte contre la déforestation, biodiversité, etc.), et d’augmenter le rendement global de l’unité de surface de manière durable. L’ONF International a ainsi initié en 2001 le Proyecto de Reforestacion Comercial avec Cormagdalena, agence publique en charge de la gestion du fleuve Magdalena en Colombie. L’objectif initial du projet était de reboiser le bassin versant du fleuve soumis à la déforestation et à l’érosion, et ainsi de restaurer sa navigabilité. Des plantations de Gmelina Arborea, Tectona Grandis et Ceiba Roja ont été réalisées en partenariat avec des éleveurs locaux, selon un système de sylvopastoralisme combinant l’élevage et les activités forestières. De plus, le projet est enregistré au titre du Mécanisme de Développement Propre des Nations Unies et valorise ainsi le carbone séquestré par des crédits. Combinant production de bois et alimentaire, restaurant les sols et améliorant les conditions de vie des éleveurs, le modèle a aussi prouvé qu’il était rentable : plus de 4 000 ha ont été plantés et un industriel allemand, Faber Castell, investit aujourd’hui dans la réplication du modèle. Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 31 REGARDS SUR… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités La ressource forestière française : en pleine expansion, mieux l’exploiter pour mieux la préserver La ressource forestière française métropolitaine représente un potentiel important et original à l’échelon européen, au 3e rang derrière l’Allemagne et la Suède Jean-Christophe Hervé A vec un stock vif sur pied dans les forêts disponibles pour la production de 2,45 milliards de m3 (volume des tiges), la France fait partie des cinq pays européens (avec l’Allemagne, la Suède, la Pologne et la Finlande) qui se détachent des autres par l’importance de leur ressource forestière, chacune supérieure à 2 milliards de m3. La France s’y place au troisième rang derrière l’Allemagne et la Suède, et très proche de cette dernière. La ressource française pourrait même être en deuxième position avec une comptabilité en biomasse et incluant les branches, du fait de sa composition aux deux tiers feuillue. Cette composition très majoritairement feuillue est une première originalité de la forêt française. Seule dans ce cas parmi 32 les cinq grandes ressources forestières d’Europe, elle y représente ainsi le premier stock feuillu, ce qui est loin d’être neutre pour le stockage de carbone et les utilisations du bois. Les feuillus stockent plus de carbone et d’énergie que les conifères, à volume égal, car le bois des feuillus, et particulièrement celui des diverses espèces de chênes qui dominent la forêt française, est généralement nettement plus dense que le bois des conifères. Ceci est un atout dans la perspective d’un développement du bois énergie et du stockage de carbone dans le bois (en forêt ou comme matériau) ; mais le bois des feuillus est aussi beaucoup moins homogène que le bois des résineux, ce qui en complique sensiblement la transformation et l’utilisation pour les autres usages, et en limite aujourd’hui l’exploitation. Cette originalité de composition au niveau de l’Europe est liée à la position géographique du pays, la plus à l’ouest et la plus au sud des cinq ressources forestières majeures en Europe. Ce qui fait sans doute aussi de la ressource française l’une des plus exposées aux risques du changement climatique (réchauffement, tempête). Une autre spécificité majeure de la forêt française liées aux conditions biogéographiques, très importante à prendre en compte d’un point de vue écologique comme d’un point de vue économique, est sa grande diversité : des forêts semi-continentales du NordEst à la forêt méditerranéenne (le sud-est de la France présente un taux de boisement record par rapport à tout le pourtour méditerranéen, et le boisement exceptionnel de la Corse est unique pour une île de la Méditerranée), en passant par les forêts du domaine atlantique et les forêts de montagne. Cette diversité de loin la plus grande en Europe est telle qu’elle limite fortement l’intérêt de tout diagnostic ou indicateur qualifiant globalement la forêt française sans nuance régionalisée. bien que l’absence de recul équivalent dans la plupart des pays ne permette pas beaucoup de comparaison. Volume de bois vif sur pied par pays en Europe (pays de stock supérieur à 300 millions de m3), en millions de m3. Source : FOREST EUROPE, UNECE et FAO : State of Europe’s forests 2011. Figure 2 : Evolution du volume sur pied dans les forêts françaises Source : Inventaire forestier national, 2011. La ressource et son évolution sont connues et suivies continûment sur le territoire métropolitain grâce au programme permanent d’inventaire forestier national décidé en 1958 par ordonnance du général de Gaulle. Si aujourd’hui la plupart des pays d’Europe, et tous ceux de l’Union Européenne, disposent d’un tel programme, c’est relativement récent : en Europe, seuls les pays scandinaves (Norvège, Suède et Finlande) ont un inventaire permanent plus ancien (1920). Or, en matière de dynamique forestière, étant donné la durée de développement des arbres, plusieurs décennies d’observations sont nécessaires pour apprécier véritablement les tendances de fond. La France fait donc partie des pays privilégiés ou cela est possible. Et le premier constat, c’est une augmentation très forte du capital sur pied, qui est passé de 1,5 milliards de m3 en 1973 à près de 2,5 milliards aujourd’hui (un milliard de m3 de plus, presque l’équivalent de la ressource actuelle d’un pays aussi forestier que l’Autriche). Ceci malgré les grands dégâts occasionnés par les tempêtes Lothar et Martin en 1999 et Klaus en 2009, responsables du ralentissement apparent de l’augmentation sur la fin de la période, qui serait autrement constante, de l’ordre de 30 millions de m3 supplémentaires par an. A l’inverse de ce qui se passe partout ailleurs dans le monde, l’expansion de la forêt en superficie et en volume de bois est générale en Europe depuis la révolution industrielle. Le phénomène paraît cependant particulièrement fort en France, Tout ceci est d’abord le fait de la déprise agricole, qui a eu deux effets : la progression de la surface de la forêt, qui a doublé en 150 ans, passant de 8 millions d’hectares en 1850 à 16 millions aujourd’hui, et qui ne ralentit pas ; et la diminution, dans les forêts en place, des coupes de taillis pour le chauffage par une population rurale moins nombreuse. Ce processus n’affecte les volumes qu’au rythme de la croissance des arbres, c’est-à-dire plusieurs décennies après les boisements ou l’arrêt des coupes de taillis. C’est pourquoi, sauf phénomène majeur nouveau, il devrait se poursuivre encore plusieurs décennies. L’expansion en cours transforme en profondeur la forêt française, car elle ne s’applique pas partout homothétiquement. Elle est variable selon les essences, la part des feuillus ayant encore augmenté, et la zone géographique : la dynamique d’expansion se combine ici avec les conséquences des tempêtes de 1999 et 2009 pour déplacer la localisation des ressources en bois des régions forestières traditionnelles du Nord-Est et du SudOuest vers d’autres régions : Bourgogne, Centre, Massif Central notamment. Enfin, le doublement de la surface de la forêt s’est fait surtout sur des terrains privés, souvent découpés en petites parcelles auparavant agricoles. Ceci explique deux autres spécificités de la forêt française. D’une part, elle est jeune, puisque la moitié de sa superficie actuelle n’était pas forestière il y a 150 ans, et dans ces nouvelles forêts, les arbres les plus vieux sont souvent encore ceux qui ont été installés ou se sont installés les premiers au moment du boisement. D’autre part, elle est maintenant aux 3/4 privée, alors qu’elle était majoritairement publique au XIXe siècle, et cette forêt privée est pour une large part morcelée en très petites propriétés. Toutes ces caractéristiques, jeunesse, composition, diversité, et morcellement de la propriété, expliquent largement que le volume des coupes de bois est nettement inférieur à ce que Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 33 REGARDS SUR… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités Mais ceci nécessitera des efforts d’investissement et d’innovation très importants, tant au niveau des modes d’exploitation, des technologies de transformation du bois, qu’en matière socio-économique pour trouver les nouveaux marchés qui permettront de rentabiliser cette nouvelle ressource d’une valeur économique souvent faible. Car au XXIe siècle, il n’y aura pas de gestion forestière efficace et durable sans hautes technologies, comme on l’observe déjà en Suède, en Finlande, en Allemagne, au Canada et aux ÉtatsUnis, et encore pas assez en France. ❙ Jean-Christophe Hervé (X 82, Gref 87), Conseiller scientifique pour les méthodes d’inventaire, Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) Taux d’accroissement annuel du volume sur pied par département sur le dernier quart de siècle (les valeurs négatives sont dues aux tempêtes de 1999 et 2009). Source : Inventaire forestier national, L’IF numéro 27, 2011 semblerait autoriser la production biologique. L’inventaire forestier national vient ainsi de produire pour la première fois en 2011 une estimation directe des prélèvements dans les forêts de métropole, qu’il établit à 44 (+/- 4) millions de m3/an en moyenne pour la période 2005-2010. Rapporté à une production biologique de l’ordre de 90 millions de m3/an, diminuée de la mortalité naturelle (8 millions de m 3/an), cela représente un taux de prélèvement moyen assez faible de 54 % (bien que voisin du 56 % observé en Allemagne). Ce taux moyen masque de fortes disparités entre régions, qui renvoient à la diversité signalée plus haut, et à la jeunesse de la ressource dans certaines régions. Le taux de prélèvement est en effet proche de 100 % dans le Nord-Est et le Sud-Ouest, et faible à très faible dans les régions du centre et du sud du pays, où se concentre la plus grande part de l’augmentation récente du capital sur pied. Ainsi, la forêt française n’est-elle pas globalement menacée de surexploitation. Ce serait même plutôt le contraire. Car si les coupes ne peuvent guère être augmentées durablement dans les régions forestières traditionnelles qui sont aussi 34 les plus exploitées, la préservation de la capacité d’accroissement, et donc de stockage de carbone, de la ressource nouvellement apparue et qui commence à arriver à maturité, de même que son adaptation au changement climatique et son renouvellement par des essences mieux adaptées au climat à venir, passent par une augmentation sensible de son exploitation, actuellement très limitée. Pour en savoir plus : le site de l’inventaire forestier national www.ifn.fr ou portail IGN : www.ign.fr et en particulier, L’IF 27 : volumes de bois sur pied dans les forêts françaises L’IF 28 : prélèvements de bois en forêt et production biologique Résumé Loin de l’image d’immobilité à laquelle elle renvoit souvent, la forêt française connaît une profonde transformation, sous l’effet de la forte expansion en cours depuis plus d’un siècle. Sa surface a doublé en 150 ans et son volume a augmenté de 60 % dans les 40 dernières années. Il s’agit maintenant de profiter au mieux de cette ressource nouvelle en augmentant son exploitation, de manière à préserver sa capacité de stockage de carbone et à la préparer au changement climatique. Abstract The French forest knows a deep transformation, under the influence of a strong expansion that began more than a century ago. Its surface doubled in 150 years and its volume increased by 60 % in the last 40 years. The issue is now to take advantage of this new resource by increasing its exploitation, to preserve its carbon storage capacity and to prepare it for the climate change. Comment prendre en compte le changement climatique dans l’enseignement forestier supérieur ? Lorsqu’ils s’expriment à propos du changement climatique annoncé et de ses conséquences possibles sur les forêts françaises, les scientifiques ne parlent pas d’une seule voix. S’ils s’accordent sur la tendance générale d’un réchauffement, les climatologues présentent des scénarios assez différents les uns des autres en ce qui concerne notamment la pluviométrie et sa répartition saisonnière Bernard Roman-Amat du changement climatique suscite des réactions très diverses allant de la passivité découragée à l’activisme le plus aventureux. Un contexte encore confus Les modèles présentés ne sont souvent pertinents qu’à une maille large, ce qui les rendait jusqu’à une date récente inutilisables tels quels par les gestionnaires (1). Pour certains les sécheresses constituent la principale menace, pour d’autres ce sont les tempêtes. Les physiologistes s’interrogent sur les mécanismes du dépérissement et de la mort des arbres : violence du stress ? épuisement des réserves ? Les généticiens se divisent entre tenants de la plasticité phénotypique (un même génotype peut prospérer dans une large gamme de conditions climatiques) et promoteurs de l’adaptation, naturelle ou accompagnée par l’homme. Certains écologues prônent l’augmentation du nombre de sites protégés, d’autres militent pour la mise en place de corridors visant à faciliter la migration des espèces. Chez les gestionnaires de terrain, l’annonce Pourtant, la perspective de ce changement climatique doit être prise au sérieux, tout particulièrement par ceux qui ont pour mission de former les forestiers de demain. Comment faire ? Sous climat changeant, la forêt reste une forêt… Dans notre pays, qu’elle soit sèche ou humide, une forêt reste un écosystème riche et complexe, dominé par un peuplement d’arbres, que l’homme utilise ou gère pour répondre à ses besoins. L’ingénieur forestier de demain devra donc comme aujourd’hui être bien formé en sciences de base (écologie, pédologie, bioclimatologie, physiologie…) et en sciences forestières (dendrométrie et inventaire, sylviculture, aménagement). Il devra savoir optimiser la production conjointe de biens et services dans le cadre d’une gestion souvent multifonctionnelle. Il inscrira son action dans un cadre large d’aménagement du territoire impliquant de multiples relations et partenariats : il devra pour cela mobiliser un large éventail de compétences en sciences économiques et en sciences sociales. … avec quelques contraintes de gestion supplémentaires… Pour faire face au changement climatique annoncé, les ingénieurs forestiers devront par ailleurs posséder à un haut degré certaines compétences spécifiques : – l’aptitude à poser un diagnostic sur la vulnérabilité des peuplements ; la démarche Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 35 REGARDS SUR… La forêt face au changement climatique : menaces et opportunités 3. Mettre en œuvre une pédagogie active, visant à développer les compétences qui permettent la résolution en groupe de problèmes pratiques, de manière créative, en recourant notamment à la modélisation et à la simulation. L’enseignement délivré dans le centre de Nancy d’AgroParisTech s’engage résolument dans ces diverses voies. … et dans son esprit Fréquenter le terrain, y apprendre à observer, analyser, comprendre : des composantes essentielles de la formation de futurs ingénieurs forestiers. Photo : B Roman-Amat implique l’analyse de nombreuses caractéristiques du peuplement forestier (milieu, espèces constitutives, niveau de diversité génétique, sylviculture passée…) puis une synthèse à finalité opérationnelle. Nous sommes ici, pour l’essentiel, dans le champ d’enseignements dispensés depuis longtemps et bien rôdés, qu’il faudra conforter en intégrant progressivement des informations nouvelles (génétique et physiologie par exemple) et en insistant sur la dimension de synthèse finalisée ; – la capacité à quantifier des risques et des opportunités : il s’agit de prendre en compte la probabilité de survenue d’aléas (canicules, sècheresses, incendies, tempêtes, allongement de la saison de végétation, augmentation de la pluviométrie hivernale…) issus de scénarios climatiques pour calculer les conséquences de ces aléas sur la valeur des enjeux forestiers (capital sur pied, accroissement, biens et services attendus), afin d’éclairer les décisions de gestion. Dans ce domaine, les méthodes sont encore perfectibles, et des outils utilisables dans la pratique restent à mettre au point ; – la capacité à imaginer et mettre en œuvre des itinéraires adaptables, à faire preuve de flexibilité face à l’imprévu (qu’il soit d’origine climatique, sociale ou autre !). Ici, les compétences relèvent de l’aptitude à modéliser, à bâtir et à manier des scénarios, 36 à chiffrer l’incertitude et à décider en univers incertain. … qui doivent conduire à une évolution de l’enseignement, dans ses contenus… Les enseignants soucieux de développer chez leurs étudiants les compétences indiquées ci-dessus peuvent notamment utiliser les trois efficaces leviers suivants : 1. S’appuyer sur la recherche, actuellement très active, en France comme à l’étranger, dans le champ de l’étude de l’impact du changement climatique sur les forêts ; à titre d’exemple, les récents travaux de l’Unité mixte de recherche AgroParistech-INRA « LERfoB » (2) permettent de représenter la migration des espèces végétales déjà intervenue au XXe siècle ; 2. Analyser et commenter ce qui se passe à l’étranger, par la bibliographie, la valorisation des stages d’étudiants, l’invitation de conférenciers… ; les pays étrangers sont en effet de véritables laboratoires à ciel ouvert : le sud de l’Europe soumis depuis des décennies à un réchauffement marqué, les Etats-Unis confrontés aux espèces invasives, les pins du Canada décimés par les scolytes, la Russie parcourue par les incendies de forêt, la Scandinavie dont les forêts poussent plus vite… ; Deux remarques pour conclure. Le changement climatique devant affecter tous les aspects de la gestion forestière doit être abordé de manière globale par la communauté pédagogique : au-delà de sa propre discipline, chaque enseignant doit donc avoir le souci de participer avec ses collègues des autres sciences à une formation à caractère intégré. Ensuite, face à un phénomène dynamique, dont notre compréhension ne cesse de se modifier, l’enseignant en formation initiale est appelé à la modestie ; conscient des limites de son enseignement, il ne peut que recommander à ses étudiants de se préparer à compléter leurs compétences par la formation continue. Encore limitée dans le champ du changement climatique, cette dernière est appelée à connaître un fort développement. Plus que jamais, l’enseignement forestier supérieur doit s’attacher à produire des « têtes bien faites ». ❙ Bernard Roman-Amat (P 71, Gref 75), Directeur du centre de Nancy d’AgroParisTech (3) Notes : (1) Le simulateur de climat de l’ONERC sur internet (http :// ONERC.developpement-durable.gouv.fr) donne maintenant des simulations par département, ce qui est encore une maille large. (2) Romain BERTRAND, Jonathan LENOIR, Christian PIEDALLU, Gabriela RIOFRI’O-DILLON, Patrice de RUFFRAY, Claude VIDAL, Jean-Claude PIERRAT & JeanClaude GEGOUT (2011) : Changes in plant community composition lag behind climate warming in lowland forests. Nature N° 479 (24 novembre 2011), pp 517-520 ; voir aussi, dans ce numéro de Symbiose l’article de Jean-Claude Gégout et l’interview de Romain Bertrand. (3) Bernard Roman-Amat est par ailleurs l’auteur du rapport de synthèse commandé par les ministres chargés de l’écologie et de l’agriculture « Préparer les forêts françaises au changement climatique » décembre 2007, La Documentation française. La veille concurrentielle : un outil d’aide à la décision stratégique de Bayer Pour maintenir son leadership, le groupe Bayer doit anticiper les évolutions et s’adapter plus vite que ses concurrents. Cela est d’autant plus difficile dans un contexte économique instable, un paysage concurrentiel mondialisé, influencé par les contraintes réglementaires et les avancées technologiques. Dans le même temps, étant confrontée plus que d’autres aux exigences de développement durable, l’industrie de la chimie et des biotechnologies doit innover pour inventer les produits du futur. Afin de conserver sa longueur d’avance, l’entreprise a décidé de renforcer et d’accélérer son proces- sus de décision par une meilleure surveillance des marchés professionnels et consommateurs. C’est pourquoi Anne-Marie Paillole, responsable Intelligence de Bayer Environmental Sciences a souhaité mettre en place une plateforme de veille et s’entourer d’une équipe de spécialistes de la veille concurrentielle. Ainsi, Humind Consulting apporte une solution globale en fournissant à la fois des informations sélectionnées par des analystes, ainsi qu’une plateforme de veille sur-mesure basée sur les meilleures technologies «open source». Le dispositif permet notamment d’alerter les équipes, de consolider et d’analyser les informations sur le marché et la concurrence. Au-delà de l’information exploitable, le système de veille apporte un changement culturel, par une meilleure prise en compte de l’environnement à tous les échelons de l’entreprise. C’est pourquoi notre collaboration a permis de construire un dispositif devenu indispensable aux processus de décisions. Déjà partenaire de leaders mondiaux dans d’autres secteurs, Alexandre Sonnet, Directeur de Humind Consulting, est fier d’apporter sa pierre au développement du groupe Bayer. Humind Consulting, l’information pour l’action En savoir plus : http://www.humind.fr Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 37 PORTRAITS & PARCOURS Yves Bourdillon (PG 79) Portraits et Parcours Yves Bourdillon (PG 79) Journaliste et auteur, l’Agro mène à tout ! Yves Bourdillon (PG 79) est journaliste aux Echos, adepte de plusieurs sports de compétition dont la vie familiale et la création d’entreprise. Déjà auteur d’un premier ouvrage sur le terrorisme (1), inspiré d’une enquête qu’il a réalisée, il travaille depuis 1996 au service international du quotidien Les Echos, où il couvre les zones ex-URSS, Amérique latine et Proche-Orient et vient de publier son premier roman Du trapèze au-dessus des Piranhas (2). Il a accepté d’évoquer pour Symbiose cette nouvelle expérience d’écriture, dans un nouveau cadre. Yves Bourdillon © Thierry Rateau Après un premier livre sur le terrorisme, vous publiez, cinq ans plus tard, un premier roman évoquant les incohérences de la société moderne, est-ce un hasard ? Qu’est-ce qui vous a poussé ? Ces deux sujets n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Mon premier livre, publié en 2007, est tiré d’une enquête journalistique aux Echos que j’ai réalisée sur le terrorisme ; sa structure qui s’est imposée rapidement n’a posé aucun problème. Elle ne contient aucune intrigue et l’éditeur l’a accepté sans discuter. Cette fois, j’ai oeuvré sur un autre registre, celui de la fiction. J’y ai travaillé plus de deux ans, m’imposant beaucoup 38 de discipline en raison du peu de temps dont je disposais. Cette histoire est à peu près pour un quart autobiographique (j’ai moi aussi monté une boite, jadis, et me suis pas mal occupé des études de ma fille, comme le principal protagoniste) mais j’ai surtout cherché un contrepoids aux contraintes professionnelles en me laissant aller à la liberté, au plaisir d’inventer. Après avoir écrit la première scène durant laquelle mon héros se Ce que je dois à l’Agro : un intérêt intellectuel pour la biologie, la science du vivant… trouve dans une église, assistant à une messe d’enterrement, je ne savais qu’une chose : que Fred Beaumont avait compris que la vie était courte et qu’il était temps d’aller au bout de ses rêves, sans autre préoccupation métaphysique ou religieuse. La suite du récit s’est improvisée progressivement. Mon métier de journaliste m’a habitué à écrire vite et de manière le plus clair possible des récits très synthétiques ; l’exercice était cette fois plus compliqué, il fallait tenir un lecteur en haleine pendant 300 pages. Avez-vous dû réinventer un nouveau style ? Non, je ne me suis pas changé, j’écrivais quand j’avais le temps, le matin avant de partir au travail et vingt minutes tous les soirs ou en griffonnant quelques lignes sur un papier, conservant mon style alerte de journaliste… Je me suis relu généralement tout seul, même si j’ai écouté les critiques de ma femme et d’une collègue agro ou d’un partenaire de rugby qui m’ont encouragé tout au long de ce travail. J’ai utilisé le cahier dans lequel je prenais des notes dix ans plus tôt, au moment où je créais ma boite. Je prenais alors le temps d’enregistrer toutes les anecdotes bureaucratiques que je me suis fait un plaisir de remettre dans le récit. A la fin, j’ai envoyé le manuscrit à huit éditeurs, anonymement et sans recommandation. Anne Carrière m’a appelé sur mon portable il y a deux ans pour me donner son accord. Elle m’a demandé de faire des coupes, de retravailler une partie de mon texte. Ce travail qui a duré un an m’a demandé du temps, de l’énergie et a été une épreuve pour l’ego ; retirer 40 pages, après négociations avec l’éditrice, est réellement une épreuve psychologique. J’ai enlevé des « tunnels » d’anecdotes, tirées du fameux cahier. L’été dernier, on a choisi le titre que je n’avais pas prévu au départ… Ces jours-ci, le roman est livré au public et prend sa liberté. Pourquoi un roman alors que vous êtes agro et que vous écrivez déjà dans un quotidien national ? Mon parcours est complètement atypique ; j’ai choisi le journalisme alors que j’étais déjà à l’Agro. Ce premier virage m’a mené à Sciences-Po pour faire ma dernière année. J’ai découvert les matières littéraires, l’histoire… C’est là que j’ai pris goût à l’écriture. Je faisais au même moment mon service militaire à Paris, comme chauffeur de capitaine… Pendant les dix années suivantes, j’ai appris mon métier en travaillant pour l’agence Agra-Europe. En 1995, j’ai décidé de me mettre à mon compte en créant l’agence Millighan, ajoutant ainsi à mon expérience agricole et agroalimentaire une bonne pratique de la bureaucratie. Mais je me suis retrouvé tout seul, comme le héros de mon roman. J’ai alors pris mon deuxième virage, celui qui m’a poussé à apprendre le russe au moment où le poste de journaliste « pays de l’Est » des Echos s’est libéré. En 1996, j’ai accepté la proposition qui m’était faite et la baisse de 30 % de mon salaire qui allait avec, puisque l’agence Millighan marchait très bien ; dix ans plus tard, mon secteur s’est enrichi du Moyen-Orient et de l’Amérique latine. Je suis devenu le spécialiste de pays en mutation, qui ont moins d’impact sur nos lecteurs que les pays riches. Pour mon roman j’ai travaillé une demi-heure par ci par là entre deux reportages à l’étranger. Que vous a apporté votre formation agro et que souhaitez-vous faire passer comme message dans ce livre ? Je sais ce que je dois surtout à l’Agro : un intérêt intellectuel pour la biologie, la science du vivant. Je sais que face à la complexité d’un problème, il y a plusieurs solutions… et que chaque solution retenue aujourd’hui impacte sur la solution de demain. Je suis aussi toujours friand de nouvelles de camarades que je n’ai pas vus depuis 30 ans. Mais, comme dans un roman policier, l’intrigue de mon livre laisse apparaître un message : notre société demande toujours plus de bureaucratie et dans le même temps elle trouve qu’il y en a trop.Voyez ma quatrième de couverture (ndlr : voir encadré sur la même page), elle vous montre que je m’adresse à ceux qui veulent monter leur boîte, à ceux qui ont des enfants, à ceux qui ne veulent plus d’une sociétécocon… Je suis un des derniers admirateurs de Margareth Thatcher, un libéral convaincu (même si c’est difficile à dire en France), admirateur de Raymond Aron, de Tocqueville (dont je cite un texte à la fin de mon roman, vous l’avez peut-être remarqué). Il y a une doctrine politique derrière cette comédie : j’ai appris l’anglais en lisant The Economist. Tout ce bagage m’a marqué et cela transpire dans mon texte. ❙ Propos recueillis par Solange van Robais et Pierre Sabatier (1) Yves Bourdillon, Terrorisme de l’Apocalypse, Paris, Ed. Ellipses, 2007, 224 p. Le roman en quelques lignes… Comment monter une entreprise malgré les cris d’épouvante de ses proches ? Rompre sur un tapis roulant ? Et préserver sa santé mentale lors d’un conseil de classe ? Voilà quelques-uns des nombreux problèmes que doit affronter Fred Beaumont, journaliste dans un quotidien régional, après avoir décidé, sur un coup de tête, de réaliser enfin tous ses rêves d’ado en même temps : se mettre à son compte (fantasme d’un Français sur trois), retrouver un amour de jeunesse et gravir un sommet de l’Himalaya. Mais il n’avait pas prévu qu’il devrait s’occuper, seul à Paris, de sa cancre de fille et serait confronté à des clients particulièrement capricieux. Sans oublier les raffinements bureaucratiques d’une société qui, dans les discours, appelle à « se réaliser » et à « prendre des risques », tout en incitant chacun, en réalité, à n’en rien faire… Sous cette comédie aux dialogues crépitants, perce une radiographie des contradictions de notre société, dans un registre oscillant entre humour et burlesque. Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 39 PORTRAITS & PARCOURS Fabienne Hermitte (PG 91) Lauréate du 2e prix des femmes innovantes en Europe Fabienne Hermitte (PG 91) est cofondatrice de la société Ipsogen : « La formation d’ingénieur AgroParisTech est très structurante, et apporte rigueur et pragmatisme » Fabienne Hermitte Quel est le fil rouge depuis ta sortie d’école ? Dès ma 2e année à l’Agro, je me suis intéressée à la recherche académique, plus précisément en sciences médicales. J’ai donc fait le choix d’effectuer un stage de fin d’étude puis un doctorat dans une unité mixte CNRS – Rhône Poulenc ; peu encadrée sur un sujet très fondamental, j’ai décidé pour la suite de m’orienter vers des activités plus appliquées. Les hasards de la vie m’ont conduite à chercher du travail dans un bassin d’emploi peu dynamique, la région de Marseille. L’ANVAR (devenue Oseo depuis) m’a mise en contact avec Vincent Fert, qui avait alors un projet de IPSOGEN, « Cancer profiler » « Profiler » des cancers, IPSOGEN développe et commercialise des tests de diagnostic moléculaire qui permettent de cartographier les maladies pour guider la décision des cliniciens et de leurs patients tout au long de leur parcours thérapeutique. Avec déjà plus de 80 références produits utilisées en routine dans le monde pour le diagnostic, le pronostic et le suivi de milliers de patients atteints de leucémie, IPSOGEN est également engagée dans le domaine du cancer du sein avec pour objectif de fournir des informations diagnostiques encore inaccessibles. En savoir plus : http ://www.ipsogen.com 40 création d’entreprise. Nos profils se sont avérés complémentaires, et avec un troisième associé, Stéphane Debono, nous avons créé la société Ipsogen, pour développer des tests moléculaires permettant le suivi d’efficacité des traitements anticancéreux, en particulier contre les leucémies. Notre société s’est bien développée, petit à petit, et elle compte plus de 70 personnes aujourd’hui. Je suis directrice R&D et affaires réglementaires de la société, et j’encadre 25 personnes. Ce travail me plait car sa dimension très appliquée permet une bonne vision de son utilité : il sert aux patients, ainsi qu’aux biologistes. Cela compte, de sentir qu’on a une vraie prise sur les performances du produit qu’on développe : mon ambition, c’est de fournir des tests qui répondent aux besoins médicaux et de qualité irréprochable. Pour la suite, je veux continuer à apprendre, à rencontrer des personnes intéressantes, à travailler sur des problèmes nouveaux et intellectuellement stimulants ! En quoi consiste ta mission ? Le dynamisme de l’entreprise est basé sur des développements de tests et leur commercialisation, en lien avec les hôpitaux, plutôt que sur de la recherche interne. Ma mission consiste donc à créer et entretenir les conditions pour les transferts technologiques, en lien avec les hôpitaux, qui nous permettent de valider les tests sur des échantillons de patients. Mon métier me place ainsi en interface avec de nombreux collaborateurs externes, et je travaille en lien étroit avec les affaires médicales et le marketing de l’entreprise. Comment vit-on la parité hommes-femmes dans ton métier ? Le fait d’avoir reçu le 2e prix des femmes innovantes par l’Union européenne en 2011 m’a conduit à y réfléchir, alors que cette question ne m’avait pas vraiment préoccupée jusqu’alors… J’ai pu ainsi rencontrer des femmes ayant subi de graves discriminations dans des pays où les contrats sont temporaires, alors que je n’ai pas ressenti de différence ou de discrimination dans mon parcours. Mon emploi implique une charge de travail importante, avec beaucoup de déplacements… Cela n’est pas toujours évident pour mes deux garçons de 6 et 10 ans : cela demande une bonne organisation du couple ! Quels conseils donnerais-tu aux jeunes diplômés ? Avant tout, je leur souhaite d’avoir autant de chance que moi ! Il faut savoir se valoriser : la formation d’ingénieur AgroParisTech est très structurante, et apporte rigueur et pragmatisme. Sur la base de mon expérience, je voudrais vraiment leur dire qu’il ne faut pas avoir peur en début de carrière : faites ce qu’il vous plait, investissez vous à fond ! ❙ Propos recueillis par Juliette Auricoste (PG 04, Gref 09) CAHIER ENTREPRISES AGROALIMENTAIRE « Notre métier est de formuler des solutions » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 42 Entretien avec Edouard De Vaux ENERGIE ET ENVIRONNEMENT Inova, énergie et environnement. . . . . . . . . . . . p. 44 Entretien avec Denis Ostré p. 42 AGRICULTURE DURABLE & DÉVELOPPEMENT Limagrain : l’innovation permanente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 46 Entretien avec François Viallet AGRICULTURE DURABLE ASP-public : la modernisation pour un meilleur service . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 48 p. 44 Entretien avec Bernard Bezeau AGRICULTURE DURABLE Tallage : de rares prévisionnistes en agro-économie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 50 Entretien avec Andrée Defois BIODIVERSITÉ Produire autrement mieux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 52 Entretien avec Christian Rousseau p. 52 BOIS ET ENVIRONNEMENT Norske Skog Golbey, une entreprise responsable, leader européen du papier journal . . . . . . . . . p. 54 Entretien avec Jean-François Serre CARRIÈRE Savoir réfléchir et se remettre en question . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 56 Entretien avec Dominique Dumazet p. 54 41 CAHIER ENTREPRISES Agroalimentaire « Notre métier est de formuler des solutions » Edouard De Vaux, Responsable Marketing de AIT Ingredients nous présente les tendances du marché agroalimentaire et les nouvelles solutions proposées par son entreprise. Rencontre. Quel est le positionnement d’AIT Ingredients ? Nous sommes une filiale du Groupe Soufflet, un groupe agro-industriel qui emploie près de 3 700 personnes pour un chiffre d’affaires de 3 Mrd €. AIT Ingredients, pour sa part, emploie près de 110 collaborateurs. L’essentiel de notre activité consiste à concevoir, produire et commercialiser des solutions ingrédients pour la filière agroalimentaire et en particulier, pour les industries de panification, aussi bien en France que dans une trentaine de pays à travers le monde. Nous avons l’avantage de pouvoir bénéficier du savoir-faire du Groupe Soufflet et de son rôle de leader, notamment, dans les filières blé et orge, à l’échelle internationale. Ceci nous permet d’optimiser notre capacité à disposer d’ingrédients céréaliers originaux et de proposer une palette de produits variés, dont des farines de céréales maltées et toastées qui offrent divers goûts et couleurs, ou encore des ingrédients nutritionnels micronisés (fibres, germes de blé…). Chez AIT Ingredients, nous nous intéressons aussi bien à la technique qu’au goût et à la saveur. Quelles sont les tendances du marché ? Nous devons répondre aux attentes de nos clients directs mais aussi à celles de leurs propres clients. Ces derniers expriment de plus en plus un besoin de naturalité à travers la mise en avant du Clean Label, des ingrédients moins transformés, etc. L’origine des produits revêt également beaucoup d’importance puisque le consommateur privilégie de plus en plus la production locale, notamment par soucis de développement durable. Edouard De Vaux Par ailleurs, nous retrouvons aussi bien une attente de retour aux sources à travers des recettes plus traditionnelles inspirées du terroir, qu’une attente d’originalité et de découverte de nouvelles saveurs venues d’autres horizons. Ceci dit, nous devons également répondre aux attentes techniques de nos clients industriels, notamment pour des raisons économiques, en proposant des substituts aux matières premières classiques dont les cours peuvent beaucoup fluctuer. L’objectif pour nous est alors d’obtenir un résultat optimal, à moindre coût. Pouvez-vous nous donner un aperçu des solutions ingrédients innovantes développées par AIT Ingredients ? Dans l’aspect technique de notre métier, nous devons au quotidien concevoir pour chaque problématique du client, une solution technique adaptée. Cela se traduit par la conception d’améliorants de panification sur-mesure. La gamme Vital’IT avec, entre autres produits, VitalMalt, est une gamme d’ingrédients naturels issus de graines que l’on a maltées, ce qui permet de développer des activités enzymatiques spécifiques qui ont un effet intéressant, notamment sur la conservation du moelleux dans des produits tels que les brioches, le pain, etc., en substitution des émulsifiants. Concernant la création de saveurs, nous proposons des produits prêts à l’emploi, des mixes, des concentrés à incorporer dans le processus de fabrication des produits,… mais aussi du sur-mesure pour le compte de nos clients. Ainsi, nous avons développé, par exemple, la gamme de produits « Grand Chef ». Concentrée à 25 %, celle-ci permet de réaliser des pains d’inspiration régionale, sans arômes artificiels ou additifs… 42 Spécialiste de la filière Blé-Farine-Pain, AIT Ingredients propose une gamme complète de solutions standard ou sur-mesure, pour offrir à vos consommateurs des produits beaux, bons et sains. Améliorants de panification, mixes et concentrés saveurs, ingrédients nutritionnels... Une société du Groupe Soufflet AIT Ingrédients 7, quai de l’Apport Paris 91100 Corbeil-Essonnes - France Tel. : +33 (0)1 60 90 05 00 (Export : 05 10) Fax : +33 (0)1 60 90 05 01 (Export 05 11) www.ait-ingredients.com Expertise technique, compréhension des marchés et des tendances, imagination et créativité sont nos meilleurs atouts pour vous aider à améliorer votre réussite. Crédit : création : Agence Anastase, photos : AIT ingredients - Cap Bleu Communication - Jean-Pierre Lorphelin - 02/2010 - Getty Images - Fotolia bien plus que des ingrédients… CAHIER ENTREPRISES Energie et environnement Inova, énergie et environnement Inova, société du Groupe Altawest, est un acteur majeur de l’ingénierie-construction de centrales clés en main de cogénération et de valorisation énergétique de déchets et de la biomasse. A ce titre, l’entreprise a remporté l’appel d’offres passé par l’Etat pour construire et exploiter une installation de production d’électricité utilisant de la biomasse à Brignoles, dans le massif varois. Entretien avec Denis Ostré, Conseiller du Président. Pouvez-vous nous faire un point sur la biomasse en France ? Le terme « biomasse » désigne l’ensemble de la matière vivante. Depuis le premier choc pétrolier, ce concept s’applique aux produits organiques végétaux et animaux utilisés à des fins énergétiques ou agronomiques. Elle permet, entre autres, la production d’énergie par combustion de sous-produits et/ou de résidus de l’agriculture, de l’industrie du bois et de taillis issus des forêts ou de cultures… La France dispose du plus important gisement de biomasse agricole et forestière en Europe, cependant il y a quelques années elle se situait encore au 14e rang pour sa part de production électrique « biomasse » dans la consommation électrique totale. La loi de programme de juillet 2005 a fixé les orientations de la politique énergétique française et définit un certain nombre de programmes mobilisateurs pour les économies d’énergie et le développement des énergies renouvelables. En 2007, le Grenelle de l’environnement a notamment prévu une augmentation de la production d’énergie renouvelable de 20 Mtep à l’horizon 2020 pour atteindre au moins 23 % d’ENR dans la consommation finale d’énergie, et vise une augmentation de la production d’électricité et de chaleur à partir de biomasse de 7,5 Mtep à l’horizon 2020. Dans quel contexte s’inscrit le projet de Brignoles ? Inova a répondu à l’appel d’offres lancé par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) portant sur des installations de production d’électricité à partir de biomasse. Son projet de centrale électrique, d’une puissance de 20 MW, au cœur du massif varois a été retenu. Il répond à la sécurisation de l’alimentation électrique de la région PACA. Avec une production couvrant moins de la moitié des besoins et une mauvaise répartition de son réseau, l’acheminement de l’électricité est à la merci du moindre incident, notamment en raison des incendies. Par ailleurs, le Var, deuxième massif forestier français, possède une richesse forestière actuellement 44 Denis Ostré sous-exploitée. Le développement de la filière bois-énergie représente un atout en termes de développement économique. Quels sont les points forts d’Inova sur ce type de projet ? Inova est spécialisé dans la conception, la réalisation et l’exploitation de centrales de production d’énergie thermique utilisant les meilleures technologies disponibles, ce qui lui permet de proposer des solutions qui respectent les normes environnementales les plus strictes avec les meilleurs rendements énergétiques. Pour le projet de Brignoles, seul du bois naturel non pollué est utilisé comme combustible. La température à l’intérieur de la chaudière est supérieure à 1 000 °C ce qui permet la combustion complète et contrôlée des gaz qui sont en partie recyclés et mélangés à l’air de combustion pour augmenter l’efficacité énergétique de la chaudière. Les fumées sont dépoussiérées par filtration, neutralisées à l’aide d’un réactif minéral naturel. Elles sont contrôlées grâce à des dispositifs capteurs-analyseurs, permettant grâce à l’enregistrement des mesures la surveillance du respect des normes françaises et européennes en matière de rejets atmosphériques. La centrale fonctionne en circuit fermé vapeur/condensation (débit vapeur sortie chaudière 81 t/h à 520 °C et 96 bar). La consommation d’eau est estimée à moins de 20 000 m³/an. Une turbine à réaction à très haut rendement permet la transformation de l’énergie thermique en électricité, distribuée sur le réseau RTE. La quantité d’énergie fournie par an est de 168,000 MWh électrique : l’équivalent de la consommation de 30 000 foyers. La production d’électricité est stable et continue sur toute l’année. Enfin, les cendres issues de la combustion pourront être, après caractérisation, utilisées en épandage agricole. É NERGIE & ENVIRONNEMENT dKhd^>^W/d^͛hEE^D>/ZsKdZ^Zs/ ŶƐĞŵďůŝĞƌƌĞĐŽŶŶƵĚĞƉƵŝƐϰϱĂŶƐ͕/ŶŽǀĂ Ɛ͛ĞƐƚŚŝƐƐĠ ĂƵƉƌĞŵŝĞƌƉůĂŶĚĞƐĂĐƚĞƵƌƐĨƌĂŶĕĂŝƐ ĚĞůĂĐŽŶƐƚƌƵĐƚŝŽŶĐůĠƐĞŶŵĂŝŶĚ͛ƵŶŝƚĠƐĚĞǀĂůŽƌŝƐĂƚŝŽŶĠŶĞƌŐĠƚŝƋƵĞ͘ /ŶŽǀĂ ĞƐƚƵŶĞĨŝůŝĂůĞĚƵŐƌŽƵƉĞŝŶĚƵƐƚƌŝĞůĨƌĂŶĕĂŝƐůƚĂǁĞƐƚ͕ƐƉĠĐŝĂůŝƐĠ ĚĂŶƐůĂĐŽŶƐƚƌƵĐƚŝŽŶ Ě͛ĠƋƵŝƉĞŵĞŶƚƐĞƚůĞƐƐĞƌǀŝĐĞƐă ĚĞƐƚŝŶĂƚŝŽŶĚĞƐŵĂƌĐŚĠƐĚĞů͛ĠŶĞƌŐŝĞ͕ĚĞů͛ŝŶĚƵƐƚƌŝĞĞƚĚĞ ů͛ĞŶǀŝƌŽŶŶĞŵĞŶƚ͘ /ŶŽǀĂ Ɛ͛ĂƉƉƵŝĞƐƵƌƐĞƐĨŽƌƚĞƐĐĂƉĂĐŝƚĠƐƚĞĐŚŶŝƋƵĞƐĞƚƐĂŵĂŠƚƌŝƐĞĐŽŵƉůğƚĞĚĞůĂŐĞƐƚŝŽŶ ĚĞƉƌŽũĞƚƐƉŽƵƌƌĞŶĨŽƌĐĞƌƐĂƉƌĠƐĞŶĐĞĚ͛ĞŶƐĞŵďůŝĞƌƐƵƌůĞƐŵĂƌĐŚĠƐĞŶĨŽƌƚĞĐƌŽŝƐƐĂŶĐĞ ĚĞůĂǀĂůŽƌŝƐĂƚŝŽŶĠŶĞƌŐĠƚŝƋƵĞĚĞďŝŽŵĂƐƐĞ͕Ě͛ŽƌĚƵƌĞƐŵĠŶĂŐğƌĞƐƌĠƐŝĚƵĞůůĞƐĞƚĚĞ ĐŽŵďƵƐƚŝďůĞƐƐŽůŝĚĞƐĚĞƌĠĐƵƉĠƌĂƚŝŽŶ͘ ŶƚĞƌŵĞĚĞƚĞĐŚŶŽůŽŐŝĞƐĚĞĐŽŵďƵƐƚŝŽŶ͕/ŶŽǀĂ ĐŽŵŵĞƌĐŝĂůŝƐĞůĂŐƌŝůůĞ,ŝƚĂĐŚŝŽƐĞŶ /ŶŽǀĂ ;ĞdžsŽŶZŽůůͿƐŽƵƐůŝĐĞŶĐĞĞdžĐůƵƐŝǀĞĞƚƐ͛ĂƉƉƵŝĞƐƵƌĚĞƐŽůŝĚĞƐƉĂƌƚĞŶĂƌŝĂƚƐ͕ŶŽƚĂŵŵĞŶƚƉŽƵƌ ůĞƐƚĞĐŚŶŽůŽŐŝĞƐĚĞĐŚĂƵĚŝğƌĞƐă ůŝƚĨůƵŝĚŝƐĠ͘ &ŽƌƚĚĞƐĞƐĂĐƚŝǀŝƚĠƐĚĞĐŽŶƐƚƌƵĐƚŝŽŶ͕/ŶŽǀĂ ŽĨĨƌĞĠŐĂůĞŵĞŶƚĚĞƐƐĞƌǀŝĐĞƐĚ͛ĞdžƉůŽŝƚĂƚŝŽŶ ĐŽŵƉůğƚĞĚ͛ƵŶŝƚĠƐĚĞǀĂůŽƌŝƐĂƚŝŽŶĠŶĞƌŐĠƚŝƋƵĞĞƚĚĞƐƉƌĞƐƚĂƚŝŽŶƐĚĞŵĂŝŶƚĞŶĂŶĐĞŝŶĚƵƐƚƌŝĞůůĞ͘ /ŶŽǀĂ ϭ͕ƌƵĞƵŐğŶĞĞƚƌŵĂŶĚWĞƵŐĞŽƚ^ϴϬϬϬϮ&ͲϵϮϱϬϴZƵĞŝůͲDĂůŵĂŝƐŽŶĞĚĞdž dĠů͘ ͗ϬϭϰϳϭϬϬϯϱϬ•• &Ădž ͗ϬϭϰϳϯϮϬϰϱϰ ǁǁǁ͘ŝŶŽǀĂͲŐƌŽƵƉĞ͘ĐŽŵ CAHIER ENTREPRISES Agriculture durable & développement Limagrain : l’innovation permanente Spécialiste des semences de grandes cultures, des semences potagères et des produits céréaliers, Limagrain pèse lourd dans le paysage agricole et économique permettant au groupe auvergnat de défendre une certaine philosophie : produire plus et mieux durablement. Entretien avec François Viallet (ENSAIA 85), directeur général adjoint de Limagrain Céréales Ingrédients Comment Limagrain se distingue sur le marché des semences ? valorisation des productions agricoles de ses adhérents. Limagrain est un groupe coopératif international fondé en 1942. Son particularisme se situe dans son mode de gouvernance qui trouve ses racines en Auvergne, dans la plaine de Limagne. Le groupe se compose d’une centaine de filiales qui a pour objectif de pérenniser l’activité agricole de la Limagne. A ce titre, tous les projets à long terme convergent vers cette logique de pérennité d’activité. Le groupe a bâtit son savoir-faire autour de trois activités : Justement, où se positionne Limagrain Céréales Ingrédients dans ce pôle d’activités et quel est son savoir-faire ? – Semences des grandes cultures (céréales, oléagineux…) représentant environ 1/3 de l’activité du groupe. Sur ce secteur, Limagrain est leader avec une concentration sur l’Europe et les ÉtatsUnis. Le récent rachat de Bisco en Inde permet à Limagrain de s’ouvrir à de nouveaux territoires. – Semences potagères représentant environ 40 % du CA. L’activité Semences Potagères s’adresse principalement aux marchés professionnels. Elle propose des semences potagères à forte valeur ajoutée et se place au 2e rang mondial sur ce marché. – Produits céréaliers avec deux business units : la boulangerie-pâtisserie et les ingrédients céréaliers. Ce segment constitue un atout fondamental pour la 46 Limagrain Céréales Ingrédients est une des deux Business Units de la branche produits céréaliers, leader européen en farines fonctionnelles. Elle est née de la conviction qu’en partant de la semence nous pouvions apporter des solutions aux industriels et confirme l’importance de maitriser la génétique et les procédés de transformation industrielle pour valoriser les qualités des céréales. Nous élaborons et proposons des solutions naturelles et fonctionnelles en répondant aux besoins les plus spécifiques de nos cinq marchés d’applications : « bakery », « snacks », « céréales petit-déjeuner », « convenience food » et bioplastique. Plus concrètement, nous traitons chaque année 80 000 tonnes de grain de maïs destinées à l’industrie alimentaire et nous transformons thermiquement des farines de blé pour en modifier leurs propriétés et offrir ainsi des fonctionnalités aux industriels. François Viallet Quels sont vos axes d’innovation et pour quels types d’application ? Limagrain et LCI consacrent respectivement 14 % et 5 % de leur CA à la R&D. Cet effort de recherche s’est d’ailleurs traduit par la création de notre centre de recherches ULICE qui travaille sur des axes d’innovation produits centrés sur la nutrition/santé et l’environnement. Nous anticipons le comportement de nos céréales et travaillons sur l’évolution de nos variétés afin de mieux répondre au besoins des clients notamment en satisfaisant un certain nombre de critères santé : apports en fibres, réduction des matières grasses… En matière d’environnement, nous avons développé un film bioplastique biolice, à base de maïs entièrement compostable et biodégradable. Ce procédé a notamment séduit les cimentiers qui l’utilisent en composant de leur sacherie mais aussi Handicap International dont le « sac à sapin » est à 100 % réalisé avec biolice. Enfin, Ulice travaille sur le traitement thermique de farines pour améliorer par exemple le moelleux des viennoiseries et met au point de nouvelles formes de produits à la demande des industriels de type solutions sans gluten par exemple. Limagrain en bref Le groupe réalise un chiffre d’affaires de plus de 1,5 milliards d’euros en 2011 et rassemble 7 200 collaborateurs. Limagrain Céréales Ingrédients emploie 200 personnes et réalise un CA de 80 millions d’euros. e h c r e h c e r n i a r g a Lim t n e l a t e graines d Consultez nos offres et postulez en ligne www.limagrain.com spécialiste des semences de grandes cultures, des semences potagères et des produits céréaliers Près de 7200 collaborateurs Plus de 100 filiales réparties dans 38 pays Plus d’1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires 14 % du chiffre d’affaires consacrés à la recherche 4e semencier mondial grâce à sa holding Vilmorin & Cie Leader européen en farines fonctionnelles via Limagrain Céréales Ingrédients 3e industriel français de la boulangerie-viennoiserie-pâtisserie avec Jacquet-Brossard RCS 352 321 285 - 12040275 - Crédit photos : Limagrain et ses filiales Groupe coopératif agricole international, CAHIER ENTREPRISES Agriculture durable ASP-public : la modernisation pour un meilleur service L’Agence de services et de paiement (ASP) a été créée pour mieux répondre aux grands enjeux du secteur public et accompagner sa modernisation. Plus gros organisme payeur européen, à la fois spécialisé et multisectoriel, l’ASP dispose d’un large champ d’intervention et s’affirme comme un acteur incontournable, conscient des mutations nécessaires pour un meilleur service public. Entretien avec Bernard Bezeaud, directeur général délégué de l’agence. L’ASP œuvre souvent dans l’ombre, présentez-nous l’agence ? L’ASP est un établissement public placé sous une double tutelle : le ministère de l’agriculture et celui de l’emploi. Il a été créé, en 2009, de la fusion du CNASEA et de l’Agence Unique de Paiement (AUP). Aujourd’hui, nous sommes donc l’organisme payeur de l’ensemble des aides versées aux exploitations agricoles au titre de la PAC mais notre double tutelle ministérielle nous permet d’intervenir dans différents domaines tels que l’emploi, la politique sociale, l’environnement… Ainsi l’ASP est l’opérateur de l’État pour le versement du bonus écologique, des aides liées à l’emploi, de la garantie de ressources des travailleurs handicapés… nombreux partenaires publics dans l’instruction de demandes d’aides. Cette fonction nécessite une expertise liée à chaque dispositif d’aide (juridique, analytique…) – Le contrôle avec près de 200 agents spécialisés qui sillonnent notamment les exploitations agricoles et assurent un fort relationnel avec les bénéficiaires des aides – Le paiement : nous l’avons vu, l’ASP est le plus gros organisme payeur européen et à ce titre nous participons souvent à des échanges intracommunautaires sur la mise en œuvre de la PAC. – L’ingénierie administratrice : l’ASP apporte aux instances locales, nationales et européennes un appui dans la mise en œuvre de politiques publiques (rédaction de guides de procédures, animation, formation, valorisation de données…) Notre budget d’intervention est de l’ordre de 18 milliards d’euros. Nous employons environ 2 200 agents dont 1 000 dans la sphère agricole et assurons une présence dans toutes les régions, y compris en outre-mer, grâce à notre réseau de 26 délégations régionales. De plus, l’ASP inscrit ses compétences dans le champ concurrentiel pour d’autres financeurs comme les collectivités territoriales, les Agences de l’Eau, l’Agence du Service Civique… Ces opportunités de mise en concurrence sont l’occasion de se remettre en cause. Quels sont vos différents modes d’intervention ? Vous êtes actuellement dans une démarche de modernisation des procédures. Quels sont les changements à attendre pour les bénéficiaires ? La particularité de l’agence est son savoirfaire en matière de traitement de masse des dossiers associé à une forte compétence métiers. Notre mission s’articule autour de quatre éléments : – L’instruction : L’ASP appuie de 48 Effectivement, l’agence est engagée dans un certain nombre de procédures d’innovation avec pour objectif de conforter Bernard Bezeaud notre position d’organisme payeur européen, être un référent à la pointe de l’innovation technologique et organisationnelle. Cela se traduit par un développement des télédéclarations, des extranets et une dématérialisation des procédures. À ce titre par exemple, nous mettrons en place très prochainement un portail à destination des employeurs pour toutes les démarches concernant le Contrat Unique d’Insertion (CUI). Ce dispositif innovant s’appuie sur une transmission de pièces justificatives sécurisée par certificat de signature électronique. L’ASP est un des tout premiers établissements publics à être habilité pour délivrer de tels certificats (niveau une étoile du référentiel général de sécurité). Concernant l’organisation en elle-même, nous avons aussi un objectif de performance. Nous modernisons notre mode de fonctionnement interne en créant des pôles de gestion spécialisés en fonction des sites. Parallèlement nous nous engageons dans une démarche de polyvalence des agents afin de nous permettre de répondre au mieux aux pics d’activité. Enfin, nous cherchons à rationaliser en permanence les processus de travail pour gagner en productivité et en efficacité. Concernant la thématique Forêts, quel rôle jouez- vous ? L’ASP est l’organisme payeur des aides (hors ONF) du ministère de l’agriculture, notamment : boisement des terres agricoles, amélioration des forêts, modernisation des entreprises de travaux forestiers, reconstitution des forêts détruites, par les tempêtes de 1999 et de 2009… Depuis 2001, sur l’ensemble de ces mesures, nous avons versé environ 1,2 milliard d’euros pour 67 000 dossiers traités, la principale mesure étant le nettoyage des parcelles de chablis après les tempêtes. Agence de services et de paiement un opérateur de référence au service des politiques publiques L’Agence de services et de paiement (ASP) intervient pour le compte de plusieurs ministères, de l’Union européenne, des collectivités territoriales et d’autres organismes publics. L’ASP, un opérateur public unique par sa polyvalence L’ASP couvre un champ d’activités variées : agriculture (1er et 2e piliers), aquaculture, forêt, pêche, développement local et rural, environnement, emploi, formation professionnelle, insertion, action sanitaire et sociale, ... Les métiers de l’ASP • gestion administrative et financière d’aides publiques (paiement, contrôles, ...) • ingénierie administrative et assistance technique • évaluation et suivi de politiques publiques Chiffres clés Budget d’intervention : 17,6 milliards d’euros 2 250 collaborateurs Un siège social à Limoges, un site national à Montreuil, et 26 délégations régionales (dont 5 outre-mer) Contacts ASP 2, rue du Maupas ; 87040 Limoges Cedex 1 Tél. 05 55 12 00 00 Fax : 05 55 12 05 24 Site internet : www.asp-public.fr www.asp-public.fr ASP - DirCom / PAO-création - avril 2012 - © MEDAD, JM.Pericat, Phovoir, Soisson, B.Vedel CAHIER ENTREPRISES Agriculture durable Tallage : de rares prévisionnistes en agro-économie Depuis près de 20 ans, le cabinet d’études agro-économique français Tallage s’est spécialisé dans les marchés européens des grains et s’impose comme une référence dans ce secteur. Rencontre avec Andrée Defois, présidente du cabinet. Quel est le rôle d’un prévisionniste en agro-économie ? La politique de soutien à l’agriculture européenne a fortement évolué ces vingt dernières années et cette modification a induit une grande variabilité des prix, d’où des besoins d’analyses et de prévisions plus poussés. Notre métier est d’analyser l’offre et la demande prévisionnelle d’une matière première pour aboutir à un point de vue sur l’évolution de son prix. Notre travail repose sur 3 piliers : une banque de données statistiques très développée portant sur l’ensemble des secteurs influençant l’offre, la demande et les échanges de matières premières agricoles ; des contacts de terrain dans tous les segments du marché, du champ à la salle de négoce ; enfin, des modèles de prévision internes. Le métier d’analyste des matières premières agricoles est encore peu répandu en Europe alors qu’il l’est beaucoup plus aux USA ou sur d’autres marchés (finances notamment). Depuis 1993, nous proposons à nos clients notre rapport Stratégie grains, qui traite de l’offre et de la demande, des prix des céréales, dans toute l’Union européenne. Ce document d’analyse est mis à jour tous les mois. Il est utilisé par des intervenants du marché céréalier, quelque soit leur positionnement sur le marché (producteurs, stockeurs, industriels, négociants, traders, institutionnels, financiers). Nous avons ensuite développé depuis dix ans un accès à nos bases de données sur notre site internet, et élargi la gamme des rapports publiés, sur le blé dur, les oléagineux etc. De plus, ce travail de collecte statistique et d’investigation de terrain nous permet de pouvoir répondre rapidement à toute demande d’analyse d’une entreprise particulière. Nous travaillons donc aussi comme un cabinet de conseil. Quelles sont les principales thématiques abordées dans votre travail ? Les problématiques agricoles sont au premier plan, principalement agronomiques (prévisions des rendements et des surfaces) et zootechniques (consommations animales). Cependant les facteurs économiques et géopolitiques sont également très importants dans notre travail de prévisionniste. Il s’agit de compiler l’ensemble des données disponibles (enquêtes, publications 50 officielles et privées, statistiques, …), de collecter auprès de nos réseaux de terrain des informations quantitatives et qualitatives et d’alimenter nos modèles de prévision, puis de synthétiser ces données et d’y intégrer notre vision d’experts. Il s’agit de fournir à nos clients des clefs d’aide à l’analyse et à la décision. Ce travail d’analyse fondamentale n’a pas pour objet de prévoir l’extrême court terme (variations intra-journalières ou même intra-hebdomadaires par exemple). Il permet, en revanche, de produire une prévision pour une période comprise entre six et dix-huit mois environ ; il permet aussi de déceler des tendances et de se positionner sur le long terme (une quinzaine d’années). Quels sont les principaux enjeux sous-jacents à votre activité ? Notre travail découle de l’activité agricole (production végétale et animale) et de son interaction avec les besoins humains et industriels. Le grand enjeu dans ce secteur est celui de la réponse alimentaire à une population planétaire en augmentation. C’est aussi celui de la réponse au défi énergétique des prochaines années ; enfin, c’est celui du réchauffement climatique qui va modifier les potentiels de production, exiger des réductions d’émissions de gaz à effet de serre… Quel est le potentiel d’augmentation des rendements, par quelle voie (intensification, biotechnologie, connaissance des sols et de leur fonctionnement…), de nouvelles surfaces peuvent elles être mises en culture ? Comment assurer une production de viande croissante ? Le modèle d’évolution de la consommation alimentaire (accroissement de la consommation de viande avec le niveau de vie) va-t-il rester dominant ? Quel sera l’avenir des biocarburants, de la chimie verte, du besoin en matières premières de ces secteurs ? Combien de temps la Chine restera-t-elle le pays moteur de l’augmentation de la demande mondiale ? Depuis notre création il y a vingt ans, notre métier a profondément évolué : de grands changements sont intervenus dans l’offre et la demande mondiale (la question à la fin des années quatrevingt était le volume d’importation de l’Union soviétique, c’est aujourd’hui le développement de l’économie chinoise) ; par ailleurs, nous avons assisté à une modification complète des canaux de distribution de nos prévisions (l’accès Web est depuis plusieurs années le premier poste de notre chiffre d’affaires, alors qu’aucun de nos clients n’avait de connexion internet quand nous avons créé la société). Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 51 CAHIER ENTREPRISES Biodiversité Produire autrement mieux Nourrir demain 9 milliards de personnes et leur garantir une alimentation de qualité, tel est le défi de l’agriculture française qui doit également s’adapter à la fluctuation et à la volatilité des marchés. Pour les aider dans cette démarche, Vivescia souhaite créer et produire des solutions agri-industrielles durables permettant d’augmenter le revenu des agriculteurs tout en répondant aux attentes des clients et de la société comme nous l’explique Christian Rousseau, Président délégué à l’agriculture et à l’innovation. Pouvez-vous dans un premier temps nous présenter le groupe et ses activités ? de contribuer à l’augmentation de son revenu et soutenir ainsi la préservation et le développement de la ruralité. Né du rapprochement de Champagne Céréales et de Nouricia, Vivescia est un groupe agri-industriel puissant et performant, maîtrisant les filières de l’assiette au champ, du consommateur au producteur, et répondant aux attentes des clients et de la société. Notre rôle est d’accompagner les agriculteurs dans la mise en place de pratiques « durables », seules capables L’agriculture est souvent montrée du doigt concernant son impact sur l’environnement… En effet, les pratiques agricoles ont mauvaise presse. Victimes de leur manque de transparence, elles ont été injustement accusées de nuire à l’environnement et même à la santé. Pourtant, de grandes Christian Rousseau avancées techniques ont été réalisées, non seulement pour nourrir davantage de personnes mais aussi pour les nourrir mieux et ce, à un prix toujours plus compétitif. Quels sont les services que vous apportez à vos adhérents pour les accompagner dans une démarche d’agriculture durable ? Nous les accompagnons dans la mise en place de nouvelles solutions agronomiques : à introduire de plus de biodiversité dans leurs champs, à alterner leurs cultures, à diminuer le travail du sol, etc. Pour un suivi optimal, nous définissons un cahier des charges qui répondent aux exigences de la société et de leurs clients afin de de mesurer par la suite leurs avancées économiques, environnementales et sociétales. Les agriculteurs ont beaucoup souffert de la crise. Pourquoi devraient-ils s’engager dans l’agriculture durable ? Ces nouvelles pratiquent durables permettent aux agriculteurs des économies de charge. Ils se protègent ainsi des fluctuations des marchés. Quand on sait que les prix de l’engrais peuvent tripler en quelques semaines, le calcul est vite fait ! S’engager dans l’agriculture durable, c’est réapprendre à travailler en harmonie avec la nature, à gérer des écosystèmes tout en produisant plus et mieux. C’est le futur de l’agriculture française. De plus, en 2013, l’Europe mettra en place une « enveloppe verte », destinée à aider financièrement les agriculteurs ayant mis en place ces dispositifs. 52 Reporters sans frontières IZIS 100 PHOTOS PRE POUR LA LIBERTÉ DE LA SSE ACHETEZ LE NOUVEL ALBUM En vente partout et sur boutique.rsf.org Dès le 15 décembre - 9,90 € seulement L’information est précieuse, protégeons-la ensemble ! © Izis Bidermanas www.rsf.org CAHIER ENTREPRISES Jean-François Serre Bois et environnement Norske Skog Golbey, une entreprise responsable, leader européen du papier journal Démarrée en janvier 1992, Norske Skog Golbey est l’une des usines de production de papier journal les plus modernes et les plus performantes au monde. Grâce au savoir-faire de ses 420 collaborateurs et à des équipements à la pointe de la technologie, l’usine produit chaque année en moyenne 600 000 tonnes de papier journal dont la qualité est reconnue par les principaux éditeurs et imprimeurs européens. Pour les besoins de notre production, nous utilisons chaque année 500 000 tonnes de papiers récupérés principalement issus de la collecte sélective auprès des ménages français. Nous contribuons ainsi à la valorisation d’un important volume de déchets et apportons aux collectivités locales une solution à la fois économique et écologique à la gestion de leurs déchets. proposer à nos clients des papiers certifiés PEFC ou FSC. La moitié de nos approvisionnements sont des rondins d’éclaircie (activité permettant aux forêts de bien se développer), et l’autre sont les plaquettes de scieries. En valorisant ces sous-produits, nous contribuons à la bonne santé de nos forêts et nous offrons aux professionnels de la filière des débouchés pérennes. L’autre matière première est constituée de bois provenant exclusivement de forêts gérées durablement. Nous pouvons ainsi La prise en compte, dans le cadre d’une politique d’amélioration continue, de l’impact de notre activité sur Directeur Achats et Logistique NORSKE SKOG GOLBEY Jean-François Serre vient d’être promu Directeur des Approvisionnements et de la Logistique chez Norske Skog Golbey, après avoir été Directeur des Approvisionnements pendant 5 ans. Il a rejoint le groupe papetier norvégien Norske Skogindustrier ASA en 1993, d’abord comme Ingénieur R&D au sein des joint-ventures Sofar et AVP, puis chez Norske Skog Golbey, avant d’y devenir responsable de l’approvisionnement en matières premières. De 2002 à 2004 il a occupé le poste de Directeur Général de la division Fibres Recyclées au sein de la branche Paper Mills du groupe norvégien, un poste basé à Sydney. En 2005 et 2006, il a rejoint Anvers, en Belgique, pour y diriger l’activité Mill Recovered Paper Europe. JeanFrançois Serre dispose de plusieurs diplômes complémentaires : Bachelor in Biology (University Lyon I, 1984) ; Forestry Engineer (Ecole Nationale du Génie Rural des Eaux et Forêts, Nancy, 1988) ; et Executive MBA (ICN Group, Nancy, EM Strasbourg, 2011). l’environnement, nous permettent d’afficher des résultats exemplaires en matière notamment de gestion des déchets (99,9 % de nos déchets de production sont valorisés en interne ou dans des filières spécialisées), de gestion de l’eau (quantité = - 50 % en 20 ans, et qualité), d’énergie (réduction de la consommation, choix d’énergies plus propres), de rejets atmosphériques ou encore de modes de transport (54 % de nos produits finis sont acheminés par wagons chez nos clients à travers toute l’Europe). Notre usine est certifiée ISO 9001 pour son système de management de la qualité et ISO 14001 pour son système de management de l’environnement. Engagement responsable Pour être en cohérence avec notre Vision, notre stratégie d’entreprise prend systématiquement en compte les 4 axes d’un engagement responsable : - Social : l’entreprise a placé l’Homme au cœur de son développement en offrant à 54 ses salariés des conditions sociales favorables, un environnement de travail sain et sûr et la possibilité de développer leurs compétences. - Sociétal, avec le renforcement de notre influence dans la vie économique et sociale locale et la promotion de notre démarche auprès de l’ensemble de nos parties prenantes, et plus particulièrement de nos clients et fournisseurs. - Environnemental, en concentrant nos efforts sur la réduction de notre empreinte carbone et le soutien d’une gestion durable des matières premières. - Economique : avec le souci d’améliorer la performance globale de notre site notamment au travers de la maîtrise de nos coûts, afin d’être une entreprise rentable et pérenne. La filière bois : regain d’intérêt pour la fibre de bois. Si la fibre de bois sous forme papier connait un marché mature, elle offre par ailleurs des nouveaux débouchés et Norske Skog Golbey (NSG) s’y intéresse de près, tout en restant d’abord, un producteur de papier journal. L’objectif premier est de développer des activités autour de son coeur de métier. C’est ainsi, de manière assez fortuite, que NSG a rencontré une entreprise, puis s’est associée avec elle, pour extraire des principes actifs contenus dans le bois, et à destination de la cosmétique et/ou de la pharmacologie. Une autre initiative est la création d’une grappe d’entreprise appelée « Green Valley » avec la Société d’Economie Mixte Epinal-Golbey et d’autres partenaires financiers. L’eco- parc ainsi créé accueille des entreprises fabricant des eco-matériaux. Le suisse Pavatex construit en ce moment, sur le site, une usine de fabrication de panneaux isolants à base de bois (60 m€ d’investissements). Il peut s’agir de plaquettes forestières, de bois de fin de vie (classe B) ou du bois de second choix. Ces demandes supplémentaires de bois sont bénéfiques pour l’éconmie locale, mais depuis de nombreuse années, NSG fait le constat d’un manque de disponibilité supplémentaire en résineux sur son bassin d’approvisionnement (Nord Est France). La tempête Lothar en 1999, l’arrêt du FFN, le morcellement de la propriété privée forestière et les conflits d’usage avec le bois énergie concourrent à la diminution de la disponibilité en résineux. NSG s’est associé à l’initiative de l’interprofession Alsace et Lorraine de création d’un « fond plantations », alimenté par une contribution de chacun des acteurs de la filière. L’initiative privée donne l’exemple ! Ces entreprises trouvent des synergies. NSG mutualise ses couts. C’est gagnant-gagnant ! A quand l’aide des pouvoirs publiques pour augmenter l’effet de levier ? Parmi les services proposés par NSG, il y a l’approvisionnement en bois pour ces entreprises de la grappe. Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 55 CAHIER ENTREPRISES Carrière Savoir réfléchir et se remettre en question Entretien avec Dominique Dumazet (Agro 77), Directeur de l’Audit Interne de la Banque Privée 1818, au sujet des qualités propres d’un ingénieur Agro dans le secteur bancaire. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours, et ce qui vous a mené vers le secteur de la banque privée ? Je suis issu de la promotion Agro 77. Une fois diplômé, j’ai passé deux ans au Niger, dans un centre agricole financé par le CEA, dans le cadre du Service National Volontaire à l’Etranger. À mon retour, je me suis orienté vers le conseil en organisation, au sein du cabinet Arthur Andersen. Rapidement, mon goût pour l’économie m’a mené vers l’institut IPECODE, en tant qu’économiste. En 1989, j’ai voulu compléter ma formation par un diplôme en CESS FinancesActuariat à l’ENSAE. C’est à ce moment que je me suis tourné vers la banque. D’abord à la BRED, comme responsable de la Gestion de Bilan, puis au sein du Directoire de la Caisse d’Epargne , en Loire-Drôme-Ardèche puis en Alsace. En 2007, j’ai rejoint ce qui était alors la Compagnie 1818 – Banquiers Privés, banque privée spécialisée dans la gestion de fortune, à disposition du réseau des Caisses d’Epargne, devenue depuis BP1818 (cf. encadré). J’y ai d’abord dirigé les relations avec les réseaux, et depuis 2010 je suis en charge de l’audit interne. Quel est le métier d’une banque privée ? La mission principale de la banque privée est de proposer des solutions patrimoniales « sur mesure » à des clients très exigeants en termes de qualité et de performances, qui souhaitent optimiser leur patrimoine et être conseillés sur la gestion de leurs actifs financiers.biens. Nous leur proposons également de l’optimisation fiscale, et ce dans le cadre des 56 lois françaises, car la grande majorité de nos clients sont des résidents français. Nous nous appuyons sur les réseaux de BPCE (Natixis, des Caisses d’Epargne et Banques Populaires en particulier) ainsi que sur Natixis.à travers tout le territoire. Nous accompagnons ces banques auprès de leurs propres clients, en leur fournissant des expertises, des produitsde l’expertise, des prestations et des conseils afin qu’ils puissent optimiser le traitement de leur clientèle. Nous disposons également d’une clientèle fortunée en propre, plus traditionnelle, qui se développe par prospection directe. Un troisième aspect de notre métier consiste à fournir des services et des produits dédiés aux professionnels indépendants de la gestion du patrimoine, par exemple avec des solutions en matièreoutils de gestion d’actifs ou de défiscalisation. Dominique Dumazet rapport aux autres, car c’est une formation qui prédispose à une grande ouverture intellectuelle.mentale. À mon sens, les sciences de la vie orientent vers la remise en question et l’innovation. Nous sommes à la fois généralistes et très adaptables, en mesure de nous intéresser à des sujets divers et variés. La polyvalence de cette formation nous permet de nous adapter à de nombreux postes, et mon parcours en est la preuve. Dans le secteur de la Banque Privéeprivée, les relations personnelles sont très importantes, car ce sont les hommes, et non les outils, qui font la différence. D’où l’intérêt d’avoir un profil ouvert et flexible. Chaque client est un cas particulier, et il faut savoir constamment se remettre en question. On ne peut pas se laisser enfermer dans des routines. Il faut savoir réfléchir et s’adapter, et en cela les ingénieurs, en particulier Agro, sont d’excellents collaborateurs. A ce titre, jeJe pense qu’il y a une place à redonner aux ingénieurs dans l’entreprise, en général, et dans la banque en particulier. Quels sont les atouts d’un ingénieur Agro dans le secteur de la banque ?? Il convient d’abord de dire qu’il y a toujours eu des Agros dans la banque. Notre EcoleLa nôtre est une Ecole généraliste, et il existe un besoin de ce type de profils, notamment dans les métiers à composante financière. La capacité à de maîtriser des chiffres est plus importante que jamais aujourd’hui, les banques surveillant de très près leur rentabilité et en particulier leurs coûts.comptes. Au-delà de cet aspect technique, un ingénieur Agro a une identité particulière par La Banque Privée 1818 La Banque Privée 1818 est née en 2009 de la fusion de la Compagnie 1818 – Banquiers Privés (groupe Caisse d’Epargne) et de la Banque Privée Saint-Dominique (groupe Banque Populaire). Il s’agit d’une filiale de Natixis, banque d’investissement et de marché du groupe BPCE. Notre cœur de métier, la gestion de fortune La Banque Privée 1818 vous ouvre de nouveaux horizons sur la gestion de fortune en mettant la qualité et la diversité de son expertise au service de votre patrimoine. Forte de son savoir-faire, sa vocation est d’offrir aux grands clients privés, les meilleures solutions pour structurer et gérer leurs actifs. Entourés de spécialistes de haut niveau, votre banquier privé dispose des compétences indispensables pour vous accompagner dans vos prises de décisions et dans l’élaboration de vos stratégies aussi complexes soient-elles. Disponibles et réactifs, nos experts gèrent votre patrimoine en toute transparence en accordant une importance primordiale à la confidentialité. Cette approche constitue la base de la relation de confiance que nous entretenons avec vous. La gestion de fortune ne s’improvise pas. C’est notre cœur de métier. Experte en solutions patrimoniales et financières 50, avenue Montaigne 75008 Paris Tél. : +33 (0)1 70 38 80 00 www.banqueprivee1818.com Publi rédactionnel Avec 270 coopératives sociétaires, InVivo est le premier groupe coopératif français et l’un des plus importants à l’échelon européen. Présent sur l’ensemble du territoire français et dans plus de 60 pays, InVivo rassemble 6 300 collaborateurs en France et dans le monde. InVivo a pour mission de fournir à ses coopératives partenaires les produits, services, moyens techniques et humains concourant à leur performance et à leur différenciation auprès des agriculteurs. Entretien avec Monsieur Thibaut Constant, Responsable Biodiversité et Qualité de l’Eau. conçu par le DIAE. – Le département R et D dédié à la mise au point de produits de protection et alimentation alternative des plantes. – Le département Agriculture Durable et Développement est subdivisé en une équipe Territoire (Qualité de l’Eau et Biodiversité) et une équipe Filière. Il emploie 12 ingénieurs. Présentez-nous la démarche générale de InVivo AgroSolutions Au sein du groupe InVivo, InVivo AgroSolutions est une entreprise dédiée à la production et à la recherche de méthodes et de moyens innovants destinés à renforcer la performance agronomique, environnementale et économique des exploitations agricoles. Créée le 1er juillet 2011 au sein du groupe, la société anonyme par actions simplifiées InVivo AgroSolutions est filiale à 100 % de l’Union InVivo. Elle emploie 64 salariés dont 60 cadres. Ses équipes sont groupées au sein de 4 sous unités : – Le DIAE (Département Informatique Agro-Elevage) chargé de la conception, de la réalisation des tests de produits pilote et de l’assistance informatique aux utilisateurs. – Le Département Agronomique chargé de l’acquisition des références relatives aux pratiques agricoles dans chacun des contextes culturaux. Ses travaux permettent de paramétrer les modèles biologiques d’aide à la décision inclus dans le système d’aide au conseil Les axes de recherche de InVivo AgroSolutions portent sur 3 axes complémentaires : 1) Pour un nouveau système d’information en milieu rural et un ensemble d’aides techniques à la décision : – Phyto/semences (résistance, désherbage, fongicide) – Fertilisation – Développement de logiciels 2) L’innovation en matière de protection et nutrition alternative des plantes 3) L’innovation en gestion de l’environnement En complément des objectifs de performance agronomique, l’une des missions assignées à InVivo AgroSolutions consiste à proposer aux acteurs du monde agricole les moyens et méthodes permettant non seulement de réduire l’impact environnemental négatif, mais de développer les services ecosystémiques liés aux opérations agricoles. Ces travaux ont pour objet de déterminer et de montrer la compatibilité entre une agriculture productive et respectueuse de l’environnement performante sur les plans économique, agronomique et environnemental. La stratégie de InVivo AgroSolutions en ce qui concerne les thématiques environnementales peut être résumé en un slogan : Mesurer pour Gérer et Valoriser la performance environnementale des exploitations agricoles Ces tâches sont confiées au département Agriculture Durable et Développement. MESURER l’impact environnemental : un impact peut être évalué par des indicateurs calculés à partir de la traçabilité des conseils et pratiques évoqués et/ou quelques observations notamment en matière de biodiversité. Cette démarche permet, tout d’abord, de décrire l’efficience environnementale de l’évolution de pratiques envisagée. Ensuite, elle permet d’exprimer les éventuels progrès réalisés en termes d’incidence sur l’état du milieu plutôt qu’en description de l’évolution de pratiques disparates toujours difficile à consolider, et valider les conséquences des plans d’actions environnementaux auprès des parties prenantes. GERER l’impact environnemental : les travaux portent sur la qualification de chacune des opérations culturales et de leur interaction avec le milieu naturel en relation avec leur pertinence agronomique et économique. Ils portent aussi sur l’efficience de ces méthodes en tant que moyen de gestion proposé aux agriculteurs et à leurs conseillers culture. Ils portent sur la diffusion des compétences indispensables pour que les agriculteurs et leurs conseillers puissent prendre en charge la performance environnementale de leurs systèmes culturaux. VALORISER la performance environnementale des systèmes culturaux : L’objectif est de proposer de nouvelles relations contractuelles entre les agriculteurs et les parties prenantes permettant de rémunérer les agriculteurs en fonction des performances objectives des services écosystémiques qui résultent de leur activité et de leur mode de gestion. Les travaux portent sur la conception de nouveaux services jusqu’à la mise en place d’opérations pilotes. Ces services sont par la suite sourcés et mis au marché par InVivo AgroSolutions. En outre, le savoir-faire ainsi acquis est mis à disposition des entreprises de conseil via les logiciels d’aide au conseil cidessus évoqués. En quoi consiste l’offre de compensation ? Le principe de la compensation existe en France depuis la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et est présent dans le droit communautaire (directives Natura 2000, directives Projets et Plans et programmes). La loi Grenelle II complète le corpus règlementaire de la compensation en terme de champ, de suivi et de contrôle. Dans un cadre propre à chacune des règlementations concernées qui en précise les modalités, la compensation intervient pour contrebalancer les effets négatifs de projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements, lorsque toutes les mesures envisageables ont été mises en œuvre pour éviter puis réduire les impacts négatifs de ce projet sur la biodiversité. Elle porte ainsi sur l’impact « résiduel » éventuel d’un projet qui consiste, en dernier recours, à mener des actions qui permettent de maintenir la biodiversité dans un état équivalent ou meilleur à celui observé avant la réalisation du projet. L’expérimentation de l’offre de compensation consiste, pour un opérateur, à anticiper la demande potentielle de compensation dans des territoires où la pression attendue sur les milieux est forte. L’opérateur sécurise des terrains, via des contrats durables, et les restaure par des actions de long terme (30 ans au moins) générant une additionnalité écologique réelle et mesurable. Ces actions sont menées par l’opérateur dans la perspective de les valoriser ultérieurement au titre de la compensation, via la vente d’unités auprès de plusieurs maîtres d’ouvrage ayant l’obligation de mettre en œuvre des mesures compensatoires. La vente d’unités se matérialise par des contrats entre l’opérateur et un maître d’ouvrage. La logique d’anticipation de l’offre de compensation s’inscrit dans la démarche de prise en compte de la biodiversité le plus en amont des procédures. Parmi les avantages potentiels de ce mécanisme figurent la mise en place des projets d’envergure liés à la mutualisation des mesures compensatoires (cohérence écologique), la réalisation effective de la mesure compensatoire avant la survenue de l’impact et le renforcement de sa pérennité. InVivo AgroSolutions s’est associée à CDC Biodiversité pour répondre à un appel à projet d’offre de compensation favorable au Grand Hamster en Alsace. Le Grand Hamster (Cricetus cricetus) est une espèce menacée en Europe, qui du fait de ses exigences écologiques (sols loessiques, climat continental, plaine agricole), a une distribution morcelée. Un noyau de population isolé existe en Alsace, en marge ouest de son aire de répartition eurasiatique. Cette espèce est considérée d’intérêt européen, au titre de la Directive Habitats (1992). La France a donc une responsabilité particulière pour le maintien de ce noyau de population. InVivo AgroSolutions et son partenaire local seront chargés de la contractualisation et du suivi des agriculteurs partenaires de l’opération. Cette opération a pour but de créer et de gérer pendant 30 ans des « unités de compensation » combinant : – La mise en place de couverts agricoles favorables au Hamster selon un cahier des charges précis, avec une rémunération des agriculteurs revue annuellement. En fonctions des cours des marchés agricoles. – Des opérations de renforcement de population. – Un budget d’études, de recherche et d’expérimentations sur le terrain destiné à tester, par exemple, des améliorations ou alternatives aux couverts agricoles contractualisés. – Les suivis et le reporting pendant toute la durée de gestion de l’unité de compensation. Pouvez-vous nous parler d’un projet déjà mis en œuvre de gestion territoriale de la biodiversité ? Oui, le projet que nous menons sur l’amélioration de l’offre alimentaire pour les pollinisteurs. C’est une étude récente qui porte sur la quantification de l’offre en pollen et nectar d’un territoire à forte composante agricole. Les scientifiques s’accordent aujourd’hui sur l’origine multifactorielle du dépérissement des abeilles. Le manque de biodiversité est souvent cité dans les régions céréalières. Cette étude menée à Thiré (85) détermine l’offre alimentaire permise par la diversité des peuplements végétaux du territoire. La Direction Agriculture Durable et Développement d’InVivo AgroSolutions a mis au point un logiciel qui évalue, dans le temps et dans l’espace, le potentiel de production en pollen et nectar d’un milieu suite à une caractérisation fine de la diversité de la flore d’un territoire. Dans un premier temps, le Service Agronomie de la coopérative agricole CAVAC a relevé de manière détaillée la flore composant le territoire : différentes cultures en place, principales essences composant les haies et bosquets, longueur et composition des « banquettes », bandes enherbées,… avec un calcul précis des surfaces concernées (cartographie SIG). Une fois ces données collectées, InVivo AgroSolutions a quantifié, grâce à son logiciel, l’offre alimentaire mensuelle pour les pollinisateurs sur l’ensemble de la zone d’étude. L’offre mensuelle en nectar pour les abeilles dépend de l’importance des espaces non cultivés et herbacés. Pour la production de pollen, les observations sont similaires au nectar avec à nouveau la démonstration du rôle capital des haies, forêts et peupleraies en début de saison. Signalons aussi la part non négligeable des jardins urbains dans l’offre de pollen. Le tournesol et le colza fournissent 60 % du pollen récolté par les abeilles mais à des périodes bien délimitées. Un déficit alimentaire est observé en début et fin de période d’activité du rucher sur la commune. C’est un des enseignements que révèle l’étude, mais certaines modifications des pratiques agricoles peuvent améliorer ce bilan pour favoriser un fonctionnement optimal du rucher installé au centre de ce territoire : introduction de légumineuses dans les bandes enherbées, de crucifères et phacélie dans les couverts végétaux, entretien des « banquettes » végétales en adéquation avec le besoin des pollinisateurs. Cette étude est particulièrement riche d’enseignements et à renouveler dans différents milieux. ■ EN DIRECT DE L’ÉCOLE Institutions En direct de l’École Institutions AgroParisTech signe une chaire d’enseignement et de recherche avec Danone Research Une chaire d’enseignement et de recherche « Aliment Nutrition Comportement Alimentaire » a été signée entre l’école et Danone Research en 2011. Nicolas Darcel, Maître de Conférences dans l’UFR Biologie et Nutrition Humaine d’AgroParisTech et coordinateur de la chaire et Damien Paineau, Responsable de l’équipe Epidémiologie Nutritionnelle chez Danone Research reviennent sur les intérêts, l’ambition et les objectifs de cette nouvelle collaboration. Qu’est-ce que la chaire Aliment Nutrition Comportement Alimentaire (ANCA) ? La chaire ANCA est une chaire d’enseignement et de recherche qui a pour thème principal les relations entre les aliments et la santé de l’homme. Elle a été créée il y a un an par trois départements d’AgroParisTech (Science de la Vie et Santé [SVS] – Science des Procédés Alimentaires et Biologiques [SPAB] – et Sciences Economiques Sociales et de Gestion [SESG]) conjointement avec Danone Research dans le cadre d’une convention de mécénat. C’est un partenariat de 5 ans. 60 La mission première de la chaire est de sensibiliser et de former les décideurs, actuels (dirigeants, responsables de santé publique) et futurs (étudiants), du domaine de l’agroalimentaire aux enjeux de la santé par l’alimentation. Au delà de cette mission première la chaire a pour objectif de faire émerger, dans le monde académique et dans le secteur concurrentiel, une vision interdisciplinaire des questions de l’alimentation pour la santé croisant sciences des aliments, sciences du consommateur et biologie humaine. Quel est l’intérêt de cette initiative pour AgroParisTech et Danone Research ? Nicolas Darcel : Les questions que nous nous posons sont souvent proches et nous rencontrons les mêmes difficultés méthodologiques, techniques et Scientifiques. C’est légitime que nous avancions ensemble. Cela permet de renforcer nos liens avec un opérateur incontournable du domaine agroalimentaire avec lequel nous travaillons La chaire a été créée il y a un an, quelles sont les premières réalisations concrètes ? Après un an, nous pouvons faire un premier bilan très satisfaisant avec notamment une production scientifique importante sur des sujets très nouveaux (deux manuscrits sont en cours et un vient d’être accepté). Aujourd’hui nous faisons partie des seuls groupes au monde qui avancent sur les questions de comportement alimentaire avec des techniques d’imagerie cérébrale. déjà beaucoup et vers lequel se destinent certains de nos diplômés. Cette chaire c’est aussi et surtout une opportunité formidable de porter une vision ambitieuse et nouvelle sur les questions de nutrition : partant du principe que ce domaine est par nature interdisciplinaire, la pertinence d’une approche développée conjointement par le public et le privé est bienvenue. Damien Paineau : Pour nous, il s’agit tout d’abord de préparer notre environnement aux enjeux liés à la nutrition sur trois axes : la compréhension des enjeux, la formation des décideurs, le partage et le débat. La chaire va nous permettre de générer des connaissances scientifiques sur le thème « nutrition et plaisir » pour mieux appréhender ce sujet, en s’appuyant sur une approche multidisciplinaire et innovante. Sur le volet formation, des modules pour les cadres marketing et les responsables de santé publique afin qu’ils intègrent dans leur réflexion une vision globale de l’alimentation sont déjà initiés. Il est aussi important de maintenir le débat et la chaire donne un cadre pour organiser des rencontres régulières sur les sujets de recherche qu’elle porte (nutrition et plaisir), en invitant les meilleurs scientifiques sur le sujet. La chaire nous permet aussi de créer de la proximité avec des partenaires académiques clés et d’accéder à leur réseau. En se rapprochant d’AgroParisTech, nous pouvons accéder aux différents départements de l’Ecole (biologie, science de l’aliment, sciences économiques) et bénéficier de connections avec les laboratoires de nutrition à Wageningen (NL), San Francisco Davis (US) etc. Une partie des travaux de la chaire a aussi consisté à la conception et la mise en œuvre prochaine de séminaires de sensibilisation aux enjeux de la nutrition à destination d’opérateurs du secteur agroalimentaire qui n’ont jamais été réellement sensibilisés à ces questions d’alimentation et de santé mais dont l’objet de travail quotidien est l’aliment. Par exemple, un premier module de formation à destination du marketing de l’agroalimentaire a été mis en place en février 2012. Enfin, nous travaillons à la construction de modules d’enseignements qui prennent mieux en compte les visions partagées des approches « nutrition/consommation/ santé », le travail à proximité de Danone enrichissant notre point de vue d’enseignants ; c’est dans cet esprit qu’un nouveau module sera proposé aux étudiants ingénieurs de 2e année. Comment imaginez-vous la chaire dans 5 ans ? Nicolas Darcel : Tout d’abord, je voudrais insister sur le fait que c’est un pari ambitieux, ambitieux parce qu’il vise à faire collaborer des acteurs qui n’ont pas nécessairement l’habitude de se côtoyer, qui n’ont pas toujours les mêmes méthodes de travail et qui ont aussi parfois des objectifs très différents, ceci est souvent vrai pour les opérateurs privés par rapport aux personnels académiques mais c’est aussi vrai à l’intérieur de chaque secteur entre différentes fonctions ou entre différents disciplines. chacun des acteurs et permet de faire évoluer les points de vue ; la construction d’une vision partagée des enjeux et défis de recherche, permet de travailler dans un climat serein tout en revisitant les approches des uns ou des autres. Mon ambition à terme c’est de démontrer que ce type d’initiative est utile et très efficace et que le monde académique autant que le secteur industriel gagnent beaucoup à s’impliquer, comme dans la chaire ANCA. Ensemble, nous travaillons pour que cette aventure se pérennise et attire de nouveaux partenaires (d’autres opérateurs industriels, mais aussi d’autres institutions de recherche par exemple). Damien Paineau : Si on se projette dans cinq ans : en lien avec les objectifs initiaux la chaire aura créé : – Un environnement sensibilisé à la nutrition en touchant les dirigeants de Danone (comités de direction, comités exécutifs, etc.) et responsables de santé publique formés aux enjeux autour de la nutrition pour qu’ils puissent intégrer dans leur réflexion stratégique les éléments clés portés par la chaire (liens aliment – nutrition – comportement, approche multidisciplinaire et multisectorielle, association nutritionplaisir, etc.) – Un réseau scientifique actif ayant généré des résultats marquants : avancées sur les relations entre nutrition et santé (publications, évènements scientifiques internationaux), conception d’aliments innovants associant ces deux concepts, services nutrition de nouvelle génération etc. ❙ Propos recueillis par Manon Salle (PG 06) ❙ Nicolas Darcel Maître de Conférences AgroParisTech UFR Biologie & Nutrition Humaine (SVS) ❙ Damien Paineau (PG 98) Danone Research Responsable Equipe Epidémiologie Nutritionnelle Ceci dit, les premiers résultats obtenus en 2011 et début 2012 sont très encourageants : le dialogue est enrichissant pour Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 61 EN DIRECT DE L’ÉCOLE Institutions AgroParisTech investit dans l’information spatialisée au service de l’environnement et des territoires avec GEOSUD Mettre en œuvre des stratégies de développement durable implique de surveiller les évolutions de l’environnement et des territoires, de comprendre leurs dynamiques et de partager l’information entre les différents acteurs pour définir des modes de gestion concertée. La maîtrise de l’information spatiale, depuis son acquisition, son traitement et son analyse, jusqu’à sa gestion et son partage, est donc un enjeu majeur du Développement Durable. AgroParisTech investit dans ce domaine via le projet GEOSUD. D ès les années 1990, les équipes d’Agropolis spécialisées dans le traitement de l’information spatialisée s’étaient regroupées au sein de la Maison de la Télédétection en LanguedocRoussillon afin de mettre leurs forces en commun dans un espace de collaboration efficace et lisible. Ces équipes rattachées à quatre établissements d’enseignement supérieur et de recherche, AgroParisTech, CIRAD, IRD et IRSTEA (ex-Cemagref), ont ainsi pu développer un savoir-faire reconnu dans la maîtrise de l‘information spatialisée. Cette reconnaissance porte sur la production scientifique, sur le transfert 62 de technologie (6 entreprises sont actuellement en incubation sur le site) ainsi que sur un important volet de formation, porté principalement par AgroParisTech ; à côté de formations académiques classiques (masters, doctorat), nous proposons sur le site une offre très large en matière d’Executive education avec des programmes qualifiants (catalogue annuel d’une trentaine de sessions courtes pour les ingénieurs et les chercheurs), certifiants (Certificat d’Etudes Avancées en Géomatique) et diplômants (Mastère Spécialisé SILAT, formation unique en France de chefs de projet géomatique). Cette réussite justifiant d’être consolidée et amplifiée, les quatre tutelles ont donc voulu logiquement élargir la voilure et conforter à l’horizon 2020, un pôle d’excellence européen. GEOSUD : un constat et quatre objectifs Au-delà de l’expérience acquise par ces équipes, il s’avère que la communauté scientifique du domaine « Gestion des Ressources et des milieux » est encore faible utilisatrice de ces informations et de ces données, ce qui constitue un frein au développement de méthodes adaptées mobilisant la télédétection et à leur valorisation par les acteurs opérationnels dans la conduite et l’évaluation des politiques publiques. Trois facteurs « limitants » semblent expliquer cette faible utilisation : – la difficulté d’accès aux données (images) satellitaires et leur coût. – le manque de formation à l’utilisation de ces techniques – une capitalisation insuffisante des développements méthodologiques réalisés. L’initiative GEOSUD (GEOInformation for SUstainable Development) s’articule donc autour de 4 objectifs : 1. Développer des programmes de recherches sur les méthodes et outils de maîtrise de l’information spatiale pour la gestion de l’environnement et des territoires. 2. Transférer les méthodes et les savoirfaire vers les partenaires économiques publics et privés, collectivités territoriales et entreprises. 3. Développer des offres de formations dans le domaine de l’information spatiale. 4. Faciliter l’accès à l’information spatiale pour la communauté scientifique et les gestionnaires publics. Les projets GEOSUD : L’initiative GEOSUD, portée par quatre « membres fondateurs » (AgroParisTech, CIRAD, IRD et IRSTEA), est ouverte aux partenaires intéressés par les projets et les chantiers qui sont mis en œuvre dans le cadre de ce pôle, et notamment : 1. Le projet CPER : mise en place de l’infrastructure immobilière et technologique Dans le cadre du Contrat de Projets EtatRégion 2007-2013, sont mis en place : – une extension immobilière permettant à la fois d’envisager le développement des équipes, de permettre l’accueil élargi d’entreprises et de doubler les capacités de formation. de l’imagerie satellitaire, des observations et prévisions météorologiques et de l’expertise agronomique et est articulée autour de 3 actions : – une station de réception d’images satellitaires et une plate-forme de calcul scientifique. 1. le renforcement des compétences nationales. 2. L’Equipex GEOSUD : mise en place d’une plateforme de mutualisation de données satellitaires pour les utilisateurs publics Le projet Equipex-GEOSUD, retenu en 2011 au titre des investissements d’avenir, fédère autour des quatre membres fondateurs un cercle élargi de 14 institutions (IGN, Université de Montpellier II, AFIGEO, réseau des CETE du Ministère de l’Ecologie, entreprises, etc.). – Il met en place un dispositif de mutualisation de données d’observation de la terre. – Il diffuse des couvertures satellitaires annuelles du territoire français (outremer compris) libres de droit pour tous les utilisateurs publics ; la couverture 2010 est en diffusion, la couverture 2011 en cours de finalisation. – Il organise par l’animation et la formation, le transfert de méthodes d’analyse et de valorisation de ces données pour la gestion des territoires (consommation de terres agricoles, tâche urbaine, cartographie des zones humides, etc.). 3. Le projet GEO-GLAM : dispositif international de suivi des surfaces mises en culture et des estimations de récolte. L’ i n i t i a t i v e G E O - G L A M ( G l o b a l Agricultural Monitoring) a été approuvée le 23 juin 2011 par les Ministres de l’Agriculture des pays du G20 réunis à Paris. Elle est officialisée dans le Plan d’Action du G20 visant à lutter contre la volatilité des prix agricoles. Elle a pour objectif général de renforcer les capacités de suivi et de prévision des productions agricoles et de promouvoir le partage et la diffusion de ces informations. Elle s’appuie sur une utilisation intensive 2. le soutien aux systèmes de suivi régional et global existants et la mise en place de programmes de recherche internationaux pour améliorer la qualité des prévisions. 3. la mise en place d’un dispositif satellitaire international pérenne dédié. Il s’agit ainsi de mettre en place un dispositif international en réseau pour le suivi de l’agriculture, comparable à ce qui existe dans le domaine de la météorologie. Initiée par la France, l’initiative GEOGLAM est aujourd’hui coordonnée par GEOSUD et GEO (Group on Earth Observation) et regroupe une douzaine de pays. A terme elle sera portée par GEO (Group on Earth Observation) et sera menée en lien étroit avec la FAO et WMO. Conclusion L’initiative GEOSUD se fixe donc pour objectif le développement d’un Centre international de recherche et de transfert en télédétection et information spatiale pour le développement durable. En contribuant à créer un continuum de compétences des acteurs de la recherche aux acteurs économiques (publics et privés, collectivités territoriales et entreprises) dans ces domaines, GEOSUD constituera un pôle d’excellence qui contribuera au développement des usages de l’information spatialisé, tant au niveau européen, dans le cadre de GMES (Global Monitoring for Environment and Security) et qu’au niveau mondial, dans le cadre de GEO (Group on Earth Observations). Pour sa part, AgroParisTech y tiendra toute sa place, en particulier en élargissant et en diversifiant son offre de formation pour répondre aux enjeux de l’initiative GEOSUD et contribuer à son succès. Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 ❙ Pierre Bazile, Directeur-adjoint, UMR TETIS AgroParisTech 63 EN DIRECT DE L’ÉCOLE Initiatives 12 000 km à vélo sur les routes de l’innovation Voilà une entrée sportive dans la vie active ! Depuis le 14 janvier 2012, Jeoffrey Moncorger et Sylvain Morvan, deux diplômés d’AgroParisTech, promotion 2007, parcourent l’Europe à bicyclette, pour un « Tour des Champs » de 12 000 km. L’ Europe en quelques coups de pédales. A l’heure où leurs camarades s’installent dans leur premier emploi, ces deux jeunes ingénieurs se sont lancés dans un défi sortant des sentiers battus. Un parcours de 12 000 km sur les routes du Vieux Continent… Il ne s’agit pas d’un simple « voyage d’agrément », puisque ces passionnés ont décidé d’explorer l’espace rural européen afin de réaliser une étude sur les innovations dans l’agriculture : « Quelles innovations pour une agriculture européenne durable ? ». 64 Une étude itinérante sur l’agriculture durable en Europe Avant de grimper sur leurs vélos, Joeffrey et Sylvain ont identifié une vingtaine d’innovations, qui portent sur les domaines des grandes cultures et de l’élevage, et visent à améliorer la production en quantité et en qualité, ou à limiter les impacts environnementaux des activités de production. Les exploitations européennes concernées par ses innovations seront visitées au cours du circuit. C’est au gré de leurs découvertes et de leurs rencontres que nos deux cyclistes analysent les innovations qui valorisent les exploitations agricoles au sein des territoires. Au cours de leur expédition, ils publient régulièrement des articles décrivant leur voyage dans ses dimensions humaines et agricoles (sur leur site Internet www.untourdeschamps.fr dans la rubrique « Carnet de voyage »). A leur retour, l’étude sera diffusée à leurs partenaires et sponsors et ils partageront leurs De ces diverses expériences a germé l’idée de faire le tour de l’Europe à vélo. En mars 2011, de retour à Paris ils créent l’association « Un Tour des Champs », avec le projet de partir dès l’obtention, en décembre, de leur diplôme d’ingénieur AgroParisTech. Ils comptent profiter d’une période transitoire entre la fin des études et l’entrée dans le monde du travail pour parcourir le Vieux Continent à vélo…Ce périple marquera la fin de leur vie étudiante et ils espèrent en recueillir une expérience précieuse pour leur avenir. Partis le 14 janvier 2012 du parvis de Notre-Dame, les deux amis ont prévu de pédaler dans 23 pays et de parcourir 12 000 km en sept mois. Après avoir évolué le long de la Méditerranée jusqu’à la Grèce, fait un détour par la Turquie, nos vélocipédistes remonteront bientôt en direction de la Finlande et de la Suède en traversant la Bulgarie, la Roumanie et les pays baltes. Ils sillonneront ensuite les routes du Danemark avant de redescendre vers la France, en passant par l’Allemagne et le Benelux. Après 70 km parcourus par jour en moyenne, c’est aux alentours du 15 août que les deux compères seront accueillis à Paris par les amis, la famille, les partenaires et les sponsors, dont AgroParisTech qui parraine ce « Tour des Champs ». Jeoffrey Moncorger et Sylvain Morvan (APT 07) observations à travers des conférences, des expositions ou des rapports. Partager cette expérience de l’agriculture européenne Les jeunes diplômés se sont fixés un deuxième objectif qui est de partager cette expérience, de faire découvrir l’agriculture et ses enjeux au grand public, de montrer aux plus jeunes la richesse des exploitations agricoles et leur dynamisme. Ils ont mis en place un projet pédagogique à destination d’enfants et d’adolescents. Au fil de leur tour d’Europe, ils échangent chaque semaine (par Internet) avec les élèves de CM2 des écoles primaires qu’ils ont fréquentées (Neuvy (03) et Coudray Montceau (91)), et ils partagent également leur voyage avec des enfants hospitalisés (par le biais de l’association l’Enfant@l’hôpital). Ces différentes étapes enrichiront incontestablement leur savoir et cette expérience formidable sera un atout majeur pour la construction de leur projet professionnel d’« ingénieur agronome »… 2 amis, 1 passion commune, 12 000 km Ce projet est le fruit d’une amitié entre deux étudiants aventuriers. Jeoffrey et Sylvain se sont rencontrés sur les bancs d’AgroParisTech et c’est sur les sentiers du GR20 en Corse, en 2010, que leur amitié est née. La passion commune du voyage et de l’aventure les a ensuite conduits à effectuer, dans le cadre de leurs études, un stage long de sept mois en Amérique du Sud pour une association équatorienne. Les deux baroudeurs ont alors réalisé plusieurs voyages et ascensions sous le ciel andin. Pour suivre leurs leur périple et leurs découvertes et accéder à leur carnet de voyage : www.untourdeschamps.fr Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 65 EN DIRECT DE L’ÉCOLE Initiatives des étudiants Les Randonneuses de l’Agro participent à l’Oxfam Trailwalker Qu’est-ce que l’Oxfam Trailwalker ? Il s’agit d’un territoire de moyenne montagne où la forêt et l’eau sont omniprésents avec des paysages magnifiques. Le Trailwalker Oxfam, c’est l’aventure de personnes ordinaires qui décident de relever un défi sportif extraordinaire : marcher 100 km en 30 heures maximum par équipe de 4 personnes sans relais. Le Trailwalker Oxfam s’est développé depuis 25 ans, pour devenir un événement international majeur auquel des milliers de personnes ont déjà participé dans une dizaine de pays (Australie, Nouvelle-Zélande, Angleterre, Belgique, Japon…). Quand ? Le 12 et 13 mai 2012. Départ de la course samedi 12 mai à 7 h 00, arrivée dimanche 13 mai à 13 h 00. Où ? Dans le Parc naturel régional du Morvan : Situé à 200 km au sud de Paris et à 70 km à l’ouest de Dijon, il traverse les 4 départements de la Bourgogne et 173 000 ha de zones protégées. 66 Pourquoi ? La participation à ce trail représente un soutien moral et financier à l’association de solidarité internationale, OXFAM France – Agir ici, qui lutte contre la pauvreté et l’injustice dans le monde. En effet, chaque équipe s’engage à collecter au moins 1 500 € au profit de cette association. Qui sont les Randonneuses de l’Agro ? 4 filles, 4 sportives, 4 étudiantes en 3 e année à AgroParisTech, mais surtout, 4 amies qui ont envie de relever un défi un peu fou. Lauriane Buffé Age : 22 ans Sports pratiqués : Fitness, Athlétisme, Footing… Responsable motivation : aime redonner le sourire dans les moments difficiles et ne se décourage jamais. Magali Renard Age : 22 ans Sports pratiqués : Hip-Hop, Rugby, Footing… Responsable entrainement sportif : débordante d’énergie, quelles que soient les conditions extérieures, Magali est toujours prête pour aller faire un peu de sport ! Même au cœur de l’effort, elle ne perd jamais son sourire. Cécile Guyot Age : 22 ans Sports pratiqués : R u g by, B a s k e t , Footing… Responsable communication : aime s’arracher les cheveux sur la création de sites web, d’affiches, de brochures et d’articles. Claire Saingre Age : 21 ans Sports pratiqués : Tennis, Handball, Footing… Responsable logistique : aime l’organisation, faire des « to do » listes et avoir un planning bien structuré ! Q u a t re p e r s o n n a l i t é s d i f f é re n t e s et complémentaires qui réunissent toutes les qualités nécessaires pour venir à bout de ce défi de taille. Outre les « randonneuses de l’Agro », quatre autres équipes sont également engagées à Nancy ou encore à Grignon sous le nom de « L’agro se balade ». Des équipes de quatre également très motivées qui ont déjà organisé trois week-ends de randos dans le Morvan, en Suisse Normande et dans le Nord pour s’entraîner. Ils font également leur maximum pour récupérer des fonds : vente de gâteaux à la sortie de l’amphi, à la sortie d’une messe, présentation du trail Oxfam lors du conseil d’administration du Syndicat apicole artésien, recherche de sponsors auprès de Leclerc, Chicorée Leroux, mairies… Un événement qui montre encore l’engagement des étudiants d’AgroParisTech… En bref ! Gala AgroParisTech 2012 Le Gala AgroParisTech 2012 a eu lieu le 27 janvier à la Chesnaie du Roy, dans le cadre prestigieux du Parc Floral de Vincennes. Cette 21e édition de l’événement a rassemblé plus de 1 300 étudiants principalement d’AgroParisTech et du réseau ParisTech pour un « Vol Paris-New York » riche en émotions. Les étudiants étaient nombreux à patienter avant même l’ouverture des portes, rivalisant d’élégance et de bonne humeur. C’est donc avec grand plaisir que l’équipage organisateur, composé de quatorze élèves ingénieur de deuxième année, tous sites confondus, a pu dévoiler l’ensemble du lieu richement imprégné de l’atmosphère des deux villes. La soirée a débuté par le traditionnel cocktail où la présidente de l’association a pu remercier chaleureusement les entreprises, l’école, AgroParisTech Alumni et les invités, qui ont tous contribué à la réussite de ce projet. S’en est suivi un défilé des élèves de première année sur le thème de l’élégance française, puis la soirée s’est ouverte au reste de l’assemblée : concerts étudiants et professionnels, French Cancan, annonce des gagnants de la tombola et danse se sont succédés dans la grande salle, tandis que l’étage supérieur jouissait d’une ambiance plus feutrée dans la tradition New-Yorkaise, entre bar à cocktails surprenants et bar à oxygène. La soirée s’est achevée par le désormais célèbre « Open Petit Déj’ » New Yorkais dans une grande satisfaction des invités et de l’équipe organisatrice, fière de pouvoir annoncer la réussite de cette soirée. ❙ Marie Montliaud, Présidente de l’association loi 1901 « Le Gala AgroParisTech » Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 67 EN DIRECT DE L’ÉCOLE Initiatives des étudiants Les Débats de l’Agro s’interrogent : que peut-on attendre des entreprises alimentaires et des pouvoirs publics en nutrition ? Quelle est la part de responsabilité des entreprises au sein du triptyque pouvoirs publics – entreprises – consommateurs quant aux questions de nutrition ? Qu’est-il légitime d’exiger d’une entreprise ? Quelle part de responsabilité reste aux consommateurs ? A utant de questions bien d’actualité auxquelles Les Débats de l’Agro se sont confrontés lors de la dernière conférence, le 4 avril 2012. Après une brève introduction des principaux enjeux du débat par François Mariotti, maître de conférence en nutrition humaine à AgroParisTech, Cécile Rauzy, diététicienne et chef de projet Qualité-Nutrition à l’ANIA (Association Nationale des Industries Alimentaires) et le Dr Michel Chauliac, responsable du Programme National Nutrition Santé, ont présenté la vision et l’engagement de leur organisation dans la prise en compte des enjeux de santé publique liés à l’alimentation. 68 L’ANIA, l’interprofession engagée pour plus de responsabilité des IAA françaises en nutrition et santé Cécile Rauzy est revenue sur les 4 axes d’action de l’ANIA : – L’optimisation progressive de la qualité de l’offre alimentaire. A titre d’exemple, le sel a été diminué de 23 % dans les soupes entre 2002 et 2006 en France. – L’éducation et l’information des consommateurs, notamment au travers d’un étiquetage nutritionnel qui va être rendu obligatoire et uniformisé sur l’ensemble des produits. – La communication responsable, par exemple par le retrait des publicités télévisées pendant les plages horaires destinées aux programmes pour les enfants. – Le soutien de la recherche. L’engagement des industriels dans le Plan National Nutrition Santé Le Dr Michel Chauliac, responsable PNNS au Ministère de la Santé, a rappelé l’enjeu de santé public induit par les problématiques nutritionnelles : les maladies cardio-vasculaires et les tumeurs, dont la nutrition est l’un des facteurs, sont chacune la cause de plus de 25 % des décès. Et ce avec de très fortes disparités sociales. Il a insisté sur l’importance des chartes d’engagement PNNS avec les entreprises. Leur but : améliorer la qualité nutritionnelle et les conditions de la commercialisation des produits alimentaires. Une trentaine d’entreprises se sont déjà volontairement engagées et 6 sont arrivées au bout de la procédure. Elles peuvent aujourd’hui utiliser la mention « Entreprise engagée dans une démarche nutritionnelle encouragée par l’Etat (PNNS) » dans leurs communications. sur « Epidémie d’obésité : comment y faire face ? ». C’est une démarche volontaire qui est prônée. D’autant plus volontaire qu’avec la nouvelle réglementation (2007) sur les allégations nutritionnelles et de santé, il faut un effort encore plus grand du point de vue de l’amélioration nutritionnelle (diminution d’au moins 30 %, par exemple de sel, de sucres, de matières grasses par rapport au produit de référence) pour être autorisé à l’utiliser comme argument de vente. ❙ Valérie Duhtoit et Claire Froehlicher (AP 10), Présidente et Vice-trésorière des Débats de l’AGRO [email protected] Le Comité de Rédaction de Symbiose vous invite à retrouver dans le « Regards Sur… » du numéro 2 un dossier complet Abstract Les Débats de l’AGRO is a students’ organization, which mission is to organize debates on trendy societal issues and subjects. On April 4th, the theme was the social responsibility of food companies and authorities in matter of nutrition. Poursuivez le débat… Après une synthèse par Patricia Gurviez, maître de conférence en marketing et comportement des consommateurs à AgroParisTech, un échange entre les intervenants et le public a permis de poursuivre le débat : nous vous invitons à consulter notre page Internet où la vidéo du débat sera bientôt disponible pour en savoir plus sur ce sujet !Vous avez dit Les Débats de l’AGRO ? Fondée en 2004, l’association a pour objectif de susciter réflexions et débats. Elle est animée par un bureau d’étudiants d’AgroParisTech. Les ressources dont elle dispose (compte-rendu, vidéos) sont à disposition sur son site internet que vous êtes chaleureusement invités à visiter. www.agroparistech.fr/etudiants/debats/sommaire.php3 Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 69 EN DIRECT DE L’ÉCOLE Initiatives des étudiants Les étudiants rencontrent des dirigeants de grandes entreprises Jean-Pierre Duprieu (PG 72) et Jean-Yves Hocher (PG 75, Gref 79) Le 10 janvier 2012, Jean-Pierre Duprieu, Directeur Général Adjoint d’Air Liquide (PG 72) et Jean-Yves Hocher, Directeur Général Délégué du Crédit Agricole (PG 7 5-Gref 79) sont revenus dans les locaux de Claude Bernard, le temps d’une conférence, afin de faire partager aux élèves leur expérience de dirigeant de grandes entreprises. Cette conférence introduite par Gilles Trystram, Directeur Général d’AgroParisTech et Stéphane Boussely (PG 04), représentant d’AgroParisTech Alumni, a été l’occasion pour les étudiants d’échanger avec les deux invités sur : le métier de dirigeant, le management ou encore les atouts de la formation agro. Quel a été votre parcours après la sortie de l’Agro ? Pouvez-vous nous présenter brièvement vos entreprises ? JY.H : Le Crédit Agricole est une banque dite de détails (commerces, artisans, particuliers) qui rassemble tous les métiers, mais c’est également une banque pour les très grandes entreprises. JP.D : Air Liquide est une entreprise qui vend du gaz industriel pour une grande variété d’industries et de secteurs regroupant le domaine médical mais aussi la sidérurgie, l’aciérie, le pétrole ou encore l’agro-alimentaire. Pour donner quelques chiffres, Air Liquide est une entreprise cotée au CAC 40 qui fait environ 15 milliards d’euros de CA et qui emploie quelques 46 000 hommes dans plus de 80 pays. 70 JP.D : A la sortie de l’Agro, j’ai fait mon service militaire et suis entré chez Air Liquide un peu par hasard, dans un service de marketing international pour la promotion de ventes d’azote liquide dans le domaine alimentaire. Ensuite j’ai fait beaucoup de terrain en France, en tant que vendeur. Il est très important de faire du concret, d’apprendre un métier sur le tas. Repéré comme haut potentiel dans l’entreprise, j’ai été chef de projet auprès du directeur général, puis directeur général des opérations françaises. J’ai ensuite supervisé les opérations en Asie et passé 5 ans au Japon. De retour en France depuis 2010, je suis désormais Directeur Général adjoint du groupe. L’ingénieur agro a le sens de la matière humaine et de la gestion des hommes. – JP.D JY.H : Après l’Agro, j’ai intégré l’ENGREF, puis fait mon service militaire. J’ai longtemps travaillé dans l’administration au Ministère de l’Agriculture puis au Ministère des Finances avant d’être embauché par le Crédit Agricole. Après avoir dirigé diverses entreprises au sein du Groupe, j’ai été nommé Directeur Général délégué à la Direction Générale à Paris. Depuis, je supervise les actions des banques privées et de CA-CIB, banque de grandes entreprises et de marchés. Pensez-vous que votre formation Agro vous a aidé dans votre parcours ? JP.D : Le sens du vivant vous servira dans votre carrière. La biologie telle qu’on l’apprend sert dans le management d’entreprise et dans les relations humaines. L’ingénieur agro a le sens de la matière humaine et de la gestion des hommes. La capacité de douter est très importante et permet de prendre de solides décisions. Notre formation Agro nous prédispose à la différenciation et à l’incertain. C’est un cadrage très propice dans le cheminement d’une carrière chez Air Liquide. JY.H : Je n’ai pas suivi le domaine du vivant. Je suis entré directement dans les services. Mon passage en prépa et mes connaissances en mathématiques sont très utiles pour la bonne compréhension des techniques financières. Le caractère généraliste de l’ingénieur Agro est un plus. Nous ne ressentons pas d’appréhension pour aborder des domaines inconnus. La formation de biologie ne délivre pas de certitude donc pas de pré-formatage et d’a priori. Monsieur Durieu, comment envisagez-vous la suite ? JP.D : Je prends beaucoup de temps pour préparer le futur et identifier les hauts potentiels de l’entreprise : assurer sa Il faut laisser une grande place au changement dans l’entreprise. – JY.H succession est une question que se pose tout dirigeant. Par exemple, nous passons deux journées par an pour en discuter en équipe au sein du Comex. Monsieur Hocher, pouvezvous nous dire ce que votre formation à l’ENGREF vous a apporté ? JY.H : Une fois diplômé de cette école, l’administration vous propose d’emblée un poste à responsabilité élevée. L’ENGREF permet un début de carrière intéressant. De plus, si l’on ne veut pas rester dans l’administration on peut raisonnablement espérer intégrer une entreprise privée. Les étudiants et jeunes diplômés rêvent souvent d’expérience à l’international mais est-ce que partir travailler tôt à l’étranger représente un frein pour un retour en France ? JP.D : Je suis un défenseur du travail à l’étranger, j’ai réclamé l’expatriation tout au long de ma carrière et suis finalement parti à 52 ans. Je vous conseille de partir dès la première occasion, même si c’est parfois difficile en début de carrière car on manque de compétence. Une des solutions peut être le VIE. JY.H : Il est indispensable d’avoir passé du temps à l’étranger, si possible tôt. L’internationalisation des grandes entreprises françaises est récente mais ceux qui y entrent aujourd’hui doivent rapidement aller à l’étranger. Il semble important de travailler 2-3 ans avant de partir. Les jeunes qui ont du talent et qui sont partis ont l’opportunité de carrières variées. JP.D : Tout ce qu’on apprend à l’étranger, c’est à dire une expertise, un savoir-faire, une nouvelle culture ne peuvent malheureusement pas venir de l’école. Pouvez-vous nous raconter une de vos journéestypes, la journée d’un dirigeant d’entreprise ? JY.H : Une journée type c’est un agenda, des réunions de direction, de comité… La direction générale symbolise le pouvoir dans l’entreprise. Il existe un danger lié à l’agenda rempli sans se laisser le temps de penser. Aussi il faut réussir à se dégager du temps pour penser et prendre du recul. Il faut garder un contact avec la réalité et les gens qui vous entourent. Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 71 EN DIRECT DE L’ÉCOLE Initiatives des étudiants à l’échelle de l’entreprise. Il est primordial de passer du temps à expliquer mais le dirigeant est aussi le garant que la décision soit exécutée. Il évite ainsi que l’on s’écarte des stratégies posées. D’autre part, je veille à ce que l’intelligence humaine ait toute sa place dans les décisions, à ce que l’entreprise ne soit pas trop centralisée. Quelle est votre marge de manœuvre dans vos prises de décision ? JP.D : Une marge de manœuvre très importante, mais un cadre défini, en particulier influencé par le fait d’être une société cotée soumise aux attentes du marché. JY.H : Large, mais une grande entreprise ne change pas si facilement. Le risque est qu’elle intègre de manière trop lente par rapport à la réalité extérieure. Etre dirigeant, est-ce être politicien ? JY.H : Au Crédit Agricole, oui probablement, mais de manière générale dans les très grandes entreprises, il y a forcément une dimension politique compte tenu de l’importance du facteur humain. La formation de biologie ne délivre pas de certitude donc pas de pré-formatage et d’a priori. – JY.H JP.D : Il est nécessaire de voyager pour rester au contact du terrain, au contact des parties prenantes. Une journée est principalement faite de réunions avec les collaborateurs. Le plus important est d’inclure et de gérer les instants privés de l’agenda. En quoi consiste concrètement le métier de dirigeant ? JY.H : Faire travailler les autres, constituer une équipe à même de diriger, accepter le fait qu’on ne comprend pas tout donc accepter de déléguer. Avec cette équipe, on envisage le futur de l’entreprise. Ainsi on élabore une stratégie à 3-4 ans et on vérifie que l’organisation de l’entreprise ne fera pas obstacle à sa stratégie. Il est important de laisser une place au changement dans 72 l’entreprise. JP.D : Des objectifs chiffrés. On s’appuie toujours sur les personnes que l’on connaît bien (bien connaître les employés est une des spécificités d’Air Liquide). Il faut avoir l’adhésion des équipes et savoir créer le consensus pour exécuter la stratégie. Les décisions de fond, stratégiques, sont rarement prises par un seul homme. Un bon dirigeant sort de son bureau, voyage, et va au contact des organisations avec lesquelles il travaille. Être grand dirigeant, estce rechercher l’adhésion ou le consensus ? JY.H : Plutôt le consensus : une fois le consensus établi, on recherche l’adhésion JP.D : Non, pas vraiment, même s’il faut avoir un sens politique pour embarquer toute une équipe et voir les projets à un horizon 20 ans. Naît-on ou devienton manager ? JY.H : Un peu des deux, ça s’apprend, c’est un métier. Il existe deux types de managers : le généraliste et le manager de compétences. La vraie question est de savoir qui l’on est. ❙ Soirée organisée et propos recueillis par les étudiants de troisième année Baptiste Farrando (APT 09), Lucie Chaplain (APT 08) et Félix Lamolinerie (APT 09) « Question de Genre » s’interroge sur la représentation du Féminin et du Masculin dans le monde du travail O rganisé par Kevin Morel et Margot Pouppeville (étudiante en 3e année, spécialisation Gestion innovation et Performance des entreprises), le grand débat sur « Représentation du Féminin et du Masculin dans le monde du travail », le 25 janvier dernier, dans l’amphithéâtre Tisserand, a permis un débat riche et passionnant avec pour intervenants : Tatiana Giraud, Directrice de Recherche au CNRS Directrice adjointe de l’UMR Ecologie, Systématique et Evolution, d’Orsay et Professeur à l’Ecole Polytechnique. Biologiquement qu’appelle-t-on un homme ? une femme ? Plus loin fut avancé que la division sexuelle du travail, ou la répartition du travail dans le monde de l’entreprise, a deux caractéristiques. Elle confère à certains métiers une dimension plus masculine et à d’autre une dimension plus féminine. Il n’y aurait donc pas de métier neutre. Elle hiérarchise : les travaux des hommes valent plus que les travaux des femmes, ce que Françoise Héritier appelle la « valance différentielle des sexes ». Dès lors qu’un métier est pris en charge par des femmes, on s’aperçoit qu’il perd en valeur et en qualification et qu’il est moins reconnu. « Il n’est pas question de nier le sexe et ses conséquences biologiques, mais de contester les usages qui en sont faits, et qui vont au-delà des questions de reproduction » (Sabine Fortino). Sabine Fortino, Maitre de conférence à l’Université de Nanterre, et Spécialiste en sociologie du travail et du genre. « Les sociétés ont tendance à surdéterminer la différentiation biologique en assignant aux deux sexes des fonctions différentes, séparés, hiérarchisées, divisées que l’on ne retrouve pas seulement dans la reproduction mais dans l’ensemble du corps social ». Gonzague Jobbé Duval, Consultant et formateur en égalité professionnelle femmes/hommes. « Beaucoup de femmes sont très désireuses de poursuivre leur carrière et ne le peuvent pas car les entreprises mettent des conditions insurmontables à leur promotion. Au bout du compte, les entreprises sont perdantes car elles se privent de talents » (Gonzague Jobbé-Duval) Armelle Bernard Sylvestre, Responsable de la stratégie et des relations institutionnelles à Eaux de Paris. Et cette prise en considération du genre dans l’entreprise choque toujours, car à l’annonce de son métier, Gonzague Jobbé Duval continue d’entendre « Ah ! Vous vous occupez des femmes ! », alors qu’il s’occupe du rapport entre hommes et femmes. La question fondamentale soulevée lors de cette conférence fut « comment penser autrement l’organisation du travail dans le monde de l’entreprise ». Dès qu’il est question de l’« égalité » professionnelle (beaucoup préfèrent parler de « mixité » (moins contraignant), l’impératif est souvent de ne pas heurter les hommes, de ne pas faire apparaître les femmes comme des rivales, de mettre en avant l’intérêt des hommes. Le débat commença avec des notions biologiques très intéressantes, présentées par Tatiana Giraud. Armelle Bernard posait cette question : « Plutôt que cette logique d’opposer hommes et femmes et de percevoir les femmes toujours comme des mères « fortement absentes », il faudrait aborder la question sous l’angle de l’organisation du travail et de la prise en Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 73 EN DIRECT DE L’ÉCOLE Initiatives des étudiants AgroParisTech accueille une initiative étudiante : la cellule « Question de Genre » Les objectifs de la cellule créée cette année sont : – Proposer un soutien humain aux étudiants en questionnement par rapport à leur orientation sexuelle – Initier une réflexion sur les questions de genre au sein de la communauté AgroParisTech. – Inscrire AgroParisTech dans la réflexion sur les problématiques sociétales et la lutte contre les discriminations lié aux genres ou à l’orientation sexuelle. « Le but était d’apporter à l’école une autre dimension » affirme Kévin Morel, étudiant en 3e année. « Cela permet d’intégrer une réflexion plus humaine et sociale au sein de l’école ». A l’heure où d’autres grandes écoles et universités françaises possèdent depuis des années des associations de ce type, il est temps pour une école des sciences du vivant d’oser la réflexion sur ces sujets encore sensibles. Dans un mode en mouvement comme le nôtre, ces discussions sont essentielles. « QDG, c’est pour moi l’occasion de donner un cadre éclairé aux questionnements de certains étudiants ainsi qu’à des débats qui ont déjà lieu dans l’école sans pour autant avoir de structure propice. Les réflexions sur le genre sont courantes dans la société : revendications féministes, prise en considération des homosexuels ou encore différences de conception de ce qu’est une femme, un homme, une famille. Il est important d’apporter des points de vue d’experts ». d’AgroParistech, a été suivit de longs échanges avec les étudiants présents, et par un pot convivial avec les intervenants. « En dehors de la satisfaction personnelle que j’ai tirée de cette conférence, j’étais heureuse de voir des étudiants se bouger au sein d’une grande école, chose que je n’ai pas faite au sein de la mienne, et que je regrette particulièrement. Il s’agit d’une association LGBT qui a eu l’intelligence d’inscrire ses actions au-delà de la question de l’orientation sexuelle, cette conférence en était la preuve, et moi je dis, chouette ». ❙ Typhaine Charrat, auteure d’un article sur la conférence sur son blog : « Les filles en joie » L’administration de l’école a soutenu les initiatives, le Bureau des Elèves a alloué un budget à la jeune cellule pour lui permettre de monter des actions qui s’inscriraient dans les objectifs définis. compte de l’équilibre vie professionnelle, vie privée, approche bénéficiaire tout autant pour les femmes et les hommes » A Eau de Paris, cela se traduit par des actions telles qu’une réelle prise en compte du temps familial dans l’évolution du plan de carrière (pas d’impact du congé maternité sur un plan de carrière, trop de femmes retardant une grossesse de peur de voir leur carrière freinée de façon irréversible). Il s’agit également de mettre en place des congés paternité, afin d’inciter les hommes à participer à l’accompagnement de la naissance. Une initiative intéressante est de travailler sur le « plafond de verre » : permettre à la tête de l’entreprise de ressembler à l’image que celle-ci souhaite refléter. Cela se traduit à Eau de Paris par la mixité du Comex et la parité du comité d’administration. La parité c’est aussi un pilotage des projets mixte et le respect des horaires de travail : « chez nous il n’y a pas de réunion qui commence après 17 heures. Les réunions d’équipe se font le matin et ne démarrent par principe pas avant 9 h 30 le matin ». (Armelle Bernard Sylvestre). Pour finir, il s’agit de nommer les rattrapages : quels sont ceux lié aux écarts de rémunération ou encore aux inégalités de positionnement. Donner des mots à ce qui existe véritablement pour le changer. 74 Certain étudiants en Master de Sociologie étaient venus spécialement assister au débat dans les locaux de l’école. La conférence, pod casté sur le site En bref… AgroParisTech lance un certificat en « Management de la chaîne du froid » Dans le cadre de sa gamme de formations « Executive » (cf Symbiose n°3), AgroParisTech crée un certificat d’études avancées en « Management de la chaîne du froid » (CEA MaCDF), en partenariat avec le Cemafroid, le centre d’expertise de la chaine du froid. Ce programme diplômant, de 4 semaines réparties sur 6 mois, vise à donner aux participants les connaissances et les clefs techniques et règlementaires pour assurer le respect de la qualité et de la sécurité des aliments et optimiser les performances environnementales. Il s’inscrit pleinement dans les problématiques d’avenir sur la sécurité alimentaire ou sur l’environnement issues du « Grenelle ». Les titulaires du CEA MaCDF seront en mesure d’être au quotidien les acteurs d’une gestion plus efficace d’une chaîne du froid qui est devenue l’un des leviers de la compétitivité des industries du secteur de l’alimentation et de la distribution. La formation, dispensée par des enseignants-chercheurs d’AgroParisTech, des experts du Cemafroid et des intervenants extérieurs spécialistes des domaines abordés, s’adresse aux responsables qualité, production, logistique, hygiène et sécurité, de toute la filière alimentaire, des coopératives agricoles à la distribution et la restauration collective. ❙ Isabelle CAILLARD, Directrice adjointe de l’ENGREF/AgroParisTech Plus d’information : www.agroparistech-executive.fr École doctorale L’insertion professionnelle des docteurs : le point de vue d’un expert en recrutement En entreprise, à part les grands responsables de la R&D, très peu d’interlocuteurs ont cette visibilité qui permettra de recruter le bon profil et le bon candidat : c’est la mission de ManageriA d’aider au recrutement des profils experts. céréaliers, etc. En parallèle, j’ai constitué un important réseau professionnel que j’ai mis à profit lorsque j’ai souhaité prendre plus d’indépendances dans ma vie professionnelle. C’est à ce moment que le fondateur de ManageriA, Pierre Boulaire qui faisait partie de mon réseau, m’a proposé de rejoindre le cabinet et de devenir mon propre patron en faisant fructifier mon réseau. Stéphane Hervé Aujourd’hui, je considère que ces expériences en industrie représentent un atout majeur dans ma profession d’expert en recrutement. Ma connaissance du terrain et des cœurs de métiers me permettent de sélectionner efficacement les profils recherchés par mes clients qui sont souvent des opérationnels et avec qui je partage le même langage technique. En tant que recruteur, quelle est votre vision du recrutement des docteurs ? Quel est votre parcours professionnel ? Je suis un ingénieur de l’ENSIA (AgroParisTech Massy) promotion 87, spécialisé en gestion industrielle. J’ai travaillé 22 ans en entreprise. J’ai commencé à travailler en assurance qualité avec le groupe Accor pour la restauration collective. Ensuite, je suis parti chez Nestlé où j’ai été formé au marketing appliqué aux produits pour la restauration Par la suite j’ai été recruté par Mars, Harry’s et Doux-Père Dodu pour développer des marchés B2B Mes expériences en entreprise m’ont permis d’acquérir une bonne connaissances des marchés des produits sucrés, carnés, Les docteurs, après avoir mené un projet scientifique de haut niveau sur plusieurs années, sont des profils techniquement très pointus avec une forte capacité de travail et de réflexion. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, les docteurs ont une excellente aptitude à la communication car ils sont souvent appelés à échanger avec d’autres laboratoires pour développer des projets, à présenter leur travaux en colloques, en congrès ou autres, à encadrer du personnel technique et éventuellement à enseigner. Les docteurs sont des profils techniquement très pointus avec une forte capacité de travail et de réflexion. Pour recruter ce type de profil il est indispensable d’avoir une vision du développement à long terme de la recherche. Or, en entreprise, à part les grands responsables de la R&D, très peu d’interlocuteurs ont cette visibilité qui permettra de recruter le bon profil et le bon candidat. Vulgariser les projets de développement de la R&D aux responsables RH fait justement partie des attributions de ManageriA. Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 75 EN DIRECT DE L’ÉCOLE École doctorale Par exemple, un docteur ayant travaillé en chimie des aliments appliquée à la boulangerie aura des difficultés à travailler dans d’autres secteurs industriels comme les produits carnés ou laitiers. La vision RH dans les autres pays est quelque peu différente. La phase de recrutement peut sembler moins exigeante en termes de compétences techniques et plus attentives aux compétences transverses. Un recruteur dans une entreprise de dimension internationale s’intéressera principalement à la méthodologie acquise et au potentiel des individus. Par exemple, lorsque je travaillais pour le service marketing de Mars, l’un de mes collègue avait une thèse en archéologie. Cette situation est plus que rarissime en France on l’on semble être constamment à la recherche d’un candidat correspondant à 100 % à une fiche de poste. Il existe actuellement une attirance des recruteurs pour les profils ayant un haut niveau de compétences techniques couplé à une excellente connaissance du domaine d’application De plus, les responsables RH ne connaissent pas toujours bien les formations doctorales et certaines idées reçues peuvent desservir leur mission de recrutement. Ainsi, les docteurs sont encore trop souvent considérés comme : – des chercheurs isolés du monde travaillant sur des sujets incompréhensibles et souvent inutiles à notre société, – des éternels étudiants trop spécialisés et donc inadaptables au monde de l’entreprise, – une main d’œuvre peu chère compte tenu des rémunérations qu’ils peuvent espérer en intégrant des institutions publiques (CNRS, INRA, etc). Il faut savoir les salaires d’entrée sont relativement bas comparée aux années de formations et d’expérience. Néanmoins, je constate que cette vision peu valorisante des docteurs s’améliore avec la dimension multiculturelle des entreprises. L’image du doctorat souffre également 76 d’une concurrence avec les diplômes d’ingénieur qui reste la référence la plus reconnue dans le monde de l’industrie en France. Les titulaires d’un diplôme d’ingénieur et d’un doctorat bénéficient de la notoriété de formation antérieure qui leur permet de s’insérer professionnellement plus facilement que les docteurs de cursus purement universitaire mais moins que les ingénieurs. Mieux encore, la thèse CIFRE, dont les applications sont destinées à l’industrie, représente un atout pour l’insertion professionnelle car elle est plus facilement valorisable auprès des interlocuteurs non scientifique comme les chargés de recrutement. Un autre phénomène que j’identifie comme la recherche de profils hyperspécialisés, me semble également limiter l’insertion professionnelle et en particulier celle des docteurs. En cette période de crise économique, il existe une attirance des recruteurs pour les candidats ayant un haut niveau de compétences techniques couplé à une excellente connaissance du domaine d’application du poste proposé. On limite ainsi le transfert de compétences d’un secteur d’activté vers un autre. Comment améliorer l’image des docteurs et de leur formation auprès des recruteurs ? Elle passe par la communication et la valorisation des partenariats entre entreprise, universités (ou écoles) et les laboratoires. Il existe de très beaux exemples de réussites industrielles dans le monde des startups, notamment en Hollande. De jeunes docteurs sont accompagnés d’experts en gestion et mettent ainsi à profi t leurs connaissances techniques pour le développement d’entreprises à forte valeur ajoutée. L’image et la valorisation du doctorat auprès des recruteurs dépendent également du secteur industriel dans lequel le jeune docteur a effectué sa recherche. L’agroalimentaire, qui est le secteur industriel que je côtoie, n’a pas la réputation d’être High-tech. Heureusement, des personnalités très médiatisées comme Hervé This participent à la modernisation de l’image de la R&D en agroalimentaire et montrent que ce secteur a besoin de connaissances techniques pointues pour innover. Les écoles doctorales doivent également communiquer pour affirmer leur existence auprès du public et des industriels. Je constate que les universités européennes avec lesquelles je travaille, valorisent prioritairement les docteurs avant les titulaires de Master. Mon souhait pour AgroParisTech, c’est que notre école communique d’avantage sur ses formations doctorales pour accroître son rayonnement dans les secteurs publiques et privés, en France et à l’international. La mise en place des classements internationaux des établissements de formation fait que notre école sera de plus en plus jugée sur les compétences de ses laboratoires, sur ses capacités d’encadrement de doctorants français et étrangers et sur la diffusion de l’information scientifique à ses partenaires. Enfin, pour valoriser sa recherche et ses docteurs, la France a besoin de structures souples avec une autonomie suffisante permettant de développer des activités de recherche innovantes et valorisables par des applications industrielles. Le succès du pôle de compétitivité Valorial devrait être copié et reproduit. Les quelques 213 projets ont été labellisés depuis sa création en 2006 et les plus de 1 000 acteurs impliqués (dont une majorité de PME) ont montré que le partenariat recherches privée et publique peuvent réaliser de grandes choses. La bonne démarche pour qu’un docteur trouve un emploi, c’est un post doc ? D’après vous, comment se présente le devenir du marché de l’emploi des docteurs ? On dit souvent que le post doc est un passage obligatoire avant de trouver un emploi stable. Je ne partage pas cet avis car le doctorat est déjà une expérience professionnelle d’au minimum trois ans qui n’est malheureusement pas encore reconnue par tous. Selon moi, la constitution d’un bon réseau professionnel représente la meilleure opportunité pour trouver un emploi. Ce réseau peut se renforcer de différentes manières : Je vois une évolution positive. Avec le besoin de développer et le besoin de technologies de plus en plus complexes, quelques soient les domaines d’applications, les entreprises ont besoin de profils scientifiquement pointus et capables de collaborer avec des partenaires issus des secteurs du publique et du privé. De plus, dans un contexte de crise économique, si l’on veut continuer à prospérer, il est indispensable d’innover et donc de développer la recherche en faisant appel aux compétences des docteurs. – les colloques, congrès et autres conférences scientifiques, car dans une spécialité précise la recherche est un petit univers où tout le monde se connaît, ❙ Stéphane Hervé (E 87) – les rencontres avec les entreprises à l’occasion de salons ou de forums comme VITAE qui accueille des entreprises embauchant des ingénieurs mais aussi des docteurs. Mais il est nécessaire de communiquer auprès des professionnels sur la présence de doctorants et de docteurs, – la création d’associations de docteurs qui peuvent aider les jeunes diplômés à trouver de nouveaux contacts. Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 77 EN DIRECT DE L’ÉCOLE École doctorale Romain Bertrand, doctorant à l’ENGREF au sein du laboratoire d’étude des ressources forêt-bois Romain a publié un article dans le prestigieux journal Nature. Il rédige actuellement son manuscrit de thèse tout en occupant un poste d’ingénieur en modélisation des processus naturels au LERFoB où il a pour mission de modéliser des variables climatiques et la répartition des habitats forestiers français pour l’évaluation de Natura 2000. Romain Bertrand j’ai souhaité proposer, avec l’aide et le soutien du professeur Jean-Claude Gégout, un projet de thèse sur la réponse spatio-temporelle de la végétation forestière vis-à-vis des facteurs du climat et du sol sensibles aux changements globaux. Ce projet a reçu le soutien de l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) et du Conseil Régional de Lorraine. Quel est le parcours suivi avant ta thèse et quelle la thématique de recherche de ton doctorat ? Après mon BAC, j’ai obtenu un DUT génie Biologie option agronomie (Université de Haute Alsace, Colmar), puis une licence en Biologie des Organismes et des Populations et un Master en Ecologie, Evolution et Biométrie (université Lyon I). Par la suite, j’ai intégré l’ENGREF (Ecole Nationale du Génie Rural des Eaux et Forêts, Nancy) où j’ai obtenu un Mastère spécialisé Forêt, Nature et Société. Au cours de cette formation, j’ai pu rencontrer les chercheurs du LERFoB (Laboratoire d’Etude des Ressources Forêt-Bois) et je me suis particulièrement intéressé à leurs projets de recherche. Suite à cela, 78 Au cours de ma thèse, trois thématiques ont été abordées : – les changements d’utilisation de ressources nutritionnelles au cours de la vie des principales essences forestières françaises, – l’impact du réchauffement climatique actuel sur la composition des communautés végétales, – l’effet de la prise en compte des ressources nutritionnelles et de la dispersion des espèces sur les prédictions futures de la distribution des essences forestières. J’ai aussi dispensé des cours en écologie et statistiques à des professionnels et à des élèves d’écoles d’ingénieurs et de Master universitaires. Natura 2000 est un réseau de sites naturels visant à préserver les espèces et les habitats menacés et/ou remarquables sur le territoire européen, et ce dans un cadre global de développement durable. Natura 2000 cherche donc à concilier activités humaines et protection des milieux naturels afin de répondre aux enjeux environnementaux planétaires et locaux. Tu as eu la possibilité de publier dans Nature qui est une revue mondialement connue et reconnue au sein de la communauté scientifique. D’où vient la renommée de ce journal et l’intérêt pour un chercheur d’y publier un papier ? La renommée de Nature provient principalement du fait qu’il s’agit d’un journal pluridisciplinaire. On y trouve aussi bien des articles de cancérologie, que d’écologie, de physique, etc. L’objectif de cette revue est de publier des articles de pointe dans leur domaine. Les articles doivent susciter un vif intérêt pour un grand nombre de lecteurs et sont obligatoirement compréhensibles pour des non-initiés. Pour donner un exemple du niveau de sélection des articles, 813 papiers ont été publiés pour 10 047 soumissions en 2011 (soit un taux d’acceptation d’environ 8,1 %). D’un point de vue personnel, quel effet cela fait-il de publier dans Nature pour une jeune chercheur ? C’est une fierté, mais ce n’est pas une fin en soi. Ce qui fait surtout plaisir, c’est que l’article a fait l’unanimité auprès des reviewers (scientifiques qui évaluent l’article avant publication) et des éditeurs de Nature. Un article Nature a-t-il un impact dans la carrière d’un scientifique ? A vrai dire, je ne sais pas. On me dit que oui, mais jusque-là rien n’a vraiment changé au sein de mon laboratoire ou de la communauté scientifique que je côtoie. J’ai pu échanger avec des scientifiques mais je ne croule pas sous les offres de post-doc ou de collaboration. Dans un premier temps, je pense que cela profite plus au laboratoire et à l’institution dont je fais partie, surtout dans le cas d’une évaluation par un organisme comme l’AERES (Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur) et pour la recherche de financement. Comment se fait le choix de la revue dans laquelle on souhaite publier ses résultats ? Dans un premier temps, il faut évaluer la qualité du travail et son intérêt pour la communauté scientifique. Ensuite, on dresse une liste de revues susceptibles d’être intéressées par le travail que l’on peut classer par rapport à l’Impact Factor (IF) de la revue. L’IF est une mesure de l’importance de la revue basée sur le nombre de citation des articles qu’elle publie au cours des 3 dernières années, rapporté au nombre d’articles publiés par la revue. Si le travail porte sur un sujet d’actualité pouvant avoir un impact fort sur notre société et susceptible d’intéresser un grand nombre de chercheurs, alors on peut espérer publier dans une revue pluridisciplinaire présentant des IF élevés (36,1 pour Nature en 2010). Dans le cas contraire, on s’oriente vers des revues spécialisées. qu’il faut répondre avec précision à chaque remarque des reviewers et modifier l’article dans un délai de 2 semaines si besoin est. Après l’évaluation de ma réponse, l’article a été définitivement accepté en 3 semaines. L’article est ensuite mis en page par la société d’édition de Nature et publié en ligne 1 mois et demi après. La version papier est sortie 1 mois plus tard. Ce processus est assez rapide comparé à d’autres articles dont la durée de publication peut être supérieure à 1 an. Quelles sont tes perspectives après la thèse ? Je souhaite continuer dans la recherche en écologie en tant que maître de conférences ou chargé de recherche. Je suis donc à la recherche d’un post-doc qui est un CDD pour jeune chercheur permettant d’enrichir le bagage scientifique et le nombre de publications en intégrant une nouvelle équipe de recherche en France ou à l’étranger. Peux-tu donner une chronologie des étapes de la rédaction à la publication d’un papier avec une estimation du temps nécessaire pour chaque étape. Pour cet article, la rédaction m’a pris 2 mois et demi. C’était assez frustrant car Nature demande des articles très courts (1 500 mots maximum). J’ai reçu les remarques des reviewers 1 mois et demi plus tard. L’article était accepté avec des demandes de révisions, ce qui signifie Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 ❙ Romain Bertrand (PhD student – engineer in ecological modeling), AgroParisTech-ENGREF UMR1092 LERFoB équipe Ecologie Forestière 14 rue Girardet – F-54000 Nancy Tél. : (+33) (0)3 83 39 68 12 [email protected] www.researchgate.net/profile/ Romain_Bertrand/ 79 Echos de ParisTech Les Agros se retrouvent en Chine dans le réseau ParisTech Alumni Un réseau appelé à croitre très fortement Le nombre des alumni du réseau PTA en Chine est estimé à plus de 2 500 alumni répartis sur plusieurs grandes villes dont Shanghai (800) et Beijing (600). Compte tenu des actions très volontaristes des écoles membres à recruter les candidats chinois, à developper les programmes diplomant sur place, le réseau est appelé à connaitre une forte croissance dans les années à venir. La Commission Internationale de ParisTech Alumni La Commission Internationale de ParisTech Alumni a été créée en 2009 par décision du Conseil d’Administration. Sa mission est de créer un réseau PTA à l’international dans les pays étrangers où les diplômés des Ecoles de ParisTech (1) sont présents. ParisTech est un nom et une marque remarquable pour la visibilité à l’international des Grandes Ecoles qui la composent et pour la reconnaissance de l’excellence de leurs formations ; l’ensemble des diplômés des écoles de ParisTech en résidence à l’étranger se sentent valorisés par l’appartenance à ce réseau, d’où la nécessité d’un support à l’international. Ce réseau s’appui au départ sur les groupes de diplômés à l’étranger : ils sont présents dans plus de 60 pays pour l’ensemble des 170 000 diplômés de ParisTech. En comparaison, Berkeley ne possède de groupes que dans 35 pays, pour 442 000 Alumni. Un nouveau coordinateur expérimenté La Commission Internationale de ParisTech Alumni, selon sa procédure interne habituelle lors de sa séance du 27 septembre 2011, a agréé à une très large majorité la candidature de Hao GUAN, en qualité de Coordinateur ParisTech Alumni pour la Chine. Hao Guan, ENPC 85, HEC MBA 87, Franco-Chinois, travaille en Chine depuis plus de 20 ans, il anime le réseau HEC Shanghai depuis 5 ans, ses expériences professionnelles et associatives sont un bon gage à son engagement significatif au service du réseau international des Diplômés des 12 écoles de ParisTech. Mission de fédération et de coordination en étroite relation avec l’antenne de ParisTech en Chine Les groupes régionaux Chine des associations membres de Diplômés restant indépendants, la mission du coordinateur Chine est essentiellement une mission de fédération et de coordination. Il s’agit notamment de : – constituer une équipe cohérente et ouverte, représentative des Alumni PTA actifs en Chine – concentrer les actions dans un premier temps sur les grandes villes chinoises où résident les Alumni – conforter les relations avec les associations étudiantes chinoises liées à ParisTech, ainsi qu’avec les associations de Diplômés d’autres Grandes Ecoles françaises actives en Chine. – assister PTA dans la mise en place en Chine de son Réseau social & professionnel « ParisTech Forum » Un bureau autour de Hao Guan a été progressivement constitué avec à ce jour 7 membres représentant 3 écoles majeures : HEC, X, Arts et Métiers. Forte action de networking Le réseau PTA Chine a depuis organisé 2 évènements en octobre 2011 et janvier 2012 réunissant plus de 100 alumni, un nouvel évènement est plannifié pour le 17 mai 2012. Le réseau est animé dans chaque pays par un Coordinateur, nommé par la Commission internationale. ❙ Hao Guan (ENPC 85, HEC 87) (1) AgroParisTech, Arts et Métiers ParisTech, Chimie ParisTech, Ponts ParisTech, Polytechnique, ENSAE ParisTech, ENSTA ParisTech, ESPCI ParisTech, HEC, Institut d’Optique, Mines ParisTech et Télécom ParisTech Pour tout contact : [email protected] 80 La vie de l’association Evènements Et vous, que faites-vous mardi prochain ? Marc de la Ferriere et Jean-Louis Rastoin (24 janvier), Catherine Geslain-Lanneelle (27 février), Hervé This et Xavier Terlet (6 mars), Jean-Marc Bruère, Didier Coulomb et Marc Spielrein (3 avril)… Ce cycle se terminera les 11 et 12 mai prochains avec le colloque « La fin de la faim en 2050 ? … sans tabous ni verrous » organisé en partenariat avec la Cité des sciences et de l’industrie. Pendant ces deux journées, des étudiants d’AgroParisTech, de Sciences Po, de Paris I et du Campus Condorcet confronteront leur regard à celui de grands experts internationaux et tenteront de mettre en lumière des leviers en abordant le sujet par ses angles morts et ses tabous. Pour plus d’information : www.cite-sciences.fr. H éritage des Mardis de l’AIGREF et des Rencontres du Quai Voltaire, les Mardis du Quai Voltaire sont devenus depuis juin 2011 un rendez-vous mensuel marquant dans la vie de notre association. Le but avoué ? Le transfert de connaissances et d’expériences ainsi que le renforcement de notre réseau et le rayonnement de nos diplômés ! Ces conférences-débats, au format efficace d’une heure organisées en soirée entre 19h et 20h et suivies d’un verre dans nos locaux parisiens du Quai Voltaire, permettent à l’auditoire de rencontrer et d’échanger avec des personnalités de haut vol, acteurs majeurs du monde économique, scientifique, politique, associatif ou encore médiatique. Les Mardis du Quai Voltaire ont engagé au premier semestre 2012 un cycle de conférences sur l’Alimentation. Entre autres grands noms, nous avons eu le plaisir de recevoir Marcel Mazoyer (10 janvier), 82 Nos deux prochains rendez-vous seront consacrés aux thèmes suivants : « Le commerce équitable, un commerce alternatif engagé » (15 mai), « Le bien-être au travail » (19 juin) Retrouvez le programme actualisé, les compte-rendus et/ou diaporamas des conférences passées sur www.aptalumni.org rubrique Vie de l’association/Actualités/ Mardis du Quai Voltaire. Une idée de thème et/ou d’intervenant ? Contactez-nous : [email protected] Les administrateurs au travail Décidé à faire le bilan des actions menées au cours de l’année 2011, l’ensemble des administrateurs se sont réunis le 11 février à l’occasion d’un séminaire au Quai Voltaire. Au terme de cette journée de travail, il est ressorti que l’Association avait réussi à mener à son terme de nombreuses missions que vous lui aviez confiées lors de l’Assemblée Générale constitutive du 16 décembre 2010, que ce soit en termes de communication, de représentativité ou de rapprochement avec l’Ecole. Pour autant, l’année 2012 devra être celle de la maturité et de la redéfinition d’un nouveau cap dans un environnement de redistribution des cartes dans le monde universitaire (fusion, déménagement, régionalisation, etc). Pour cela, il a été décidé de constituer un groupe de travail intitulé « CAP 2015 », présidé par Pierre Sabatier, dont la mission sera de définir une vision stratégique à horizon 2015 afin qu’AgroParisTech Alumni soit en mesure d’anticiper les changements à venir plutôt que de les subir. Ses objectifs iront de l’expression d’une ambition de long terme à la définition des modèles économiques et d’animation associés, avec une volonté d’aboutir à des conclusions d’ici l’été 2012. De l’intérêt d’un réseau inter-écoles à l’étranger : l’exemple des Etats-Unis Il est vrai, les agros sont assez casaniers - 85 % des diplômés restent en France. Aujourd’hui nous sommes toutefois plus de 1 % à nous expatrier aux États-Unis, un chiffre en nette augmentation ces dernières années. Camille Delebecque M ais qui sont les anciens qui partent aux États-Unis ? Au-delà du plan quantitatif, le phénomène d’émigration des agro aux USA se mesure aussi beaucoup sur le plan qualitatif avec un biais net vers certaines fonctions ou domaines comme celui de la recherche. Parmi les principales explications figurent la reconnaissance sociale et salariale de notre diplôme, des parcours atypiques et souvent de meilleures conditions de travail (notamment dans le monde de la recherche). Les parcours personnels et témoignages des anciens sont tout aussi intéressants que divers. Je suis pour ma part arrivé à Boston en 2009, voulant compléter mon diplôme agro d’un doctorat. Les opportunités sont souvent bien plus alléchantes dans le domaine de la recherche aux ÉtatsUnis. A l’heure où la thèse est encore parfois regardée avec dédains en France, ici c’est un diplôme prestigieux et reconnu. J’ai monté une thèse en cotutelle entre Harvard Medical School et l’Université Paris Descartes sur une toute nouvelle discipline de l’ingénierie : la biologie synthétique. A quelques mois de la fin de cette aventure, j’ai profité pleinement des moyens et de l’émulation qui m’entourent : j’ai publié mon article de thèse dans le magazine Science faisant du consulting en parallèle, en étant très actif dans le monde de l’entrepreneuriat et en gardant un engagement associatif fort. Cet engagement associatif a pour mission de resserrer et renforcer les liens au sein de la communauté d’expatriés, qu’ils soient Agro, Paristech ou Français plus globalement. Et oui, être loin ça amène son lot de questions nouvelles et ça rapproche ! J’ai donc créé French MIT-Harvard (www.frenchmitharvard.com) qui a pour objectif de fédérer à la fois la communauté française de ces deux grandes universités et de servir de point de rencontre pour la communauté ParisTech Bostonienne. A l’échelle des USA, le réseau ParisTech Alumni USA/Canada offre une autre plateforme de rencontre et d’échange, à travers la mise en place de mailing listes actives, d’évènements networking et des sorties à travers l’Amérique du Nord. Nous organisons d’ailleurs un « mois AgroParisTech Alumni » à l’automne prochain qui sera l’occasion d’événements concertés et entre agros à l’échelle des Etats-Unis. Les Etats-Unis offrent donc une palette d’option attirante et tout a fait complémentaire de notre diplôme d’agro. A vous de prendre l’initiative et de nous rejoindre de l’autre côté de l’Atlantique ! ❙ Camille Delebecque, Promo PG 06 Doctorant en Biologie Synthetique & Entrepreneur Harvard/Paris Descartes [email protected] – www.camilledelebecque.com Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 83 LA VIE DE L’ASSOCIATION Evènements Voyages des Promos La promotion INA 52 en Charentes – Octobre 2011 A la tête d’un troupeau de 600 chèvres, Monsieur RIVASSEAU gère seul avec son associé, l’élevage, la transformation du lait dans un atelier spécialisé et la commercialisation des fromages en grandes surfaces. Tout cela, bien sûr, dans des installations et avec des techniques de pointe et dans des conditions de salubrité exemplaires. On s’est séparé après le dîner de clôture, tous persuadés que cette rencontre avait resserré encore un peu plus les liens d’amitié que ces manifestations annuelles ont entretenus au fil des ans. U ne fois de plus, et respectueux d’une coutume annuelle maintenant bien établie, les plus fidèles d’entre nous se retrouvaient pour 2 journées (ensoleillées !) de tourisme et de rencontre dans les Charentes. Après les traditionnelles manifestations d’amitié le soir de l’arrivée, départ le premier matin de l’hôtel à Chatelaillon (au bord de l’océan, face aux îles de Ré, d’Aix et d’Oléron) pour Rochefort. Bâtie de toutes pièces par Louis XIV, pour en faire le plus grand arsenal de l’époque, Rochefort garde une harmonie « Grand Siècle » et nous gratifiait, au passage, de deux réalisations originales : le chantier de reconstruction à l’identique de la Frégate « Hermione » avec laquelle La Fayette rejoignit l’Amérique en 1780 et la Corderie Royale où, comme son nom l’indique, étaient fabriqués les cordages des vaisseaux de Sa Majesté. Après le déjeuner sur place, aux « Longitudes », reprise de la route vers Saintes, autre joyau historique, gallo-romain celui-là, avec la visite de quelques-uns des monuments les plus représentatifs : l’Amphithéatre, l’Arc de Germanicus et, plus récente, l’Abbaye aux Dames. 84 On ne pouvait raisonnablement venir en Charentes sans rendre hommage au cognac qui renaît, après des années de relative indifférence, grâce aux marchés asiatiques. C’est un petit producteur indépendant, Monsieur et Madame BOSSUET, entre Saintes et Cognac, qui nous reçut pour nous raconter sa lente élaboration, et, bien sûr, nous le faire déguster. Retour à Chatelaillon et départ le lendemain pour d’autres émotions : deux heures de promenade en barque dans le Marais Poitevin, pour pénétrer jusqu’au plus profond de son enchevêtrement de canaux, avec les commentaires avisés des guides sur son origine, ses particularités, sa faune et sa flore, ses risques écologiques… Silence, calme et détente ! Après le déjeuner, au bord de l’eau, au cours duquel Pierre GILOUX nous fit revivre, guitare en mains et avec beaucoup de talent, les réjouissances du temps passé, nous ne pouvions quitter cette région sans saluer une autre spécialité locale, pour laquelle elle se positionne en leader… mondial : le fromage de chèvres. C’est, encore une fois, un producteur fermier : Jérôme RIVASSEAU, au Fief du Guigne Chèvres à FONTPATOUR, qui nous le remit en mémoire. Comme précédemment, la tradition exigeait, pour qu’elle perdure, qu’un nouvel organisateur soit investi pour l’année suivante : ce sera René FIALON, qui a aimablement accepté de nous recevoir, en automne 2012, dans ses Landes natales. Ce sera le soixantième anniversaire de notre entrée rue Claude Bernard. Gageons que ce sera une réussite ! Etaient présents : BAILLY Bernard, BLANCHARD Pierre et Marie-Thérèse, BOCKELEE-MORVAN Marie-Laure, DAVIGO Jacques et Madame, FAURE Pierre et Marie Josèphe, FIALON René, GILOUX Pierre et Juliette, GLORIOT Guy, de GOURNAY Xavier et Claire, HAUREZ Jacques et Catherine, HURIET Bernard et Colette, JOURNET Michel, de la BOURDONNAYE Pol, LARMARAUD Louis et Catherine, LEMAIRE Roger, LESTIENNE André et Elisabeth, LIENARD Gilbert et Bernadette, LUBRANO Jacques et Colette, PFITZENMEYER Claude, QUELIN Georges et Dominique, SUNYACH Jacques et Gilberte, TARDIVEL Jean et Françoise, TIROT Pascal, TRUFFINET Jean et Janine, VASSEUR Jacques et Marguerite, VELUIRE Maurice. XOUAL Georgette. ❙ Pierre Blanchard (P 52) Agapes pour la P 54 L a P 54 se retrouve de nouveau au « Petit Marguery » le mercredi 29 février pour un repas d’excellente qualité, comme d’habitude. La participation reste très soutenue, en dépit de quelques annulations, notamment celle d’Audidier après qu’Anne-Lise se soit pris les pieds dans la laisse de son chien, ce qui lui vaut une fêlure du bassin. Sont venus surtout les Franciliens, mais aussi quelques provinciaux, Laparra, Mauboussin, Mesnil, Peter, et Dupin venant de Bâle. Nous regrettons surtout l’absence de Moumouch’, qui nous fait défaut pour la première fois. donc rendez-vous pris pour l’an prochain. Mais avant cela, nous nous retrouverons encore plus nombreux du 4 au 8 juin pour le voyage annuel dans l’Yonne. ❙ Guy Chamberland (P 54) L’ambiance est toujours aussi conviviale et (Bouat (2), Buisson, Chamberland, Chaussin, Chemillier, Coulon (2), Daburon, Demoulin, Dunglas, Dupin (2), Gonand, Hoarau (2), Laparra, Lunel, Mauboussin, Mesnil, Mignot (2), Perre (2), Peter, Petit (2), Renault (2), Rimkine). Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 85 LA VIE DE L’ASSOCIATION Carnet Carnet NAISSANCE MARIAGE Gilles FABIN (PG 95) Emilie CORRADI (PG 04) et Vincent MARTINET (PG 99) a la joie d’annoncer la naissance de Jules le 8 novembre 2011. Alain JERMANNAUD (G 65) nous annonce la naissance, le 4 mars 2012, de son petit-fils, Clément Jermannaud-Mazens, fils de Paul Jermannaud et Fanny Mazens. Clément est aussi le petit-fils de Jean MAZENS (lui aussi G 65). Florence GUIVARCH (PG 97) et Adrien CHATEIGNIER (R 96) ont le plaisir de vous annoncer la naissance de leur fille Lucie, le 9 janvier 2012 à Paris. Manou SALES-BEAUDIER (née SALES) nous fait part de la naissance de sa petite filles Lison, née le 9 février 2012. Madame Sales a travaillé pour l’association Les Ingénieurs de l’Agro pendant de nombreuses années pendant lesquelles elle a accueilli nos membres avec la chaleur que nous lui connaissons. Clémence POUPART (née DESPORTES) (PG 03) et Antoine POUPART (PG 03) partagent avec Eloi la joie de vous annoncer la naissance de Gabriel le 1e février 2012. Ghislaine CHALLAMEL (née AMSLER) (E 03) rédactrice en chef de la revue Symbiose, et son conjoint ont le plaisir de nous faire part de la naissance de leur fils Hadrien le 3 février 2012. Félicitations aux heureux parents. 86 sont heureux d’annoncer leur mariage, célébré civiquement à Marseille le 26 mai 2012. MOBILITÉ Christian ROUSSEAU (P 70) est promu Président délégué à l’agriculture et à l’innovation de Vivescia (fusion des coopératives Champagne céréales et Nouricia), à ce poste depuis le 3 avril 2012. Georges-André MORIN (P 68, ENGREF 72, IGPEF) et Rosine TRAVERS (X 99, ENGREF 04, IPEF) sont nommés membres du conseil d’administration de Météo France en tant que représentants titulaire et suppléant du ministre chargé de l’agriculture à compter du 12 avril 2012. Frédéric ROCHOUX (PG 91) est nommé, depuis le 1er avril 2012, Directeur du Centre d’Affaires Entreprises de BNP Paribas pour la région Champagne-Ardenne et l’Aisne. François TADDEI (X 86, ENGREF 91, ICPEF) Directeur de recherche à l’INSERM, il est nommé membre du Haut Conseil de l’éducation à compter du 3 avril 2012. Jean-Marie MARX (Nancy ENSAIA 80, ENSSAA 81, IGPEF) est nommé Directeur général de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) à compter du 1er juillet 2012. Il était Directeur général de l’OPCA des industries alimentaires et de la coopération agricole depuis 2009. Isabelle VENDEUVRE (PG 85) a été promue Responsable normalisation du Groupe Suez environnement à compter du 15/01/12. Elle était Déléguée au développement technologique. Martin GUTTON (PG 83, ENGREF 87, ICPEF) a été nommé Directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt de la Bretagne à compter du 19 mars 2012.Il était DRAAF Poitou Charentes. Thibault MARAIS (PG 07) est Chargé de clientèle agricole au Crédit agricole Champagne-Bourgogne à compter du 3 avril 2012. Rémi SOURNIA (PG 03) est Project officer chez PEFC International (Programme de reconnaissance des certifications forestières). Xavier VANT (R 95, ENESAD 99, ICPEF) est nommé Directeur de la DAAF de la Guyane à compter du 1er mai 2012.Il était Directeur départemental adjoint de la DDT de la Charente. Pierre BESSIN (PG 89, ENGREF 93, ICPEF) est nommé Directeur départemental des territoires du Maine-et-Loire à compter du 14 mai 2012.Il était Secrétaire général pour les affaires régionales de la région Centre. Guy FRADIN (P 70, ENGREF 74, IGPEF) Christian SCHWARTZ (ENITRTS 81, ENGREF 91, ICPEF) Laure LE BOURGEOIS (PG 94, ENGREF 98, ICPEF) Conseiller du Directeur général de la DGALN, Guy FRADIN est nommé Président du Conseil d’administration de l’agence de l’eau Rhin-Meuse à compter du 23 mars 2012. est nommé à compter du 10 avril 2012 Directeur départemental des territoires du Doubs.Il était Directeur départemental des territoires et de la mer des Côtes d’Armor. Arnaud GAREL-GALAIS (PG 04) André-Jean GUERIN (X 69, ENGREF 74, IGPEF) a rejoint FranceAgriMer depuis 2012 en qualité de Chef de l’unité entreprises et filières.Elle était chargée de mission à la direction générale de la modernisation de l’Etat, Ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat. est Investment Manager chez Dahlia Partners depuis le 15 janvier 2012.Il était chargé d’investissement chez GCE Capital-Masserand. Gérard TENDRON (P 63, ENGREF 67, IGGREF Honoraire) est Membre de la 2e section ( Economie et Transport) du Conseil général de l’environnement et du développement durable, MEEDTL, depuis le 1er février 2012 ,Il était Directeur de l’ACFCI. est élu Secrétaire perpétuel de l’Académie d’agriculture de France à compter du 15 mars 2012. Patrick VAUTERIN (X 92, ENGREF 97, ICPEF) Vincent BRIOT (PG 06) est Chef de projet Observatoire de l’énergie et des GES, GIP Bretagne environnement depuis le 1er février 2012. Sophie ESVAN (PG 07) est Manager relations monde agricole depuis Janvier 2012, CARREFOUR. Elle était Chef de projet, Institut de l’élevage. Nicolas LECERF (PG 03) est Chef de produits herbicides chez MAKHTESHIM AGAN France depuis le 12 mars 2012.Il était Responsable développement ventes Picardie ches Dow Agrosciences. Jean-Philippe D’ISSERNIO (X 95, ENGREF 00, ICPEF) est nommé sous-préfet hors classe, Secrétaire général de la préfecture du Gard à compter du 13 mars 2012. Il était Directeur adjoint au Cabinet du Ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat. Louis BIANNIC (PG 75, ENSSAA 80, IGPEF) est nommé Directeur de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt de la Réunion à compter du 2 avril 2012.Il était Directeur régional de la DRAAF Bretagne. est nommé Directeur régional adjoint de l’environnement, de l’aménagement et du logement de la région Rhône-Alpes (DREAL) à compter du 1er mars 2012.Il était Conseiller au Cabinet du MEDDTL. Isabelle MUQUET-VAYLET (née VAYLET) (PG 96) a rejoint la DDT du Bas-Rhin le 1er février 2012 en qualité d’adjointe au chef de service agriculture, responsable du pôle aides directes végétales et animales.Elle était responsable Contrôle par télédétection à l’ASP. Olivier LETODE (ENSH 88, ENESAD 96, ICPEF) est nommé Expert de haut niveau auprès du directeur de la DPMA, MAAPRAT.Il était chef du bureau de la gestion de la ressource, SDRH, DPMA. Michel SINOIR (PG 79, ENGREF 83, IGPEF) est nommé Directeur régional de la DRAAF Lorraine à compter du 15 février 2012.Il était Directeur de la DAAF de la Réunion. Christophe PIETTE (PG 89) est depuis novembre 2011 Directeur général des services IDF chez GL-EVENTS. Marion BARRAL (PG 02) est Responsable export Château la Gardine depuis janvier 2012.Elle était Sales executive London chez Thorman Hunt & Co Ltd. Alain KANEKO (E 80) a pris la responsabilité de l’Agence Méditerranée chez Michael Paetzold sarl. Jean Pierre LESTOILLE (PG 82, ENGREF 86, ICPEF) est nommé Directeur départemental des territoires de la Savoie à compter du 19 mars 2012.Il était Directeur adjoint de la DDT Isère. Marion GUILLOU (X 73, ENGREF 78, IGPEF) est nommée membre du Conseil de surveillance d’Areva SA en qualité de représentante de l’Etat au titre du Ministère chargé de l’économie. Caroline REMUS (PG 77, ENGREF 91, IGREF) a rejoint EPF Partners en tant qu’Associé-Gérant à compter de janvier 2012.Elle était Directeur général de l’IDI. Sylvie GUICHOUX-CLEMENT (PG 85, ENGREF 89, ICPEF) a été nommée Directrice de la mer, du développement maritime et du littoral au Conseil régional de Bretagne depuis juin 2011.Elle était Déléguée interrégionale ouest de l’ONEMA. Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 87 LA VIE DE L’ASSOCIATION Carnet Sandrine ZEINSTRA (PG 03) est responsable animation système qualité chez Danone nutrition infantile, Blédina. Benjamin GREBOT (PG 99, ENGREF 03 , IPEF) a pris ses fonctions de Directeur des dynamiques urbaines à Brest Metropole Océane le 1er février 2012.Il était coordonnateur de la veille et de la prospective à la direction scientifique de l’Ifremer. Caroline LE POULTIER née HELLEISEN (E 96, ENGREF 01, ICPEF) Patrick SOULE (PG 81, ENGREF 85, ICPEF) est nommé Secrétaire général de l’Office national des forêts à compter du 1er janvier 2012. Il était Directeur financier de l’ONF. Vincent MOULIN-WRIGHT (PG 82, ENGREF 86, ICPEF) est nommé à compter du 17 janvier 2012, Directeur général du Groupe des Fédérations industrielles (GFI), structure de coopération renforcée fédérant les 15 plus importantes branches de l’industrie française. DÉCORATION Florence CASTEL (PG 86, ENSSAA 90, ICPEF) est nommée Chevalier de la Légion d’Honneur au titre du MEDDTL. Yves BARATTE (G 1958) Yves Baratte (G 1958), ancien directeur d’un institut scientifique et technique, 48 ans de services, a été promu au grade de Chevalier de l’ordre national du Mérite, par décret du Président de la République en date du 14 novembre 2011. a pris ses fonctions de Directrice de la Direction départementale des territoires du Val d’Oise à compter du 12 mars 2012.Elle était précédemment Conseillère technique au Cabinet du Premier Ministre. Sylvain VEDEL (PG 88, ENGREF 92, ICPEF) prendra ses fonctions de Directeur départemental des territoires des Hautes-Alpes à compter du 19 mars 2012.Il est actuellement Directeur régional adjoint de la DRAAF Languedoc Roussillon. Philippe CASTANET (X 84, ENGREF 89, ICPEF) est nommé sous-préfet hors classe, Secrétaire général de la préfecture des Yvelines à compter du 27 janvier 2012.Il était sous-directeur de l’administration territoriale au ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Bernard VIU (ENITRTS 80, ENGREF 94, ICPEF) est nommé Directeur départemental des territoires et de la mer du Finistère à compter du 1er février 2012.Il était Directeur de la DDT de la Savoie. 88 Diplômés AgroParisTech, faîtes-vous connaître ! Valorisez votre parcours professionnel et gagnez en visibilité en rejoignant la base de talents Nomination. Faites connaître gratuitement vos nouvelles responsabilités à l’Association AgroParisTech Alumni, aux professionnels de votre secteur d’activité et aux principaux cabinets de chasse de têtes, ainsi qu’aux groupes de presse et médias. Vous avez récemment changé d’entreprise ou été promu(e) ? http://www.nomination.fr/mouvement/information-btob/nomi. php?idpartner=55 Vous êtes en poste ? Faites-vous connaître de votre marché ! http://www.nomination.fr/nominations/organigramme-decideurs/fpfonction. php?idpartner=55 Service proposé en partenariat avec Nomination, 1er service d’informations sur les décideurs en France, de veille stratégique et de mise en relation Business-to-Business. LA VIE DE L’ASSOCIATION Hommages Hommages Jacques BELLEVILLE (X 63, Gref 68) (1944-2012) Nous étions très nombreux jeudi 16 février en l’église Saint-Jacques-du-haut-pas à Paris pour accompagner dans son dernier voyage notre ami Jacques Belleville, entouré de l’affection de tous les siens ; cérémonie fort émouvante s’il en fut. Au cimetière du Père Lachaise, notre camarade Bernard Glass a tenu à marquer la profonde tristesse de tous ses amis en évoquant quelques moments heureux. « Jacques, mon ami de plus de quarante ans, tu es parti alors qu’en octobre dernier, lorsque nous nous sommes retrouvés en Suisse, au chalet des « Haudères », nous pensions bien refaire de la montagne et « réchauffer » quelques souvenirs communs. Il est vrai que tu étais déjà atteint par un mal redoutable mais nous espérions bien, avec toi, que tu t’en sortirais. Hélas, il n’en fut rien et je me retrouve seul, avec tes proches et tes amis à évoquer certains épisodes partagés de notre passé. Le premier épisode, à l’origine de notre amitié, a démarré par ton affectation d’IGREF sortant de l’ENGREF à la DDA de Tarbes, fin 1968, comme chef du service de l’équipement et de l’aménagement rural. J’étais alors ton aîné de huit ans à la tête du service forestier, de l’aménagement pastoral et touristique de la montagne de cette DDA depuis 1966 et je m’interrogeais sur ton aptitude d’ingénieur débutant à être opérationnel, notamment en zone de montagne où la politique de rénovation rurale se mettait en place avec d’ambitieux projets des communes, soucieuses d’auto-développement avec la création d’unités touristiques axées sur la neige et leur patrimoine naturel. Tes origines savoyardes, ton enthousiasme créatif et ta vivacité intellectuelle t’ont emmené d’emblée à embrayer efficacement sur les opérations en cours et surtout à en engager de nouvelles. Nous formions un binôme d’ingénieurs complémentaires, 90 apprécié de notre directeur et surtout de nos interlocuteurs montagnards. Bien que les compétences pour la pratique du ski ne relevaient pas de la DDA, tu t’es impliqué sans complexe dans les projets de stations de sports d’hiver, dont l’implantation de remontées mécaniques. Cela nous a amenés à reconnaître à ski les domaines susceptibles d’être équipés et surtout à développer notre amitié en même temps que l’économie locale. D’une certaine façon, nous étions complices en engageant ainsi l’administration de l’agriculture dans le champ relevant de celle de l’équipement. L’histoire nous a donné raison avec la création récente du corps des IPEF regroupant ceux des IGREF et des IPC. Donc, merci à toi, Jacques le pionnier ! En 1971, ma mutation en Alsace a mis fin à notre binôme professionnel, mais notre amitié a perduré à travers nos échanges à distance portant sur nos métiers et nos familles. Et toi, Jacques, après les Pyrénées, tu es devenu Parisien jusqu’à la fin de ton cursus professionnel et au-delà. Nous nous sommes revus fréquemment lors des réunions des instances représentatives du corps des IGREF, syndicale ou amicale, où tu manifestais toujours tes fortes convictions sur le rôle des ingénieurs dans une société moderne. Mais pour revenir à nos retrouvailles illustrant ta grande originalité, j’en évoque les plus récentes qui m’ont particulièrement marqué. Lorsque tu m’as convié, il y a une dizaine d’années, à passer quelques jours à Lamor-Baden dans le Morbihan, j’ai réalisé que Jacques le montagnard était devenu Jacques le marin. Tu m’as fait découvrir ton voilier et ton savoir naviguer par vent de force 6. Ta nouvelle passion, assortie d’une technicité sans faille, m’a, une fois de plus, impressionné. Pour autant, tu n’as pas abandonné l’univers montagnard. Quand toi et ta compagne Hélène m’avez invité au chalet des « Haudères » à Evolène, non pas pour des virées d’alpiniste, mais pour cueillir des champignons et des fruits sauvages, j’ai été « soufflé » par le mycologue et le botaniste que tu étais devenu. Tu reconnaissais, cueillais, conditionnais et cuisinais à la perfection les produits naturels de votre écosystème. Par la suite, tu m’as fait découvrir dans ta bibliothèque la riche collection d’ouvrages qui t’a permis d’acquérir ton savoir de naturaliste. C’est d’ailleurs aux « Haudères » que nous nous sommes revus, en octobre dernier, mais ton état de santé t’a empêché de réaliser tes cueillettes automnales. Quatre mois après cette rencontre, tu nous a quittés en nous laissant le souvenir de ton exceptionnelle personnalité qui s’est investie dans de nombreuses activités tant scientifiques que sportives, sans délaisser les tiens et tout en demeurant modeste et pédagogue à l’endroit des autres. « Adieu Jacques. Tu demeures vivant à jamais parmi nous. » Tout autant que ses passions et centres d’intérêt, la carrière professionnelle de Jacques fut très éclectique. « Ses » carrières devrait-on dire ! En effet, celles-ci peuvent se décliner en plusieurs périodes ô combien diverses et variées… De sa période étudiante au lycée du Parc en classe préparatoire puis à l’Ecole polytechnique où il a intégré comme 3/2, le plus remarquable est de noter son engagement sportif permanent à côté d’études très prenantes ; ceci lui a valu de figurer quelque temps sur les tablettes des records en nage libre à l’X. Sous-lieutenant du Génie à Angers, puis à Neuf-Brisach en Alsace du sud, c’est aussi l’époque des multiples voyages en France, en Croatie, en Allemagne et en Suisse et probablement dans d’autres pays. A l’ENGREF, c’est la grande époque de Maurice Rossin comme directeur, avec des enseignants de haute qualité qu’il a beaucoup appréciés comme l’ensemble d’une promotion dénommée « PoitouCharentes » ; ceci lui vaudra de parcourir cette région à de multiples reprises. En fin de scolarité après un choix difficile entre la coopération en Afrique et le terrain en France (finalement ce sera Tarbes en Hautes-Pyrénées), c’est Jacques « qui s’y met » pour organiser un voyage de promotion en Turquie tout à fait intéressant avec au-delà d’Istanbul quelques visites remarquables, le musée hittite à Ankara, le site néolithique de Catal Hüyük et des périmètres irrigués à Konya. De cette période pyrénéenne si bien décrite par Bernard Glass, on peut ajouter sa contribution à deux aménagements à buts multiples, l’un à Payolle, l’autre à Loudenvielle avec deux barrages et des plans d’eau, aménagements toujours parfaitement opérationnels actuellement car conçus durablement. Retour à l’ENGREF où il reprend le poste occupé précédemment par nos brillants collègues Pierre Malaval et Philippe Huet ; il est un chef de département puis un directeur des études à la fois engagé et réformateur ; passionné de didactique, il refonde la formation par projet qui figure parmi ses réussites. C’est aussi l’époque du passage de la technique à l’économie. Rapporteur au FDES pour des projets d’investissements agricoles et enseignant en économie à l’ENGEES à Strasbourg, il prépare implicitement son entrée au Crédit national sur proposition du président du FDES de l’époque. L’ENGREF est un carrefour, un point de passage : ce sera donc une période de forte implication collective dans la vie du corps des IGREF : participation active aux travaux du SNIGREF et création du club de réflexion Pierre La Fontaine ; dans ces instances, ses maîtres mots seront engagement et contribution au débat d’idées. De sa première période de chargé d’affaires au Crédit national, c’est sa volonté de travailler intelligemment, d’être pertinent qui se dégageait ; ultérieurement, la Direction générale, ayant reconnu son esprit d’innovation, lui confiera la direction générale d’une filiale du groupe en charge de l’innovation et de la veille au bénéfice du groupe. Enfin, Jacques qui était déjà trésorier de l’AIGREF a fait partie, dès le départ, de la petite équipe qui fut à l’origine de la création en juin 2000 de l’association « Echanges méditerranéens ». Sa double casquette de trésorier de l’AIGREF, disposant alors d’une réserve financière, et d’Échanges méditerranéens, qui démarrait sans le sou, a permis à l’association de vivre ses premiers mois sur des avances de trésorerie que Jacques tenait à rembourser dès que c’était possible. La trésorerie de l’association a souvent été très tendue et Jacques a réussi à assurer notre fonctionnement courant malgré les tensions. Jusqu’en 2005, il a régulièrement participé à toutes les réunions mensuelles du bureau restreint, nous faisant profiter de son expérience associative. Cependant, l’essentiel de ce qui doit rester dans notre souvenir est le témoignage de sa vie : Jacques n’a pas cessé d’être en recherche de la Vérité, interrogeant à la fois la science, la raison et la religion comme en témoignent la cinquantaine de pages qu’il nous a laissées en guise de testament. Son « credo » affirme « nous sommes disciples du Christ si nous nous aimons les uns les autres, et plus particulièrement les faibles et les opprimés ». Ce qu’il croyait, il s’est efforcé de le mettre en pratique. Savons-nous, par exemple, qu’il fut trésorier (encore !) du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), qu’il appartenait à un groupe de partage, comme rappelé lors de ses funérailles ? Et tout cela dans la discrétion et la modestie, mais avec un dévouement sans limite, ne sachant pas refuser le service qu’on sollicitait. C’est, sans nul doute, cet accord profond entre sa conviction et ses actes qui en faisait un camarade recherché, autant par la profondeur de sa pensée que par la chaleur de sa rencontre. Soyons heureux de l’avoir connu et que son exemple nous aide ! ❙ Paul Baron, Alain Bernard, Bernard Glass et Daniel Loudière Jean-Pierre Ménager (P 44) De nombreux camarades sont venus rendre un dernier hommage à Jean-Pierre Ménager (P 44) lors de ses obsèques qui ont eu lieu le 16 janvier 2012 à Paris. Ancien Président de la Maison des Ingénieurs Agronomes, il avait beaucoup œuvré pour l’Association des anciens élèves de son école. Son épouse Marie-Louise Ménager (P 44), très touchée par l’éloge qui lui a été rendu et par les marques de sympathie qui lui ont été témoignées par votre présence ou par écrit, vous exprime ses plus vifs et chaleureux remerciements. Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 91 LA VIE DE L’ASSOCIATION Hommages Gérard Joyaux (P 53) l’Agriculture avait conduit à la création d’un nouveau corps d’ingénieurs en 1965, celui des Ingénieurs d’Agronomie, pour répondre principalement aux besoins de l’enseignement agricole en pleine expansion. Il s’engage avec détermination dans cette nouvelle fonction qui exige beaucoup d’engagement, de compétences et de qualités humaines alors qu’il fallait mettre en place en urgence toutes les chaires d’enseignement techniques, économiques et pédagogiques et assurer la conception et la programmation des activités d’enseignement et l’organisation des stages professionnels pour des promotions d’ingénieurs-élèves nombreuses et exigeantes. G érard est décédé le 6 mars 2012 chez lui, à Fondettes près de Tours, après deux décennies de lutte quotidienne contre la maladie de Parkinson. Gérard est né le 16 juillet 1931 au Mans. Après une enfance heureuse passée au Mans et à Caen et des séjours familiaux à Rochefort, il prépare le concours de l’AGRO au lycée St Louis. Après le premier cycle de l’INA, il choisit de devenir ingénieur des Services Agricoles. Une fois son long service militaire effectué en Algérie à Tiaret, il commence sa carrière d’ingénieur en Algérie dans les Services Agricoles. Il rentre en France alors que le grand programme de construction des lycées agricoles lancé par l’Etat pour moderniser l’agriculture dans le cadre du Marché commun réclame de nombreux ingénieurs pour assurer leur fonctionnement. C’est ainsi qu’il se retrouve affecté au lycée de Thére près de St Lô dans la Manche au début des années 60. C’est là qu’il fait la connaissance à la rentrée 1964 de Françoise, professeur certifiée de biologie de l’enseignement agricole tout juste sortie de formation et originaire de Bordeaux. Leur mariage est célébré en août 1965. De cette union vont naître quelques années plus tard 3 garçons : Philippe, Emmanuel et François. Après St Lô, le jeune couple rejoint le lycée agricole d’Angers espérant s’y installer durablement. Mais, en avril 1967, Gérard remarqué pour ses qualités humaines et professionnelles est appelé à rejoindre en urgence l’Ecole nationale supérieure des sciences agronomiques appliquées (ENSSAA) transférée de l’INA-Paris à Dijon pour exercer les fonctions de Directeur des Etudes de cette Ecole d’application. En effet, la transformation des directions départementales du Ministère de 92 En 1973 après avoir rempli pleinement sa mission, il fait le choix avec son épouse d’un nouveau projet de vie, celui de retourner enseigner en lycée agricole tout en se rapprochant de ses parents et de ceux de son épouse. C’est ainsi qu’il exerce pendant de longues années comme enseignant au lycée agricole de Tours-Fondettes jusqu’à sa retraite en 1991.Dévoué, disponible, c’est un professeur apprécié dans son milieu professionnel et par ses étudiants notamment du brevet de technicien supérieur (productions animales et arboriculture fruitière). Oui, l’enseignement agricole a été l’activité professionnelle qu’il aimait et qui lui a donné de multiples satisfactions que ce soit à St Lô, Angers, Dijon ou Tours. Fier des origines sarthoises, normandes et charentaises de sa famille, il aime profondément la vie de la France provinciale et rurale. S’il avait vécu au XVIIIe siècle il aurait pu être un gentilhomme campagnard s’intéressant à l’agriculture et fréquentant les Encyclopédistes. L’histoire locale le passionne mais aussi les vieux livres, les salles des ventes, les antiquités. Il collectionne. Erudit, il est curieux de tout ce qui concerne l’agriculture, les questions économiques et politiques. Il a hérité de son père, ingénieur à la SNCF un intérêt particulier pour tout ce qui concerne les voyages en train. Il partage avec son épouse biologiste le besoin de planter de nombreuses espèces d’arbres et d’arbustes. Il aime raconter des anecdotes du terroir ou des souvenirs de sa vie d’étudiant ou de professeur qu’il distille avec humour et tendresse. La mort tragique en 1991 de son fils Emmanuel, dans un accident de voiture, bouleverse la vie familiale. Dès cette époque, alors qu’il vient de prendre sa retraite, il doit vivre avec la maladie de Parkinson qui progressivement réduit son activité et accroît ses souffrances. Il conserve tout au long de ces années une activité intellectuelle où la lecture occupe une grande place. Grâce au dévouement de son épouse Françoise et à l’appui de ses deux fils, il vit toutes ces années avec courage sans se laisser détruire par la maladie et les épreuves. Il apprécie les joies simples de la vie dans sa maison de Fondettes, les visites d’amis ou de la famille, les moments passés au jardin, l’évocation de l’histoire des personnages de sa famille. Il repose maintenant en paix au cimetière de Fondettes avec son fils Emmanuel à quelques centaines de mètres de sa maison et de son jardin. Gérard Joyaux n’est plus mais son souvenir sera souvent évoqué par tous ceux qui l’ont connu comme collègue, comme étudiant à l’Agro, comme professeur, non pas avec tristesse mais avec le sentiment d’avoir connu quelqu’un de bien. Avec tous ceux qui l’ont côtoyé au sein de l’enseignement agricole et qui savent combien il fut un ingénieur passionné par son métier au service de l’agriculture et des jeunes, il est juste de lui rendre hommage. Sa promotion de l’AGRO était représentée à ses obsèques en la personne de Gérard Fromentin avec lequel il est resté en relation depuis de nombreuses années. ❙ Casimir Cuzenic (P 60, ENSSAA 65) René Champsoloix (P 35) (1915-2010) e long itinéraire de René Champsoloix s’est achevé à Antibes le 5 décembre 2010 auprès de ses deux filles. L l’exploitation pour l’armée des forêts de Yao et les chantiers de gemmage de pins ; à Darlac il assure l’exploitation et le reboisement en teck et Dalbergia de régions entières. Son dernier séjour commence peu avant la chute de Den Bien Phu et cet évènement clôture évidemment en juillet 1956 la période indochinoise. L’Auvergne rude et profonde avait vu naître en 1915 ce futur Forestier d’Outre Mer. Après des études à Godefroid de Bouillon à Clermont-Ferrand et au Lycée du Parc à Lyon, puis à Paris à l’Institut National Agronomique où il est reçu en 1935, c’est à l’Ecole Forestière de Nancy qu’il termine son cycle d’études supérieures. Ingénieur des Eaux et Forêts, il se préparait à partir pour l’Indochine pour y entamer sa carrière. Mais un autre Devoir l’attendait : la mobilisation de 1939.en fait un Officier du Génie. L’infortune de nos armes, hélas, le fixe, après sa démobilisation, pour un an encore en Métropole. Finalement, embarqué pour l’ExtrêmeOrient, son bateau est détourné au large de Durban dans un épisode conflictuel et le dépose à Casablanca. Entre temps, il s’est marié en France avec une jeune fille que l’Outre-Mer n’effraie pas, bien au contraire. Suzanne est issue d’une famille de colons de Tunisie où son père, un Agro, Antonin Coupin (INA 1900) dirige l’Ecole française d’Agriculture de Tunis après y avoir enseigné. Elle partage le goût de son mari pour une existence mouvementée pleine de responsabilités et part sans mollesse pour un Extrême-Orient déjà chargé de menaces. Elle est, elle aussi, férue de botanique avec des aïeux pépiniéristes et rosiéristes de génération en génération et s’intéresse fort aux travaux de son époux. Va pour le Maroc ! Premier poste Khénifra, puis Marrakech où il engage l’exploitation de la cédraie et de chantiers de carbonisation, mais le débarquement américain de novembre 1942 lui fait reprendre l’uniforme militaire, et cette fois c’est pour participer à l’avancée glorieuse de la 1ère D.B. du Général de Lattre, de Cavalaire à l‘Alsace et à la Bavière. Sa démobilisation n’est effective qu’au 15 janvier 1946 ; le départ pour l’Indochine est alors possible. Embarquement en mai pour parvenir enfin en juin, après sept ans d’attente, sur le lieu des exploits rêvés. Il ne sera pas déçu par la réalité. Sa détermination et sa compétence trouveront à se distinguer dans toute la variété des services dont il aura la responsabilité. au cours de trois séjours de trois ans chacun. Dès son deuxième séjour, Chef du Service des pays montagnards du Sud, on lui confie auprès de la délégation impériale les soins du domaine de la Couronne du Viet Nam. A Dalat, il fait passer de 1 à 10 le rendement des forêts de pin, à Djiring ; il supervise Pendant cette période naitront leurs deux filles, mais c’est à Madagascar maintenant que René et Suzanne Champsoloix vont devoir les élever, Madagascar, tout juste après l’Indépendance, où la forêt compte beaucoup pour l’économie et la vie sociale, Madagascar qui va pouvoir offrir à notre ami regretté – désormais Ingénieur en Chef du GREF – l’occasion de faire valoir sa valeur professionnelle et sa valeur morale, et d’opposer jusqu’au bout aux malignités.de la subversion la dignité de l’effort français. C’est là, dans « la Grande Île » notamment à Tuléar à partir de 1960 qu’il va réaliser de grandes plantations qui lui vaudront la Légion d’honneur malgache, c’est là qu’après avoir œuvré pour la création sur place et l’essor du Centre technique forestier tropical (CTFT) son goût de la Recherche va pouvoir s’exprimer. Mise en valeur de la forêt tropicale malgache aussi bien que pisciculture (en particulier avec les préconisations d’élevage du Tilapia) vont bénéficier de ses études, de ses connaissances et de son énergie. Mais c’est aussi de Madagascar que dateront les derniers souvenirs familiaux d’Outre-Mer. De plus hautes fonctions l’attendent maintenant en Métropole où ses enfants trouveront les conditions requises pour de bonnes études. En 1965, le CTFT (CIRAD maintenant) dans son siège principal de Nogent-sur Marne l’accueille et lui confie d’abord la direction administrative et financière du Bureau des études techniques (BET), fonctions de direction et d’animation que son expérience va lui permettre de remplir magistralement.et qui lui seront reconnues par la rosette d’Officier du Mérite. C‘est ainsi qu’il oeuvrera au bénéfice du Ministère français de la Coopération pour les forêts tropicales et subtropicales d’Afrique et d’Amérique et qu’il effectuera luimême des missions de valorisation forestière au Gabon, au Congo et en République Centrafricaine. Le CTFT, qui a reconnu sa compétence et son dévouement sans partage, en a fait son Secrétaire Général : il en assumera les responsabilités jusqu’en juillet 1981 au-delà de sa retraite réglementaire (1980). Ce Conservateur des Eaux et Forêts – titre désuet désormais mais combien évocateur d’une longue tradition – aura pu donner là à ses jeunes collaborateurs le goût et les moyens de poursuivre des travaux qui furent personnels et originaux. Toujours disponible et indispensable, on fait encore appel à lui. Universellement reconnu spécialiste des forêts tropicales indochinoises il se voit confier par la FAO à Rome et le BIT à Genève des missions pour tenter de reconstituer ces forêts après les ravages de la guerre du Vietnam. Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 93 LA VIE DE L’ASSOCIATION Hommages Sa retraite est enfin prise dans sa charmante maison d’Antibes où son épouse et lui ne se lassent ni de la Méditerranée, ni des pépinières de roses, ou de ses collections d’orchidées exotiques, ni de recevoir avec affabilité et délicatesse de fidèles et nombreux amis. Beaucoup de ceux-ci sont gens de valeur, de toutes professions, rencontrés au cours de cet impressionnant itinéraire et séduits par un esprit brillant, ouvert et modeste. Notre camarade est resté parmi les derniers français à avoir pu, grâce à sa profession et à ses qualités personnelles, donner le meilleur de lui-même au service de la France civilisatrice et au bénéfice de ses plus lointains protégés. Depuis 2003, à la disparition de son épouse si bienveillante, ce sont ses filles Aline et Christine qui vont lui apporter sans relâche les soins constants et l’affection dont il a toujours été entouré. C’est à son souvenir qu’elles vont désormais veiller et, comme ses amis et camarades que l’âge malheureusement disperse, conserver de cet homme de bien la plus sympathique des images. Nous ont quitté récemment… Pierre DELAVIGNE (G 30), René DELPECH (P 39), Loic DURAND-GASSELIN (G 41), François DE CHABERT-OSTLAND (P 41, ENGR 46, Ing civil GR), Jacques COURTIN (P 43, ENGR, IGGREF honoraire), Guy DEGOS (P 44, ENEF 48), Jean-Pierre MENAGER (P 44), Eugène JOLIVET (P 45), Bernard MARAVAL (P 47), Max RIVES (P 47), Albert VOREUX (P 48), Guy BOURAT (P 49), Philippe GILLES (P 50), Paul LUCAS (P 51), Gérard JOYAUX (P 53, ENSSAA 57, ICA en retraite), Claude CHAMPION (G 54), Pierre MOUCHET (P 54), Jacques MENOU (DE) (P 55), Philippe COLLET (P 55, ENGREF 59, ICGREF e.r), Guy LAPORTE (P 55), Raymond COLOMBEL (A 52, ENSSAA 58, IGGREF honoraire), Daniel BERTHERY (P 65, ENGREF 70, IGGREF Honoraire), Gilles QUEINNEC (E 65), Gilles THEVENET (P 68), Jacques BELLEVILLE (X 63, ENGREF 68, IGREF), Jean BARATIER (ENITRTS, IGREF 68, IGREF en retraite), Jean Roger MARTIN (PG 77, ENSSAA 81, ICPEF), Sylvie SENS (PG 79) ❙ Claude Monnier (INA 38) Parmi ses écrits on peut citer : – La forêt des pays montagnards du Sud Vietnam et ses produits, 1955, Revue Bois et Forêts des Tropiques, n° 40, Nogent-sur-Marne – Le Pin à 3 feuilles de Langbian, 1958, Revue Bois et Forêts des Tropiques, n° 57, Nogent-sur-Marne – A propos de la forêt claire du Sud-Est asiatique, 1959, Revue Bois et Forêts des Tropiques, n° 64, Nogent-sur-Marne – Le ray dans quelques villages des Hauts-plateaux du VietNam, 1958, Colloque de la Société Botanique de France Carrière de Raymond Colombel (IGGREF honoraire) Raymond Colombel est né en 1930 à Strasbourg et décédé le 17 janvier 2012 à Meudon. La carrière de son père l’a conduit à faire ses études secondaires à Tunis et à Bizerte. Il intègre l’ENSA d’Alger en 1952 et choisit la voie des Services agricoles : à ce titre, il suit le cursus de l’ENSSAA dont il sort en 1958. Il est nommé ingénieur des Services agricoles. Il a effectué l’essentiel de sa carrière à l’international dans les postes d’expansion économique des ambassades. C’est ainsi qu’il a été attaché agricole à Rome de 1959 à 1964, puis au Consulat général de France à Sarrebruck de 1964 à 1970 Il est intégré dans le corps des IGREF en 1965. Raymond Colombel est revenu à la DREE (direction des affaires économiques extérieures du Ministère de l’économie et des finances) de 1970 à 1976 puis il est nommé attaché agricole à Bonn de 1976 à 1981. Il a été ensuite conseiller commercial à Tokyo à l’époque où de nombreuses entreprises françaises cherchaient comment s’implanter au Japon. Revenu à la DREE, il est nommé directeur régional du commerce extérieur en Champagne Ardenne puis rejoint le conseil général du GREF où il met ses compétences au service de la Commission des Communautés européennes dans un bureau qui a en charge les dossiers d’aide aux entreprises pour la recherche. Raymond Colombel a toujours conservé des liens étroits avec ses collègues du GREF malgré son éloignement géographique. Il est l’un de ceux qui ont accompli une carrière réussie au Ministère de l’économie et des finances avec une double compétence d’économiste agro-alimentaire et de diplomate. Nous présentons nos sincères condoléances à sa famille. 94 BESOIN D’UNE SALLE À PARIS ? AgroParisTech Alumni peut mettre des salles de réunion à disposition d’autres associations, d’organismes, d’institutionnels, de sociétés, de consultants, de diplômés cotisants ou non et de leurs familles ou partenaires. Ces salles, équipées en wifi pour un accès internet à haut débit, sont situées au premier étage du 5 Quai Voltaire, avec vue sur le palais du Louvre et la Seine. LA GRANDE SALLE VOLTAIRE (50 M²) – Peut accueillir jusqu’à 25 personnes dans une configuration avec table centrale ou en U – Jusqu’à 60 personnes en configuration cinéma LA PETITE SALLE ORSAY (15 M²) – Peut accueillir jusqu’à 10 personnes autour d’une table Ces salles peuvent être équipées d’un écran et d’un vidéo-projecteur, la grande salle disposant en outre d’une sonorisation avec deux micros HF et d’une climatisation. Pour tous renseignements sur la disponibilité et les conditions de location : Mme Sylvie Servais 01 42 60 25 00 ou [email protected] Tribunes Libres : votre terrain d’expression Pierre Sabatier Chine : entre fascination et aveuglement A l’occasion de la sortie de son livre : « La Chine : une bombe à retardement » publié chez Eyrolles et coécrit avec Jean-Luc Buchalet (PG 79), Pierre Sabatier (PG 01), économiste et président de PrimeView, pointe du doigt les limites du modèle de développement du géant asiatique. Pierre Sabatier L a croissance chinoise, qui a atteint un niveau et une stabilité inédits au cours des trente dernières années, a fini par ôter toute crédibilité aux détracteurs de son modèle de développement, malgré les déséquilibres inquiétants qu’ils dénoncent. Le temps passant, le crédit des « sceptiques » s’est amenuisé, jusqu’à rendre leur discours totalement inaudible. Or l’Histoire nous enseigne que c’est justement dans ces moments où partout la garde est baissée que les crises sont les plus violentes, car les moins attendues. 96 Un gigantisme intimidant La fascination que la Chine exerce sur les Occidentaux réside d’abord dans son gigantisme, qui autorise tous les fantasmes. Il est vrai qu’avec 1,3 milliard d’habitants, l’empire du Milieu reste aujourd’hui le pays le plus peuplé du monde sur un territoire grand comme 14 fois la France. Surtout, après avoir été le premier contributeur à la croissance mondiale depuis le début du millénaire, le pays dispose désormais des plus grands barrages hydrauliques, des réseaux ferroviaire et autoroutier les plus vastes au monde, forme le plus grand nombre de pianistes ou d’ingénieurs sur la planète et produit plus de matières premières, de biens alimentaires, d’engrais, de produits électroniques ou de voitures que tous ses concurrents. Une telle réussite fait rêver les hommes politiques et les industriels du monde entier. Il faut dire que sur le papier, le potentiel laisse entrevoir des perspectives faramineuses à long terme : l’empire du Milieu, qui comptait sur son sol près de 20 % de la population mondiale en 2011, ne représente qu’à peine 4 % de les grandes réussites économiques et financières ont presque toujours été accompagnées par un mouvement de croyance collective en une « nouvelle ère », modifiant les fondamentaux de la sphère économique locale ou internationale. C’est la thèse retenue par les experts pour expliquer l’émergence structurelle de la Chine et de son « capitalisme socialiste de marché » depuis le début du millénaire, comme ils l’avaient déjà fait pour le Japon et son « capitalisme de connivence » dans les années 1980 ou pour les États-Unis et leur « bulle Internet » dans les années 1990, avec les conséquences que l’on connaît… L’histoire se répète rarement mais rime souvent. 180 pages, 16 €, Eyrolles. Mai 2012. Un modèle obsolète la consommation des ménages dans le PIB mondial, alors que les États-Unis, dont la population ne représente que 4,5 % de la population mondiale, totalisent 16 % de la consommation du globe. Tous les espoirs sont donc permis pour les Occidentaux, qui voient d’un bon œil ce « nouveau monde » caractérisé par un taux de croissance élevé, quand leurs pays s’enfoncent dans une morosité de plus en plus pesante. La prise de conscience des limites du modèle chinois n’en est pour autant qu’à ses balbutiements. À la différence de l’émergence des grandes puissances économiques lors des siècles passés (chemins de fer et Empire britannique au XIXe siècle, Internet et États-Unis au XXe siècle, etc.), l’expansion chinoise des 30 dernières années ne s’explique par aucune avancée technologique majeure. C’est la raison pour laquelle le pays ne sera pas en mesure d’atteindre les 33 % de PIB mondial en 2050 que certains économistes lui prédisent, quand l’Europe et les ÉtatsUnis réunis ne pèseraient plus que 21 % du PIB mondial selon les mêmes anticipations (contre 55 % en 2011). La planète ne résisterait en effet ni aux niveaux de consommation en ressources et en énergie engagés, ni à la production de déchets associée. Un tel scénario est d’ailleurs Une inertie positive Le succès prolongé de l’empire du Milieu a fait perdre leur discernement à de nombreux économistes, commentateurs ou investisseurs, d’autant plus sujets à ce phénomène qu’ils évoluent dans un monde clos. C’est la raison pour laquelle la plupart des avertissements sur les dérives de l’économie chinoise ont souvent reçu comme accueil un scepticisme à tendance condescendante… jusqu’au second semestre 2011. d’autant moins crédible qu’il impliquerait une envolée des prix du pétrole à plus de 300 $ le baril, entraînant un effondrement du pouvoir d’achat des ménages occidentaux et des profits des entreprises, avant de provoquer un plongeon de l’économie mondiale. Des fondations fragiles… Ce modèle de croissance, héritage de la seconde révolution industrielle qu’ont connue les pays riches tout au long du XXe siècle, est désormais à bout de souffle, tant par son caractère « énergivore » que par le refus des nouvelles générations d’évoluer dans des sociétés aussi hiérarchisées et verticales que par le passé. La pensée confucéenne et les normes sociales rigides sont désormais étrangères à une jeunesse chinoise qui a grandi dans les réseaux sociaux, privilégiant la transparence, le comportement coopératif et les relations pair-à-pair. Ces jeunes sont fatigués d’être gouvernés par des dirigeants brutaux et arbitraires et de vivre dans une société gangrénée par la corruption, où la règle du jeu est le clientélisme et non le mérite, où les détenteurs du pouvoir s’enrichissent personnellement aux dépens des masses. Cette nouvelle génération va exiger le changement. Quelle forme prendra-t-il ? ❙ Pierre Sabatier (PG 01) @Pierre_Sabatier Pour en savoir plus : www.primeview.fr Car les choses commencent à évoluer à la marge : au cours des derniers mois, on a pu remarquer l’apparition dans les médias d’articles s’inquiétant des conséquences économiques, sociétales et environnementales de cette croissance chinoise débridée. Après 30 ans d’accroissement de sa prospérité, il devient urgent de se préparer à cette idée : la Chine n’est pas immunisée contre les crises, comme d’ailleurs aucun pays du monde. Ce nouvel élan de lucidité peut s’expliquer : historiquement, Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 97 TRIBUNES LIBRES : votre terrain d’expression Bruno Le Bansais Parler de solidarité internationale à tout le monde, en toute indépendance Qui informe le grand public sur la solidarité internationale ? A quelques exceptions près, les ONG elles-mêmes. En proposant le magazine mensuel « Là-Bas » vendu en kiosque, Bruno Le Bansais (X-Gref 06) tente de prouver qu’il y a une place pour l’indépendance et l’entrepreneuriat dans l’humanitaire. Et un public pour suivre. Bruno Le Bansais Photo d’Arnaud Legrand (PG 04 Gref 06) Q uelques minutes au journal de vingt heures, plusieurs pages de reportage photo dans un magazine à grand tirage. La solidarité internationale, qui fait appel à nos sentiments d’altruisme et de compassion, trouve presque automatiquement sa place dans les grilles des programmes de la grande industrie de l’information. Tant mieux ! Mais ces enquêtes, ces reportages, d’où viennent-ils ? Lorsqu’ils ne sont pas issus de ces crises où les avions se remplissent de journalistes, ils sont presque systématiquement réalisés avec la complicité active des ONG de terrain : les rédactions trouvent là le moyen de rapporter des images venant de zones difficiles d’accès, et les associations de faire parler de leurs actions. Un mariage qui n’a rien d’incestueux, mais qui ne favorise pas l’approfondissement des sujets. 98 D’autant plus que l’autre canal par lequel tout un chacun entend parler de la solidarité internationale est bien sûr la multiplication des campagnes d’appel aux dons ou de sensibilisation. Formatées, étudiées, elles rivalisent d’efforts de créativité pour attirer l’oeil du quidam sur des malheurs plus ou moins lointains. Leur réussite dépend de la capacité des ONG à représenter des valeurs morales positives. L’image des ONG leur est donc précieuse, elles n’ont donc aucun intérêt à lâcher la prise qu’elles possèdent sur leur traitement médiatique. Amener le journalisme indépendant dans la solidarité internationale Pour toutes ces raisons, j’ai mené le projet de créer un magazine papier indépendant, financé par les ventes en kiosque, les abonnements, et avec un peu de chance quelques pages de publicité. Un modèle économique volontairement classique, déjà mis en œuvre pour parler de tatouage, de cyclisme, de 2CV ou de locomotives en modèle réduit : des titres « de niche » qui s’adressent à un public très spécifique en lui proposant un rendez-vous régulier. Mais que personne n’avait pensé à utiliser pour parler de solidarité internationale. J’ai la prétention de croire qu’un média indépendant profitera aux ONG elles-mêmes. Pensons à l’affaire de l’arche de Zoé, où tout commentaire venant d’une ONG était délicat voire risqué. Voyons également la polémique née autour de la demande d’arrêt des dons pour la réponse humanitaire au tsunami de 2004, qui aura eu besoin de toute la stature d’un Rony Brauman pour que le grand public puisse l’accepter. Dans mes échanges avec les ONG, elles m’auront souvent confié qu’il « manquait quelque chose » pour parler au grand public : une analyse qualifiée et indépendante, qui s’exprime en dehors des Photo d’Arnaud Legrand (PG 04-Gref 06) crises. L’idée qu’une communication trop maitrisée finit par enfermer les discours semblait être inconsciemment présente dans les esprits. Car il y a beaucoup de choses que les ONG ne peuvent pas verser dans leur discours au grand public : le gâchis des dons matériels, la difficile gestion du moral des expatriés, les négociations sur le terrain, et tout simplement l’inévitable : les erreurs. Les humanitaires ne sont pas hermétiques à la critique, ni même à l’autocritique, bien au contraire ! Ils manquent simplement de terrains pour l’exprimer*. Une structure privée pour parler des ONG Si elle répond donc bien à un besoin de communication, la création du magazine « Là-Bas » reste une aventure commerciale : il s’agit de vendre un produit et de trouver son public. Pour exister, le magazine va avoir besoin de vendre 10 000 exemplaires chaque mois en kiosque, et de développer rapidement sa base d’abonnés. Donc la couverture est formatée pour attirer l’oeil, le titre est court, la ligne éditoriale réserve une certaine place aux bonnes nouvelles, et le niveau de lecture est fait pour s’adresser à un public large et non spécialiste. La nouveauté de ce concept représente un risque : celui que qu’une frange du public puisse considérer tout ce qui relève du secteur privé comme illégitime pour parler d’humanitaire. Il est certain que cette voix s’exprimera. Mais l’essor de l’économie sociale et solidaire affirme la tendance à décloisonner les catégories : une entreprise peut exister sans avoir le profit comme but, une ONG peut travailler en ayant à l’esprit des objectifs de rentabilité. C’est l’une des nombreuses évolutions en cours du monde de la solidarité internationale. En témoignent le micro-crédit, les projets d’appui aux petits entrepreneurs privés, et même la création directe de structures de service ou de commerce dans un but d’aide au développement. Tout cela représente à la fois la justification de l’existence de « Là-Bas », et la source d’inspiration des nombreux sujets qui feront le magazine. ❙ Bruno Le Bansais (X, Gref 06) Directeur de Là-Bas magazine * On saluera d’ailleurs les démarches entreprises par MSF à travers CRASH et le CICR avec leur blog « L’humanitaire dans tous ses États ». En termes de magazine, l’exemple le plus abouti est sans doute Altermondes, magazine édité par le CRID, Oxfam France, peuples solidaires et Ritimo. Objet collectif donc, mais pas indépendant. Et sur internet sont proposés Grotius.fr et Youphil.com. La recette d’un magazine grand public « Là-Bas », c’est une équipe de 4 personnes : Bruno Le Bansais (X-ENGREF, Directeur de la Publication), Carol Galand (journaliste, Rédactrice en chef), Arnaud Legrand (Agro-ENGREF-CDI, Directeur de la Photographie), Anne-Lise Leibiuski (journaliste, Attachée de Presse). Les articles sont rédigés des collaborateurs réguliers, pour la plupart journalistes ayant déjà connu le monde de la solidarité et s’exprimant habituellement dans la presse d’information générale. Financé principalement par ses ventes en kiosque et ses abonnements, « Là-Bas » propose également des espaces aux annonceurs qui souhaitent soutenir la presse indépendante et solidaire, mais aussi aux organismes souhaitant annoncer leurs évènements publics auprès d’un lectorat qualifié. Chaque mois, « Là-Bas » est imprimé sur papier certifié FSC à 20 000 exemplaires et distribué dans 4 000 points de vente en France, Suisse et Belgique. Renseignements, points de vente et abonnements sur www.labas-mag.fr Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 99 TRIBUNES LIBRES : votre terrain d’expression Henri Cadillac Traitements de la vigne, une méthode originale Dans un vignoble du Médoc les traitements ont été menés en suivant les conseils d’un ancien directeur de recherches de l’INRA Jean-Louis Soyez. Il proposait l’emploi du PK2 avec certains fongicides, à des doses réduites. Les résultats obtenus après 15 ans de progrès présentent l’intérêt d’obtenir des vins contenant très peu de résidus des pesticides utilisés pour les traitements. Henri Cadillac Diminution des traitements années avant : le Fosétyl-Aluminium. Mais il avait aussi l’originalité de résorber la carence en potasse et à ce titre c’était aussi un engrais foliaire, qui était efficace à des doses beaucoup plus faible que par des apports au sol de sels potassiques. Le dernier Grenelle de l’environnement fait obligation de diviser par deux les quantités de pesticides utilisées en viticulture en 2018. Le problème est que les travaux de recherche menés depuis des décennies par l’INRA ne portaient pas sur les maladies de la vigne et les moyens de rendre les cépages plus résistants aux attaques des champignons : mildiou, oïdium, botrytis ou des insectes comme certains papillons (tordeuses) dont les larves se nourrissent des grains de la grappe. En résumé ce produit permet de mieux résister au mildiou et de résorber une carence avant qu’elle ne se manifeste. C’était un résultat encourageant et une invitation à prévenir les carences au lieu d’attendre quelles se manifestent, en faisant faire des analyses foliaires par des laboratoires spécialisés. Ils vous proposent 6 analyses en cours de campagne espacées d’une semaine, et situent la teneur en éléments, et en oligo-éléments de la sève. Cela rappelle les analyses de sang qui sont devenues pour les humains d’un usage courant. Le PK2 devait s’utiliser contre le mildiou avec des fongicides de contact tels le folpel ou le mancozèbe en divisant les doses d’emploi par 2 ou 3. A ce titre il apparaissait comme un Stimulateur des Défenses Naturelles (SDN) semblablement à un autre produit lancé quelques Les faibles quantités de pesticide accompagnant l’usage du PK2 et le maintien d’une bonne santé de la vigne par prévention des carences devaient avoir pour conséquence la réduction des teneurs en pesticides du vin, d’autant plus que les fongicides anti-mildiou précités se métabolisent et disparaissent en 2 semaines après application. 100 Cette méthode a permis d’obtenir de bons résultats en un peu plus d’une décennie. Pour lutter contre l’oïdium autre maladie redoutable après le mildiou, l’usage du soufre est de rigueur. Résultats Le laboratoire Inter-Rhône situé à Orange fait depuis peu des analyses de résidus de pesticides dans le vin avec une précision du millième de milligramme par Kg. Les Pesticides Norme LMR μg/Kg Analyse Résultats μg/Kg (1) Résultats % LMR (1) Analyse Résultats μg/Kg (2) Résultats % LMR (2) Analyse Résultats μg/Kg (3) Résultats % LMR (3) 0,08 Fongicides Mildiou Cuivre 50 000 60 0,12 80 0,16 40 3 000 18,6 0,62 17,8 0,59 inf à 5 0 Fenamidone 500 ND 0 ND 0 ND 0 Iprovalicarbe Dimetomorphe 2000 1,9 0,10 1,9 0,10 ND 0 Benalaxyl 200 ND 0 ND 0 ND 0 Benalaxyl-M (Kiralaxyl) 200 ND 0 ND 0 ND 0 10 ND 0 ND 0 ND 0 1 000 ND 0 ND 0 ND 0 Metalaxyl M (Mefenoxam) 1 000 ND 0 ND 0 ND 0 Pyraclostrobine 2000 ND 0 ND 0 ND 0 Azoxystrobine 2000 ND 0 ND 0 ND 0 Oxadixyl Metalaxyl Oïdium Spiroxamine 1 000 ND 0 ND 0 ND 0 Cyproconazole 200 ND 0 ND 0 ND 0 Fenbuconazole 1 000 ND 0 ND 0 ND 0 200 ND 0 ND 0 ND 0 Metrafenone 500 ND 0 ND 0 ND 0 Penconazole 200 ND 0 ND 0 ND 0 Quinoxyfene 1 000 ND 0 ND 0 ND 0 Myclobutanil 1 000 ND 0 ND 0 ND 0 Kresoxym Methyl 1 000 ND 0 ND 0 ND 0 Tetraconazole 500 ND 0 ND 0 ND 0 Tebuconazole 2000 ND 0 ND 0 ND 0 Flusilazole Botrytis Iprodione 10 000 ND 0 ND 0 ND 0 Pyrimethanil 5 000 ND 0 ND 0 ND 0 Mepanipyrim 3 000 ND 0 ND 0 ND 0 Fenhexamid 5 000 Inf à 1 0 1,3 0,03 ND 0 Fludioxonil 4 000 ND 0 ND 0 ND 0 Cyprodinil 5 000 inf à 5 0 inf à 5 0 inf à 5 0 Boscalid 5 000 ND 0 ND 0 ND 0 Diethofencarbe 1 000 ND 0 ND 0 ND 0 500 ND 0 ND 0 ND 0 Tebufenozide 3 000 ND 0 ND 0 ND 0 Tebufenpyrad 500 ND 0 ND 0 ND 0 Chlorpyriphos-Ethyl 500 ND 0 ND 0 ND 0 Spinozad 500 ND 0 ND 0 ND 0 Carbendazime+Benomyl Insecticides Tordeuses LMR : Limite Maximum Résidus — ND : Non Détecté — μg/Kg : Micro-grammes/Kg (1) Ch. T., 2008 — (2) Ch. T. de B., 2008 — (3) Ch. T. de B. 2009 eaux de sources doivent répondre à de telles normes. En ce qui concerne le vin les normes de l’UE sont établies en milligrammes par Kg, et elles sont pondérales car lorsqu’elles n’existent pas pour le vin on se réfère aux normes des raisins de table. Ces normes sont les Limites Maximum de Résidus (LMR). Les analyses de cuivre sont les teneurs naturelles dans la plante, et ne résultent pas d’apports par les traitements. Ci-joint les résultats d’analyse de vin des millésimes 2008 et 2009. Les résidus se situent à moins de 1 % de la LMR. Conclusion L’usage du PK2 et les analyses foliaires donnent des résultats très encourageants. Il ne faut plus traiter la vigne sans se soucier de sa santé, les analyses foliaires devraient être pratiquées constamment. Et les attaques de botrytis ne sont plus un problème. Symbiose – le magazine d’AgroParisTech Alumni – NO 4 – Mai 2012 ❙ Henri Cadillac (P 60), pédologue de l’Agro de Paris-P 60 12, route de Hontane – 33 340 Ordonnac [email protected] Ancien PDG de SA Vignobles Cadillac-Château Taffard de Blaignan 101 LU, VU, ENTENDU Lu, Vu, Entendu ENVOYEZ-NOUS VOS ARTICLES Symbiose est avant tout votre revue. Chaque ancien d’AgroParisTech a une expertise, un parcours, un savoir à partager avec ce nouveau réseau, né avec AgroParisTech Alumni. Nous vous invitons à nous écrire si vous souhaitez que nous traitions un sujet dans ces pages, ou encore mieux, si vous souhaitez écrire vous-même ! Voici quelques règles pour la soumission des articles : LU Et si l’agriculture sauvait l’Afrique ? Alors que l’Afrique, avec les événements actuels au Mali, fait encore tristement la Une de l’actualité, le livre d’Hervé Bichat (P 57, IGREF) est un appel à une réflexion pragmatique pour l’essor de ce continent plein de richesses. Hervé Bichat a souhaité témoigner, d’abord parce que la crise qui touche le continent noir a suscité bien des critiques sur la capacité des Africains à accéder à une société industrielle évoluée. Ensuite, parce que la pensée économique dominante d’aujourd’hui est incapable de prendre en compte les ressorts profonds de l’agriculture africaine. Or l’histoire démontre que, sans une agriculture dynamique, il n’y a pas de développement. Les articles (texte, tableaux et figures compris) doivent être adressés par courrier électronique à la rédaction de Symbiose à l’adresse suivante : [email protected] Merci de joindre en pièces attachées : • un fichier pour le manuscrit complet (sans les figures) ; • un fichier par figure Et si l’agriculture sauvait l’Afrique ? Sauf accord de la rédaction, les manuscrits ne doivent pas dépasser 6 000 caractères (espaces compris). Hervé Bichat — 2012, Éditions Quæ — 160 pages — Collection Essais Ils comportent : Disponible au format numérique sur www.quae.com • Une page de titre donnant le titre de l’article, aussi court et précis que possible et sa traduction en anglais, les prénoms (en toutes lettres) et noms des auteurs, l’adresse de l’organisme si pertinent, le mail de l’auteur. VU Le site internet de l’OCHA, Observatoire CNIEL sur les Habitudes Alimentaires L’Observatoire mis en place par le Centre National Interprofessionnel de l’Economie Laitère est une mine d’informations scientifiques sur les habitudes alimentaires. Une fois n’est pas coutume, les sciences sociales sont particulièrement valorisées par l’OCHA, avec des colloques réguliers sur des thématiques telles que le plaisir dans l’alimentation, les discours et représentation de la gastronomie, le patrimoine fromager français, les alimentations particulières… Dont les actes, et bien d’autres documents d’intérêt, sont téléchargeables sur le site internet. A visiter ! www.lemangeur-ocha.com ENTENDU Émission « Planète des Hommes », France 5 Planète des Hommes réunit quatre-vingts histoires fascinantes, pour beaucoup jamais diffusées à la télévision. Chaque épisode explore un environnement particulièrement hostile et nous révèle comment ses habitants ont trouvé des solutions pour y survivre. En fin de parcours, nous visitons la jungle urbaine, où nous vivons presque tous maintenant, et découvrons pourquoi ici, aussi, le lien entre l’Homme et la nature prime sur tout le reste. Les émissions sont diffusées sur la chaîne et également disponibles sur le site internet : www.france5.fr/planete-des-hommes/ 102 • Une introduction, permettant au lecteur, même non spécialiste, de connaître l’orientation et l’étendue de l’article. • Un résumé en anglais de 200 caractères au maximum (espaces compris), qui doit être une véritable synthèse de l’article. Tout article adressé à la revue est soumis à relecture par le Comité de rédaction qui peut décider de publier ou non l’article. Il peut également être demandé des précisions aux auteurs. Nous espérons recevoir prochainement de nombreuses propositions de contribution. Si vous souhaitez en discuter avec nous, surtout n’hésitez pas à nous joindre via l’adresse email de la revue. A venir : dans nos prochains numéros, vous trouverez également les carnets, rencontres et mutations professionnelles de nos camarades. Veuvage, orphelinage, handicap, dépendance Recherche Rendez-vous sur www.ocirp.fr Go Les garanties OCIRP sont diffusées par les organismes de prévoyance membres des groupes de protection sociale AG2R LA MONDIALE - AGRICA - APICIL - AUDIENS - D&O - HUMANIS - IRCEM - LOURMEL - MALAKOFF MÉDÉRIC - MORNAY - RÉUNICA, les organismes de prévoyance ANIPS - APGIS - CAPSSA - CIPREV - CREPA - IPECA PRÉVOYANCE - UNIPRÉVOYANCE, et les partenaires UNPMF - UNMI - IDENTITÉS MUTUELLES - PREVAAL. (Liste au 31 janvier 2012) 9pk_\nXp:i\XZfd Face aux risques de la vie, le rôle de l’OCIRP est d’unir des organismes de prévoyance afin d’offrir des garanties complémentaires aux salariés dans le cadre d’un contrat collectif. L’OCIRP, organisme paritaire géré par les représentants des salariés et des employeurs, assure près de 5,4 millions de salariés et 1,2 million d’entreprises. - Crédit photo : © Olivier.Roller Et si nous parlions d’avenir ? Des garanties qui assurent l’avenir ?