Deezer.com, son modèle économique

publicité
2009
Deezer.com, son modèle
économique
Guillaume Ansel
ULCO
12/11/2009
Guillaume ANSEL
M2 ISIDIS - Economie
Deezer, son modèle économique
Table des matières
De l’histoire d’un marché en pleine mutation ............................................................................ 3
Deezer : La musique, à la française ............................................................................................ 5
La fiche technique .................................................................................................................. 5
Une naissance perturbée ......................................................................................................... 5
Le « Qu’est ce que c’est ? » ................................................................................................... 6
Le succès pour Deezer ............................................................................................................ 8
Deezer : Son modèle économique .............................................................................................. 9
L’importance de la publicité................................................................................................... 9
La publicité visuelle, un impact fort ..................................................................................... 10
Baisse des investissements publicitaires .............................................................................. 11
Un marché frileux menant à une évolution du modèle ........................................................ 12
Du contenu « premium », une source de revenu stable ........................................................ 13
L’affiliation comme source de revenu annexe ..................................................................... 13
Deezer : la passerelle entre artistes et internautes ? ................................................................. 14
Un accord avec la SACEM .................................................................................................. 14
Les maisons de disque ne sont pas oubliées ......................................................................... 15
La crise musicale, la faute à qui ? ........................................................................................ 15
Un retour vers l’artiste .......................................................................................................... 15
Conclusion ................................................................................................................................ 16
Bibliographie ............................................................................................................................ 17
Glossaire ................................................................................................................................... 18
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Deezer, son modèle économique
De l’histoire d’un marché en pleine mutation
Tout le monde écoute de la musique, elle fait partie de notre vie depuis des centaines
d’années. De ses formes les plus anciennes datant de la genèse des civilisations, à la musique
contemporaine devenue un produit de consommation courant. Pendant longtemps sa
distribution était simple. Les gens avaient le choix entre la radio, ou acquérir un support
physique (disque vinyle) contenant un album complet du groupe de son choix. Le piratage
était, au pire des cas, négligeable devant les ventes d’albums. L’arrivée de la cassette audio a
vu apparaitre un début de culture liée au piratage, la « culture cassette » inspirée d’un
mouvement anglo-saxon nommé « Do it yourself ». Cette idéologie a pu se développer grâce
aux moyens technologiques disponibles sur le marché, permettant de copier simplement
une casette audio, ou de créer sa propre compilation à partir de plusieurs cassettes. Bien
que ce mouvement ait été critiqué en raison du risque de nuire au marché musical, les
limitations techniques de ce procédé (dégradation de la qualité du support à chaque
enregistrement) ont limité les répercussions sur le marché musical très florissant,
notamment grâce à l’arrivée des baladeurs, comme le « Walkman » de Sony (inventeur du
concept). Cette époque où la musique était encore analogique ne souffrait alors que peu du
piratage, les vinyles et les cassettes étant alors le moyen le plus populaire d’écouter de la
musique à domicile.
L’arrivée du CD comme remplaçant à la fois du vinyle et de la cassette grâce à sa
qualité audio supérieure aura été la première étape vers la transformation du marché
musical. La musique se numérise, et l’introduction de l’ordinateur (avec son graveur de CD)
dans les foyers entraine une réelle augmentation du piratage du disque, sans les
inconvénients que l’on rencontrait avec la cassette qui se détériorait. De plus le procédé est
facilité par les logiciels disponible sur ordinateur, et très bon marché (un CD ne coutant
qu’une dizaine de centime, soit bien inférieur au prix d’une cassette vierge).
Le piratage a ensuite était grandement accentué par la popularité d’Internet, et
surtout du haut débit (ADSL) depuis les années 2000 ainsi que les innovations dans le
domaine de la compression audio (format MP3) permettant de réduire fortement le volume
de données à transférer sur Internet. Cette popularité a permis aux réseaux d’échange de
fichiers (P2P) de se s’étendre extrêmement rapidement jusqu’à représenter plus de la moitié
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des échanges sur Internet (73.79% du trafic en Allemagne en 2007 provient du P2P selon un
rapport d’ipoque.com).
Alors même que les ventes de disques baissent de manière significative, une nouvelle
innovation va probablement sonner le glas du support physique : les baladeurs MP3, et
notamment l’iPod de la société Apple. Ces lecteurs audio n’utilisent pas de CD, mais une
mémoire interne permettant de stocker plusieurs heures de musique au format MP3. Bon
marché et très simple d’utilisation, ces baladeurs ont connu un succès fulgurant (228
millions d’iPod vendu en Septembre 2009). Cette innovation, faisant appel à du contenu
dématérialisé, rend l’utilisation du CD pratiquement obsolète. Les gens utilisant dorénavant
leur ordinateur pour gérer leur bibliothèque musicale, l’utilisation des fichiers audio est
devenue la norme.
Mais dans un secteur ou le piratage représente un manque à gagner de plus en plus
grand pour les industriels du secteur, de plus en plus de mesures répressives ou palliatives
sont mise en place. Ainsi plusieurs plateformes de P2P ont pu être stoppées (Napster,
Kaazaa, etc.), mais d’autres font leur apparition, profitant d’innovations rendant leur
neutralisation plus difficile (réseaux décentralisés). Cependant, on assiste aujourd’hui à
l’émergence de plusieurs solutions alternative au P2P et respectant les lois en vigueur, ces
solutions sont basées sur le streaming de données et prennent aujourd’hui de plus en plus
d’importance, réduisant fortement l’usage du P2P.
Un site français fait figure de leader en Europe dans le secteur du streaming audio.
Deezer.com est le n°1 avec près de 10 millions d’utilisateurs. Ce site est le premier à avoir
proposé une plateforme légale d’écoute de musique gratuite et illimité sur Internet, en
signant des accords avec la SACEM et les différents distributeurs de musique (majors, labels
indépendants, etc.).
Dans ce rapport, nous allons commencer par présenter Deezer, ce que c’est et
comment ça fonctionne avant, dans un deuxième temps, d’entamer une analyse du modèle
économique qui soutient la société, ses limites, et ses avantages pour les professionnels du
secteur.
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Deezer : La musique, à la française
La fiche technique
Deezer est une marque française représentée essentiellement par son site Internet
www.deezer.com. Ce site est édité par la société Blogmusik SAS1, fondée le 13 Avril 2007
par Jonathan Benassaya et Daniel Marhely. Le siège social de la société est situé à Paris, 21
rue de Clery et est identifiée par son numéro SIRET : 49524630800011. Le président de la
société est la personne morale Osyssey Music Group2 représentée par J. Benassaya, D.
Marhely assurant le rôle de Directeur Général non administrateur.
Le domaine d’activité du site Deezer est d’être un jukebox d’écoute de musique en
ligne de manière gratuite et illimité, fonction assurée par un effectif de 46 personnes.
Pour développer ses activités, Deezer a lancé deux levées de fonds auprès de
banques ou de capitaux privés, ce qui a permis à la société de récolter plus de 12M d’euros
depuis sa création. Actuellement, le site Deezer.com génère un chiffre d’affaire de 6M
d’euros (données 2009).
Une naissance perturbée
Deezer n’est pas le premier site de la société Blogmusik. Une première version de la
plate-forme avait été lancée début 2007 (www.blogmusik.net). Ce site, bien que déjà très
proche de ce qu’est Deezer aujourd’hui souffrait d’un problème de légalité. En effet, le site
n’avait pas l’autorisation de la SACEM3 et des éditeurs pour distribuer la musique en ligne.
Sous la pression de la SACEM et bien qu’aucune action en justice n’ait été entreprise
(Jonathan, 2008), les créateurs du site décident de fermer celui-ci, le temps pour eux de
retravailler leur modèle économique. Ils décident alors de se rapprocher de la SACEM afin
d’obtenir les autorisations légales pour diffuser de la musique en ligne en contrepartie d’un
versement d’une partie des revenus publicitaires du site. Le 22 Aout 2007, Blogmusik revient
mais change de nom pour s’appeler Deezer. Possédant maintenant les dispositions légales
permettant de lancer son activité, Deezer a ensuite passé de nombreux accords avec les
distributeurs internationaux de musique. Des plus grands comme Universal, Sony Music ou
1
Société par Actions Simplifiée
http://www.societe.com/societe/blogmusik-495246308.html
3
Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique
2
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Warner, aux labels indépendants comme Naïve, 4AD, etc. Au total, ce sont 27 accords
d’utilisation du contenu musical des éditeurs qui ont permis à Deezer d’obtenir un catalogue
de musique de plus 4.5M de titres (Deezermedia, 2009).
Le « Qu’est ce que c’est ? »
L’activité de Deezer consiste en la diffusion de musique à la demande sur internet
(analogie avec le jukebox). Cette diffusion
est légale, gratuite et illimité pour les
internautes grâce aux accords obtenus par
Deezer auprès des ayants-droit.
Cette activité est rendue possible
grâce à
l’utilisation du
www.deezer.com
site
internet
exploitant
les
technologies du streaming audio. Lorsque
l’internaute se rend sur le site, il dispose de
plusieurs
Figure 1: page d'accueil de Deezer (supérieur)
possibilités.
Une
barre
de
recherche permet de rechercher un titre,
artiste ou album sur tout le site afin d’écouter à la demande de la musique. Dans une
interview, Benassaya fait l’analogie avec Google. On recherche quelque chose, et on trouve
ce que l’on veut en quelques clics. L’utilisation est simple et rapide. L’internaute a également
la possibilité de découvrir la sélection d’artistes ou d’évènements mis en avant par Deezer
via un module appelé la « visionneuse ». Six onglets présentent alors de nouveaux albums
disponibles, des évènements important
voire de la publicité ou des campagnes
d’avertissement
du
gouvernement
(récemment a été diffusée une campagne
contre la canabis). Une troisième option est
disponible sur le site pour écouter de la
musique via le concept des Webradios. Ces
radios thématiques diffusent du contenu
présélectionné par les équipes du site en
Figure 2: page d'accueil de Deezer (inférieur)
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continu, sans que l’utilisateur ait la possibilité d’intervenir (impossible de passer un titre).
Ces radios ont également été dérivé en « SmartRadio » qui sont assez similaire aux
Webradios, mais diffuse cette fois du contenu proche d’un artiste sélectionné. Enfin, la
dernière option présentée aux utilisateurs de Deezer est la possibilité de créer de partager
des playlists écoutable à volonté.
L’élément le plus important de l’interface de Deezer est le lecteur audio intégré au
site comprenant les fonctionnalités de lecture et les options. Ce lecteur est disponible sous
trois formes, une forme compacte en bandeau sur la page d’accueil, une disposition
classique lorsque l’on navigue dans les musiques du site, et enfin un lecteur en plein écran
qui peut-être utile en utilisation jukebox.
Figure 3: lecteur audio standard
Outre le site internet de Deezer, d’autres formes d’utilisation ont vu le jour
récemment. Une application de bureau disponible pour PC et Mac permet d’écouter tout le
contenu sans passer par l’interface Web. De plus, il est possible de créer et synchroniser ses
playlists afin de les écouter sans avoir besoin de connexion à internet. Une application pour
téléphone mobile apportant les mêmes fonctionnalités est disponible également sur les
iPhones, Blackberry et téléphones Android. Ces deux applications (bureau et mobile) sont
accessibles pour les membres disposant d’un compte premium.
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Le succès pour Deezer
Figure 4: audience Deezer.com
Le succès de Deezer est venu très rapidement. Profitant d’une conjoncture
économique propice (l’accès à de la musique gratuite peut-être vu comme un moyen
d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages) et du soutien d’Iliad (la maison mère du
fournisseur d’accès internet Free) lui assurant une large publicité auprès de ses abonnés,
l’audience de Deezer a rapidement atteint et dépassé le million d’utilisateurs. L’audience
aujourd’hui atteint environ 4.6M d’utilisateurs unique chaque mois en France, sur un total
de 11M de membres inscrits, français pour les deux-tiers. Les utilisateurs de Deezer, à 53%
des hommes et 47% de femmes, sont en majorité des adultes (tranche d’âge de 35 a 49 ans),
suivi par les jeunes adultes (25-34 ans), puis les 50 ans + avec 19%. Ceci montre que le succès
de Deezer n’est pas limité à un seul secteur de la population, mais touche tous les âges et
toutes les classes sociales (Deezermedia, 2009).
Mais le succès de Deezer est également un succès marketing. Avec 99% de l’audience
qui passe par la page d’accueil du site, les espaces publicitaires disponibles sur le site
permettent aux annonceurs de réaliser des campagnes qui seront vues par plusieurs millions
d’internautes ce qui est un atout majeur pour la rentabilisation du site. En effet, la majeure
partie des revenus du site proviennent directement de la publicité visible sur celui-ci.
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Deezer : Son modèle économique
Le modèle économique de Deezer s’appuie principalement sur les revenus
publicitaires (99% des revenus publicitaires sont issues de la publicité en 2007 (Jonathan,
2008)). Ce mode de financement a été principalement mis en place par J. Benassaya, grâce à
son expérience dans ce domaine lorsqu’il dirigeait la société « Connect’In » spécialisée dans
la vente d’espace publicitaire dans les jeux vidéos. Fort de cette expérience et de ses
contacts dans le milieu, un modèle économique viable pouvait être mis en place.
L’importance de la publicité
Le succès du site attire les annonceurs publicitaires. Grâce aux 10 millions de
membres inscrits, et au million de visites unique quotidienne, le potentiel financier de la
publicité est important. A la fois pour la société éditrice de Deezer, car l’arrivée
d’annonceurs potentiellement important (Apple, Peugeot, etc.) promet l’arrivée de revenus
substantiels, mais aussi pour les annonceurs qui, grâce à la certitude que leur publicité sera
vu par plusieurs millions d’internautes pendant la campagne, peut calculer son retour sur
investissement.
L’un critère important lorsqu’un annonceur souhaite diffuser ses offres sur un site,
c’est la visibilité de l’annonce. Pour optimiser son potentiel, les concepteurs de Deezer ont
conçu l’interface du site autour de sa page d’accueil. Grâce à cette page fortement
fonctionnelle, 99% des visiteurs du site utilisent la page d’accueil, et donc, sont des cibles
pour la publicité. Les alternatives à la page d’accueil sont l’utilisation d’un moteur de
recherche annexe (Google, etc.) ou l’utilisation des « favoris » (marque page). Mais ces
comportements sont minoritaires sur le site.
Pour favoriser l’exploitation de la page d’accueil, l’habillage de celle-ci est modulable,
permettant d’insérer facilement (par les équipes de Deezer) les campagnes de publicités des
annonceurs, sous différentes formes (bannières, encarts, habillage complet, etc.).
Cependant, la publicité visuelle n’est pas le seul media disponible sur Deezer, depuis
Novembre 2009, la publicité audio a également fait son apparition afin de cibler également
les utilisateurs non impacté par la publicité visuelle (utilisation de favoris évitant la page
d’accueil, bloqueur de publicité AdBlock).
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La publicité visuelle, un impact fort
La publicité visuelle est le média numéro 1 pour le financement de Deezer. La
majorité des campagnes publicitaires y ont recours, et c’est la méthode la plus reconnue sur
Internet. Deezer a donc toujours fondé son modèle économique sur l’exploitation des
espaces publicitaires mis à disposition des annonceurs. L’exploitation de ces espaces doit
répondre à des normes techniques imposées par la nature du site comme la taille et le poids
des images (Deezermedia, 2009).
Les tarifs des différents espaces
publicitaires sont négociés en fonction de
leur impact visuel sur l’internaute. Un
espace de haut de page sera plus visible
qu’un encart en bas de page, et donc facturé
plus cher. Ainsi, l’espace le plus cher est la
« giga-bannière » se trouvant en haut de
page, entre la barre de recherche et la
visionneuse, et est facturé 120 000€ par
jour de campagne à l’annonceur. Un
nouvel habillage du site constitué d’un
fond d’écran visible à l’arrière plan de
Deezer est facturé 100 000€ par jour. Le
lecteur audio du site peut également être
personnalisé, pour un cout de 312 000€
la semaine.
Ainsi, on peut voir que les coûts
publicitaires pour les annonceurs sont élevés, ce qui oriente les campagnes vers des
compagnies ou des produits très grand public, susceptible de toucher la large audience du
site. Avec un million de visite unique par jour, le potentiel marketing est très important.
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Figure 5: Tarifs des espaces publicitaires visuels (Deezermedia, 2009)
Baisse des investissements publicitaires
Bien que les investissements publicitaires sur Internet restent croissant, on remarque
que sur le premier semestre 2009, l’évolution a été nettement moins forte que les années
précédentes (+8.1% en 2009 alors que l’on était à +38.1% en 2008 et +40.1% en 2007
(Interactive
Advertising
Bureau,
2009)).
Cependant,
à
l’échelle
plurimedia,
les
investissements ont baissé de 3.2% en ce début d’année. La plupart des supports
publicitaires ont vu une baisse de leurs investissements (télévision, presse, cinéma, autre)
tandis que sur Internet et à la radio, les investissements ont augmenté (légèrement comparé
aux années précédentes, mais ça reste notable).
Internet est devenu en quelques années le 3ème support publicitaire pour les
annonceurs. Les investissements sont monté à 3720M€ en 2007 (1920M€ pour le 1 er
semestre de 2009, ce qui laisse présager un bon résultat annuel). La part de marché
d’Internet dans les investissements publicitaires est passée de 2.3% en 2003 à 15% en 2008
(Interactive Advertising Bureau, 2008).
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Le nombre d’annonceurs a augmenté chaque année jusqu’en 2008 pour se replier en
2009 de 1.5% mais cette baisse reste la plus faible comparé aux autres médias (-11.8%
d’annonceurs sur la presse, -10.6% au cinéma). On remarque que le marché publicitaire sur
Internet permet aux annonceurs de promouvoir leur campagne de manière sûre, pour un
coût relativement plus faible qu’une campagne télévisuelle. Ainsi on remarque que dans de
nombreux secteurs, les investissements plurimedias ont diminué, mais la part ce ceux
destiné à Internet a augmenté (Interactive Advertising Bureau, 2009).
Figure 6: Investissements publicitaires en millions d’euros des 10 secteurs leaders sur Internet
Un marché frileux menant à une évolution du modèle
Bien que les investissements sur Internet restent positifs, on constate une certaine
frilosité du marché global de la publicité. Cela a peut-être décidé la société Deezer à
accélérer la place d’un média supplémentaire de publicité, via l’insertion de séquences audio
entre les morceaux écoutés par les internautes, à raison d’une séquence toute les 15
minutes, après une première période sans publicité de 3 minutes (soit un morceau de
musique). Ce principe, existant déjà chez le concurrent Spotify permet de cibler par un
nouveau moyen de communication, des visiteurs n’étant pas réceptifs aux campagnes de
publicité visuelle car utilisant un bloqueur de publicité, ou utilise leurs marque-pages pour
éviter la page d’accueil de Deezer.
Ce système étant mis en place depuis peu de temps (Novembre 2009), aucune
information concernant le surplus financier que cela apporte ne peut être dégagée pour le
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moment. De plus, les informations commerciales de Deezer ne communiquent pas encore
publiquement les tarifs d’une campagne de publicité audio.
Mais à l’utilisation, on pourra remarquer que la fréquence d’une séquence audio
toute les 15 minutes n’est pas tenue, on pourra alors supposer une trop faible participation
des annonceurs pour fournir à Deezer suffisamment de contenu à présenter aux
internautes ?
Du contenu « premium », une source de revenu stable
En même temps que l’arrivée de la publicité audio, Deezer a mis en place l’accès aux
compte « premium ». Ce service payant donne accès à des fonctionnalités supplémentaires, du
contenu de meilleure qualité et la suppression des espaces publicitaires pour les membres
« premium ». Ce service, qui peut également être mis en parallèle avec l’offre du concurrent
Spotify (les services proposés étant les mêmes) se divise en deux offres. La première « Deezer
HQ » permet aux membres souscrivant à celle-ci de s’affranchir de la publicité du site, et
d’accéder au contenu musical en haute qualité, les titres étant ré-encodés avec un débit allant
jusqu’à 320kb/s (contre 128kb/s pour le contenu gratuit). Cette offre, facturée 4.99€/mois ne
permet toutefois pas l’accès à tout le contenu proposé sur téléphone portable. Une deuxième
offre existe donc, baptisée « Deezer Premium » propose pour un abonnement mensuel de
9.99€/mois tous les avantages de Deezer HQ, en y ajoutant l’accès à un logiciel de bureau
permettant l’accès au contenu musical, ainsi qu’une application pour téléphone portable (de
type smartphone) permettant un accès mobile à l’intégralité du répertoire musical du site (là
où l’offre mobile gratuite se limite aux radios).
Les objectifs annoncés par Benassaya sont d’un engagement de 0.1% de la base
d’utilisateurs actuel en compte Deezer Premium (ce qui représenterait 10 000 membres
rapportant près de 100 000€ chaque mois à la société).
Ce mode de rémunération offre l’avantage d’amener à la société une rémunération
stable sur laquelle elle peut bâtir ses futurs investissements grâce à une base d’utilisateur
qu’elle doit fidéliser, et de nouveaux membres à convertir.
L’affiliation comme source de revenu annexe
Avec la version 3 de Deezer, un partenariat avec Apple a été mis en place. Celui-ci
consiste en la création de lien entre les musiques disponible en écoute gratuite sur Deezer, et
leur achat grâce la plate-forme iTunes. Mis en place en Juillet 2008, ce système a permis a
Deezer de devenir le 1er affilié d’iTunes en France (en nombre de chanson vendue grâce à
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l’affiliation), et le 7ème au niveau européen. Ce partenariat permet à Deezer de toucher 4% de
la vente réalisée, ce qui représente environ 0.035€ par titre vendu (à 0.99€ le titre assujetti à
une TVA de 15%, iTunes étant basé au Luxembourg pour l’Europe) (Champeau, 2009).
Mais ni Apple, ni Deezer ne communique sur les quantités réelles de ventes réalisées
par ce type d’affiliation, ce qui ne permet pas de percevoir ce type de rémunération comme
une source de revenu principale pour Deezer, mais comme un moyen de réaliser un certain
profit de manière automatique, sans surcoût pour la société. Benassaya explique ainsi dans
une interview accordée à e24.fr que l’affiliation avec iTunes ne rapporterait à Deezer que 4 à
5% de son chiffre d’affaire.
Deezer : la passerelle entre artistes et internautes ?
Comme nous l’avons vu au début de cette étude, le piratage a fragilisé les relations
entre les artistes (ou maison de disques), et les internautes. Le piratage a rendu les
professionnels réfractaires à une entrée sur Internet, retardant ainsi l’émergence des
plateformes légales, au profit du téléchargement illégal. Deezer promet une réponse légale et
profitable pour les utilisateurs (musique gratuite et illimité), mais aussi pour les artistes et
professionnels, en rémunérant ceux-ci à partir des revenus publicitaires générés sur le site.
Un accord avec la SACEM
Lors de la fermeture du site www.blogmusik.net suite aux pressions de la SACEM, les
fondateurs de Deezer ont définit des accords avec celle-ci pour obtenir le droit de mettre à
disposition gratuitement la musique, tout en rémunérant les ayants-droit. Cet accord se base
sur la définition de Deezer comme étant une plateforme de « Musique à la demande » soumis
à une taxation à hauteur de 8% de ses revenus publicitaires, ce qui est supérieur aux taxes
imposées aux radios classiques, qui sont de 5%. La somme reversée à la SACEM pour
l’écoute d’un titre sur Deezer est donc de 0.07 centime (soit 0.0007€). Cette somme est faible,
mais à mettre en relation avec les sommes perçues par la SACEM sur la diffusion de musique
à la radio. Ainsi le site Zdnet s’est amusé à calculé les sommes versées par une radio comme
NRJ en 2007. Sur les 5 millions d’euros versé à la SACEM, la somme perçue pour un titre
serait de 0.013 centime (0.00013€), soit cinq fois inférieur à ce qui est reversé par Deezer
(Astor, 2009). Sur les 6 premiers mois d’exploitation de Deezer (2ème semestre 2007), celui-ci
n’aura cependant rapporté que 70000€ à la société des auteurs…
Cependant ce chiffre est à relativiser en raison de la différence d’audience qui existait
alors sur Deezer, débutant son exploitation avec quelques milliers de visite journalière, contre
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Deezer, son modèle économique
un million aujourd’hui. Il sera intéressant de mettre en lumière ces 70000€ avec une nouvelle
valeur, actualisée, lorsque Deezer ou la SACEM communiquera à nouveau sur le sujet.
Les maisons de disque ne sont pas oubliées
Les accords avec Deezer pour distribuer leur catalogue en ligne permettent également
aux maisons de disque de toucher une part substantielle des revenus publicitaires du site. En
effet, ce sont 60% de ces revenus qui sont redistribués aux majors, au prorata de leur part de
marché. Avec un chiffre d’affaire estimé à 6 millions d’euros en 2009, cela représente une
somme importante redistribuée aux maisons de disque. Pourtant les sommes reversées aux
artistes à partir de Deezer reste faible. La faute aux maisons de disque ayant la main trop
lourde sur leurs marges ?
La crise musicale, la faute à qui ?
Cette question peut-être légitimement posée. On a observé d’un coté, l’émergence de
nouveaux moyens techniques, très innovant, et faisant apparaitre des comportements
nouveaux où la musique (ainsi que de nombreux autres produits culturels) s’échangent
librement via Internet. Ce comportement s’est largement répandu parmi la société, au point de
devenir un comportement « acquis ». De l’autre coté, les distributeurs de musique se sont
accrochés à un modèle ne répondant plus aux exigences du public, qui souhaite plus de
contenu, de meilleure qualité, pour moins cher. Refusant de s’engager sur le marché
dématérialisé par peur de perdre la main sur la distribution de son contenu, les maisons de
disque ont ainsi stigmatisé un comportement qui, malgré tout, fait apparaitre des points
intéressants lorsque l’on regarde de plus près les chiffres de la SACEM.
Un retour vers l’artiste
Lorsque l’on s’intéresse aux chiffres de l’origine des revenus musicaux (SACEM,
2008) (SACEM, 2009), on remarque une augmentation notable des sommes perçues au titre
des manifestations culturelles (spectacles, concerts, etc.) approchant les 8% en 2 ans. A ce
titre, et suite à des sondages paraissant régulièrement sur le comportement des internautes, on
constate que beaucoup des personnes écoutant de la musique gratuitement (de manière légale
ou non), sont intéressées par les artistes, et achètent, ou envisagent l’achat de places de
concert. On peut dire que les gens aiment la musique et ne souhaite pas la mort de celle-ci,
mais qu’un nouveau modèle économique, où les majors ne seraient plus aussi importante dans
la distribution de la musique devrait voir le jour. Mais il est difficile d’imaginer que les
majors laissent tomber le marché ayant assuré leur richesse.
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Deezer, son modèle économique
Conclusion
Deezer est donc une solution légale aux désirs de la société qui souhaite pouvoir
profiter d’un maximum de musique, sans se ruiner. Pour cela, il met à disposition des
internautes un site, où sont disponible les catalogues de musique de la majorité des maisons
de disque (majors ou indépendants), regroupant ainsi 4.5M de titres.
En 2 ans, le site a ainsi rassemblé 10M de membres inscrits, avec un trafic quotidien
d’1 million de visites unique. Ce fort trafic a permis la mise en place d’un modèle
économique basé sur la publicité et assurant un fort taux d’audience aux annonceurs. La
légalité est ainsi assurée en reversant ces revenus publicitaires à la SACEM et aux maisons de
disque, à hauteur de respectivement 8% et 60%.
C’est ici que l’on pourra formuler une critique à l’encontre de Deezer, ou du modèle
économique animant le marché musical aujourd’hui, où les artistes ne sont pas au centre
des négociations. Ceux-ci ne perçoivent pas une part majoritaire des sommes reversées,
mais au contraire, des sommes presque négligeables (un titre pourtant au hit parade de
Deezer n’aura rapporté qu’à peine plus de 140€ à son auteur).
De ce fait, on a pu remarquer ces dernières années, un rapprochement des « clients »
vers les artistes qu’ils aiment, en assistant à une augmentation des ventes de tickets de
spectacles (environ 6% depuis 2 ans).
De nouveaux modèles économiques vont probablement devoir émerger afin de
permettre aux artistes de revenir au centre des négociations, et récupérer un pouvoir qu’ils
ont perdu au profit des majors. Ainsi, certains artistes ont déjà commencé certaines
expériences, comme le groupe Radiohead (suivi par Nine Inch Nails) où leurs albums sont
autoproduits et diffusé légalement sur leur site Internet. L’internaute pouvant alors choisir
(ou non) de reverser une somme à l’artiste.
Bien que ce genre de pratique ne puisse pas répondre à toutes les situations, il est
intéressant de constater qu’une prise de conscience se fait, et que le marché tend à évoluer.
On pourra alors se demander quelle doit-être la place des maisons de disque dans ce
nouveau marché, et si la migration vers un contenu entièrement dématérialisé peut
répondre aux attentes de la société.
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Guillaume ANSEL
M2 ISIDIS - Economie
Deezer, son modèle économique
Bibliographie
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Beky, Ariane. 2008. Musique en ligne légale : du téléchargement au streaming, d'iTunes à
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Champeau, Guillaume. 2008. Deezer est efficace pour lutter contre le piratage... et vendre.
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—. 2009. Deezer est le plus gros affilié d'iTunes en France... ce qui fait combien ?
Numerama. [En ligne] 11 Septembre 2009. http://www.numerama.com/magazine/13886deezer-est-le-plus-gros-affilie-d-itunes-en-france-ce-qui-fait-combien.html.
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ligne] 20 Juin 2008. http://www.numerama.com/magazine/10016-deezer-rapporteuniquement-70000-euros-a-la-sacem-en-six-mois.html.
Checola, Laurent. 2009. Trafic Internet : la part du peer-to-peer diminue. LeMonde. [En
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http://www.iabfrance.com/?go=edito&eid=370.
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http://www.iabfrance.com/?go=edito&eid=374.
—. 2009. Les recommandations 2009 de l'IAB France sur les formats publicitaires.
IABfrance. [En ligne] 2009. http://www.iabfrance.com/.
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Jonathan, Benassaya. 2008. Président Deezer. [interv.] Jérôme Boutelier. 13 Mars 2008.
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2009. http://observatoire.cite-musique.fr.
SACEM. 2008. Rapport d’activité 2007. 2008.
—. 2009. Rapport d’activité 2008. 2009.
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Guillaume ANSEL
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Deezer, son modèle économique
Glossaire

ADSL : type de connexion à Internet à haut débit popularisé dans les années 2000
dans les foyers français et permettant l’accès à un contenu plus riche sur Internet grâce
à la notion d’illimité associées à ces connexions.

Dématérialisation : la dématérialisation d’un contenu musical correspond à la
transformation d’un CD (par exemple) en un fichier numérique pouvant être stocké sur
un ordinateur (pour écouter directement) ou sur Internet (pour une écoute en
streaming) (voir Support Physique).

MP3 : le MP3 est un format de fichier audio où les données sont compressées pour
occuper moins de place sans (trop) dénaturer le support et ainsi favoriser les transferts
sur Internet.

P2P : système de partage de données sur Internet où les ordinateurs sont connectés les
uns avec les autres, permettant de partager une grande quantité de données.

Piratage : le piratage informatique consiste en la copie illégale, comme la copie d’un
CD de musique, ou le téléchargement de musique copiée illégalement.

Réseaux décentralisés : les réseaux décentralisés sont une évolution des technologies
P2P faisant généralement suite aux différentes lois anti-piratage mise en place dans les
pays et contournant les contraintes imposées par celle-ci.

SACEM : Société des auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique, elle collecte les
droits d’auteurs et reverse ceux-ci aux artistes.

Smartphone : téléphone portable permettant un accès à Internet

Streaming : technologie de lecture en continu de données numériques sur Internet en
direct, sans avoir besoin de télécharger les données au préalable.

Support Physique : au contraire du contenu dématérialisé, le support physique
correspond à la version physique des données comme le CD, le Vinyl, etc. (voir
Dématérialisation).

Walkman : innovation technologique lancée par la société Sony permettant d’écouter
ses cassettes audio de manière mobile grâce à un périphérique pouvant se transporter
facilement.
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