Mini-revue Sang Thrombose Vaisseaux 2010 ; 22, n° 6 : 302-10 Prise en charge de l’hyperhidrose primitive invalidante Pierre Mordant, Yves Castier, Jean-Michel Maury, Alexandre Karsenti, Nikolaos Paraskevas, Pierre Cerceau, Fadi Francis, Guy Lesèche Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Service de chirurgie vasculaire, thoracique et de transplantation pulmonaire, faculté Diderot, hôpital Bichat-Claude-Bernard, AP-HP, Paris-VII, Paris, France <[email protected]> Résumé. L’hyperhidrose primitive invalidante est définie par une hypersudation pathologique pouvant toucher les mains, les aisselles ou les pieds. L’hyperhidrose résulte d’une dérégulation du système nerveux sympathique qui régule l’activité de circulation capillaire et de sudation. De première intention, la prise en charge de l’hyperhidrose est basée sur des traitements locaux par les sels d’aluminium et sur des séances d’ionophorèse. En cas d’hyperhidrose axillaire, un traitement par toxine botulinique peut être tenté. En cas d’échec des traitements médicaux, les patients atteints d’hyperhidrose peuvent bénéficier d’une intervention chirurgicale visant à interrompre l’hyperactivité pathologique du système sympathique : la sympathectomie thoracique endoscopique. Ce traitement est efficace dans la très grande majorité des cas d’hyperhidrose primitive invalidante, au prix d’une hypersudation compensatrice fréquente, mais peu invalidante. Mots clés : hyperhidrose primitive, sympathectomie thoracique endoscopique Abstract Management of invalidating primary hyperhidrosis Hyperhidrosis is a medical condition characterized by excessive sweating, usually localized to specific parts of the body, such as the hands, feet and armpits. Hyperhidrosis results from dysregulation of the autonomous system with sympathetic hyperactivity. As a first step, the medical management of hyperhidrosis is based on aluminium chloride antiperspirants, iontophoresis, and botulinum toxin injections in case of axillary involvement. If medical treatment fails to control the disease and to improve patient’s quality of life, endoscopic thoracic sympathectomy can be performed. This surgical technique is associated with high satisfaction rates, despite frequent but benign compensatory sweating. Key words: primitive hyperhidrosis, endoscopic thoracic sympathectomy 302 L’ STV, vol. 22, n° 6, juin/août 2010 doi: 10.1684/stv.2010.0493 Correspondant : Y. Castier hyperhidrose primitive correspond à une production de sueur plus importante que ne le voudraient les besoins de la thermorégulation. En pratique, l’hyperhidrose peut être très invalidante, mais sa définition reste souvent subjective, et peut poser des problèmes diagnostiques. Cet article rappelle l’anatomie et la physiologie du système nerveux sympathique, décrit la prise en charge des patients atteints d’hyperhidrose primitive invalidante, en insistant sur les traitements médicaux et chirurgicaux disponibles, et leurs indications respectives. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Anatomie Le système orthosympathique, appelé sympathique dans la suite de cet article, est essentiellement d’origine médullaire, les centres siégeant au niveau de la moelle dorsale. La chaîne ganglionnaire latérovertébrale s’étend du cou jusqu’au coccyx. Cette chaîne ganglionnaire donne naissance à des branches efférentes qui rejoignent soit les nerfs rachidiens à chaque étage (rameaux communicants gris), soit les nerfs splanchniques qui se dirigent vers les plexus pré- ou intraviscéraux cervicaux, thoraciques, abdominaux, lombaires et pelviens. À l’étage thoracique, la chaîne ganglionnaire latérovertébrale se situe au sein des tissus cellulograisseux souspleuraux, en avant des articulations costotransversaires et des vaisseaux métamériques intercostaux. Elle est généralement visible à travers la plèvre pariétale, en arrière de la veine azygos à droite et de la veine hémiazygos à gauche. Le troisième ganglion cervical et le premier ganglion thoracique fusionnent pour former le ganglion stellaire, les deuxième et troisième ganglions thoraciques ne sont pas toujours parfaitement individualisables, et le troisième ganglion thoracique peut être fusionné avec le quatrième. Les ganglions de la chaîne thoracique haute ne sont pas toujours apparents. Il existe des fibres nerveuses aberrantes soit à récurrence cervicale, soit d’origine cervicale. À ces limites près, la main est classiquement sous la dépendance de T2 à T3, alors que l’aisselle dépend de T3 à T5. Physiopathologie Le système sympathique est composé d’un neurone préganglionnaire, dont le corps cellulaire est localisé dans la moelle épinière, et d’un neurone postganglionnaire, dont le corps cellulaire est localisé dans un ganglion, qui présente un long prolongement se terminant au niveau des organes. Le neuromédiateur des neurones préganglionnaires est l’acétylcholine. Les médiateurs des neurones postsynaptiques sont les catécholamines. Ainsi, l’action générale du système sympathique vise à préparer l’organisme à une situation de menace et d’action, en provoquant sudation, mydriase, tachycardie, hypertension artérielle, vasoconstriction périphérique, bronchodilatation, ralentissement du transit intestinal et relaxation vésicale. Aux membres supérieurs, la sudation isotonique assure la thermorégulation et l’hydratation cutanée à partir de la circulation capillaire au niveau des mains et des aisselles. L’hyperhidrose correspond à une production de sueur plus importante que ne le voudraient les besoins de la thermorégulation. L’hyperhidrose peut être primitive ou secondaire à certains états cliniques ou pathologiques spécifiques (ménopause, obésité, anxiété, hyperthyroïdie, phéochromocytome, tumeur carcinoïde). Ainsi, l’hypertonie sympathique serait responsable de l’hyperhidrose primitive. L’innervation sympathique palmaire est véhiculée par les racines T2 et T3, la racine T2 véhiculant l’innervation principale des glandes sudoripares de la main. L’innervation sympathique axillaire naît des racines T4 et T5. En l’absence de pathologie médicale associée, l’origine de cette hyperactivité sympathique reste inconnue. Si l’hyperhidrose primitive semble évoluer selon un mode sporadique, une transmission familiale autosomique dominante à pénétrance incomplète a été évoquée [1]. Des études génétiques situent un des locus incriminés entre 14q11,2 et q13, sans que ces données n’aient été confirmées à ce jour [2]. En pratique, des antécédents familiaux et des troubles psychologiques sont parfois retrouvés sans qu’un lien de cause à effet puisse être affirmé. L’excrétion de la sueur est pulsatile, de 0,3 à 12 excrétions par minute. Dans l’hyperhidrose, les glandes sudorales sont normales, mais leurs réponses aux stimuli sont excessives et la sudation peut être dix fois plus élevée que la moyenne, jusqu’à un litre par jour [3]. Épidémiologie La fréquence de l’hyperhidrose primitive est difficile à évaluer. En Amérique du Nord, l’hyperhidrose primitive touche entre 1,4 et 2,5 % de la population [4], dont près d’un tiers de formes invalidantes. Sa fréquence est particulièrement élevée en Asie : sa prévalence atteindrait 4,36 % dans une étude épidémiologique récemment menée auprès d’adolescents chinois. Dans cette population, la prévalence des formes invalidantes serait de 0,27 % [5]. Clinique Circonstances de découverte L’hyperhidrose primitive des membres supérieurs débute le plus souvent au cours de l’enfance ou de l’adolescence, et persiste toute la vie. La symptomatologie est symétrique, et affecte le plus souvent mains et aisselles (50 % des cas), puis les aisselles seules (30 %) et enfin les mains seules (20 %). L’hyperhidrose est fréquemment provoquée par STV, vol. 22, n° 6, juin/août 2010 303 un facteur émotionnel, plus rarement par la chaleur, un exercice physique ou l’alimentation. La transpiration est également augmentée à l’état basal et disparaît la nuit. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Retentissement psychologique et social 304 Cette transpiration extrême est gênante pour le patient et visible par son entourage, entraînant un handicap social important, allant de l’impossibilité de serrer des mains à la difficulté d’entretenir des relations amoureuses. Les symptômes débutent le plus souvent dans l’enfance et se majorent à l’adolescence. Les jeunes adultes deviennent timides et retirés. Le travail personnel à la maison, comme l’écriture à la main, devient difficile, car la sueur tache le papier et fait baver l’encre. L’hyperhidrose peut être associée à une phobie sociale, une érythrophobie ou un érythème pudique. Examen clinique La première étape d’évaluation de la transpiration excessive inclut un interrogatoire et un examen clinique complet. Le stress de la consultation favorise généralement les phénomènes de formation de gouttes de sueur. Les patients développent souvent des stratégies organisées pour s’essuyer les mains (mouchoirs à la main ou pantalon en coton absorbant). Dans les cas typiques d’hyperhidrose primitive, aucun examen complémentaire n’est requis. En cas de doute, des examens radiologiques et sanguins simples permettront d’éliminer une étiologie d’hyperhidrose secondaire. Une fois porté le diagnostic d’hyperhidrose primitive, une évaluation de la sévérité de la maladie et de son retentissement doit être menée. Prise en charge diagnostique atmosphère calme et tempérée, le gant est retiré et la matière absorbante est pesée à nouveau. La quantité de sueur produite correspond là encore à la différence des poids. La gravité de la maladie peut également être estimée par une échelle. L’échelle de sévérité de l’hyperhidrose (hyperhidrosis disease severity scale, [HDSS]) est une échelle spécifique établie pour mesurer la gravité de l’hyperhidrose selon ses conséquences quotidiennes et proposer un algorithme de traitement [6]. En pratique, le patient choisit la phrase qui reflète le mieux sa gêne parmi une liste de quatre phrases. Un score de 3 ou 4 indique une hyperhidrose sévère, alors qu’un score de 1 ou 2 indique une hyperhidrose légère à modérée (figure 1). Évaluation de l’étendue de l’hyperhidrose Le test au Lugol® (Minor’s starch-iodine test) est utilisé pour évaluer la surface cutanée concernée par l’hypersudation, sans donner d’indication sur sa gravité. Ce test commence par l’application d’une solution iodée (Lugol®) sur les surfaces suspectes, puis l’examinateur attend que la peau sèche et l’enduit de poudre amidonnée, le plus souvent de la fécule de pomme de terre. En cas d’hypersudation, un complexe amidon-iode-chlorure se forme, et la peau prend une teinte violet foncé. Ce test est utilisé pour estimer la surface à traiter, mais ne donne pas d’indication sur la sévérité de la maladie. Évaluation du retentissement sur la qualité de vie L’hyperhidrose primitive a un impact majeur sur la qualité de vie. L’échelle des perturbations liées à la maladie (illness intrusive rating scale, [IIRS]) est une échelle aspécifique qui mesure à quel point la maladie, son traitement ou la conjonction des deux interfèrent avec les activités quotidiennes dans 13 domaines jugés importants pour la qualité Évaluation de la gravité de l’hyperhidrose En théorie, la quantité de sueur produite, correspondant aux pertes insensibles en eau, peut être évaluée à l’aide d’un tewamètre ou d’un évaporimètre en appliquant sur la peau une sonde spécifique mesurant le flux de pression partielle de vapeur d’eau évaporée entre deux capteurs. Cependant, cette technique est lourde et réservée à la recherche. En pratique, seuls le test de gravimétrie et le test du gant sont pratiqués. La quantité de sueur axillaire peut être estimée par gravimétrie : après avoir enlevé les lipides de surface, une plaque absorbante est pesée avant et après application sur la peau. La quantité de sueur palmaire est estimée par le test du gant : une matière absorbante de poids connu est placée sur les paumes du patient, qui enfile ensuite un gant étanche. Après une attente d’une heure dans une Hyperhidrosis Disease Severity Scale My (underarm) sweating is never noticeable and never interferes with my daily activities My (underarm) sweating is tolerable but sometimes interferes with my daily activities My (underarm) sweating is barely tolerable and frequently interferes with my daily activities My (underarm) sweating is intolerable and always interferes with my daily activities Figure 1. Échelle de sévérité de l’hyperhidrose [6]. STV, vol. 22, n° 6, juin/août 2010 Score 1 Score 2 Score 3 Score 4 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. de vie [7]. Le questionnaire d’impact de l’hyperhidrose (hyperhidrosis impact questionnaire, [HHIQ]) est une échelle spécifique comprenant des items pour le diagnostic et des items pour le suivi. Ce test est plus utilisé en recherche qu’en pratique courante [6]. glandes sudoripares durant la nuit, puis de laver le produit au petit matin. D’éventuelles irritations cutanées peuvent être traitées avec des corticoïdes locaux. Les sels d’aluminium doivent être appliqués toutes les nuits jusqu’à efficacité, les applications peuvent ensuite être espacées [9]. Recherche de complications médicales Anticholinergiques Une augmentation du nombre d’infections cutanées a récemment été rapportée dans une étude cas témoin incluant 387 patients atteints d’hyperhidrose [8]. Les patients avaient consulté dans un même service entre 1993 et 2005, après une durée moyenne de symptômes de 8,9 années. Cette étude retrouvait une augmentation importante de la fréquence des infections fongiques, bactériennes et virales. Le risque de kératolyse ponctuée, de dermatophytose et de verrue était particulièrement augmenté. Une corrélation entre l’hyperhidrose et la dermatite atopique a également été observée. Les traitements anticholinergiques par voie orale (glycopyrrolate, propanthéline) présentaient un rapport bénéfice/ risque très défavorable. En effet, la posologie nécessaire à l’assèchement de la transpiration entraîne des effets secondaires tels que xérostomie, mydriase, cycloplégie, dysfonction intestinale ou vésicale, et même des troubles mentaux. La plupart des patients atteints d’hyperhidrose ne peuvent supporter ces traitements très longtemps, et les anticholinergiques ont été progressivement abandonnés dans cette indication [9]. Prise en charge psychologique et sociale Ionophorèses Les troubles psychologiques, dont se plaignent les patients, sont le plus souvent une conséquence de l’hyperhidrose. Cependant, le traitement de cette cause ne doit pas faire négliger la prise en charge d’une perte de confiance en soi et d’une exclusion sociale parfois larvée. Cette prise en charge peut être réalisée par une attitude rassurante en consultation, par un entretien auprès d’un psychologue ou d’un psychiatre, et par le recours aux associations de patients. Très actives dans le domaine de l’hyperhidrose primitive et de l’érythrophobie, ces associations peuvent fournir un soutien important à des patients parfois désorientés. En France, les patients se sont regroupés au sein de l’association France Hyperhidrose (http://francehyperhidrose.org). Une association internationale, l’International Hyperhidrosis Society, a également été créée (http://www. sweathelp.org). Le traitement médical le plus actif reste l’ionophorèse, qui a été popularisé en 1968. Ce traitement est défini comme l’introduction d’une substance ionisée à travers la peau intacte grâce à l’application d’un courant électrique. Cependant, l’ajout d’une substance au bain d’électrophorèse s’est progressivement révélé inutile. Les ionophorèses actuelles sont donc réalisées avec de l’eau du robinet, et suivent le principe de l’électrolyse, même si le mode d’action exacte de cette technique reste inconnu. Cette méthode induirait une irritation du pore et la formation d’un bouchon réactionnel. Il s’agit d’une méthode efficace, mais contraignante, nécessitant 10 à 20 séances en traitement d’attaque, puis des séances d’entretien en continu [3]. L’indication préférentielle de l’ionophorèse est l’hyperhidrose palmoplantaire. Les contre-indications sont la grossesse et le port d’objets métalliques implantés (ostéosynthèse, prothèse, stérilet). Les effets secondaires du traitement sont minimes et le plus souvent locaux (prurit, eczéma, érythème, sensation de « picotements d’aiguille »). Cependant, le traitement est long, astreignant et n’offre qu’une amélioration symptomatique temporaire. L’apparition de nouveaux dispositifs sans eau semble prometteuse, mais n’est pas encore répandue [10]. Traitements médicaux Sels d’aluminium De première intention, les patients reçoivent des antiperspirants. Ces topiques contiennent des sels d’aluminium et des complexes de métaux qui agissent par kératinisation et obturation des orifices sudoraux. Ils n’ont qu’une action limitée aux hypersudations modérées [3]. Pour les hypersudations sévères, des sels d’aluminium plus concentrés (20 %) peuvent être prescrits. La peau doit être sèche avant l’application afin d’éviter la formation d’acide chlorhydrique. Idéalement, le topique doit être appliqué au coucher afin de profiter de l’inactivité relative des Toxine botulique La toxine botulique agit par blocage de la libération d’acétylcholine au niveau des terminaisons nerveuses sympathiques présynaptiques des glandes sudoripares, empêchant la contraction des cellules myoépithéliales des glandes sudorales, et donc leur vidange. La toxine botulique (Botox®) STV, vol. 22, n° 6, juin/août 2010 305 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. a reçu l’AMM dans les problèmes d’hypersudation excessive des aisselles de l’adulte et de l’enfant de plus de 12 ans entraînant un retentissement psychologique important. Les injections doivent être renouvelées tous les 12 mois. En pratique, le patient doit arrêter les traitements locaux quatre jours avant la séance, et avoir rasé les aisselles. Après une anesthésie de surface, on pratique un test de Minor qui permet d’objectiver les zones à injecter, qui est dessinée au crayon dermographique, puis quadrillée en carrés de 2 cm de côté, où la toxine est injectée en intradermique [3]. Une douleur locale importante est le plus fréquent des effets associés. Un autre effet indésirable est la faiblesse passagère des muscles intrinsèques de la main. Près de 90 % des patients répondent au traitement pour une durée moyenne de sept mois, et un quart des patients bénéficient d’un effet supérieur ou égal à un an [11]. Une métaanalyse ne retrouve pas d’effets secondaires systémiques ou locaux majeurs [12]. La toxine botulique pourrait ainsi remplacer progressivement les ionophorèses. Cependant, la place de la toxine botulique vis-à-vis de la sympathectomie chirurgicale reste à préciser [4]. Une étude comparative attribue à la toxine botulique de meilleurs résultats précoces, mais de moins bons résultats tardifs qu’après chirurgie [13]. De plus, certains ont rapporté que la toxine botulique était plus efficace au niveau de la transpiration axillaire plutôt que palmaire [14], si bien que jusqu’ici la Food and Drug Administration (FDA) américaine et les autorités françaises n’ont donné leur autorisation que pour cette localisation. Traitement chirurgical : la sympathectomie thoracique endoscopique L’avènement de la vidéochirurgie a bouleversé le traitement des hyperhidroses sévères, résistantes au traitement médical, et la sympathectomie endoscopique s’est imposée comme la technique chirurgicale de référence. A Nous réalisons une sympathectomie tronculaire bilatérale, en un temps, sous anesthésie générale avec intubation sélective [15]. Intervention Trois orifices de trocart sont nécessaires et disposés aux trois sommets d’un triangle à base supérieure. L’optique occupe le sommet inférieur de ce triangle (figure 2). Après affaissement du poumon, l’opérateur repère la première côte, incise la plèvre pariétale à proximité du nerf sympathique, le dissèque puis le résèque sur l’étendue souhaitée en fonction du type d’atteinte : une atteinte palmaire isolée est traitée par une sympathectomie étendue de D2 à D3, une atteinte axillaire isolée est traitée par une sympathectomie de D3 à D4, et une atteinte palmaire et axillaire relève d’une sympathectomie D2-D4. Le fragment de nerf est alors réséqué et adressé pour examen anatomopathologique définitif. À la fin de l’intervention, le poumon exclu est reventilé et le pneumothorax exsufflé avant de retirer les trocarts et de fermer les incisions cutanées. Un drainage pleural conventionnel est inutile, et la mise en place d’un drain aspiratif de Redon est facultative. Le patient est ensuite installé en décubitus controlatéral et la même intervention est réalisée du côté opposé. Une radiographie de thorax doit être réalisée en salle de réveil à la recherche d’un pneumothorax ou d’un épanchement pleural. En l’absence d’anomalie, le drain de Redon est retiré le soir de l’intervention, et le patient est autorisé à quitter l’hôpital le lendemain. Résultats La sympathectomie par thoracoscopie est un traitement efficace de l’hyperhidrose palmaire ou axillaire. Dans la plupart des études, le taux de succès est compris entre 93 et 100 %, avec des taux de récidive de 0 à 13 % [16-18]. Parmi les séries importantes, Zacherl et al. ont publié une étude rétrospective incluant 630 sympathectomies B C Figure 2. A) instruments de thoracoscopie ; B) installation au bloc opératoire ; C) position des trocarts. 306 STV, vol. 22, n° 6, juin/août 2010 thoracoscopiques réalisées chez 352 patients. Après un suivi moyen de 16 ans, le taux de succès prolongé était de 93 %. La principale cause de déception des 7 % restants était l’apparition d’une hypersudation compensatrice invalidante [17]. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Complications peropératoires Des adhérences pleurales peuvent gêner l’accès à l’apex pulmonaire et au médiastin postérieur, le plus souvent en cas d’antécédents chirurgicaux (thoracotomie) ou infectieux (pleuropneumopathie). Leur libération progressive peut être réalisée en thoracoscopie ou nécessiter une conversion en thoracotomie axillaire dans le cas d’adhérences majeures. Une plaie de la veine intercostale est fréquente, surtout à droite où ces veines précroisent le nerf sympathique dans près de 10 % des cas. Ce saignement peut être contrôlé par coagulation monopolaire au niveau de T3 ou T4, mais doit faire l’objet d’une hémostase par clip ou tamponnement au-dessus, afin de ne pas risquer de léser le ganglion stellaire. Les complications artérielles sérieuses, comme par exemple une plaie de l’artère sous-clavière, sont rarissimes, mais peuvent nécessiter une thoracotomie en urgence. Enfin, les échecs techniques de la sympathectomie thoracique sont exceptionnels et nous n’en avons pas eu dans notre expérience de plus de 500 cas. Complications postopératoires Après thoracoscopie, les complications postopératoires comprennent des douleurs, une hypoesthésie locale, un pneumothorax, un hémothorax, un emphysème souscutané ou une atélectasie segmentaire. Dans la littérature, hémo et pneumothorax surviennent dans 0 à 3 % des cas. La sympathectomie présente également des complications spécifiques : principalement la névralgie intercostale, le syndrome de Claude Bernard-Horner, la sudation rebond et l’hypersudation compensatrice. Les lésions des autres nerfs intrathoraciques et des gros vaisseaux du médiastin sont exceptionnelles et ne seront pas développées ici. Névralgie intercostale La névralgie intercostale n’a été rapportée que chez des patients traités par électrocoagulation, suggérant un possible traumatisme thermique des nerfs intercostaux proches du sympathique thoracique. Les autres causes de névralgies intercostales sont la mise en place accidentelle d’un clip sur le nerf intercostal ou le traumatisme mécanique lié à l’utilisation de trocarts rigides et volumineux. Syndrome de Claude Bernard-Horner Le syndrome de Claude Bernard-Horner associant myosis, ptosis et énophtalmie est classiquement décrit dans la littérature, mais n’est que rarement rencontré. Signe de l’atteinte du ganglion stellaire, un syndrome de Claude Bernard-Horner transitoire surviendrait chez 0 à 5 % des patients, des symptômes permanents s’observant dans 1 % des cas. Les facteurs de risque de syndrome de Claude Bernard-Horner sont une mauvaise identification de la deuxième côte, une traction importante sur la chaîne sympathique ou une électrocoagulation accidentelle de la partie supérieure du nerf sympathique. Sudation rebond Il faut connaître ce phénomène bénin qui est très anxiogène pour les patients qui viennent d’être opérés. Il s’agit d’un épisode de sudation survenant un à sept jours après l’intervention et qui dure de quelques minutes à 24 heures. Les mains et/ou les aisselles se mettent brutalement à transpirer comme avant, puis tout disparaît complètement sans récidive. Pour certains, ce phénomène serait lié à un phénomène de dégénérescence des fibres postganglionnaires. Hypersudation compensatrice Le principal effet secondaire de la sympathectomie thoracique est la redistribution de la transpiration sur le reste du corps. En effet, la sympathectomie provoque un arrêt complet de la sudation de la partie supérieure du corps. En postopératoire, la sudation destinée à assurer la régulation thermique en cas d’augmentation de la température corporelle, notamment à l’effort, ne peut se faire qu’au niveau de la partie inférieure du corps. Il a ainsi été démontré que la quantité globale de sudation était la même avant et après sympathectomie, mais qu’elle se répartissait sur une surface plus petite, provoquant ainsi une impression d’hypersudation [19]. Certains auteurs évoquent un mécanisme plus complexe, comprenant un rétrocontrôle hypothalamique qui activerait l’hypersudation, voire une influence de phénomènes génétiques ou du climat [20]. L’hypersudation affecte principalement le dos, les membres inférieurs et notamment la face interne des cuisses, plus rarement la face antérieure du thorax et l’abdomen. Cette sudation de la partie inférieure du corps, qui n’existait pas en préopératoire, est appelée « hypersudation compensatrice » et le futur opéré doit en être largement informé. L’hypersudation compensatrice est décelable chez plus de 50 % des patients opérés si elle est recherchée de façon rigoureuse et systématique. Cette hypersudation est notée dans 12 à 95 % des cas selon les séries, mais est considérée comme excessive par moins de 30 % des patients. Cette grande disparité dépend de la façon dont l’hypersudation compensatrice a été définie et recherchée, certains auteurs ne prenant en compte que les formes invalidantes. En effet, l’hypersudation est le plus souvent bien acceptée par les STV, vol. 22, n° 6, juin/août 2010 307 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. patients, 5 % d’entre eux seulement demandant sa prise en charge diagnostique et thérapeutique. Ainsi, la très grande majorité des patients souffrant d’hyperhidrose compensatrice ne regrettent pas l’intervention initiale. Cependant, le taux de satisfaction postopératoire n’est pas figé : des études ont montré que le taux de satisfaction diminuait dans le temps, à mesure que le patient oubliait le symptôme initial pour se focaliser sur l’hypersudation compensatrice [21]. La survenue et l’étendue de l’hypersudation compensatrice sont totalement imprévisibles. Si certaines études suggéraient un lien entre l’intensité de l’hypersudation et la technique de sympathectomie, ces données n’ont pas été confirmées [22]. De même, les publications liant l’étendue et la sévérité de l’hypersudation à la taille de la sympathectomie réalisée n’ont pu être confirmées à partir de notre expérience [23]. Une revue récente a examiné la corrélation entre la méthode de sympathectomie et la survenue d’une hypersudation compensatrice, sans conclusion significative [24]. L’évolution de l’hypersudation est également très variable selon les séries. Le plus souvent, elle apparaît dans les six premiers mois après l’intervention et reste stable. Il n’existe pas de traitement efficace de cet effet secondaire. L’élément le plus important est la qualité de l’information donnée au patient avant l’intervention. Hypersudation gustative L’hypersudation gustative (gustatory sweating) est définie par une sudation faciale déclenchée par l’ingestion de certains aliments comme des épices, des fruits acides, mais également le café et le chocolat. Ce phénomène n’a pas d’explication claire. Sa fréquence de survenue est très variable dans la littérature, et dépend en grande partie de la façon dont le phénomène a été recherché et colligé. La plupart des équipes, dont la nôtre, estiment que moins de 3 % des patients se plaignent spontanément de cette complication [21]. Indications Avant de recourir à la chirurgie, les patients ont généralement eu plusieurs traitements médicaux. Une étude récente a comparé les résultats des traitements médicaux (sels d’aluminium, anticholinergiques oraux, ionophorèse, toxine botulique) aux résultats de la sympathectomie thora- Évaluation (échelle HDSS) HDSS = 3 ou 4 HDSS = 2 Sels d'aluminium à concentration croissante Sels d'aluminium à concentration croissante Toxine botulique Toxine botulique Sels d'aluminium à concentration croissante Toxine botulique Réduction chirurgicale des glandes sudoripares Association sels d'aluminium + toxine botulique Réduction chirurgicale des glandes sudoripares Sympathectomie thoracique Figure 3. Recommandations du Canadian Hyperhidrosis Advisory Committee pour le traitement de l’hyperhidrose axillaire. 308 STV, vol. 22, n° 6, juin/août 2010 Évaluation (échelle HDSS) HDSS = 2 HDSS = 3 ou 4 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Sels d'aluminium à concentration croissante Toxine botulique ionophorèse Ionophorèse Toxique botulique Ionophorèse Sels d'aluminium Toxine botulique Essayer l'un des deux autres traitements Sympathectomie thoracique Associations de deux des trois traitements Figure 4. Recommandations du Canadian Hyperhidrosis Advisory Committee pour le traitement de l’hyperhidrose palmaire [6]. cique bilatérale dans une cohorte de 192 patients adressés pour une prise en charge chirurgicale. Cette étude trouve une efficacité de la chirurgie dans plus de 99 % des cas, au prix d’une hypersudation compensatrice dans 56 % des cas, et d’une morbimortalité opératoire nulle. Cette hypersudation compensatrice était jugée très invalidante par les patients dans 3,2 % des cas. En comparaison, les traitements médicaux avaient permis d’amender durablement l’hyperhidrose dans moins de 5 % des cas [25]. Loin d’être le traitement de dernier recours, certains auteurs préconisent donc que la sympathectomie thoracique bilatérale soit proposée plus tôt aux patients les plus handicapés par leur symptomatologie. Les principales recommandations de prise en charge sont issues de la Société canadienne [6]. Ces recommandations sont résumées dans les figures 3 et 4. En pratique, nous réservons le traitement chirurgical aux hyperhidroses invalidantes idiopathiques localisées vraies. La meilleure indication reste l’hyperhidrose idiopathique palmaire pure sévère, avec phénomènes de formation de gouttes de sueur, et existant depuis l’enfance. Ces patients sont souvent faciles à identifier en consultation, et ont le plus souvent essayé de multiples traitements médicaux. Pour les formes associant une hypersudation axillaire et/ou plantaire, il est important que le symptôme le plus gênant soit l’hypersudation des mains. tats très satisfaisants, au prix d’une morbimortalité très faible et d’une hypersudation compensatrice fréquente, mais bien tolérée par les patients. ■ Conclusion 9. Stolman LP. Hyperhidrosis: medical and surgical treatment. Eplasty 2008 ; 8 : e22. La sympathectomie thoracique est aujourd’hui exclusivement réalisée par voie thoracoscopique, le plus souvent pour une hyperhidrose palmaire invalidante. Dans cette indication, la sympathectomie thoracique apporte des résul- 10. Na GY, Park BC, Lee WJ, Park DJ, Kim do W, Kim MN. Control of palmar hyperhidrosis with a new “dry-type” iontophoretic device. Dermatol Surg 2007 ; 33 : 57-61. Conflit d’intérêts : aucun. Références 1. Kaufmann H, Saadia D, Polin C, Hague S, Singleton A, Singleton A. Primary hyperhidrosis--evidence for autosomal dominant inheritance. 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