La société était autrefois organisée sur la base de la complémentarité entre
hommes et femmes. Il existait une répartition sexuée du travail, des rôles
sociaux, du pouvoir. Les sociétés faiblement structurées (dites acéphales),
c’est-à-dire celles où le politique se distinguait peu de la sphère d’autorité
à l’intérieur du groupe familial ou clanique, valorisaient la femme au regard
de sa faculté naturelle de perpétuation du genre humain1. Les sociétés où
la gestion globale des rapports sociaux se distinguaient davantage de la
sphère que l’on qualifierait aujourd’hui de « privée » (sociétés dites semi-
complexes), accordaient davantage d’importance à la promotion sociale de
la femme au sein du groupe2.
Il faut toutefois se garder de penser que tout était bien dans le meilleur des
mondes. G. BALANDIER nous fait remarquer la contradiction entre
l’importance accordée à la mère, gardienne du feu, gardienne de la
tradition, et cette autre perception de la femme : dangereuse, source de
désordre, que l’on devait donc nécessairement contrôler3.
Dans le système juridique adopté par le Cameroun indépendant sur le
modèle de ceux de ses colonisateurs la Grande-Bretagne et la France4, la
femme a été traitée comme une mineure placée sous la tutelle de son mari
ou de son père. Son rôle sur le plan de la gestion de son foyer ne lui est
pas contesté. Au contraire, elle y attache elle-même une grande importance
car elle s’en trouve valorisée socialement. On entendra d’ailleurs
couramment dire qu’elle s’y trouve dans son « bureau ». Aussi, tout ce
qu’elle peut entreprendre hors de son foyer devrait tendre à assurer le
1 C’est le cas de la plupart des sociétés bantous du Sud-Cameroun.
2 Dans les sociétés Bamilékés de l’ouest du Cameroun, la femme pouvait assumer des fonctions politiques et
même religieuses.
3 BALANDIER Georges, Anthropo-logiques, Paris, PUF, Sociologie d’aujourd’hui, 1974, p.34.
4 La partie occidentale du Cameroun a été colonisée par les Britanniques, et la partie orientale par les Français. A
cette distinction correspondaient deux systèmes juridiques différents, respectivement basés sur le Common Law