Californie de San Diego, l’autre à la NASA -, expliquent en détail comment les milieux qui
contestent la réalité ou la gravité du bouleversement du climat ont peu à peu réussi à ériger le
doute en vérité. Pire : le doute est vendu à l’opinion sous un vernis scientifique alors qu’il est,
en réalité, un pur produit politique, sciemment construit comme tel.
Issu des milieux conservateurs ou ultraconservateurs américains, les lobbies climato-
sceptiques, de pair avec des think tanks - groupes de réflexion - républicains, ont pour objectif
majeur d’empêcher toute mesure de régulation environnementale susceptible de nuire à leurs
intérêts. Remontant aux véritables sources du phénomène, les deux historiens arrivent à la
conclusion suivante. Après la chute du mur de Berlin, en 1989, une poignée d’économistes, de
physiciens et d’ingénieurs de diverses disciplines recyclent leurs pensées anti-communistes
dans un nouveau combat : la lutte contre les thèses environnementales, en pleine émergence à
la suite de la Conférence des Nations-Unies de Rio (1992). Ils craignent, en effet, que les
travaux qui se concentrent sur l’étude de la nature et l’écologie menacent, via l’adoption de
normes et de règles, le libre fonctionnement des marchés. Toute velléité de régulation doit
être étouffée dans l’œuf. D’abord opposés aux travaux scientifiques sur les pluies acides ou le
trou dans la couche d’ozone, ils tournent leurs armes, petit à petit, vers les travaux sur
réchauffement du climat…
Le GIEC, cible des sceptiques
Toute leur énergie consiste à propager auprès du grand public l’idée selon laquelle on ne sait
pas très bien, finalement, si le climat se réchauffe aussi brutalement qu’on le prétend. Et ils
ajoutent : même si cela devait être le cas, peut-être les activités humaines n’en sont-elles pas
vraiment responsables, mais bien la vapeur d’eau - les nuages, notamment -, les cycles et les
éruptions solaires, etc. Ultra-minoritaires dans la communauté des chercheurs, quelques
scientifiques isolés, recrutés par les lobbies pétroliers ou par les think tanks conservateurs,
réussissent à entretenir l’illusion qu’un débat scientifique se noue autour des modifications
climatiques globales. Pourquoi Naomi Oreskes et Erik M. Conway parlent-ils d’une
« illusion » ? Tout simplement parce que le débat scientifique a déjà eu lieu, bien en amont du
débat médiatique - et qu’il ne cesse d’avoir lieu, d’ailleurs -, au sein d’une instance dont c’est
la principale raison d’être : le GIEC !
Créé en 1988 par le Programme des Nations-Unies pour l’environnement (PNUE) et
l’Organisation météorologique mondiale (OMM), le Groupe d’experts intergouvernemental
sur l’évolution du climat a, en effet, pour mission essentielle d’analyser les milliers d’études
relatives au climat et de les passer au crible de la relecture par les pairs : un exercice
méticuleux et périlleux pour les auteurs et qui, malgré quelques erreurs retentissantes (3),
garde aujourd’hui toute sa pertinence et sa fiabilité. En créant artificiellement un débat en aval
du GIEC et en ressassant indéfiniment des interrogations aujourd’hui dépassées, les climato-
sceptiques - qui sont très rarement des experts des phénomènes climatologiques - font croire
que la communauté scientifique est divisée, distillant le doute dans les esprits. La science
climatologique étant, comme toute science, en perpétuelle construction, rien n’est plus simple,
pour eux, de monter en épingle une zone d’incertitude ou de flou, et de faire croire ensuite
qu’elle est déterminante pour remettre en cause l’édifice des connaissances solidement
accumulées depuis plusieurs décennies. Le laïus des climato-sceptiques est clair : la science
est décidément trop fragile, trop lacunaire, pour justifier qu’on agisse dès à présent sur la
cause des problèmes. Si ce mot d’ordre ne fait pas mouche, ils s’en prennent alors directement
au GIEC lui-même, contestant sa compétence et oubliant qu’il s’agit là, probablement, d’un