La politique économique du Sénégal sous Macky Sall Dr El Hadji

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La politique économique du Sénégal
sous Macky Sall
Dr El Hadji Ibrahima Sakho Thiam
Carte du Sénégal : Répartition de la population par région en 2013
Source : ansd. Rapport provisoire Mars 2014
Sommaire
Carte du Sénégal : Répartition de la population par région en 2013 ........................................................... 2
Sommaire.................................................................................................................................................... 3
Abréviations................................................................................................................................................. 4
Introduction................................................................................................................................................ 5
1. L’expérience démocratique du Sénégal................................................................................................... 5
2. L’Evaluation de l’Economie Sénégalaise avant l’alternance de 2012 ....................................................... 5
2.1. L’espoir de 2000................................................................................................................................ 5
2.2. Le bilan de deux mandats 2000-2012............................................................................................... 6
2.3. Le tournant de 2011 ............................................................................................................................. 6
3. La stratégie de politique économique du Sénégal en 2012 ...................................................................... 6
3.1. Le programme « YoonuYokkuté »...................................................................................................... 6
3.1. 1. Les priorités du programme...................................................................................................... 6
3 .1.2. Les axes du programme............................................................................................................ 6
3.2. Le Plan Sénégal émergent (PSE)........................................................................................................ 7
3.2.1 La transformation structurelle de l’économie et la croissance ................................................... 8
3.2.2. Le Capital humain, la protection sociale et le développement durable ....................................8
3.2.3. La gouvernance, les Institutions, la paix et la sécurité ............................................................... 8
3.3. Le Groupe consultatif de Paris.......................................................................................................... 8
3.2. Le nouveau projet de décentralisation ............................................................................................. 9
3 .2.1 Historique de la décentralisation au Sénégal............................................................................. 9
3.2.2. L’acte 3 de la décentralisation.................................................................................................. 10
Conclusion................................................................................................................................................. 10
Abréviations
AFP : Alliance des forces du Progrès
ANOCI : l’agence de l’organisation de la conférence islamique
DSRP : Document stratégique de réduction de la pauvreté
GOANA : Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance
MCA : Millennium Challenge Account
OFNAC : Office national de lutte contre la fraude et la corruption
PADEN : Projet d’alphabétisation des élus locaux et notables
PAIS : Programme d’alphabétisation intensive au Sénégal
PAP : Plan d’action prioritaire
PAPA : Projet d’appui au plan d’action
PAPF : Projet d’alphabétisation priorité femme
PME : Petite et Moyenne Entreprise
PMI : Petite et Moyenne Industrie
PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
PSE : Plan Sénégal émergent
PTF : Partenaires techniques et financiers (PTF)
SCA : Stratégie de croissance accélérée
SNDES : Stratégie Nationale de Développement Economique et Social
REVA : Retour Vers l’Agriculture
URD : Union pour le renouveau démocratique
Introduction
Situé au sud de la Mauritanie, au nord de la Guinée Bissau et de la Guinée Conakry, à l’ouest du
Mali et à l’Est de l’Océan Atlantique, le Sénégal a une population d’environ 13 millions
d’habitants1 qui est repartie sur une superficie de 196.192 km2.
Ce pays présente une diversité ethnique avec par ordre d’importance : les Ouolofs (l’ethnie
dominante, 45% de la population), les Peulhs (Toucouleurs et Fulbés, 25%), les Sérères (15 %).
Les Diolas pour leur part, représentent 8 % de la population et habitent en majorité dans le sud
du Sénégal, notamment la Casamance. Puis viennent de petits groupes tels que les Sarakolés, les
Malinkés etc. représentant 8% de la population.
Cette ancienne colonie française, qui a atteint sa souveraineté nationale il y a aujourd’hui 54 ans,
connaît encore des problèmes liés à la pauvreté et au sous-développement. Les difficultés
économiques se traduisent par une faible croissance économique du Produit intérieur brut, une
insuffisance de revenus pour la grande majorité de la population, des politiques publiques pas
encore à la hauteur des enjeux, etc.
L’économie sénégalaise est caractérisée par un secteur informel qui occupe plus de deux millions
de personnes, soit 48, 8% de la population active qui est estimée à 4 500 000 habitants. En
termes de valeur ajoutée, le secteur informel non agricole représente 41,6% du PIB national
mais l’Etat ne bénéficie pas encore pleinement des impôts sur ce secteur qui sont très faibles
(4,2% de la valeur ajoutée contre 10,4% pour le secteur moderne). Différentes politiques
économiques ont été mises en œuvre pour faire sortir le pays du sous-développement et répondre
à la forte demande sociale : l’ajustement structurel dans les années 1980 et 1990, la stratégie de
réduction de pauvreté (DSRP), les programmes du Millennium Challenge Account, la stratégie
de croissance accélérée (SCA), entre 2000 et 2012.
Depuis 2012, le Sénégal a un nouveau Président de la République, Monsieur Macky Sall. Le
nouveau gouvernement doit faire face aux attentes des populations caractérisées par une
demande sociale, une crise de l’enseignement, un manque de perspective des jeunes, l’accès à la
sante très précaire, l’incapacité du secteur agricole de satisfaire la demande nationale, la crise des
valeurs civiques et citoyennes etc. Les populations veulent une rupture avec les pratiques de
l’ancien régime et espèrent la restauration de l’Etat de droit et les principes de bonne
gouvernance.
Comment l’Etat compte-t-il apporter une réponse satisfaisante à ces demandes ? Sur quoi repose
la politique économique du Sénégal sous Macky Sall ? Quelle sera la stratégie de développement
économique ?
Dans ce document, il conviendra en premier lieu de faire le point sur l’expérience démocratique
du Sénégal, point d’autant plus important qu’il constitue un élément d’attractivité pour les
1 http://www.ansd.sn/
investisseurs étrangers. Ensuite, nous évoquerons la vision du chef de l’Etat déclinée à travers
don document de campagne : Yoonu Yokkuté. Nous terminerons enfin avec l’analyse du Plan
Sénégal émergent (PSE), la nouvelle stratégie économique proposée par l’Etat sénégalais.
1.
L’expérience démocratique du Sénégal
La stabilité politique et la culture de paix font que le Sénégal a toujours été considéré comme un
exemple de démocratie en Afrique.
De l’indépendance acquise en 1960 jusqu’en 1981, le Sénégal a été dirigé par le poète Président
Léopold Sédar Senghor. Et durant cette période, le pays connut une évolution politique marquée
par un régime présidentiel entre 1963 et 1967, un présidentialisme (1967-1970) pour passer à un
régime présidentiel modéré (1970-1976). C’est à partir de 1976 qu’il y eut une libéralisation des
partis politiques mais limités à trois alignements : les démocrates-libéraux, les démocratessocialistes et les communistes ou marxistes-léninistes. Tous ceux qui voulaient créer un parti
devaient donc choisir un de ces alignements.
En 1981 Senghor se retire de la politique pour céder le pouvoir à Abdou Diouf qui fit beaucoup
de réformes. Sa stratégie fut définie comme étant une continuité. Il marquera ses débuts par la
libéralisation des partis politiques, une politique linguistique et la reconnaissance de deux
libertés fondamentales : la liberté de presse et la liberté syndicale 2. Des partis politiques jusqu’au
nombre de 14 seront reconnus en 1983, et 5 d’entre eux se présentèrent aux élections
présidentielles et 8 aux élections législatives. Sa politique linguistique se fera à travers le
Programme d’alphabétisation intensive au Sénégal (PAIS), le Projet d’appui au plan d’action
(PAPA), le Projet d’alphabétisation priorité femme (PAPF) et le Projet d’alphabétisation des élus
locaux et notables (PADEN). L’alphabétisation dans les langues nationales connut donc un grand
succès.
Le régime socialiste qui avait jusqu’alors toujours gouverné au Sénégal allait connaître une
défaite électorale majeure qui devait paver la voie de l’alternance.
Le Sénégal connut pour la première fois de son histoire une alternance politique en 2000, pour
plusieurs raisons. Tout d’abord le parti socialiste connut une crise qui a amené le départ de
Moustapha Niasse et de Djibo Ka qui ont créé chacun leur propre parti politique en l’occurrence
l’Alliance des forces du progrès (AFP) et l’Union du renouveau démocratique (URD). Une
grande coalition de plus de 40 partis politiques se réunirent autour de Abdoulaye Wade et
gagnèrent les élections du 19 Mars 2000 au second tour.
A cela s’ajoute la défaite des ndiggels (mots d’ordre religieux). Si des consignes de votes ont été
données par certains chefs de confréries, elles n’ont pas eu des effets majeurs au niveau des
résultats. Ce qui a confirmé encore une fois la maturité politique des Sénégalais. On remarque
2 Hesseling, Gerti. Histoire politique du Sénégal : Institutions, droits et société, Paris, éditions Karthala et ASC,
p.170.
aussi l’intérêt que la politique suscite au sein des masses populaires. Enfin, il y a le rôle clé joué
par les médias, la presse et les radios, dans la formation citoyenne et démocratique des
Sénégalais. Ils ont réveillé la conscience populaire à travers des reportages, des commentaires,
des analyses etc. durant toute la période électorale. L’alternance allait ouvrir une page nouvelle
de l’histoire du Sénégal, créant ainsi des conditions favorables pour l’épanouissement de
l’économie du pays.
Sous la Présidence d’Abdoulaye Wade, le Sénégal a connu des grandes réalisations en
infrastructures routières, scolaires et universitaires, un paysage médiatique enrichi par de
nouvelles chaînes de télévisions et d’autres réformes considérables sur le plan de la santé, sur le
plan agricole avec les projets REVA, GOANA etc. Cependant les Sénégalais n’oublieront pas les
nombreux manquements et abus : l’impunité, les détournements, l’enrichissement illicite et
surtout le projet de dévolution monarchique de Wade. Le Président Wade avait fini son second
mandat dans une crise politique notamment à la veille et pendant les élections présidentielles. Le
23 juin 2011, le Parti démocratique sénégalais (PDS) a voulu faire voter à l’assemblée nationale
un projet de loi de création du poste de vice-président et de suppression du second tour
(l’obtention de 25% des suffrages au premier tour étant suffisante pour être élu au président).
Cette tentative suscita des troubles et manifestations. Le mouvement du 23 Juin (M23) est né de
ces événements. Autour de ce M23 se regroupent les anciens du Parti socialiste (comme Ibrahima
Fall, ancien ministre des Affaires étrangères sous Diouf), les anciens proches de Wade (Cheikh
Tidiane Gadio, Idrissa Seck, Macky Sall), et enfin quelques nouveaux arrivants (Amsatou Sow
Sidibé, Cheikh Bamba Dièye, etc.), la société civile, le mouvement Y en a marre, la jeunesse et
d’autres personnalités comme le chanteur Youssou Ndour dont la candidature a été invalidée par
le Conseil constitutionnel. Tous ces acteurs étaient contre la candidature de Wade pour un
troisième mandat qu’ils jugeaient anticonstitutionnelle. Le M23 revendiquait la mise en place
d’un processus électoral transparent et démocratique. Il a combattu le candidat sortant Abdoulaye
Wade dont la candidature a été validée par le Conseil constitutionnel malgré la résistance
populaire.
Le second tour des élections présidentielles de 2012 opposa Abdoulaye Wade à son ancien
Premier ministre et directeur de campagne, ministre du commerce et Président de l’assemblée
nationale : Macky Sall. Pour avoir demandé l’audition de la gestion de l’Agence de
l’organisation de la conférence islamique (ANOCI) dont le Président était Karim Wade, le fils du
Président, Sall fut forcé de démissionner de la présidence de l’assemblée nationale et exclu du
parti démocratique Sénégalais. Tous les candidats se regroupèrent derrière le chef de l’Alliance
Pour la République (APR) et leader de la coalition Macky 2012 pour lui offrir une victoire
écrasante (65,8% contre 34,2%).
2.
L’Evaluation de l’Economie Sénégalaise avant l’alternance de 2012
2.1. L’espoir de 2000
L’alternance de 2000 avait suscité beaucoup d’espoir au peuple sénégalais qui voyait en
l’avènement d’Abdoulaye Wade une occasion pour le pays d’assoir une stabilité économique et
sociale. Face à la forte demande sociale, à l’attente de la jeunesse et surtout aux vœux du
changement, le gouvernement libéral avait adopté une politique économique durable qui est
basée sur la réduction de la pauvreté, la libéralisation et la croissance accélérée de l’économie.
L’Etat sénégalais s’est fixé comme objectif d’ici 2015 de réduire sinon d’éradiquer la pauvreté et
cela grâce à la stratégie de réduction de la pauvreté. La libéralisation de l’économie à travers la
privatisation de plusieurs sociétés, la floraison de nombreux projets de développement du secteur
privé ainsi que des programmes d’infrastructures devraient permettre au pays de stabiliser son
économie et de réduire la pauvreté.
Beaucoup d’initiatives ont été entreprises pour booster l’économie et répondre à ce grand espoir
de l’alternance. Pour l’Etat sénégalais, il fallait désengorger la capitale et y assurer plus de
mobilité et créer de nouvelles zones économiques comme Diamniadio avec toutes les
infrastructures nécessaires. L’objectif était d’atteindre une croissance de 8 à 10% du PIB d’ici
2015 à travers des programmes économiques tels que la Stratégie de croissance accélérée (SCA)
qui réaliserait une progression à moyen et long terme de le croissance, une forte intensité de
création de nouveaux emplois et un fort potentiel de compétitivité internationale.
Le gouvernement a essayé de mieux maîtriser le secteur informel qui représente plus de 60,6%
de son PIB3 et aussi d’inciter les Sénégalais de l’extérieur à investir dans d’autres branches que
l’immobilier. L’initiative de lutter contre l’émigration clandestine avec le projet REVA (Retour
Vers l’Agriculture) devraient permettre aux jeunes de s’investir dans l’agriculture au lieu de
braver les vagues méditerranéennes.
2.2. Le bilan de deux mandats 2000-2012
Deux mandats se sont écoulés. De grandes mutations et réalisations ont eu lieu dans tous les
domaines4. Des performances économiques ont été atteintes avec une croissance moyenne de 4 à
5 % et avec un accroissement considérable du budget de l’Etat (de 500 à 2200 milliards de CFA),
l’ambition d’émergence économique se heurte à d’énormes difficultés. Le volume total des
investissements privés a dépassé l1300 milliards de FCFA, de nombreuses infrastructures ont été
réalisée avec la densification du réseau routier, le programme de construction d’autoroutes, d’un
3 Groupe de la banque africaine de développement: République du Sénégal: rapport combiné de Revue à miparcours du DSP 2010-2015 et de Revue de la Plateforme du Portefeuille 2012
4http://www.afriqueeducation.com/index.php?option=com_content&view=article&id=66
nouvel aéroport, d’échangeurs, de carrefours ainsi que la modernisation du Port autonome de
Dakar. Le réseau du transport public a été réhabilité avec la création des sociétés : SENBUS et
SENIRANRAUTO. Le secteur agricole a connu des réformes avec l’amélioration quantitative et
qualitative des intrants et autres produits (semences, engrais, produits phytosanitaire etc.), la
diversification agricole et le lancement des programmes Retour vers l’agriculture (REVA), la
Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (GOANA).
Le système éducatif sénégalais a connu des transformations radicales avec 40% du budget de
fonctionnement de l’Etat pour la formation des ressources humaine et la création de 3nouvelles
universités à Thiès, Ziguinchor et Bambey. De nouveaux collèges, nouveaux lycées modernes,
nouvelles écoles de formation des instituteurs et centaines de cases des tout-petits ont impacté
sur le système éducatif.
Des efforts considérables ont été notés sur le plan de la santé avec la construction de nouveaux
hôpitaux publics, de centres de santé, de postes de santé et de matériels. Le nombre de médecins
a triplé (350 à 1016), le nombre d’infirmiers a doublé (de 1.779 à 2.887), le nombre de sagesfemmes a doublé (de 558 à 1.032), et des programmes de santé gratuits pour les personnes âgées
à travers le Plan Sésame ont été mise en place.
2.3. Le tournant de 2011
L’activité économique mondiale a connu en 2011 un ralentissement suite aux problèmes relatifs
au secteur bancaire dans la zone euro, aux troubles sociopolitiques dans le monde arabe et au
niveau des cours des matières premières. La croissance économique mondiale tombe à 3,9% en
2011 contre 5,3% en 2010. Pour les pays développés elle est de 1,6% en 20115.
L’Economie sénégalaise ne sera pas épargné par cette conjoncture. Elle enregistre en 2011 un
déficit budgétaire (6,5% du PIB) et un taux de croissance de 2 ,6% 2011suite aux
contreperformances du secteur agricole liées au déficit pluviométrique et à la baisse du volume
d’intrants distribués aux agriculteurs. Selon le rapport sur le développement humain de 2011, le
Sénégal occupe en 2011, le 155ème rang sur 187 pays, soit une baisse de 11 places par rapport à
2010 (144eme rang)6. La pauvreté touche 46,7%% des Sénégalais qui vivent sous le seuil de la
pauvreté (en 2011).Cette pauvreté se manifeste au niveau des conditions de vie, notamment
l'accès à la nourriture, à l'eau potable, à l'habillement, au logement, au transport et à l'énergie.
Elle se manifeste également en termes d'accès à l'éducation, à une couverture sanitaire de qualité
et à une activité valorisante7.
5 Situation économique et financiere et 2011 et perspectives en 2012 : www.dpee.sn/IMG/pdf/sef_mai_2012.pdf
6 http://hdr.undp.org/sites/default/files/hdr_2011_fr_complete.pdf
Face à cette situation, l’Etat sénégalais avait procédé à certains ajustements budgétaires : la
réduction des dépenses courantes de l’ordre de 0,4% du PIB, le report de certains investissements
publics non prioritaires estimés à 1,2% du PIB, la réduction du nombre de ministères de 37 à 25,
la rationalisation des agences et la suppression du Sénat. La dette extérieure est restée à 38% du
PIB en 2011 contre 34,4% du PIB en 2010.
3. La stratégie de politique économique du Sénégal en 2012
L’économie sénégalaise reste dominée par le secteur tertiaire (60,6% du PIB), suivi du secteur
secondaire (23,5% du PIB) et du secteur primaire (15,9% du PIB). L’inflation a atteint 3,4% en
20118, et la pauvreté demeure encore une réalité surtout dans les zones rurales, qui tendent à
souffrir des conséquences de la rareté des pluies. Malgré les nombreuses réalisations du régime
de Wade sur le plan économique, le pays est toujours confronté à d’énormes défis en termes de
satisfaction de la demande sociale.
L’avènement de l’alternance politique sous le mandat du Président Macky Sall s’inscrit dans un
contexte de crise sous régionale, marqué par l’instabilité sociopolitique au Mali et une économie
internationale en crise. Le nouveau gouvernement devrait face à toutes attentes de la population
et mettre en œuvre une politique économique avec une vision claire capable de relever tous ces
défis. Cette stratégie de politique de développement a d’abord été déclinée dans son programme
de campagne « Yoonu Yokkute » et ensuite dans le « Plan Sénégal émergent ». Le nouveau
gouvernement a misé également sur une politique de décentralisation.
3.1. Le programme « YoonuYokkuté »
Au lendemain de sa nomination à la magistrature suprême, le Président Macky Sall avait entamé
la mise en œuvre de son programme économique « YoonuYokkuté »9. Ce programme, décliné
pendant son discours de congrès d’investiture de l’Alliance pour la République du 11 décembre
201110, est centré sur une gouvernance sobre, une éducation et une santé de qualité, une justice
7 Lansana Gagny SAKHO article paru dans le journal le Quotidien ; date du 31 mars 2014
http://www.lequotidien.sn/index.php/opinions-et-debats/item/29787-macky-sall-an-2--il-l%E2%80%99a-dit-il-ne-l
%E2%80%99a-pas-fait
8 http://www.indexmundi.com/fr/senegal/taux_d_inflation_%28indice_des_prix_a_la_consommation%29.html
9 Yoonu yokkuté est une expression wolof qui signifie « la voie du développement »
10 http://www.gouv.sn/IMG/pdf/bilan_2012.pdf
indépendante, une gestion vertueuse et rationnelle des biens publics, mais surtout une économie
en forte croissance.
3.1. 1. Les priorités du programme
Ce programme se concentre sur trois priorités : la jeunesse, les femmes et le monde rural. Selon
le Président Sall, ces catégories sont les principales victimes des injustices sociales et sa réponse
serait entre autres de leurs apporter une protection, des perspectives et des opportunités d’emploi.
Un programme de création de 500.000 emplois est prévu pour la période 2012- 2019, ainsi qu’un
accompagnement des jeunes à travers une formation technique et professionnelle de qualité en
phase avec le monde de l’emploi. Des réformes seront introduites dans l’enseignement, des
universités de métiers seront créées, formation duale théorique et pratique pour 300.000 jeunes
apprentis (mécaniciens, menuisiers, cordonniers et artisans de divers métiers)
Le programme prévoit également la mise en place d’une Bourse de Sécurité Familiale de
100.000 FCFA par an comme soutien financier aux mères des familles les plus défavorisées. 11 Un
fonds de garantie des investissements prioritaires (FONGIP) de 50 milliards FCFA 12 pour
faciliter l’accès des femmes au crédit a été annoncé. Concernant la santé, il est prévu un
programme visant à assurer le suivi gratuit des femmes enceintes, la généralisation de la prise en
charge de l’accouchement, un « forfait césarienne » dans le cadre de la mise en place d’une «
Couverture Maladie Universelle » qui facilite l’accès des citoyens à des soins de santé et à des
services sanitaires efficaces. S’agissant des inégalités de genre, la parité dans les emplois et
fonctions est un des objectifs de ce programme.
Pour le monde rural, les mesures prévues concernent la réforme du foncier rural pour protéger les
petites exploitations familiales et leur permettre d’être viable et d’accéder au financement ; un
programme national d’accès à l’eau potable et à l’électricité dans toutes les zones rurales ; la
construction de pistes de production ; la mise en œuvre d’une politique d’infrastructures et de
mécanisation effective et encadrée de l’agriculture.
3 .1.2. Les axes du programme
5 axes sont à la base de ce programme :
11 http://www.presidence.sn/yoonu-yokkute/presentation.html
12 http://www.presidence.sn/yoonu-yokkute/presentation.html
Le programme prévoit mettre fin aux injustices sociales en appuyant les groupes vulnérables et
les personnes handicapées, les personnes vivant avec certaines maladies chroniques, celles
victimes de discriminations et les personnes âgées.
Au second axe, il s’agit d’assurer les bases du développement dans les secteurs comme la santé,
l’éducation, la formation professionnelle, la recherche et l’innovation, l’aménagement du
territoire en particulier la transformation des villes en leviers de développement et la
restructuration des banlieues et une politique nationale d’habitat social où pour un investissement
de 300 milliards FCFA.
Le troisième axe vise à atteindre une productivité croissante en mettant en œuvre un pacte pour
la petite entreprise et les PME/PMI dans des secteurs comme l’agriculture, le BTP et la
construction, le tourisme, les TIC, et l’industrie artistique et culturelle. Pour cela il est prévu de
mener une politique favorable à la création d’entreprises, à l’investissement et la création
d’emplois et de richesses, un « Small Business Act » à la sénégalaise s’appuyant sur une Caisse
des Dépôts et Consignations réformée. Pour stimuler l’ensemble de l’économie et améliorer les
niveaux de vie des Sénégalais, le plan prévoit d’en faire le véritable moteur de développement en
le rendant moderne et suffisamment productive. 2 000 milliards FCFA y seront investis pour les
sept prochaines années.
Faire du Sénégal un modèle démocratique sur la base d’un gouvernement de large
rassemblement est un objectif du programme Yoonu Yokkute. Il s’agira à ce niveau de mettre en
œuvre les réformes institutionnelles permettant une véritable gouvernance démocratique, de
garantir l’État de droit par une justice indépendante, de renforcer l’autonomie et les moyens des
corps de contrôle de l’État, le rôle parlementaire et citoyen sur l’exécutif et mettre en place une
démarche qualité certifiée au sein de l’administration.
Enfin le programme prévoit la garantie de la paix, la sécurité, la stabilité et l’intégration africaine
par la résolution définitive de la crise en Casamance par un dialogue inclusif et une diplomatie de
bon voisinage.
Vu la forte demande sociale, la nécessité de réduire de train de vie de l’Etat et le besoin
d’assainissement à tous les niveaux, le programme de « yoonu yokkuté » se présente comme une
solution face à ces urgences. Ce programme a certes eu des limites mais a cependant réussi des
réalisations entre 2012 et 2013. On peut noter parmi eux13 :
-
la mise en place de la Couverture médicale universelle (Cmu) ainsi que d’un fonds
d’équité pour la prise en charge gratuite des personnes indigentes et des groupes
vulnérables ;
-
la création ainsi que l’opérationnalité de l’Ofnac pour une meilleure gouvernance ;
13http://www.lequotidien.sn/index.php/opinions-et-debats/item/29787-macky-sall-an-2--il-l%E2%80%99a-dit-il-nel%E2%80%99a-pas-fait
-
le plafonnement du salaire de certains directeurs généraux ;
-
la rationalisation de certaines agences ;
-
la tolérance « zéro » en ce qui concerne la gestion des deniers publics ;
-
la maîtrise de la gestion des effectifs de l’Administration sénégalaise ;
-
la baisse de l’impôt sur le salaire ;
-
la baisse relative des denrées de première nécessité…
Malgré ces efforts considérables, le Sénégal doit faire face au taux élevé d’analphabétisation
(49,2%), à une faible croissance de (4,3%) du PIB en 2013, à un environnement des affaires peu
favorable (178ème sur 189 pays dans le dernier classement Doing Business), à la fermeture de
près de 400 entreprises en 2012. A cela s’ajoute la crise estudiantine, les difficultés par rapport à
la cherté des loyers et à l’accès au logement des Sénégalais. Après deux d’alternance, ce n’est
encore pas moins de 46,7% de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté 14, le
chômage, les difficultés dans le secteur privé, dans les secteurs de l’économie, le tourisme,
l’agriculture etc. Parmi ces difficultés il y a aussi forte dépendance à l’aide publique au
développement.
C’est ainsi que le Sénégal va adopter un nouveau modèle de développement qui s’inscrit dans la
continuité des programmes économiques déjà mis en place. Entre 2003- 2010, le pays avait opté
pour le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), pour la période 2003-2017,
la Stratégie Nationale de Développement Economique et Social (SNDES). En 2012, l’Etat du
Sénégal se donne pour nouvelle ambition de favoriser la croissance à fort impact sur le
développement humain. Ce nouveau programme, le Plan stratégique Sénégal Emergent (PSE),
vise l’émergence économique du pays à l’horizon 2035.
3.2. Le Plan Sénégal émergent (PSE)
Le Sénégal, sous la présidence de Macky Sall, ambitionne l’émergence économique à travers le
Plan Sénégal Emergent qui constitue le référentiel de la politique économique et sociale sur le
moyen et long terme. Pour cela il conviendra de mener des actions pour relever le potentiel de
croissance, et stimuler la créativité et l’initiative privée.
Le Sénégal présente des atouts et bénéficie d’opportunités qui lui permettent de réussir cette
politique. Il s’agit, entre autres, de la stabilité politique, la solidité des institutions, la viabilité du
cadre macroéconomique, le potentiel démographique (la jeunesse), le potentiel de ressources
agricoles et hydro-agricoles, sa position géographique stratégique, les potentialités naturelles
sous-exploitées et le dynamisme de sa diaspora.
14 http://www.africaneconomicoutlook.org/fileadmin/uploads/aeo/2014/PDF/CN_Long_FR/Senegal_FR.pdf
Le Projet Sénégal émergent s’appuie sur trois axes : la transformation structurelle de l’économie
et la croissance; le Capital humain, la protection sociale et le développement durable ; la
Gouvernance, les institutions, la paix et la sécurité.15
3.2.1 La transformation structurelle de l’économie et la croissance
Le Sénégal est un pays à plus de 70% agricole (en termes d’emploi) et cette agriculture devrait
incontestablement être le secteur par excellence qui permettra une structuration de l’économie.
Le développement des secteurs de l’agriculture, de la pêche et l’industrie agroalimentaire
permettrait au Sénégal de renforcer sa sécurité alimentaire du Sénégal et d’équilibre sa balance
commerciale, de développer ses filières intégrées compétitives, de préserver ses équilibres socioéconomiques et de dynamiser son économie rurale.
La question de l’habitat demeure non résolue. Malgré la baisse des prix du logement, une forte
demande en habitat social se fait ressentir avec un déficit de 300 000 logements. Ainsi le PSE
prévoit développer l’habitat social. Moderniser graduellement l’économie sociale reviendrait à
opérer progressivement ce secteur vers l’économie formelle pour une meilleurs prise en compte
emplois formels.
Le PSE entend développer le secteur des ressources minières et des engrais pour mieux d’une
part rééquilibrer la balance commerciale et entraîner le reste de l’économie (ressources fiscales,
industrie, infrastructures) mais aussi contribuer au développement social à travers les mines
artisanales. Le Sénégal veut devenir un hub logistique industriel régional grâce à ses atouts
géographiques qui attirent les entreprises et d’institutions internationales, santé, éducation,
loisirs. La valorisation des potentialités à travers le secteur de la culture et la promotion du sport
et de ses activités connexes restent aussi une priorité du PSE.
3.2.2. Le Capital humain, la protection sociale et le développement durable
Le développement durable va de pair avec la promotion du capital humain. Le programme
compte sur une main d’œuvre de qualité qui sera le fruit d’un système éducatif de qualité
(enseignements et apprentissages), adéquate pour vers le marché de l’emploi et géré avec de
manière efficace, efficiente et inclusive.
Les secteur de la santé et de la nutrition seront améliorés et bénéficieront d’infrastructures grâce
à la promotion du partenariat privé-public. Ceux de l’eau potable et de l’assainissement,
relèveront les défis de l’amélioration de l’accès à l’eau potable des populations en milieux urbain
et rural et de l’assainissement. Pour une protection sociale élargie et inclusive, le PSE compte
renforcer la sécurité sociale des travailleurs et des retraités sociale en impliquant le secteur
informel et les groupes vulnérables. L’environnement reste une des priorités de ce plan de et pour
cela il est prévu de renforcer les capacités de gestion de l’environnement et des ressources
15http://www.gcsenegal.gouv.sn/docs/Resume_PSE.pdf
naturelles, de promouvoir l’économie verte et de réduire la vulnérabilité des écosystèmes par
rapport aux effets des changements climatiques.
3.2.3. La gouvernance, les Institutions, la paix et la sécurité
Le Sénégal a toujours été un havre de paix et le PSE compte maintenir et renforcer cet acquis. La
construction de la paix et de la cohésion sociale se feront à travers le renforcement des moyens
des forces de sécurité et l’amélioration de l’accès, la qualité et l’efficacité de la justice. Pour une
meilleure politique de décentralisation il est prévu la promotion de la viabilité des territoires et
des pôles de développement ainsi que le renforcement le renforcement des capacités des
collectivités locales. L’amélioration de la gestion des finances publiques, la lutte contre la
corruption et la non-transparence ainsi que l’amélioration de la gouvernance économique seront
aussi parmi les priorités du PSE.
3.3. Le Groupe consultatif de Paris
Pour réussir le financement d’un tel programme économique, le Sénégal devrait pouvoir compter
sur ses partenaires au développement. Du 24 au 25 février 2014, au siège de la Banque mondiale
à Paris, s’est tenue une rencontre organisée avec les bailleurs de fonds avec l’appui technique de
la Banque Mondiale et du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). La
rencontre avait pour objectif de mobiliser l’ensemble des acteurs autour du financement des
priorités consensuelles et des projets concernés. 16 Il s’agissait de « vendre » cette stratégie de
politique économique du Sénégal à l’échelle internationale, d’attirer l’investissement des
bailleurs de fonds (privés et étatique) et de trouver le financement pour la mise en œuvre du Plan
d’Actions Prioritaires pour la période 2014-2018.Le financement de 5 737,6 milliards de FCFA
venant de trois sources fut acquis pour les projets du PSE dont 3948 milliards pour le plan
d’action prioritaire (PAP) et répartit comme suit :17
- 1 853 milliards de FCFA financé par Partenaires techniques et financiers (PTF)
- 1 111 milliards de FCFA financé par le secteur privé
- 984milliards de FCFA comme contribution de l’État
La part de financement destiné au secteur public est de 2 361 milliards de FCFA et elle est
répartie dans les six (6) secteurs suivants :
16http://www.gcsenegal.gouv.sn/docs/GC2014-038%20-%20Note%20Information%20Groupe%20Consultatif%20%20version%20Fr.pdf
17http://www.gcsenegal.gouv.sn/docs/PAP%202014-2018%20%20du%20PSE%20version%20definitive
%20commentaires%20et%20ANNEXES.pdf
-
621 milliards de FCFA dans les infrastructures et services de transports (chemin de fer,
pistes rurales, construction de ponts, réhabilitation de routes, acquisition de bus,
infrastructures et d’équipement maritime)
-
304 milliards de FCFA pour l’énergie (des projets de renforcement des capacités de
production, d’interconnexion au réseau, de réhabilitation et d’extension du réseau de
transport et de distribution et d’électrification rurale)
-
261,8 milliards de FCFA pour, l’agriculture (structuration de la filière arachide,
développement de corridors céréaliers, microprojets de soutien à l’agriculture familiale, à
150 projets d’agrégation ciblés sur les filières Haute Valeur Ajoutée et élevage)
-
257,3 milliards de FCFA pour l’éducation et de la formation (construction d’universités,
d’instituts supérieurs d’enseignement professionnel, amélioration de l’éducation de base,
éducation des filles, alphabétisation, renforcement de l’enseignement franco-arabe)
-
251,6 milliards de FCFA pour l’eau potable et l’assainissement en milieu urbain et rural
-
124,6 milliards de FCFA pour la santé (programme « Dakar Medical City», Programme
national de relèvement des plateaux techniques des hôpitaux et autres centres de santé
etc.)
A cela s’ajoute cinq secteurs de financement :
-
60,4 milliards FCFA destinés à la gouvernance, la paix et la sécurité (programme de
renforcement de la gouvernance démocratique et réalisation d’infrastructures de
sécurisation urbaine)
-
60 milliards de FCFA pour le secteur de la communication, les infrastructures et services
de télécommunications (projet de ville numérique du Sénégal, implantation de cyber
cases dans les 14 régions du Sénégal)
-
46,9 milliards de FCFA pour la protection sociale (couverture universelle par l’assurance
maladie, appui aux filets sociaux, programme nationale de bourses de sécurité familiale et
de couverture maladie universelle)
-
40 milliards de FCFA pour les risques et catastrophes (gestion des eaux pluviales, projet
de résilience climatiques et gestions des risques et catastrophes)
-
36,4 milliards de FCFA pour l’environnement (changements climatiques et
développement durable, gestion intégrée des écosystèmes, consolidation et extension des
Aires marines protégées)
Il faut noter que le Partenariat Public Privé (PPP) assure un montant de 1587 milliards de FCFA
dans les secteurs suivants :
-
417,4 milliards de FCFA pour les infrastructures et services de transport (construction du
Tramway à Dakar et le projet de hub aérien régional ;
-
396,6 milliards de FCFA pour l’agriculture (3 à 4 corridors céréaliers et 100 à150projets
d'agrégation ciblés sur les filières HVA et élevage)
-
245,9 milliards de FCFA pour l’habitat et le cadre de vie (programme d'accélération de
l'offre en habitat social et le "Business Park")
-
165,8 milliards de FCFA pour le tourisme (développement touristique intégré)
-
141,6 milliards de FCFA pour l’éducation et la formation (Construction de résidences
universitaires et ‘’Dakar Campus Régional de référence)
-
101,086 milliards de FCFA pour les mines et carrières (projet intégré sur le fer-Falémé)
-
52,5 milliards de FCFA pour l’industrie (Plateformes industrielles intégrées);
-
40 milliards de FCFA pour l’eau potable et l’assainissement (une usine de dessalement de
l'eau de mer) ;
-
15,7 milliards de FCFA pour la santé ("Dakar Medical City");
-
10,5 milliards de FCFA pour le commerce (zones dédiées aux services d'exports prêtes à
l'emploi)
3.2. Le nouveau projet de décentralisation
3 .2.1 Historique de la décentralisation au Sénégal
L’histoire de la politique de décentralisation au Sénégal remonte 19ème siècle, durant la période
coloniale. C’est en 1872 qu’il y a eu les premières réformes administratives avec la création des
communes de Saint-Louis et de Gorée le 10 Août 1872 ; les communes de Rufisque et de Dakar
en 1880 et 1887. Ces quatre communes étaient de plein exercice. Parallèlement, des collectivités
locales étaient créées en 1904 sous l’appellation de communes mixtes. Au moment d’accéder à la
souveraineté, le Sénégal comptait 34 communes, toutes de plein exercice. Des réformes ont été
mises en œuvre et d’autres communes pour consolider la décentralisation.
La décentralisation au Sénégal a connu trois phases :
De 1960 à 1990 : la phase institutionnelle de la réforme dans laquelle les collectivités locales en
milieu rural furent créées. En 1972 le Sénégal comptait 320 communautés rurales. Mais cela
n’empêcha pas que les fonctions d’administrateur de crédits, et d’ordonnateurs du budget
communautaire soient confiées au Sous-préfet.
La seconde phase de la décentralisation (1990-1996) était une phase d’approfondissement et
pendant cette période, les communes étaient désormais administrées par un maire élu et non plus
par un fonctionnaire nommé par les pouvoirs publics. La gestion des Communautés Rurales par
le sous-préfet est transférée au Président du Conseil Rural qui devient désormais ordonnateur du
budget communautaire.
C’est en 1992 que la Région voit le jour. Elle devient une collectivité territoriale décentralisée
avec un statut juridique et une autonomie financière. Cette phase troisième phase repose sur
certains principes comme le statut unique, l’équilibre entre la décentralisation et la
déconcentration, les niveaux de décision dans le cadre des ressources, le contrôle et l’unité
nationale, l’intangibilité des frontières et l’intégrité territoriale.
L’objectif principal de ces réformes est de promouvoir le développement économique, social, et
culturel de chaque région ; de mettre en place une administration proche des usagers et
instituer des régions dynamiques. A ce stade, le Sénégal comptait 442 collectivités locales : 322
communautés rurales, 110 communes et 11 régions. C est en 1996 que les compétences suivantes
seront transférées en distinguant celles qui sont dévolues aux régions, aux communes et aux
communautés rurales aux collectivités locales : domaines, environnement et gestion des
ressources naturelles, santé, population et action sociale, jeunesse, sports et loisirs, culture,
éducation, planification, aménagement du territoire et urbanisme et habitat. L’importance de ce
transfert de compétence réside dans l’implication significative des responsables locaux dans le
vécu quotidien des populations, par conséquent dans la recherche du développement local.
Le problème majeur dans ce transfert de compétences vers les collectivités territoriales
sénégalaises est qu’il n’y a pas de transfert conséquent des ressources de l’Etat. Aujourd’hui le
Sénégal compte aujourd’hui 14 régions (Dakar, Diourbel, Fatick, Kaolack, Kolda, Louga,
Matam, Saint- Louis, Tambacounda, Thiès, Ziguinchor, Sédhiou, Kaffrine, Kédougou), 172
communes, dont 46 communes d’arrondissement, et 385 communautés rurales.18
Le projet de décentralisation du nouveau gouvernement s’inscrit dans la logique d’organiser le
Sénégal en territoires viables, complétifs et porteurs d’un développement durable à l’horizon
2022.
3.2.2. L’acte 3 de la décentralisation
Malgré toutes les réformes et progrès que le Sénégal a connus dans le cadre de la
décentralisation, le nouveau gouvernement a diagnostiqué et décelé des faiblesses et des
contraintes. Ces manquements sont liés au cadre organisationnel et fonctionnel, à la viabilité des
territoires ainsi qu’à leurs potentialités de développement; à l’aménagement, à la gouvernance
territoriale etc.
La nouvelle réforme sur la décentralisation (Acte 3) compte faire d es nouvelles régions, des pôles
de développement économique et social. Les collectivités locales seront renforcées de pouvoirs
économiques, la gouvernance locale ainsi que la politique d’aménagement du territoire et de planification
locale seront améliorées. La réforme prévoit la dotation de l’élu local d’un nouveau statut, l’amélioration
des conditions d’existence et de travail des agents des collectivités locales, le renforcement de la
déconcentration ainsi que l’amélioration des rapports entre déconcentration et décentralisation. 19
18 http://www.cooperationdecentralisee.sn/-Collectivites-locales-senegalaises-.html03
L’Acte III de la décentralisation cherche à renforcer la décentralisation et la territorialisation des
politiques publiques dans le sens de l’adapter aux réalités des différentes unités spatiales. Ce qui revient à
organiser le pays en fonction de la viabilité, la compétitivité des territoires pour un développement
durable.
Deux phases sont prévues pour la mise en œuvre du plan d’action de l’Acte III de la décentralisation 20 : la
généralisation des communes, la création des conseils départementaux à l'échelle départementale, la
modification de la répartition des compétences dans les collectivités locales. Pendant cette période les
limites territoriales actuelles des collectivités locales et celui des régions actuelles seront maintenues. Le
transfert de neuf domaines de compétence, de l'Etat aux collectivités locales, de même que le financement
du développement local ne seront pas affectés.
La deuxième phase se traduira par l’émergence volontaire de nouveaux ensembles territoriaux intégrant
des régions et des départements. Ainsi on parlera de la région du Sénégal oriental ou de la Casamance.
Conclusion
Depuis son accession à l’indépendance en 1960, le Sénégal cherche la voix du développement.
Différentes politiques économiques ont été mises en œuvre pendant ces quarante années. Il y a eu
l’ajustement structurel dans les années 1980 et 1990 sous le régime socialiste imposé par les
bailleurs de fonds et ensuite la libéralisation de l’économie sénégalaise entre 2000 et 2012 sous
le Président Wade. Seulement en 2012, 46,7% de la population du Sénégal vivent sous le seuil
de la pauvreté et le pays, agricole à plus de 70%, n’arrive pas à atteindre son autosuffisance
alimentaire. La jeunesse qui fait la moitié de la population connaît des problèmes de perspectives
avec le taux élevé de chômage, la crise universitaire etc. L’accès à la santé, à l’eau potable et à
l’électricité constitue des sources de troubles sociales dans le pays.
Le Plan Sénégal Emergent, initié par le président Macky Sall, ambitionne la prise en charge des
aspirations des populations à travers une croissance durable. Ce programme veut porter la
croissance à 7% pour une décennie avec comme leviers : les secteurs de l’agriculture et
l’agroalimentaire, de l’habitat, des mines et du tourisme. Il s’appuie sur une trentaine de projets
capables d’influer significativement sur l’économie.
Pour réussir ce programme, le Président Sall mise sur un changement de comportement des
Sénégalais à travers une doctrine de gouvernance dans la sobriété, la vertu et la transparence.
Pour répondre aux aspirations des populations, l’Etat compte promouvoir le travail et le mérite,
et cultiver le sens de l’Etat, du résultat et de l’excellence dans le pays. Le PSE cherche à
intensifier les réalisations sur le terrain, moderniser l’espace rural, promouvoir un
19 http://www.proddel.sn/actualites.html?id_article=284
20 http://www.senagroportail.com/wp-content/uploads/2013/10/revue-de-presse-acte-3-decentralisation_vf-1.pdf
environnement des affaires et un secteur privé de standard international. Ces objectifs peuvent
être atteints s’il y a un Etat de droit, une citoyenneté active, une économie compétitive, des
ressources humaines qualifiées et la valorisation du potentiel de la jeunesse et des femmes. Le
PSE vient s’intégrer dans une logique de continuité et il s’agit selon le Président Sall d’un
référentiel stratégique de toutes les politiques économiques et sociales.
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