Petit essai d’historiographie :
Race et Histoire, Claude LEVI-STRAUSS
Aurélien SAIDI
A) Circonstances de production de l’œuvre
1) La vie de l’auteur
Fils d’un artiste peintre portraitiste, Claude Lévi-Strauss naît à Bruxelles le 28
novembre 1908. Il accomplit son second cycle universitaire au lycée parisien Janson de Sailly,
avant d’entrer en hypokhâgne littéraire au lycée Condorcet (1926) où il suit le cours de
philosophie d’André Cresson. Connaissant quelques difficultés en grec, il renonce à continuer
en khâgne. Il ne passera alors les portes de la rue d’Ulm qu’en temps que secrétaire du
« Groupe d’études socialiste des cinq Ecoles Normales Supérieures ». Fasciné par Marx,
militant pour la SFIO, il choisit un double cursus de droit et de philosophie à la Sorbonne.
Sous la direction de Célestin Bouglé, il valide son mémoire d’études supérieures, intitulé
« Les postulats philosophiques du matérialisme historique » en même temps que sa licence de
droit. En 1928, il prépare son agrégation de philosophie, au côté de Merleau-Ponty et Simone
de Beauvoir, qu’il valide l’année suivante en compagnie de Ferdinand Alquié et Simone Weil.
Sa rencontre avec Paul Nizan (marié à une de ses petites cousines) l’encourage sur le chemin
de l’ethnologie ; la lecture du livre de Robert H. Lowie, Primitive Society (1920), lui fait
définitivement franchir le pas. C’est ainsi qu’en 1934, après avoir accompli son service
militaire, travaillé au ministère de la Guerre, professé au lycée de Mont-de-Marsan et
abandonné toute carrière politique, il accepte la proposition de Célestin Bouglé, alors
directeur de l’ENS, de postuler pour une chaire de sociologie à l’université de São Paulo, au
Brésil. Il y enseigne durant trois ans jusqu’en 1938 ; jugé trop peu comtien et durkheimien par
ses collègues, il lui faut l’appui de Pierre Monbeig et Fernand Braudel, membres de la mission
française, pour se maintenir à son poste. Puis il effectue avec sa femme, Dina Dreyfus, une
recherche pour le Musée de l’Homme qui le conduit dans le Mato Grosso à la rencontre des
indiens Bororo et Caduveo, dont les conclusions seront soigneusement archivées dans ses
Tristes Tropiques (1955). Nul enseignement universitaire ne lui confère son titre
d’ethnologue, autre que ces articles (attirant notamment l’attention de Robert Lowie), ses
collections exposées au Musée de l’Homme et l’aval de Lévy-Bruhl, Mauss et Rivet.
Il lève de nouveaux crédits auprès du Musée de l’Homme et de la Recherche
scientifique qui lui permettent de lancer une nouvelle expédition au Brésil, à l’Ouest du Mato
Grosso, entre Cuiabá et le Rio Madeira, le conduisant sur les terres des Nambikwara, séjour
qu’il retrace dans son article « La vie familiale et sociale des Indiens Nambikwara ». De
retour en France, la seconde guerre mondiale ne tarde pas à éclater : mobilisé puis démobilisé
pour retourner dans l’Education nationale, il est miraculeusement aidé par un fonctionnaire de
Vichy qui refuse de l’envoyer au lycée Henri IV où il a reçu un poste, en zone occupée. Il se
voit refusé un visa pour le Brésil mais, avec le soutien de la fondation Rockefeller notamment,
il est accueilli aux Etats-Unis, à New York, où il retrouve André Breton et Alfred Métraux, et
fait la connaissance de Yves Tanguy, Marcel Duschamp, Max Ernst, Pierre Lazareff, George
Duthuit Peggy Guggenheim., ou encore trois grands de l’ethnologie américaine, Robert Lowie
A.L.Kroeber et le retraité Boas ; mais la rencontre décisive du linguiste Jakobson lui fait
prendre conscience du potentiel de la méthode structurale. Il enseigne alors au Etats-Unis
avant de rentrer en France en 1947, via Londres. L’année suivante, il est nommé chercheur au
CNRS et soutien sa thèse sur Les structures élémentaires de la parenté (1949) devant le
doyen de la Sorbonne, Davy, président du jury, Emile Benveniste et Albert Bayet. Il fait la
connaissance de sa seconde femme chez son ami Jacques Lacan. Sa thèse, appréciée de