
Conférence iD4D - Quels secteurs développer pour créer de l’emploi en Méditerranée ?
19 septembre 2013 à l’AFD
SYNTHESE
Intervenants :
- El Mouhoub Mouhoud, professeur d’économie à l’université Paris Dauphine
- Nicole Madriaga, économiste au sein de la division Analyse macroéconomique et risque pays à l’AFD
- Mohamed Chafiki, directeur des études et de la prévision financière au ministère de l’Économie et des Finances du Maroc
- Mohamed Soual, chef économiste de l’Office chérifien des phosphates (OCP)
- Hafez Ghanem, chercheur senior au think tank Brookings Institution
Les économies des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée ont été fortement affectées par la crise internationale et par
les révolutions arabes. Les taux d’emplois formels y sont parmi les plus bas au monde (40 %), et les jeunes, qui arrivent en
masse sur le marché du travail, sont les premières victimes du chômage. Quelles solutions pour créer de l’emploi dans les
pays de la zone ?
FAVORISER UNE MEILLEURE ADEQUATION ENTRE FORMATIONS ET BESOINS DES ENTREPRISES
L’offre et la demande d’emplois en zone Méditerranée ne concordent pas. Par exemple, « deux tiers des lauréats de
l’enseignement supérieur au Maroc sortent formés dans des disciplines qui ne sont pas au cœur des préoccupations des
entreprises » (M. Soual). Les entreprises sont donc souvent contraintes de former elles-mêmes leurs salariés. Et de leur côté,
les jeunes diplômés peinent à trouver un emploi. Ils « n’ont le choix qu’entre un déclassement local (en se tournant vers des
emplois sous-qualifiés dans le secteur public) et l’expatriation forcée » (E. M. Mouhoud). Dans la zone, le brain drain est
deux à trois fois supérieur à la moyenne des pays intermédiaires. Les formations devraient donc être mises en adéquation
avec les besoins du marché et organisées autour de l’insertion professionnelle des jeunes diplômés.
DIVERSIFIER LA PRODUCTION EN MISANT SUR DES SECTEURS INNOVANTS ET A FORTE VALEUR
AJOUTEE
En lien avec le point précédent, la spécialisation productive actuelle des pays de la Méditerranée n’est avantageuse pour créer
de l’emploi. Principale cliente des pays méditerranéens, l’Union européenne a favorisé leur spécialisation sur des secteurs
peu productifs et des biens à faible valeur ajoutée, ce qui n’est pas favorable à la création d’emplois, notamment qualifié. Or,
« les transferts de main-d’œuvre d’un secteur peu productif (comme le secteur agricole) vers des secteurs productifs
(secteurs de l’industrie et des services) permettent de réaliser des gains de productivité. » (N. Madriaga). Ces gains de
productivité sont sources d’emploi s’ils sont fondés sur des activités innovantes plutôt que sur une rationalisation du
processus de production économisant de la main d’œuvre. Les pays de la zone Méditerranée devraient donc diversifier leur
production, pour le moment trop polarisée, en se spécialisant dans des secteurs innovants ou à forte valeur ajoutée, pourquoi
pas dans l’aéronautique et l’automobile, comme au Maroc, ou encore dans les NTIC qui sont susceptibles d’offrir des
emplois qualifiés aux jeunes diplômés.
JOUER COLLECTIF POUR CONQUERIR DE NOUVEAUX MARCHES
Les fournisseurs de l’Europe sont aujourd’hui impactés par son ralentissement économique. Les pays de la zone
Méditerranéenne doivent donc trouver des solutions pour mener des négociations commerciales plus favorables avec leurs
partenaires commerciaux européens, et pour s’ouvrir vers de nouveaux marchés. Cela passe par un rapprochement, un
dialogue et une entente entre les pays de la zone. Ils devront rompre avec leurs habitudes « d’intégration individuelle et
spécifique » jusqu’ici pratiquées par chaque pays avec l’UE. Et ils devront trouver des « complémentarités sectorielles » pour
« défendre la compétitivité de la zone Méditerranée à l’international » (M. Chafiki). Ils pourront ainsi conquérir de nouveaux
marchés, en particulier dans le Sud de l’Afrique.
REFORMER LE FONCIER ET L’IMMOBILIER POUR UNE PLUS GRANDE EQUITE DANS L’ACCES A
L’EMPLOI
« Les pays de la Méditerranée sont caractérisés par une forte décomposition territoriale » (E. M. Mouhoud). La croissance
et l’emploi sont concentrés géographiquement autour des grandes métropoles. Or, les prix de l’immobilier sont prohibitifs
pour une partie de la population qui n’a donc pas accès aux principaux bassins d’emploi. En outre, les législations fiscales
favorisent les investissements dans l’immobilier au détriment d’autres secteurs qui pourraient être de plus importants
pourvoyeurs d’emplois.
SOUTENIR LES PME, PREMIERS POURVOYEURS D’EMPLOIS
Les PME « sont confrontées à de lourdes contraintes qui entravent leur développement » (H. Ghanem), notamment au plan
fiscal et administratif. En outre, le poids de la corruption et le fait que certains secteurs de l’économie sont captifs des
pouvoirs politiques n’encouragent pas l’investissement. En conséquence, une grande majorité des PME demeure dans le
secteur informel (près de 80 % en Égypte). La lutte contre la corruption, l’allégement des contraintes administratives et
fiscales, et le lancement d’initiatives encourageant l’investissement dans les PME seraient des moyens de renforcer ces
acteurs, premiers pourvoyeurs d’emplois en zone Méditerranée.