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noms et n’ont leur siège que dans le corps sensitif, de sorte qu’une fois le
vivant supprimé, toutes ces qualités sont détruites et annihilées.7»
La connaissance devait donc être indépendante des opérations du corps
sensible et donc des sens de l’observateur, pour ne porter que sur les caracté-
ristiques essentielles du monde extérieur :
«Mais que, dans les corps extérieurs, il faille, pour susciter en nous les
saveurs, les odeurs et les sons, autre chose que des grandeurs, des figures, des
nombres et des mouvements lents ou rapides, je ne le crois pas ; et j’estime que
si l’on supprime les oreilles, la langue et le nez, il reste bien les figures, les
nombres et les mouvements, mais non plus les odeurs, ni les saveurs, ni les
sons qui, en dehors de l’animal vivant, à ce que je crois, ne sont pas autre
chose que des noms, tout comme le chatouillement et la titillation, une fois
supprimées les aisselles et la peau qui entoure le nez.7»
Cette manière d’envisager la connaissance reposait naturellement sur
une longue tradition, parce qu’elle s’inspirait des croyances religieuses
selon lesquelles Dieu avait créé le monde en ordonnant ses parties, «en
mesure, en nombre et en poids». La tradition et la pensée de Galilée se dis-
tinguaient toutefois sur un point fondamental. L’auteur de L’Essayeur
accordait moins d’importance au point de vue selon lequel l’Univers tout
entier était fondé sur «des grandeurs, des figures, des nombres et des mou-
vements lents ou rapides» qu’à son opinion, selon laquelle la science avait
la capacité d’effectuer des découvertes objectives le long du chemin qui
mène vers la vérité.
Aberrations instrumentales ou humaines?
Les conjectures sur les comètes émises par Grassi en 1618 ne
sont pas uniquement imputables à une conception erronée de
l’observation télescopique, mais également à une fausse
appréciation de la connaissance humaine. Selon Grassi, le
fait que le télescope n’ait révélé aucune amplification du
rayonnement lumineux entourant les comètes n’était pas la
preuve de leur éloignement, mais, au contraire, la preuve que
les comètes n’étaient pas des objets réels : Grassi, dans son
inclination pour le Système de Tycho Brahe, confondait réa-
lité et illusion des sens.
Mais Galilée est embarrassé, car il ne peut se reposer sur
une connaissance de la nature des comètes et la question sub-
siste : les comètes sont-elles des «artefacts» et non des
choses ? Galilée avance des exemples de phénomènes
optiques qui, perceptibles de la même manière par de nom-
breux observateurs, ne correspondent pas à des entités réelles,
mais sont de simples «apparences». Il suffit, à titre d’exemple,
d’analyser correctement ce qui se passe lorsque, à la surface de
la mer au soleil couchant, une bande lumineuse apparaît.
Existe-t-il, à la surface de l’eau, une chose matérielle qui émet
de la lumière et qui prend cette forme allongée et bien visible?
Pour répondre à cette question, il suffit que l’observateur
marche le long de la plage : ce faisant, il modifie sa propre
position, mais l’image perçue reste inchangée. La chose matérielle émettrice
n’existe pas en elle-même, raisonne Galilée, mais le phénomène optique est
patent. Comme ce n’est pas la mer qui émet, aucune information obtenue au
moyen d’un télescope ne peut préciser notre description du phénomène. Il pou-
vait en être de même des comètes...
En assimilant les comètes à de possibles phénomènes optiques ou atmo-
sphériques, Galilée n’adopte cependant pas la position d’Aristote. Le scienti-
fique grec croyait que les comètes se trouvaient au-dessous de la Lune et
consistaient en des exhalaisons terrestres. Celles-ci, en montant, s’enflam-
maient et émettaient la lumière vue par les observateurs.
L’Académie des Lincei suggéra en 1625,
sur la proposition de Giovanni Faber,
académicien et ami de Galilée,
que la nouvelle invention de Galilée soit
baptisée du nom de
«microscope». Les académiciens firent
imprimer, la même année, le premier
document fondé sur des techniques
microscopiques. Intitulé Melissographia
Lincea, il était dédié
au pape Urbain VIII.
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Cortesia Istuto e Museo di storia della Scienza, Firenze