Published on Encyclopédie des violences de masse (http://ww
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conséquences rendues cruelles par le système d’extermination subi par la ville-ghetto.
Pas plus qu’elle ne s’est évanouie ou qu’elle n’a été tue après la guerre, la mémoire de la Shoah ne
va disparaître ou cesser d’évoluer. Mais l’historiographie n’est pas non plus près de s’essouffler. Pour
le moment, elle souligne les continuités dans le temps, de 1933 à 1945, depuis les premières
manifestations du système d’extermination en 1933, jusqu’à son industrialisation à la faveur de la
guerre. En centrant le regard sur les débuts (1933-1940) et sur la fin (1944-1945), cet ensemble
d’articles laisse de côté les années qui ont été les plus terribles pour les populations juives, 1941 et
1942, durant lesquelles plus des trois cinquièmes de leurs membres ont été assassinés12. La fiction
nazie de la « conspiration juive mondiale » était seule à même de susciter la transe meurtrière, faite
d’angoisse et d’exaltation, qui a permis le déclenchement de cette politique génocidaire et assuré
son efficacité. Mais l’examen des premières et de la dernière année du système d’extermination
éclaire l’ensemble du programme de meurtre. La construction d’une race nouvelle par élimination
physique des non-conformes a débuté dès 1933 et a réussi. En 1945, après l’assassinat de centaines
de milliers d’handicapés et de Tsiganes, et de millions de Juifs, la race aryenne était devenue réalité,
au moins dans le Grand Reich qui n’était plus composé que d’Aryens. L’ironie de l’histoire veut cette
purification ethnique ait coïncidé avec une politique d’importation massive de prisonniers de toutes
origines, prisonniers de guerre, travailleurs forcés, main d’œuvre esclave raflée à l’Est, déportés de
tous pays exterminés lentement en camps de concentration. La concomitance des deux politiques
-la construction de la race et l’immigration de millions d’impurs- entretenait une tension
mobilisatrice porteuse de violence. En quatre mois, de janvier 1945 à l’arrivée des Alliés, plus de 500
000 détenus de tous types, « politiques », « asociaux » et « raciaux » confondus, ont encore été
assassinés. Seule la force armée a pu mettre un terme à ce système apparemment voué à une
radicalisation sans fin.
1. Henry Friedlander, Les origines de la Shoah. De l’euthanasie à la solution finale, Paris,
Calmann-Lévy, 2015, 517 p. (1995 pour l’édition originale en anglais).
2. Heinz Wismann, « Commentaire du modérateur », in Revue des questions allemandes.
Documents, numéro spécial sur « Place des femmes dans le système concentrationnaire »,
colloque organisé à la Maison Heinrich Heine, octobre 2005, p. 49-50.
3. Marcel Aymé, « Vive la race ! », Marianne, 3 mai 1933, p. 15. Sur le site de la Bibliothèque
Nationale de France : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7644915r/f15.item.zoom [9]
4. Henry Friedlander, op.cit., p. 48-49.
5. Michael Wildt, Hitler’s Volksgemeinschaft and the Dynamics of Racial Exclusion. Violence
against Jews in Provincial Germany, 1919-1939, Berghahn Books / Yad Vashem, 2012, 311 p.
(2007 pour l’édition originale en allemande).
6. Alan Steinweis, Kristallnacht 1938, The Belknap Press of Harvard University Press,
Cambridge (MA), London, 2009, 214 p.
7. Dieter Groh, « Le ‘Sonderweg’ de l'histoire allemande : mythe ou réalité ? », Annales.
Économies, Sociétés, Civilisations, 1983 Vol.38 Numéro 5 pp. 1166-1187.
8. Ulrich Hebert, « La politique d’extermination. Nouvelles réponses, nouvelles questions sur
l’histoire de l’holocauste », Numéro spécial sur La violence nazie dirigé par Jean Solchany,
Revue d’histoire moderne et contemporaine, 47-2, avril- juin 2000, p. 253 ; Hans Mommsen,
"Die Realisierung des Utopischen : die "Endlösung der Judenfrage" im "Dritten Reich"".
Geschichte und Gesellschaft Jg. 9 (1983), H. 3, 381-420.
9. Eugen Kogon, Hermann Langbein, Adalbert Rückerl (dir.), Les chambres à gaz, secret
d’Etat, Paris, Editions de Minuit, 1984 (édition originale en allemand en 1983), chapitre 3.
10. Ibidem, édition en Point Seuil, 1987, p. 47-48.
11. Peter Longerich, Himmler, Paris, Editions Héloïse d’Ormesson, 2010 pour la traduction,
2008 pour l’édition en allemand, 917 p., chapitre « L’effondrement ».
12. Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, Paris, Folio Gallimard, 2006 (édition
originale, 1961), tome III, p. 2273.
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