Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération
Direction de la Diplomatie Publique et des Acteurs non Étatiques
Revue Économique hebdomadaire
N° 93
Du 10 mai 2013
Facebook fatigue?
Un an après une introduction en Bourse
ratée, les plus sceptiques n'hésitent plus à
annoncer la chute programmée de la maison
Facebook. Toujours prompts à lancer des
slogans qui font mouche, les donneurs de
leçons parlent désormais ouvertement de
«Facebook fatigue ». A l'heure où de plus en
plus d'adolescents vieillissants constatent
que leurs conversations sur le pionnier des
réseaux sociaux...
Inquiétudes
Il faut remonter très loin pour trouver un 1er
mai comme celui de cette année, avec autant
de monde. Politiquement, il n’y a pas de
précédent au Maroc: un parti de la majorité
gouvernementale attaque de front, avec ses
troupes syndicales, la coalition à laquelle il
appartient...
Tourisme: les pre-
miers effets de la vi-
sion 2020
Le Maroc est un cas d’école. Les dépenses
directes des touristes y progressent
linéairement», déduisent des experts de
l’Association méditerranéenne des voyages
(META). Un constat qui conforte les
orientations prises par la Vision 2020Selon
la dernière étude Meta, «les dépenses de
touristes au Maroc sont à l’évidence...
L’expérience japo-
naise
Après des années de petites adaptations,
le Japon a initié un changement majeur
de son paradigme politique. Les
réactions qu’il a suscitées sont allées
depuis le grand optimisme que le pays
puisse enfin sortir d’un quart de siècle de
stagnation économique, jusqu’à la crainte
que le changement de cap...
S O M M A I R E
OPCVM: les inves-
tisseurs liquident
leur position
Les fonds de gestion collective font
grise mine. Baisse du marché actions,
dégradation des finances publiques,
manque de liquidités, absence de
visibilité…, tous les éléments sont
réunis pour empêcher la reprise de ces
véhicules de placement qui abritent
près de 250milliardsdeDH...
08
06
Presse économique nationale
02 Inquiétude
02 GPS et fantômes
02 Small is beautiful
03 Liquidités: le crédit a du mal à reprendre
03 Hors agriculture, l’économie tourne au ralenti
Presse économique internationale
04 Les nouveaux chemins de la prospérité
04 Les zones économiques spéciales chinoises: l’illusion de la
croissance
05 La France en sursis
05 L’expérience japonaise
Page Finances
06 Liquidités: le besoin des banques s’intensifie
06 Athènes doit intensifier sa lutte contre l’évasion fiscale
06 OPCVM: les investisseurs liquident leur position
07 Une banque maghrébine avant fin 2013
07 Libre échange: l’Union européenne ne souhaite pas négocier
avec la Chine
07 L’agriculture se porte bien, la pêche fait encore mieux!
07 Le brésilien Roberto Azevedo serait le prochain directeur de
l’OMC
07 Airbus conforte son avance sur Boeing
07 IDE: le Maroc dans le trio de tête
07 La France pressée de toute part de se réformer
Eco zoom
08 Tourisme: les premiers effets de la Vision 2020
08 Facebook fatigue?
02
05
08
Brèves Eco
Inquiétude
Il faut remonter très loin pour trouver
un 1er mai comme celui de cette
année, avec autant de monde.
Politiquement, il n’y a pas de
précédent au Maroc: un parti de la
majorité gouvernementale attaque de front, avec ses troupes
syndicales, la coalition à laquelle il appartient. L’histoire a
retenu ce genre d’action en Amérique latine, avec notamment le
mouvement péroniste, dans les années 1940. De ce côté-ci de
l’Atlantique, c’est nouveau. Il faudra du temps pour que les
autres forces politiques et syndicales se positionnent face à la
donne engendrée par la mobilisation UGTM-Istiqlal,
mobilisation qui vise prioritairement son partenaire, le PJD. Le
contexte est évidemment la double crise financière que le Maroc
s’est préparée tout seul, à cause de l’irresponsabilité de son
personnel politique. Une double crise dont le pire est encore à
venir, mais face à laquelle le gouvernement donne le sentiment
d’être dans la plus totale déroute: le chef d’équipe se tait et ses
équipiers disent tout et le contraire de tout. Même les vieilles
habitudes qui permettaient d’entretenir les liens, comme le
dialogue social, ont lâché devant la pagaille gouvernementale.
En effet, ce n’est pas la situation désastreuse des finances
publiques qui a servi d’excuse… c’est une bête question de date
de rendez-vous. On se frotte les yeux et les oreilles devant un tel
motif: comment peut-on en arriver à un tel niveau de
négligences et de désorganisation? Il n’y a plus grand monde
pour croire aux «crocodiles» et aux «diables» qui empêcheraient
l’équipe gouvernementale d’agir. Les critiques de l’opinion
publique se font nettement plus vipérines, puisqu’elles portent
maintenant sur la compétence et la capacité d’organisation des
personnes: seul Benkirane a encore une bonne marge de
satisfaction mais aucun de ses ministres n’arrive à 20% de cote
d’amour. C’est dans ce contexte désenchanté et inquiet que
Chabat trouve aujourd’hui ses forces.
L’Économiste
Revue Nationale: Éditoriaux et Chroniques
P 2
Small is beautiful
Très souvent le débat entre spécialistes et
initiés sur les grandes questions
économiques est tellement techniciste et
sophistiqué qu’on passe à côté des vraies
réponses. Et très souvent aussi ces réponses
sont à notre portée pour peu qu’on prenne
le temps d’observer en oubliant les
démonstrations savantes. Depuis des
années, au Maroc, la question sur la
création et le partage des richesses taraude
l’esprit des économistes. Pourquoi et com-
ment la croissance du PIB n’arrive-t-elle
pas à se traduire dans l’économie réelle et
la vie du Marocain moyen ? Pourtant, dans
la vie de tous les jours, les exemples de ce
que l’on pourrait faire pour y remédier ne
manquent pas. Caftan ! Voilà un de ces
exemples qui peuvent faire cas d’école.
Caftan est une petite machine économique
qui fait vivre des centaines voire des
milliers de personnes. Chaque année, ce
sont 15 stylistes qui exposent leurs
créations. Chacun d’entre eux doit en
produire huit, ce qui fait 120 créations au
total. Or, il faut savoir que derrière chaque
caftan exposé, une multitude de petites
mains, d’artisans, de prestataires ont
travaillé jour et nuit. Fait insoupçonnable,
beaucoup de ces petits artisans qui vivent
de Caftan se trouvent dans des villes, des
patelins et des régions reculées, travaillent
dans de petits ateliers qui dans la couture,
qui dans la broderie, qui encore dans la
passementerie ou la garniture… Pour cette
multitude de petites mains, Caftan est une
véritable manne qui leur permet non
seulement de montrer leur savoir-faire mais
simplement de gagner dignement leur vie,
car 80% des recettes procurés par la vente
des ces belles créations vont à des centaines
de petits artisans éparpillés à travers le
pays. Bien plus que cela. Même quand il est
clôturé, et pour rester dans le jargon des
économistes, Caftan continue de produire
des effets induits. Beaucoup de femmes
marocaines, ne pouvant pas s’offrir des
pièces à 100 000 DH, vont tout simplement
s’inspirer des modèles, acheter elles-mêmes
leurs matières et demander à des artisans de
les reproduire. Même si les chiffres sont à
taille humaine, le plus important dans tout
cela est d’y voir un bel exemple de
mécanisme de transfert et de partage de
richesses. Caftan est bel et bien une
machine économique, une bonne
illustration de ce que devrait être une chaî-
ne de valeur. Qui l’aurait cru ?!
La Vie Eco
GPS et fantômes
Le gouvernement Benkirane est apparemment
décidé à amorcer sa cure d’austérité.
Concrètement, il commence par geler les
salaires de 523 fonctionnaires fantômes et à serrer la vis quant à
l’utilisation des véhicules des administrations publiques. Ainsi, le
ministre Abdelaâdim Guerrouj a traduit ses menaces en actes en
franchissant le pas du gel de salaires. D’aucuns estimeront que la
décision de bloquer 523fonctionnaires est une goutte d'eau dans
l'océan, car il est vrai qu’en quarante années d’anarchie
administrative, les fonctionnaires fantômes se comptent par
dizaines de milliers. Cependant, il est impératif de commencer le
nettoyage, ne serait-ce que graduellement, de façon progressive.
Cela dit, le gouvernement doit être investi d’une forte volonté
politique pour faire aboutir ce projet. Il devra en effet faire face à la
résistance de gros bonnets, qui bénéficient de salaires rentiers
depuis des décennies. Le succès de cette démarche passe par une
systématisation de l’approche et de préférence en commençant par
le haut, ce qui serait le signal d’une forte détermination. Se
contenter de petits fonctionnaires serait assimilé à du saupoudrage
et décrédibiliserait toute l’opération. Il s’agit d’un dossier à prendre
avec beaucoup de sérieux, car il lèse doublement l’État. D’abord, il
lui coûte, de manière indue, des milliards de dirhams. Ensuite, il
l’empêche de recruter des jeunes en quête désespérée d’emploi. Sur
un autre registre, il est question de rationaliser l’utilisation des
véhicules de l’État, ce qui n’est pas trop tôt. Ce parc est à la fois
mal géré et utilisé à des fins pas toujours professionnelles. C’est
d’ailleurs pour cela qu’il a été décidé d’équiper les véhicules de
l’État d’un GPS, qui permet leur localisation à tout moment,
pendant et hors des heures de service. C’est une sorte de mouchard
plutôt dissuasif pour les utilisateurs, qui est en usage dans de
nombreux pays. Ces deux mesures, aussi symboliques soient-elles,
augurent d’un but de prise de conscience au niveau du
gouvernement, qu’il faudrait généraliser aux différents
départements de l’Exécutif et des administrations.
Les Échos (Maroc)
P 3
Hors agriculture, l’économie
tourne au ralenti
L’activité au cours du premier
trimestre de cette année a été
fortementԛcontrastée. D’un
côté, un redressement assez
notable de la valeur ajoutée
agricole (+16,4% au lieu de -8,3% en 2012),
de l’autre, un ralentissement des activités
hors agricoles (+3,3% au lieu de +4,4% un
an auparavant). Résultat : le PIB global
aurait progressé de 4,8% au lieu de 2,7% un
an auparavant. Au deuxième trimestre, la
croissance du PIB, porté par la dynamique
agricole, pourrait même atteindre 5,8%. Ces
estimations sont du Haut commissariat au
plan (HCP) qui vient de faire le point sur la
conjoncture au titre des trois premiers mois
de l’année 2013. C’est donc clairement
l’agriculture qui tire la croissance
économique à la hausse. Les activités hors
agricoles, elles, ont connu des fortunes
diverses: cela va du ralentissement de
certaines branches, à la baisse de certaines
autres, en passantԛparԛuneԛlégère
améliorationԛdeԛquelques-unes. Ainsi, le
secteur secondaire (qui comprend
l’industrie, l’énergie et les mines)
a contribué négativement (-0,2
point) à la croissance du PIB,
selon le HCP. Cette contribution
négative s’explique, en premier
lieu, par la poursuite de la baisse
du BTP (bâtiment et travaux publics): -6,5%
de valeur ajoutée, au lieu de -5,7% un tri-
mestre auparavant. Certains chefs
d’entreprises, en catimini, anticipent même
de fortes suppressions d’emplois dans cette
branche d’activité. Les indicateurs de cette
activité sont en tout cas assez parlants: bais-
se de 20,8% des ventes de ciment à fin mars
et petite hausse (2,3%) des crédits aux pro-
moteurs immobiliers. Et comme le BTP est
une grosse locomotive qui tire de nom-
breux secteurs, ceux-ci en sont assez logi-
quement affectés. C’est le cas de la branche
énergie. Sa valeur ajoutée s’est contractée
de 3,8% selon le HCP. En effet, les ventes
délectricité, sur les deux premiers
mois de l’année, ont globalement baissé de
1,1%. Et la baisse touche tous les types de
clients à l’exception de ceux alimentés
en basse tension, c’est-à-dire grosso modo
le secteur résidentiel. C’est ainsi qu’on
constate que les ventes haute tension, très
haute tension et moyenne tension, soit les
ventes pour l’industrie, ont baissé de 2,9%.
Pareillement, les ventes des produits pétro-
liersԛontԛaccuséԛdes baisses allant jusqu’à
14% pour l’essence et 8% pour le gasoil. En
tout cas, la production de la Samir (car tous
les produits raffinés ne sont pas issus de la
Samir, mais importés) a accusé une baisse
de 24,6% sur les deux premiers mois de
2013. En fait, la baisse de la branche éner-
gie ne résulte pas que des contre-
performances du BTP, mais également
des difficultés de l’industrie. Car, quand les
ventes d’électricité aux clients haute et très
haute tension baissent comme c’est le cas,
cela signifie que des industries comme cel-
les du ciment, par exemple, ont réduit leur
consommation proportionnellement à la
baisse des commandes.
Les Échos (Maroc)
P 3
Analyses
Liquidités: le crédit a du mal à reprendre
Mois après mois, la croissance des créances à l’économie poursuit
son ralentissement. En l’espace d’une année, leur progression est
revenue de 7,6 à 2,1% seulement. Cette décélération significative
incombe principalement à une contraction, plus importante, des
crédits bancaires. De 8,6% en mars 2012, le rythme de progression
dépasse à peine 2% aujourd’hui. Selon les dernières statistiques
monétaires mensuelles de Bank Al
-Maghrib, l’encours des crédits distri-
bués par les banques est revenu en des-
sous de la barre de 700 milliards de DH
(699,6 milliards de DH). Deux princi-
pales raisons expliquent ce ralentis-
sement: le déficit chronique des liquidités
bancaires et surtout la baisse de la deman-
de. Cela se manifeste notamment au ni-
veau des crédits à l’équipement qui, après
une progression de 2,3% en mars 2012, se
sont contractés de 1,3% au terme des trois
premiers mois de 2013. D’ailleurs,
leur encours se réduit de près de 4 mil-
liards de DH pour se fixer à 134 milliards
de DH. La baisse des crédits à l’équipe-
ment est significative puisqu’elle indique
une réduction des investissements des entreprises dans leur outil
productif. Autre source d’inquiétude toujours pour les entrepri-
ses, la réduction de la croissance des facilités de caisse accordées
par leur banque. Justement, le rythme de progression des crédits de
trésoreries a ainsi chuté en un an de 16 à 0,9% seulement pour un
encours qui dépasse à peine 171 milliards de DH. Dans ce sillage,
les créances diverses sur la clientèle bancaire continuent leur ré-
gression (5,8%) à 92 milliards de DH. Seuls les prêts immobi-
liers maintiennent une progression convenable quoiqu’en forte
décélération par rapport aux années du boom immobilier où les
taux de croissance frôlaient les 30%. Aujourd’hui, si les ban-
ques continuent de soutenir les particuliers dans leur achat de loge-
ment, elles ont fermé les robinets pour les promoteurs. Les crédits à
l’habitat se sont améliorés de 10% à fin mars à 153,7 milliards de
DH. A l’inverse, les prêts aux promoteurs n’évoluent que de +0,9%
à près de 69 milliards de DH. Ces évolutions se sont traduites par
la décélération des crédits alloués au secteur privé à 575 milliards
de DH. Une décélération qui a recouvert un ralentissement
des crédits accordés aux entreprises non financières privées (de 6,3
à 0,7%) mais une accélération des prêts octroyés aux ménages (de
6,7 à 8,1%). Les crédits des entreprises
non financières publiques ont pour leur
part baissé de 0,9% à 30 milliards de
DH. Par branche d’activité, le ralentisse-
ment du crédit bancaire recouvre une
baisse de 2,1% pour l’industrie, de
5,6% pour le commerce et de 7,3% pour
les activités financières. A cela s’ajoute
une décélération de 9,9 à 2,8% pour le
BTP et de 18,1 à 11,2% pour l’électrici-
té, gaz et eau. Pour ce qui est des créan-
ces des autres sociétés financières sur
les agents non financiers, elles se
contractent aussi. Les prêts accordés
par les sociétés de financement se sont
réduits de 7,5 à 4,6% et ce, suite au repli
de 4% des crédits à la consommation
aux ménages et à la décélération du crédit bail aux entreprises pri-
vées, de 6,7 à 2,2%. Quant aux crédits accordés par les banques
offshores, ils ont augmenté de 6,4% après la baisse de 14,3% de
mars 2012. Cette hausse est attribuable, selon BAM, à «la progres-
sion des crédits à l’équipement aux entreprises privées, qui ont
quasiment doublé en 2013». Si les crédits bancaires ralentis-
sent, les créances en souffrance poursuivent leur hausse. Au terme
du premier trimestre 2013, leur encours se hisse à 37,3 milliards
de DH, en hausse de 9,2%, soit 2 milliards de DH de plus qu’à fin
décembre 2012.
L’Économiste
La décélération des crédits alloués au secteur
privé recouvre un ralentissement des prêts
accordés aux entreprises non financières pri-
vées (de 6,3 à 0,7%) et une accélération des
prêts octroyés aux ménages (de 6,7 à 8,1%).
P 4
Revue internationale: Éditoriaux et Chroniques
Les nouveaux chemins de la
prospérité
Il fut un temps où la croissance
guérissait tous les maux. Après les
destructions massives et les
millions de morts de la Seconde
Guerre mondiale, les États-unis,
l'Europe et le Japon virent en elle
la panacée capable de panser leurs
plaies et de porter leur prospérité à
des niveaux sans précédent dans
l'histoire de l'humanité. Un cercle
vertueux unit alors la production
industrielle à la consommation de masse,
l'augmentation des profits des entreprises à
l'amélioration continue de la condition des
salariés. Et le développement de l'Etat-
providence vint couronner cet âge d'or. Mais
cette belle machine s'est grippée il y a
quarante ans, à la faveur des chocs
pétroliers. La mondialisation, l'emprise
croissante de la finance sur l'économie, mais
aussi l'épuisement des bénéfices de la
modernisation menée durant les Trente
Glorieuses ont provoqué un changement de
régime de la croissance. Plus lente dans les
pays riches, et particulièrement en Europe,
celle-ci se concentre désormais dans les
pays du Sud, qui entament enfin leur
rattrapage. Surtout, elle semble devenue
plus volatile et, même si elle a tiré des
millions de personnes de la pauvreté au Sud,
elle se satisfait désormais des inégalités qui
prospèrent de nouveau au Nord et
préparent de nouvelles crises
économiques et sociales. Enfin, elle
montre chaque jour un peu plus son
coût pour l'environnement, mettant
en péril la capacité de la planète à
se ressourcer et donc l'avenir même
de nos sociétés. Malgré cela, les
dirigeants européens veulent croire
encore au retour de l'âge d'or. Com-
me les vagabonds de la pièce de
Samuel Beckett attendant l'improbable ve-
nue de Godot, ils guettent les signes d'un
retour de la croissance sur le Vieux
Continent en proie à la pire récession de son
histoire depuis les années 1930. Leur quête
apparaît d'autant plus vaine que la chape de
plomb de l'austérité qu'ils font peser sur
leurs économies produit l'effet tout à fait
contraire de celui recherché. Partout en
Europe, le chômage s'installe à des niveaux
inédits, gâchant de précieuses compétences
et semant le désespoir. Mais il ne suffira pas
que nos responsables politiques relâchent
l'étau de l'austérité. Il leur restera, tâche plus
ardue encore, à changer de logiciel. La
croissance n'est pas une fin en soi, mais un
moyen au service du bien-être de la société.
Par conséquent, la croissance de demain ne
peut plus ressembler à celle d'hier. Il faut en
tirer deux conclusions. Premièrement, la
«croissance verte» n'est pas seulement
affaire de panneaux solaires et d'éoliennes.
Elle passe par une réorganisation profonde
de l'économie, afin qu'elle trouve une
harmonie avec les écosystèmes naturels et
prenne enfin en compte leurs limites.
Deuxièmement, sauf surprise, la croissance
de demain sera inévitablement plus lente
que celle des Trente glorieuses. Son rythme
élevé ne pourra servir de cache-misère aux
inégalités : celles créées depuis trente ans
par la mondialisation et un capitalisme
financier prédateur, comme celles, en plein
développement, qui résultent de
l'approfondissement de la crise écologique.
Au sein de nos sociétés comme au plan
international, se pose par conséquent avec
une acuité redoublée la question d'un
partage plus équitable des richesses. C'est la
condition pour que la «prospérité
économique» ne rime pas seulement avec la
réussite de quelques uns, mais retrouve son
sens étymologique pour tous: la bonne
fortune.
Alternatives Économiques
Les zones économiques spé-
ciales chinoises: l’illusion de
la croissance
Attirer des investissements directs étrangers
a souvent été envisagé comme un moyen
efficace pour promouvoir la montée en gam-
me de la production industrielle. Le premier
canal est direct puisque la qualité des biens
produits par les entreprises à capitaux
étrangers est généralement supérieure à
celle des entreprises nationales. Par diffé-
rents effets de diffusion, la présence de mul-
tinationales peut aussi induire une améliora-
tion des biens produits par les entreprises
nationales. La Chine est probablement
le pays le plus emblématique d'une stratégie
dynamique d'attraction des entreprises étran-
gères. Depuis 1979, le gouvernement chi-
nois a activement promu les entrées d'inves-
tissements directs étrangers (IDE) par
diverses incitations fiscales dans l'espoir
que la présence d'entreprises étrangères
soutienne le processus de transforma-
tion structurelle. Depuis le début des années
2000, les autorités ont multiplié le nom-
bre de zones ciblant les activités d'assembla-
ge. Mirage statistique Dans le cas de la
Chine, les autorités ont concentré les in-
vestissements étrangers et les activités de
transformation dans des zones économiques
spéciales (ZES) dédiées aux exportations :
cette déconnexion structurelle et géographi-
que entre les activités domestiques ordi-
naires d'un côté, et celles reposant sur la
technologie importée et les entreprises étran-
gères de l'autre, a pu entraver la diffusion
technologique. Une étude du G-MonD ré-
cente suggère que ce choix délibéré a réduit
les retombées potentielles et les gains de
croissance provenant des activités d'as-
semblage et étrangères. En effet en concen-
trant les investissements étrangers et les
activités de transformation dans des ZES
dédiées aux exportations les autorités en ont
limité l'enracinement local. Or l'appro-
priation domestique et l'insertion forte des
entreprises dans l'économique locale sont
essentielles pour que l'adoption de nouvelles
technologies renforce la croissance. Ce
travail indique qu'il est crucial de distinguer
entre les différentes origines (domestique et
étrangère) de la montée en gamme pour
disposer d'un indicateur pertinent de la
véritable adoption des technologies
occidentales par les pays émergents et que la
seule référence au volume des
investissements directs étrangers ne saurait
suffire. En effet dans le cas de la Chine,
l'amélioration apparente des exportations
pourrait n'être qu'un mirage statistique dans
la mesure où elle provient uniquement des
progrès des entreprises étrangères ou de la
qualité des composants assemblés, sans
qu'ils initient ou signalent une montée en
gamme des entreprises nationales. En outre,
dans ce contexte, les externalités et les
bénéfices qui en sont attendus en termes de
croissance semblent amoindris.
La Tribune
Analyses
La France en sursis
Alors que la France se trouve dos au mur de sa dette, le délai de
deux ans accordé par Bruxelles pour ramener le déficit à 3 % du PIB
- on ne parle même pas ici de délai pour équilibrer les comptes
publics - apparaît comme un cadeau empoisonné. Accorder deux ans
de plus à un pays drogué à la dépense publique, c'est
entretenir le vice. C'est affaiblir le parti de la rigueur
budgétaire, jamais majoritaire dans notre pays depuis
trente ans, alors que nous n'avons pas encore goûté à
ce que pourrait être un programme vraiment sérieux de
réduction des dépenses publiques. Regardons autour
de nous! Le Portugal a annoncé ce week-end le
relèvement de 35 à 40 heures de la semaine de travail
dans la fonction publique ainsi qu'une forte réduction
du nombre de fonctionnaires. L'Espagne a commencé il y a deux ans
à réduire les salaires de ses agents publics de 5 %, gelé les
embauches de fonctionnaires, amputé le nombre de conseillers
locaux de 30 %, diminué les indemnités chômage et gelé les
retraites. L'Italie a, entre autres, gelé les salaires des agents publics
et les retraites. Et que dire de l'Irlande qui a demandé un effort plus
grand encore à sa population sans provoquer de soulèvements
sociaux, chacun comprenant qu'il y avait un enjeu de
souveraineté ? Depuis le début de la crise en 2008, la France n'a rien
connu de tout cela. Nous sommes le pays qui crie le plus fort contre
la rigueur, comme on crie au loup sans l'avoir vu. Rigueur? Le signal
a été plutôt inverse dans la fonction publique après l'élection de
François Hollande - fin du «un sur deux», embauches dans
l'Éducation nationale et l'on attend toujours une liste détaillée de
coupes dans les dépenses publiques. Bien sûr, compte
tenu de l'état de nos économies, on dira que la
Commission fait preuve de pragmatisme en accordant
du temps: il eût été irréaliste, alors que notre
continent sera en récession cette année, d'exiger un
effort budgétaire trop important. Le risque eût été
d'aggraver la dépression et donc les déficits publics.
Mais il ne faudrait pas prendre prétexte de ce
changement de doctrine pour ne rien faire. Or c'est
b
ien le risque avec une majorité et un gouvernement au sein
desquels s'expriment ouvertement deux lignes, sans que le chef de
l'État n'y trouve à redire. Le sursis de deux ans accordé par Bruxelles
oblige maintenant la France à présenter un programme précis et daté
de réduction des dépenses publiques et de réformes structurelles.
C'est la contrepartie exigée par l'Europe en échange du sursis qui
nous est accordé. Ne perdons pas deux ans de plus.
Les Échos (France)
L’expérience japonaise
Après des années de petites adaptations, le
Japon a initié un changement majeur de son
paradigme politique. Les réactions qu’il a
suscitées sont allées depuis le grand optimisme
que le pays puisse enfin sortir d’un quart de
siècle de stagnation économique, jusqu’à la crainte que le
changement de cap spectaculaire des autorités puisse finalement
faire empirer les choses. Mais, tandis que le débat se concentre
naturellement sur les manœuvres économiques, financières et
politiques du Japon, c’est ce qui se passe à l’étranger qui pourrait
bien faire basculer la balance. Le nouveau gouvernement du Premier
Ministre Shinzo Abe a opté pour une approche révolutionnaire de
politique économique qui comprend plusieurs initiatives, dont
certaines étaient autrefois considérées comme invraisemblables,
inconcevables, voire indésirables. Pour démontrer leur sérieux, les
responsables japonais se sont rapidement engagés à atteindre des
cibles d’indicateurs mesurables. Du côté des inputs politiques, ils ont
prévu et commencé à mettre en œuvre des achats de titres totalisant
75 milliards de dollars par mois. Du côté des outputs, après de
nombreuses années de déflation persistante, le Japon vise désormais
un taux d'inflation de 2%, soulignant ainsi son engagement à éviter
un retrait prématuré du soutien monétaire à la croissance. Les
marchés financiers n’ont pas tardé à réagir. Le marché boursier
japonais a affiché une hausse impressionnante de 55% depuis que les
premiers signes du changement de paradigme sont arrivés sur les
radars des investisseurs. Dans le même temps, le yen s'est fortement
déprécié, y compris de plus de 20% face à l'euro en difficulté. Cette
réponse fait partie du mécanisme de transmission de la politique du
gouvernement japonais. La hausse du marché boursier profite aux
investisseurs nationaux, qui deviennent plus enclins à augmenter
leurs dépenses. Ceci devrait à son tour relancer les «esprits
animaux» des entreprises, encourageant une reprise des
investissements en nouvelles usines et en équipement, ainsi qu’une
augmentation des salaires. Il s’agit, bien sûr, des mêmes mécanismes
que la Fed a ciblé pendant près de trois ans dans ses propres efforts
pour stimuler une croissance plus forte aux États-unis. Les résultats
macroéconomiques ont invariablement déçus les attentes, et il y a de
bonnes raisons de croire que ce sera encore plus difficile au Japon
pour que la seule politique monétaire puisse obtenir une traction
suffisante. Alors que la dette publique totale brute atteint déjà 238%
du PIB, certains craignent que le Japon serait confronté à une
menace de dislocation économique et financière dans le cas où un
échec de son expérience politique menait son secteur privé à
désinvestir du Japon. L'expérience japonaise devra satisfaire deux
conditions supplémentaires si elle veut éviter le sort des expériences
précédentes d'initiatives politiques ratées: des réformes structurelles
significatives qui changent essentiellement la manière dont des
segments de l'économie réagissent et fonctionnent; ainsi que la
permanence du consentement des autres pays face à la dépréciation
de la monnaie nécessaire pour augmenter l’impact des dynamiques
internes. La première condition est entre les mains des citoyens
japonais et de leurs représentants élus. Les réformes nécessaires,
bien que réalisables, mettront à l'épreuve la détermination du
gouvernement et ses capacités de mise en œuvre, ainsi que la volonté
de la population d’accepter des perturbations immédiates en échange
de la promesse de gains à long terme. La deuxième exigence est très
différente. Elle ne peut être atteinte que si d'autres pays sont prêts à
sacrifier leur production, soit parce qu'ils n'ont pas le choix, soit par-
ce qu'ils estiment que, à moyen terme, une économie japonaise plus
forte leur sera bénéfique, lorsque les effets de revenu à plus long
terme compenseront l'impact des dysfonctionnements du marché
immédiats. Ce n’est qu’une question de temps jusqu'à ce que le reste
du monde rattrape la réalité de l’influence que l'expérience du Japon
aura sur lui. L'espoir est que, rassurés par des preuves sur la poursui-
te sérieuse par le Japon de réformes structurelles, ils pourront ac-
cueillir l'expérience de deux manières: en ne ripostant pas et en pro-
cédant à leurs propres réformes internes pour compenser les
pertes de production au profit du Japon. En d'autres termes, une aug-
mentation du gâteau pour tous améliore la part de chacun. Dans ce
cas, le risque implique une guerre des monnaies et d’autres perturba-
tions protectionnistes. Il n'existe actuellement pas de données suffi-
santes pour prédire l’une ou l’autre issue sans prendre trop de ris-
que. En attendant des preuves supplémentaires, apprécions la rareté
de pouvoir être témoins, en temps réel, d’un tel changement de poli-
tique capital.
Project syndicate
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