PDF

publicité
TABLE DES MATIÈRES
Introduction
1. Les différentes formes d'investissement et la spécificité des PME camerounaises
1.1. Investissement en capital fixe et investissement en capital circulant
1.2. Investissement de renouvellement et investissement net
1.3. Investissement de capacité et investissement de rationalisation
1.4. La complexité du problème de l'investissement dans l'économie sousdéveloppée
2. Les déterminants traditionnels de la décisiond'investissement dans les PME
camerounaises
2.1. Les déterminants traditionnels de la décision d'investissement : la primauté
des déterminants financiers
2.1.1. Les anticipations des entrepreneurs
2.1.2. L'importance du coût du capital
2.1.3. Les critères de choix des investissements
2.2. L'importance du problème technologique dans les PME camerounaises
Conclusion
Bibliographie
Introduction
Le rôle moteur de l'investissement dans le processus d'accumulation a constamment été
souligné par l'analyse économique et plus spécialement par KEYNES et les néoclassiques. Aujourd'hui, ce rôle fait l'objet de nombreux développements et controverses
quant à son rythme, à l'opportunité de certaines de ses formes ou quant à son opportunité
tout simplement.
Si les apports théoriques contemporains sur le sujet 1 permettent de prolonger ou d'élargir
le champ des investigations au cadre spécifique des micro-comportements, ils présentent
surtout, par rapport à l'analyse sur les PME camerounaises un intérêt particulier. L'aspect
majeur de cet intérêt est la démarche que ces différentes analyses suscitent et que l'on
peut situer ici à trois niveaux :
•
•
•
au niveau de la nature de l'investissement
au niveau des facteurs déterminants de l'investissement
au niveau du comportement actif ou passif des entrepreneurs dans la régulation de
l'activité.
La prise en compte de ces préoccupations nous semble de nature à contribuer à l'analyse
de la spécificité de l'investissement dans les PME camerounaises. Elle devra nous
permettre notamment d'en dégager les caractéristiques par rapport à l'analyse théorique,
puis d'en déterminer l'impact sur le processus de développement de ces unités de
production.
En fait, les PME camerounaises possèdent un certain nombre de particularités qui
peuvent expliquer que l'on s'interroge sur les possibilités réelles de développement de
l'investissement dans l'économie camerounaise par le biais de ces entreprises.
D'une manière générale, les PME peuvent être définies comme des unités à l'échelle
humaine ou familiale souvent dirigées par un seul homme propriétaire du capital qui
assume ou cherche à assumer toutes les fonctions essentielles de l'entreprise. Cette
définition, si elle est générale et peut s'appliquer à l'ensemble des PME, elle nous permet
notamment de souligner deux caractéristiques majeures inhérentes à la manière dont
naissent et fonctionnent les PME camerounaises. La première est relative à la propriété
du capital et au mode de financement de l'activité, la deuxième, à l'organisation et à la
structure de l'entreprise qui en découle. Cette caractérisation permet en effet de
comprendre et de poser les principaux problèmes relevés à l'observation des PME
camerounaises 2 , à savoir :
•
•
•
la faiblesse de leurs ressources propres et l'importance des coûts financiers que les
PME doivent supporter du fait du recours à des ressources d'emprunt dont les
crédits bancaires
l'importance des coûts technologiques et des consommations intermédiaires
inhérents aux choix sectoriels et à une mauvaise maîtrise d'une technologie
empruntée et appliquée à l'outil de production
une organisation sommaire de l'activité et de sa gestion qui aggrave, nous semblet-il, l'ensemble des coûts et des charges récurrentes de l'entreprise et dont le
caractère évolutif témoigne des limites de l'effet de levier financier de
l'endettement.
Les appréhensions par rapport à ces problèmes des PME camerounaises se justifient pour
au moins deux raisons : celle liéecaractère structurel des difficultés des PME et celle
attachée à la complexité de l'investissement et que ces problèmes laissent entrevoir.
Certaines des questions qu'il convient alors de se poser se rapportent aux conditions de
création d'un investissement efficient dans ces PME puis à la capacité de ces entreprises à
intégrer suffisamment ces contraintes dans leur décision d'investir.
En effet ce qui caractérise l'investissement c'est le temps long et les étapes successives
nécessaires pour créer une richesse. Cette variable s'apprécie alors sur un double plan
économique et financier :
•
•
sur le plan économique il consiste en la création d'un capital physique qui
contribue à l'activité de production sur plusieurs cycles successifs;
sur le plan financier, il se rapporte à l'immobilisation de capitaux dans une
perspective de profits.
Cette double nature de l'investissement met en lumière, à notre avis, deux aspects
fondamentaux :
•
•
d'abord l'investissement est un arbitrage entre le présent et le futur lequel conduit
à engager une dépense immédiate puis à en attendre les effets dans un futur plus
ou moins lointain;
ensuite, l'investissement est un pari. Ainsi, que l'on raisonne dans un avenir
certain ou dans un univers incertain, l'entrepreneur qui décide d'investir prend un
risque.
Il peut s'agir aussi bien d'un risque économique que d'un risque financier. Le risque
économique tient à la variabilité possible des résultats due à des modifications pouvant
intervenir dans la concurrence, la technologie, la conjoncture... Quant au risque financier,
il se rapporte au recours à des capitaux d'emprunt pour boucler le financement du projet
ou de l'activité de l'entreprise.
Risque et anticipation semblent donc être des caractéristiques importantes de
l'investissement qui nous amènent au questionnement suivant :
•
•
d'abord quelle est la nature de l'investissement dans l'entreprise en général et dans
la PME camerounaise en particulier ?
ensuite quels sont les facteurs pris en compte par les entrepreneurs dans les PME
dans leur décision d'investissement?
Quelle signification revêt le comportement actif ou passif des entrepreneurs ? Quel est
son impact dans la régulation de l'activité ? Quel rôle y jouent les anticipations ?
Nous allons, pour répondre à ces différentes questions, procéder en deux temps :
•
dans un premier temps nous présenterons les différentes formes de
l'investissement telles qu'elles sont appréhendées par l'analyse théorique; ce sera
•
alors l'occasion de mettre chacune d'elles en rapport avec le réalité telle qu'elle est
vécue dans les PME camerounaises et d'en souligner l'intérêt et la particularité
nous pourrons ainsi dans un deuxième temps faire ressortir les facteurs de ces
particularités, c'est-à-dire, les déterminants de la décision d'investissement dans
les PME camerounaises.
Nous ne présentons pas d'étude de cas dans ce document, cela risquerait de rallonger
davantage le texte. Nous l'avons fait dans un travail précédent3 dont nous nous inspirons
ici et qui peut éventuellement compléter de manière avantageuse l'information du lecteur.
1 - LES DIFFERENTES FORMES D'INVESTISSEMENT ET LA SPECIFICITE
DES PME CAMEROUNAISES
Nous nous limiterons ici à l'analyse de l'investissement productif par opposition à
l'investissement financier. Nous précisons que la présentation que nous ferons des
différents types d'investissement 4 n'est nullement restrictive dans la mesure où le même
investissement peut être caractérisé par l'une et l'autre forme à la fois. Nous voulons
surtout souligner dans cette analyse les problèmes majeurs que soulève d'une manière
globale l'utilisation du capital à savoir l'usure, l'obsolescence, la sous-capitalisation, le
surinvestissement etc... Nous nous appesantirons chaque fois sur leurs implications sur la
création, le développement et la gestion des PME camerounaises.
1.1 - Investissement en capital fixe et investissement en capital circulant
Le concept d'investissement est lié à celui de capital et, les économistes s'accordent pour
dire que la notion de capital pose un problème de définition 5. D'une façon générale on
distingue sur ce point deux conceptions opposées :
•
•
d'abord le capital est considéré comme un ensemble de ressources financières en
quête d'une rémunération. Ce capital lorsqu'il est possédé par une entreprise au
début de son activité de production va être engagé dans le processus de
production, sous forme d'investissement;
le capital peut être également conçu comme cette quantité physique de biens qui
au terme du cycle induit un enrichissement net. Cette accumulation de capital
suppose le recours à l'endettement ou à une autre forme de financement.
Ces deux approches ne semblent pas définitivement antagonistes. Elles devraient même
être rapprochées pour une meilleure intelligence de la relation de circularité qui apparaît
entre l'investissement et le capital et une appréhension plus large de la notion sousjacente de coût du capital.
Le processus de production se réalise en effet par absorption totale ou partielle d'un
ensemble de biens qui sont par ce fait incorporés dans le produit fabriqué, la distinction
entre capital fixe et capital circulant s'établissant dans la manière dont se réalise cette
incorporation. Ainsi, certains de ces biens appelés capital circulant et comprenant les
matières premières, les consommations intermédiaires disparaissent totalement au terme
du processus de production.
En fait, la notion de capital circulant est d'une grande complexité et ne fait pas toujours
l'unanimité des auteurs qui l'utilisent. L'un des aspects sur lesquels elle permet d'insister
est celui de la prise en compte ou non de paiement du salaire comme élément constitutif
de l'investissement en capital circulant 6.
Nous n'avons pas voulu intégrer cet élément parmi ceux qui composent le capital
circulant à cause de l'hétérogénéité du salaire dans les PME, objet de notre analyse. La
signification du salaire nous semble différente selon qu'il est payé aux ouvriers locaux ou
aux techniciens étrangers et risquerait de poser un problème d'homogénéité.
Le capital circulant s'oppose ainsi au capital fixe dont le stock demeure présent dans
l'entreprise et est constitué de l'ensemble des biens d'équipements. Certes, ceux-ci ne
disparaissent pas physiquement dans un même processus de production mais à chaque
étape ils subissent une "érosion" due à leur incorporation à la production. Cette forme de
consommation spécifique aux biens de capital se traduit souvent dans l'usure qui est une
dépréciation physique au fur et à mesure de l'utilisation. Mais, elle se manifeste
également dans l'obsolescence qui est plutôt une usure économique due au progrès
technique.
La prise en compte de la distinction entre investissement en capital fixe et investissement
en capital circulant est fondamentale ici dans la mesure où elle nous permet de soulever
au moins deux types de problèmes par rapport au choix de projet d'investissement par les
entreprises.
a) D'abord l'investissement concerne à la fois l'acquisition de machines de production et
celle de matières premières et de biens intermédiaires correspondant à la production à
réaliser. Le choix de tout bien d'équipement doit donc s'effectuer dans cette perspective,
c'est à dire intégrer l'ensemble des problèmes inhérents à l'acquisition de matières
premières et biens intermédiaires nécessaires à la fabrication du produit fini. Il s'agit
donc principalement de problèmes de sources et de délais d'approvisionnement qui
peuvent jouer considérablement, pour les PME camerounaises, sur le coût final des
investissements et sur le rythme de la production, les équipements et les inputs
provenant de l'extérieur pour leur grande part.
b) En outre, les équipements n'ont pas une durée de vie indéterminée. Leur choix doit
donc tenir compte de leur âge, de l'évolution de la technique et des risques que prend
l'entreprise en terme de coûts de maintenance, d'obsolescence, de compétitivité. Ce
dernier type de problèmes qui résultent de la dépréciation du capital du fait de la
production nous permet déjà de prévoir ou entrevoir les difficultés de fonctionnement
auxquelles devront faire face les PME dont les équipements sont généralement
importés et souvent de seconde ou de troisième main. Il nous introduit également à
un autre type de distinction où seront discutés à un autre niveau les problèmes
d'usure et d'obsolescence.
1.2 - Investissement de renouvellement et investissement net
Ainsi donc, au fur et à mesure du temps, les équipements subissent une double
dégradation physique et technique. La dégradation technique dépend de l'évolution de la
recherche et de son application à la production, tandis que la dégradation physique est
liée à la durée d'utilisation.
Les équipements qui se sont amortis au fur et à mesure de la production demandent à être
renouvelés dans un souci de performance et sans doute de réduction des coûts d'entretien.
L'un des problèmes qui se posent alors est celui de savoir si le renouvellement peut se
faire à l'identique relativement au stock initialement installé. En d'autres termes, le flux
d'investissement induit par la dépréciation modifie-t-il les caractéristiques du capital de
l'entreprise ?
En pratique chaque nouvelle machine incorpore du progrès technique tel que pour des
générations de capital différentes, l'entreprise ne peut pas disposer d'un capital homogène.
Sur le plan purement théorique ce problème est analysé dans les modèles à générations et
repose sur au moins deux idées maîtresses.
Premièrement, le progrès technique est incorporé au capital et s'acquiert grâce à
l'investissement dans l'achat de machines modernes. Ce premier principe implique un
deuxième à savoir l'hétérogénéité du capital. Au fur et à mesure de la mise en place de
nouvelles générations les entreprises doivent prendre un certain nombre de décisions.
Celles de déclasser une partie des équipements, de substituer le capital au travail... Ainsi,
par delà le remplacement, l'entreprise pour être plus compétitive sur le marché est
contrainte à accroître qualitativement et souvent quantitativement son stock de capital en
procédant à un investissement net.
L'un des aspects importants de ce rappel théorique est qu'il nous permet de soulever à
travers les changements de techniques, le problème de l'investissement en ressources
humaines indispensables au fonctionnement des différentes strates de capital. Car, le
changement de techniques traduit bien une modification dans le choix effectué parmi des
techniques disponibles à un moment donné et non un simple changement implicite lié à
une innovation ou au progrès technique. Cette précision permet d'insister sur le rôle
capital que joue dans ce cadre la formation des hommes et toutes les implications en
matière de coûts. Sa prise en compte signifie pour l'entreprise une planification de la
formation, une budgétisation des coûts, une comparaison des avantages et des
inconvénients du passage d'une technique à une autre, l'éventualité d'un retour de
techniques7.Si le problème du capital humain se pose d'une manière générale à
l'entreprise, il revêt un caractère particulier dans les PME où les aspects technologiques
ou de gestion par exemple ne sont pas toujours perçus comme faisant essentiellement
appel à la formation et surtout à la qualité de celle-ci. Pourtant sa prise en compte,
s'agissant des choix sectoriels, devrait permettre aux PME d'accorder une attention
particulière à la maîtrise technique pour décider de l'entrée dans une activité donnée,
Cette entrée étant alors subordonnée à l'acquisition des connaissances techniques et
pratiques nécessaires dans la spécialité choisie.
Cette place de choix à accorder à la formation ne se retrouve pas toujours dans les PME
surtout celles du secteur moderne où le chef d'entreprise même lorsqu'il n'a pas les
capacités techniques requises cherche à assumer les principales fonctions de l'entreprise.
Le recours à des compétences utiles formées à différents niveaux secondaire, technique et
supérieur n'est pas toujours apprécié par ces PME comme étant un investissement
indispensable. De telles qualifications peuvent même quelques fois être considérées
comme une menace au contrôle de l'entreprise par son propriétaire.
Néanmoins, même lorsque l'entreprise peut envisager de former son personnel à certaines
fonctions techniques ou autres, les conditions de délais de formation et de coûts sont
telles que les PME ne sont pas souvent préparées à les assumer. Cette forme
d'investissement leur semble ainsi trop coûteuse par rapport à la charge financière qu'elle
implique mais aussi par rapport au temps d'absence de l'entreprise, temps pendant lequel
le personnel à former ne sera pas opérationnel.
Nous ne disposons pas de chiffres sur les plannings de formation dans les PME
camerounaises. Mais, d'une manière empirique on peut dire que même lorsque la
formation initiale est acceptée et prise en charge, les PME établissent rarement un
programme de formation continue ou de recyclage permanent de leur personnel.
Ces défaillances en matière de formation dans les PME permettent d'apprécier
l'opportunité de certains types d'investissement développés dans ces unités de production
ainsi que l'aptitude de ces choix à résoudre les problèmes techniques ou technologiques
de la PME camerounaise sous ses différents aspects. Il s'agit par exemple de la question
de la maîtrise technologique et de ses implications sur le fonctionnement de l'entreprise
lui permettant ou non de garantir le renouvellement de son stock de capital. Il s'agit
également de s'interroger sur la capacité de l'entreprise à générer des profits suffisants à
la réalisation d'un investissement net. La prise en compte de ces choix à ces deux niveaux
nous conduit de la même manière à nous questionner sur les possibilités de ces mêmes
PME à résoudre le problème du chômage et à créer des emplois nouveaux à travers leur
politique d'investissement.
D'autres distinctions existent sur la forme des investissements. Nous mettrons ainsi
l'accent sur l'aspect capacité ou modernisation.
1.3 - Investissement de capacité et investissement de rationalisation
Cette typologie permet d'insister sur la fonction des investissements et la motivation de
l'entreprise. Ainsi en période d'expansion les investissements de capacité permettent
d'accroître l'offre et partant de conquérir de nouvelles parts de marché. Ils traduisent ainsi
une anticipation d'une demande plus forte et la volonté de saisir des opportunités de
profit. Par contre, lorsque le niveau de l'activité est tel que les charges salariales pèsent
sur les coûts de l'entreprise, les investissements de rationalisation apparaissent comme
une condition pour réduire le niveau de main-d'oeuvre à affecter à la production de
manière à rester compétitif dans les prix pratiqués. L'entreprise investit dans ce deuxième
cas pour pouvoir réduire durablement ses coûts dans la perspective d'une amélioration
des conditions de rentabilité.
Les facteurs types d'investissement semblent être, bien plus que le niveau de production,
les évolutions des prix relatifs des facteurs. La distinction qui s'établit ainsi entre
investissement de capacité et investissement de rationalisation semble ignorer l'existence
d'autres facteurs décisifs tels que le risque qui d'ailleurs s'accroît dans les périodes de
crise avec l'importance des variations conjoncturelles et la difficulté à anticiper
efficacement. On ne saurait donc faire l'économie de la prise en compte du risque dans la
mesure où une décision d'investissement et sa réalisation engagent l'entreprise pour une
longue période. Ainsi, si une anticipation de baisse de la demande implique une
suppression des excédents de capacité donc un désinvestissement, il est indispensable
qu'une telle décision soit judicieuse. Il en est de même lorsque l'entreprise anticipant un
marché potentiel ou en développement décide d'accompagner la progression de la
demande en accroissant ses capacités de production. Le risque pris est tel que l'entreprise
pourrait se trouver en situation de sur-capitalisation, de sur-investissement où le volume
des investissements réalisés est supérieur à la capacité de croissance de l'économie. Ce
concept de sur-investissement dû à A. BARRÈRE est donc lié à de mauvaises
anticipations des entrepreneurs sur la rentabilité d'une nouvelle accumulation de capital.
Il importe tout de même de préciser que la frontière entre investissement de capacité et
investissement de rationalisation est difficile à établir, un investissement de
rationalisation pouvant très bien s'accompagner d'un accroissement des capacités de
production et inversement.
Une fois de plus, ces deux formes d'investissement attirent notre attention sur
l'importance des capacités installées au sein des PME camerounaises. En effet, la
manière dont les décisions d'investissement sont prises par ces entreprises et qui est
analysée plus loin à travers les choix sectoriels et choix technologique est telle qu'elle
leur pose à la fois des problèmes de surdimensionnement et de coûts d'oisiveté du capital.
De plus la modernisation de certaines de ces entreprises laisse entrevoir des problèmes de
coût des investissements et de moyens de financement, de capacités d'absorption de la
main-d'oeuvre locale et du coût de formation des ingénieurs et des techniciens constituant
tous des points qu'il serait utile d'apprécier.
En réalité, la résolution de ces problèmes n'est pas toujours évidente pour les PME
camerounaises à cause de leurs difficultés particulières endogènes à leur processus de
création dont essentiellement le caractère exogène du capital.
Les différentes formes d'investissement que nous venons de présenter mettent en relief
l'intérêt de la théorie dans l'explication de la réalité. Et, les distinctions qu'elles
permettent de faire sont importantes et contribuent à notre avis à l'analyse de la
complexité du problème de l'investissement dans les économies sous-développées et plus
précisément dans les PME camerounaises. Elles renforcent ainsi les analyses suivantes
menées directement sur la base de l'observation des faits.
Il existe en effet d'autres approches du problème qui permettent de mieux saisir la
particularité de l'investissement dans ces PME puis la complexité même de l'opération.
1.4 - La complexité du problème de l'investissement dans l'économie sousdéveloppée
On a pu à la faveur de la crise déceler ces dernières années une forme inhabituelle
d'investissement qui jusqu'ici n'est observée que dans les économies en développement
dont le Cameroun.
Ce type particulier qualifié d'"investissement de transit" 8 par B. BEKOLO-EBE
caractérise la formation du capital telle qu'elle se réalise pendant les périodes de grande
croissance économique dans des entreprises étrangères, notamment dans les économies
africaines.
Pour l'auteur, l'"investissement de transit" est généralement lié à une décision
d'investissement public à l'occasion d'appels d'offres pour l'exécution de marchés
publics.
L'entrepreneur adjudicataire d'un de ces marchés va investir dans l'économie en limitant
au minimum possible son apport en capitaux propres. Le financement de son activité va
donc s'effectuer, grâce à la garantie offerte par le marché adjugé, à partir des avances sur
travaux qui lui seront consenties par le maître d'oeuvre et également par les emprunts
auprès du système financier officiel. L'investisseur réduit ainsi son risque, le transférant
pour l'essentiel au maître d'oeuvre et au système bancaire du pays où se fait
l'investissement.
A l'inverse et bien que la dépense d'investissement se rapporte à un marché local, elle se
traduira par des transferts réguliers à l'extérieur. Ces transferts se concrétisent sous la
forme d'achats de biens d'équipement, de consommations intermédiaires, de paiement de
la main-d'oeuvre étrangère dont le coût représente l'essentiel des charges salariales de
l'entreprise, du rapatriement des bénéfices dégagés. Le profit généré par l'activité ne sera
donc pas réinvesti localement même lorsqu'au terme du marché initial, l'entreprise
s'engage dans de nouveaux contrats.
Cette forme d'investissement est génératrice d'un mécanisme de transfert de l'épargne
intérieure vers l'extérieur, le mouvement s'accélérant dès les premiers signes de
ralentissement de l'activité économique dans le pays d'accueil. Le processus se prolonge
et s'achève dans les opérations de désinvestissement auxquelles l'entreprise procède
facilement lorsque la crise dure ou s'accentue.
La réalisation des actifs de l'entreprise, du reste favorisée par la faiblesse du risque de
l'investisseur, consacre ainsi le caractère transitoire de cette forme d'investissement. Il
importe de bien préciser ici la différence que nous établissons entre ce type
d'investissement appuyé pour une grande part sur le financement externe et la création
puis le développement des PME camerounaises. Nous avons dès l'introduction attiré
l'attention sur la faiblesse des ressources propres des PME et la nécessité pour ces
entreprises de recourir à des capitaux d'emprunt pour financer leur activité.
Ainsi, comme l'investissement de transit, l'investissement dans les PME est
largement tributaire de la dette qu'il fait naître. Il implique également un certain
nombre de transferts vers l'extérieur au titre d'achats d'équipement, de
consommations intermédiaires, d'acquisition de la technologie appliquée aux
équipements de production. Par contre, à l'inverse de celui-ci, l'investissement dans
les PME favorise la création des emplois donc une distribution locale des revenus en
même temps qu'il permet que les profits générés par l'activité soient réinvestis au
sein de l'économie où ils se sont formés.
Si les autorités économiques ont aménagé des conditions favorables à l'investissement
des entreprises à l'occasion de l'exécution de marchés publics, elles semblent l'avoir fait
dans la perspective d'aider à la création et au développement des PME. L'adjudication des
marchés à des grandes entreprises devait alors induire des contrats de sous-traitance en
faveur des PME permettant à celles-ci de participer par ce biais à la réalisation de ces
marchés.
Cet objectif ne semble pas réalisé. Et, cet investissement produit plutôt un effet d'éviction
au détriment des PME qui elles, n'accèdent ni directement ni indirectement aux marchés
publics. De prime abord l'envergure des contrats semble si importante qu'elle ne devrait
mettre en compétition que de grandes entreprises de production de services dotées
d'importants moyens financiers. Manifestement, l'observation révèle aujourd'hui qu'au
démarrage de l'activité, la surface financière de ces entreprises n'est guère plus solide que
celle des PME locales.
Ce concept nouveau permet ainsi de poser de manière globale le problème de la
pertinence de certaines formes d'investissement encouragées spécialement dans les
économies non encore industrialisées. Il relance en particulier le débat sur la relation
entre investissement et accumulation 9 dans ces économies dont le fonctionnement
diffère de celui des pays industrialisés.
L'une des analyses systématisées en la matière est celle de Celso FURTADO qui a permis
à l'auteur d'analyser les formes de l'investissement dans les pays du Tiers Monde et leurs
effets sur la formation du système économique dans les économies concernées 10 Ainsi
les investissements dans ces économies se réalisent sous la forme d'activités
productives destinées à l'exportation. L'introduction de ces activités productives est
entre autres à l'origine de la création d'un secteur de production de services générateurs
de flux de revenus d'un niveau plus élevé. Ces nouveaux revenus induisent eux-mêmes
des modifications dans la composition de la demande globale d'une part et de la
formation d'un marché interne de produits manufacturés d'autre part. Ce marché apparaît
ainsi comme une opportunité qui expliquerait pour une grande part l'investissement dans
le secteur industriel. D'ailleurs, c'est un peu sous cette forme que se présente, à notre avis,
la naissance de certaines des PME modernes camerounaises.
La création des unités industrielles locales dans ce contexte s'appuie donc sur ce marché
interne dans une perspective de parts de marchés croissantes de manière à substituer leur
production aux importations.
Deux problèmes majeurs découlent de ce type d'investissement :
i) D'abord celui-ci fait appel à des équipements de production provenant de
l'extérieur et conçus sans doute pour des marchés plus vastes. Les adaptations qui
peuvent alors être envisagées pour tenir compte du niveau de la demande interne
entraînent généralement une sous-utilisation des capacités installées et des coûts
de production élevés que l'exploitation ne permet pas de couvrir.
L'entreprise est dans ce cas souvent amenée à produire en deçà de son seuil de
rentabilité.
L'une des conséquences de cette situation est la fragilité financière et la difficulté
de l'entreprise à soutenir la concurrence âpre de producteurs anciens sur le marché
local et dont les coûts de production sont généralement maîtrisés à des niveaux
beaucoup plus bas. Ils le sont d'autant plus que les équipements ont été depuis
longtemps amortis.
Les difficultés de l'entreprise s'aggravent encore plus lorsque la demande se
diversifie et que, pour suivre l'évolution des besoins exprimés par le
consommateur celle-ci doit investir à nouveau de manière à pouvoir s'ajuster.
L'entreprise s'engage dès lors dans un processus cumulatif de pertes et dans un
mouvement vers l'impasse.
ii) Il arrive également que l'entreprise, consciente de l'importance de ses coûts
de production, cherche à produire au moins au niveau du point mort. Elle se
trouve confrontée cette fois là à un autre problème, celui de l'exiguïté du marché
devant une fois de plus faire face à la concurrence de multinationales
occupant souvent une position de quasi monopole.
Ainsi, aux problèmes de maîtrise de l'outil de production viennent s'ajouter ceux
de sous-utilisation des capacités et d'exiguïté de marché. L'ensemble de ces
problèmes a pour principale conséquence la gestion de flux de trésorerie qui
n'arrivent pas à couvrir les coûts de l'entreprise contribuant à détériorer davantage
une situation financière déjà fragile. Ces problèmes n'ont pas plus permis à
l'entreprise de faire ses prévisions d'exploitation et de trésorerie et d'établir une
véritable méthode rigoureuse de gestion de son activité.
On peut également souligner dans cette mouvance de la définition de formes
irrégulières d'investissement et de leur faible impact sur le processus
d'accumulation, l'analyse présentée par Carlo BENETTI.
L'auteur distingue trois formes d'investissements 11 dans les économies en
développement réalisées dans une logique de déstructuration-restructuration de ces
économies par le système productif dominant.
i) D'abord l'investissement de substitution; comme son nom l'indique, cet
investissement s'explique par la nécessité du système productif dominant de se
substituer au système productif dominé dans un double objectif :
celui de créer des débouchés aux produits extérieurs par la destruction des
formes locales de production;
o celui d'ouvrir des sources d'approvisionnement en matières premières par
la détermination de secteurs de production bénéficiant prioritairement de
flux d'investissement.
o
Comme dans l'analyse précédente, l'expansion du système de production local est
fortement dépendante de facteurs exogènes mal maîtrisés. Ce type
d'investissement accroît la contrainte extérieure et fait jouer à l'extérieur les effets
positifs de l'investissement.
ii) Il en est de même de l'investissement de modernisation qui vise à opérer un
changement dans la base technique. Cet investissement en soi n'est pas propre à
l'économie sous-développée, par contre c'est le contexte précis dans lequel il se
développe qui tend à créer la particularité. Ces conditions sont à la fois celles
d'une insuffisance de la demande intérieure, de l'existence d'un potentiel de maind'oeuvre inexploité et qui ne trouvera pas de solution dans cette forme
d'investissement puis celui non moins important de dépendance technologique.
En effet cet investissement s'accompagne souvent d'un phénomène de
délocalisation du capital à l'origine des problèmes de transfert technologique, de
coût de maintenance d'équipements vétustes, de coûts injustifiés d'équipements
obsolètes, de faible compétitivité des produits.
iii) Enfin l'investissement d'expansion dont les effets dans les économies en
cause se situent à l'opposé du rôle fondamental qu'on leur a reconnu dans la
croissance des économies industrialisées. L'impact négatif de cet
investissement est similaire et même plus amplifié que celui de
l'investissement de modernisation du fait de l'objectif d'élargissement de la
base productive qui le caractérise.
D'une manière générale, le problème de la nature de l'investissement et celui sousjacent de l'accumulation se posent donc avec acuité dans les économies non
industrialisées.
La plupart des traits ainsi relevés peuvent aider à préciser la spécificité que les
investissements revêtent dans la mise en place et l'évolution des PME
Camerounaises. Leur particularité peut être saisie à plusieurs niveaux :
d'abord les conditions de la technique dans cette économie sont
caractérisées par la mauvaise connaissance des équipements pour la
plupart importés. Ces conditions doivent donc être analysées comme des
facteurs d'accélération de la dégradation de l'outil de production. Les
principales conséquences dans ce cas sont le taux d'amortissement élevé
des machines installées, les pannes successives nécessitant des charges de
maintenance importantes, les délais d'intervention des ingénieurs et
techniciens étrangers détenteurs de la technique... L'importance des
charges implicites et explicites résultant du mauvais état de
fonctionnement des usines obère ainsi la trésorerie de l'entreprise mettant
en cause la réalisation des formes habituelles d'investissement déjà citées.
C'est ainsi que les dotations aux amortissements telles qu'elles peuvent
apparaître dans le bilan des PME ne traduisent pas nécessairement la
constitution de ressources correspondantes pour le remplacement des
machines vétustes. Et, si la constatation comptable des amortissements est
régulièrement faite, à cause des problèmes de trésorerie, elle ne
s'accompagne pas d'une création matérielle de fonds pour les opérations de
renouvellement de l'outil de production.
o en outre, comme les ressources propres des PME sont caractérisées par
leur faible niveau, le financement de l'activité nécessite l'appel à des
capitaux externes. Le niveau des frais financiers tend ainsi à augmenter au
fur et à mesure de nouveaux emprunts sans que les conditions de la
production garantissent la création d'une capacité de remboursement des
dettes contactées. Le mauvais fonctionnement technique des PME élève
ainsi le niveau de leurs frais financiers et hypothèque ipso facto le niveau
de l'exploitation et celui de la rentabilité. Il rend alors difficile la formation
d'un cash-flow apte à financer le maintien du potentiel de l'entreprise puis
l'effort d'accumulation nette par la création d'une capacité
d'autofinancement.
o
Ainsi, la reconstitution du stock de capital et, a fortiori, son accroissement
nécessitent une fois de plus le recours à l'endettement là où la synergie de
l'exploitation interne aurait dû jouer.
Le problème est encore plus grave lorsque les entreprises veulent réaliser des
investissements de capacité ou de modernisation. L'importance des capitaux
requis nous éloigne encore davantage des objectifs de maximisation de profit
poursuivis.
Ces conditions difficiles de fonctionnement de l'appareil productif nous amènent à nous
interroger sur la signification des facteurs qui déterminent l'investissement dans les PME
camerounaises. Pour cela nous ferons d'abord une revue des déterminants courants de
l'investissement. Nous apprécierons ensuite la possibilité de leur intégration ou de leur
adaptation au contexte précis de la mise en place des PME camerounaises. Nous
insisterons en particulier sur la prise en compte du problème technologique comme une
première étape dans la recherche d'une solution au problème de l'investissement dans ces
entreprises.
2 - LES DÉTERMINANTS DE LA DÉCISION D'INVESTISSEMENT DANS LES
PME CAMEROUNAISES
Nous avons dit que l'investissement des entreprises suppose à la fois un arbitrage entre le
présent et le futur puis la décision d'engager son capital dans une activité productive. Il
serait actuellement intéressant de savoir ce qui incite un entrepreneur à un
comportement d'investissement et ce qui détermine son choix pour un type
d'investissement donné.
2.1 - Les déterminants traditionnels de la décision d'investissement: la primauté des
déterminants financiers
L'investissement est une opération qui se matérialise dans une dépense immédiate ou
étalée sur une période donnée, alors que la récupération du capital engagé devra
s'effectuer progressivement sur plusieurs périodes. Le profit attendu d'une telle opération
semble donc constituer la base essentielle de la décision d'entreprendre.
L'entrepreneur qui anticipe ainsi des profits le fait sur la base des coûts qu'il devra
supporter.
2.1.1 - Les anticipations des entrepreneurs
Pour l'analyse économique, les prévisions que fait un investisseur quand à son activité
puis au niveau de son profit s'appuient sur l'observation de la réalité telle qu'elle s'est
déroulée au fur et à mesure du temps.
L'entrepreneur étudie dans ce cas l'évolution d'une ou de plusieurs variables lui
permettant de définir sa fonction d'investissement.
Cette approche de la relation entre investissement et profit nous semble pouvoir être
mieux comprise si on fait intervenir dans l'analyse une autre variable, le coût du capital.
2.1.2 - L'importance du coût du capital
La difficulté rencontrée dans la définition de la notion de capital et signalée dans le
paragraphe précédent se retrouve une fois de plus ici.
La tendance habituelle est de réduire le coût du capital au taux d'intérêt. Mais, même
lorsqu'on y inclut d'autres composantes tels que le coût des fonds propres, les définitions
proposées sont généralement orientées vers la détermination du seuil de rentabilité de
l'investissement 12. Le coût du capital doit alors être compris comme le seuil minimum
de rentabilité d'un projet d'investissement.
Une meilleure appréhension de cette notion de coût du capital nécessite une explication
de son contenu. F. POULON situe une telle définition à trois niveaux.
i) Le coût d'accès au capital est celui que supporte nécessairement un entrepreneur
pour accéder au contrôle d'un capital qu'il cherche à acquérir. Ce coût est différent
selon que cette acquisition s'effectue par le biais d'un endettement ou grâce à des
fonds propres qui eux aussi comportent un coût ou encore grâce à une
combinaison de fonds propres et d'emprunts.
ii) Comme l'acquisition d'un capital suppose que celui-ci sera mis en exploitation,
l'entreprise doit en plus du coût d'accès au capital supporter la charge
d'amortissement, celle qui assure le maintien du potentiel de production.
La somme du coût annuel d'accès au capital permet d'obtenir le coût d'usage, c.
c = d.q' + rq
où d est le taux d'amortissement, q' la valeur de remplacement du capital, r le
taux d'intérêt annuel si on fait l'hypothèse d'un financement externe, q le prix
d'achat de l'équipement concerné.
iii) Au coût d'usage va s'ajouter le coût d'opportunité. Celui-ci désigne le coût
supporté par un capitaliste lorsqu'il ne saisit pas de bonnes occasions
d'investissement. Il s'apprécie également comme le "manque à gagner" qui
découle d'un investissement moins rentable qu'un autre. La complexité et la
difficulté à faire une estimation chiffrée de cette composante du coût du capital
rend plus compliquée son utilisation.
Ainsi le coût du capital, se ramène souvent au seul coût d'usage du capital, qui est
donc à la fois :
o
le taux d'intérêt des capitaux empruntés;
le coût des fonds propres dont essentiellement le dividende des
actionnaires;
o le coût du renouvellement des équipements.
o
On peut donc à travers les notions de profits escomptés et de coût du capital
comprendre comment se détermine la décision d'investissement de l'entreprise.
Ces notions peuvent donner lieu à d'autres formes de distinction des facteurs
déterminants du comportement d'investissement de l'entrepreneur.
On distinguera alors :
•
•
•
les facteurs financiers, ceux qui se rapportent au coût des capitaux;
les facteurs technologiques qui favorisent sur le plan technique la prise de
décisions et la réalisation des profits attendus;
les facteurs liés à la gestion et qui se rapportent à toutes les décisions au niveau de
la direction de l'entreprise, au choix et à l'utilisation des facteurs de production, à
l'organisation de la production et de sa commercialisation etc.
D'une manière générale ces trois types de facteurs influent considérablement les uns sur
les autres et s'imbriquent dans la réalisation des objectifs de profit de l'entreprise.
La maîtrise de chacun d'eux est donc une nécessité pour l'entrepreneur. Toutefois, l'un
d'eux semble être placé au point de départ et au coeur de l'activité, occupant à ce titre une
place privilégiée dans la décision d'investir. Il s'agit des déterminants financiers dont
nous tenterons de montrer l'importance dans le développement de l'entreprise en
général et de la PME en particulier.
L'une des difficultés prévisibles quant à l'application de ces déterminants financiers au
contexte particulier des PME camerounaises est celle de l'estimation de ses composantes,
celles couramment utilisées. Il en est ainsi de l'évaluation du coût du capital et de la
difficulté à choisir un taux d'intérêt surtout quand on sait que dans cette économie il
n'existe pas de marché financier officiel dont le taux d'intérêt peut servir de repère. La
complexité du problème est liée à l'existence de deux taux d'intérêts au moins dont le taux
bancaire puis celui en vigueur sur le marché informel des crédits et de l'épargne, les taux
dans les deux secteurs se formant différemment. Ceux du secteur bancaire sont ainsi fixés
autoritairement alors que ceux du secteur informel obéissent davantage à la loi de l'offre
et de la demande.
Ce problème de l'évaluation du coût du capital revient lorsqu'on fait l'hypothèse d'un
financement sur fonds propres. En effet, les actions des entreprises n'étant pas cotées en
bourse, il est difficile de connaître la valeur d'une action à un moment donné donc le taux
de rendement minimum exigé par le marché financier pour un placement en titre et de ce
fait de prévoir les dividendes à servir aux actionnaires.
Le problème est même plus ardu puisque l'entreprise doit décider auparavant de
l'affectation des bénéfices et de la distribution des dividendes selon des critères propres.
L'appréciation de l'efficacité des choix financiers de l'entreprise pose ainsi le problème du
choix d'un taux d'intérêt permettant de déterminer le coût des capitaux d'emprunts, celui
de l'évaluation du coût des capitaux propres et de la détermination d'un taux
d'actualisation des dividendes. Le problème se complique encore lorsque l'on introduit
d'autres aspects de la contrainte du financement dont le rationnement des capitaux, les
délais longs de mise à disposition des fonds l'importance des garanties exigées, les coûts
implicites des transactions.
L'importance du problème peut être saisie ex-ante, au moment de l'évaluation des projets,
ou ex-post, au fur et à mesure de l'exploitation.
2.1.3 - Les critères de choix des investissements
Nous ne ferons pas ici une analyse exhaustive des critères couramment utilisés et qui sont
la valeur actualisée nette, le taux de rendement interne, le délai de récupération du capital
investi. Ces critères sont certes d'une grande importance mais, nous chercherons
davantage à souligner ici les critères qui se rapportent étroitement à la décision d'investir
dans la PME camerounaise.
Nous avons en effet plusieurs fois rappelé la faiblesse des capitaux propres et la nécessité
du recours à l'endettement pour la création et le développement des PME en général et
des PME camerounaises en particulier.
L'un des critères les plus significatifs pour l'appréciation de l'impact du financement sur
la rentabilité des investissements est celui relatif à l'évaluation des flux de trésorerie
attendus de l'exploitation. Les prévisions de flux de trésorerie peuvent utiliser la valeur
actuelle nette.
L'analyse en terme de valeur actuelle consiste couramment à comparer la dépense
d'investissement immédiate à la succession des cash-flows actualisés attendus de
l'exploitation pendant toute la durée de vie des investissements.
Si Io est la dépense initiale d'investissement;
i est le taux d'actualisation qui peut être égal au coût du capital ou généralement au taux
d'intérêt annuel moyen du marché;
P est l'horizon de l'opération;
Rp est le flux de liquidité ou cash-flow de la période p perçu en fin de période 13 ,
n
VAN = S R p (1+i) -p - I o
p=1
Cette formule de la valeur actualisée nette encore appelée Goodwill ou quasi rente
actualisée signifie que "la valeur de tout bien de capital est donnée par la somme des
valeurs actualisées des revenus monétaires que la détention et la mise en valeur de ce
bien de capital permettent de réaliser" 14 .
Théoriquement, cette valeur actuelle 15 nette permet à l'entreprise de juger de la viabilité
ou de la non viabilité d'un projet d'investissement, une valeur actuelle nette positive
traduisant la rentabilité de l'opération.
Ce concept comme les précédents semble d'un grand intérêt pour l'entreprise qui peut
ainsi prévoir l'évolution de son exploitation. Mais, plus que les deux autres la valeur
actuelle nette renseigne sur le mouvement au fur et à mesure du temps de la trésorerie
permettant à l'entreprise de prendre à temps les décisions ou les corrections qui
s'imposent pour une activité plus rentable. Mais ce problème déjà posé revient ici, celui
du choix du taux d'intérêt, du taux d'actualisation applicable pour les PME. Car, à notre
avis, les difficultés de trésorerie souvent signalées dans les PME ont au moins une double
signification.
i) Elles peuvent traduire des prévisions de trésorerie trop optimistes confirmant
alors le point de vue selon lequel le risque d'entreprendre n'est pas suffisamment
pris en considération par les entrepreneurs. Mais des écarts de trésorerie fréquents
peuvent tout simplement être la conséquence d'une mauvaise estimation. Il se
pose à ce niveau un problème de redéploiement de critères d'évaluation. Cette
remarque s'adresse davantage, à notre avis, aux PME du secteur moderne dont les
études de faisabilité ont souvent permis de décider en faveur des projets
d'investissement étudiés, mais dont les résultats se sont souvent très
significativement écartés des prévisions de rentabilité établies au moment de
l'étude du projet.
ii) On pourrait aussi penser à une autre explication, celle d'une absence totale
d'évaluation aidée par la complexité des techniques classiques généralement
utilisées. C'est ce qui se passe apparemment dans les PME du secteur informel où
les conditions d'entrée et d'installation dans le secteur sont différentes de celles de
l'entrepreneur du secteur moderne. Toutefois cette absence d'évaluation
évoquée ici ne peut être qu'apparente. Et, il nous semble bien que les PME
informelles font à leur manière une appréciation du risque qu'elles prennent
même si celui-ci peut paraître moins important à cause du faible coût
d'installation.
Il nous semble qu'elles procèdent à une forme d'évaluation particulière, mais logique et
circonstanciée du risque où les critères ne sont plus uniquement le taux d'intérêt mais un
ensemble d'éléments plus complexes.
On peut ainsi à partir de ce constat réécrire pour les PME Camerounaises la VAN.
Nous partirons de la formule habituelle de la VAN :
n
VAN = S R p (1+i) -p - I o
p=1
où i = taux d'intérêt annuel moyen du marché.
Nous avons déjà fait un certain nombre d'observations s'agissant du taux à appliquer pour
les PME Camerounaises. Nous avons en particulier dit :
•
•
•
qu'il n'y a pas de marché financier conventionnel et donc pas de taux d'intérêt
moyen du marché;
que ce taux d'intérêt même s'il était défini, serait insuffisant pour rendre compte
des conditions de crédit des PME Camerounaises;
que d'autres facteurs technologiques et de gestion influent énormément sur les
résultats de l'activité des PME et peuvent avoir un impact tout aussi grand que
celui du taux d'intérêt.
Le taux d'actualisation comprendrait donc :
•
•
le taux d'intérêt qui serait compris entre le taux bancaire et le taux effectif sur le
marché informel. Il serait plus proche du taux bancaire pour les PME modernes
éligibles au crédit bancaire et plus proche du taux sur le marché informel pour les
PME qui se financent uniquement sur l'autre marché. Ce taux d'intérêt, nous
l'écrirons i' parce qu'il a une signification différente de celle de i dans la
formule précédente.
Mais comme ce taux d'intérêt tout seul ne suffit pas pour traduire les difficultés
des PME à se financer à crédit, on lui adjoindra un taux d'intérêt implicite que
nous appelerons i''. Ce taux s'élèvera avec le durcissement des conditions
bancaires de terme et de garanties d'une part et l'importance des coûts
technologiques et de gestion liés à la mauvaise maîtrise des équipements et à
une faible expérience industrielle des entrepreneurs d'autre part.
La valeur actuelle nette devient ainsi :
n
V A N = S R p (1+i'+i") -p - I o
p=1
Le taux d'actualisation sera donc plus élevé pour les entreprises qui ont à faire face à un
environnement économique et financier hostile, pour celles dont les conditions
technologiques ou techniques sont précaires et pour celles enfin dont la gestion est
essentiellement atone. Nous verrons par la suite, avec des exemples concrets que i''
occupe une place prépondérante dans la vie et le développement des PME et que
l'on peut établir une relation entre i' et i" de telle sorte que l'on peut encore écrire :
n
V A N = S R p (1+&i') -p - I o
p=1
avec & = paramètre > 0 ---->2
La signification de & découle en réalité de la place centrale qu'occupent les déterminants
financiers et que traduit le rôle du taux d'intérêt dans les différents critères d'appréciation
des projets d'investissement. Ce rôle primordial de i' nous permet de penser que si la
qualité et la quantité des ressources le permettent, l'entreprise peut, en fonction de
ses objectifs, acquérir des équipements en meilleur état de fonctionnement, requérir
l'avis de divers conseils techniques et en gestion, établir un programme de formation
continue pour son personnel et éviter un pilotage à vue de son affaire. i" a donc une
valeur positive dépendant de i', évoluant dans le même sens que i' et qui dans le pire
des cas peut prendre la valeur de i'.
Une bonne détermination du taux d'actualisation nous semble être une opération
indispensable pour l'établissement des comptes prévisionnels d'exploitation et de
trésorerie plus réalistes par une appréciation plus judicieuse d'un projet d'investissement
dans une PME. Elle confirme une fois de plus l'existence d'une relation étroite entre la
valeur d'une entreprise et les choix financiers qu'elle peut effectuer.
Le recours à l'emprunt peut ainsi constituer une réponse aux problèmes de financement
des PME qui peuvent par ce biais desserrer la contrainte du financement interne et
réaliser leur projet de création ou de développement. Toutefois, l'effet de levier financier
ne se réalise pas de façon automatique, il n'est donc pas acquis du fait du seul
endettement. Sa réalisation dans les PME camerounaises nous semble en particulier
subordonnée à la maîtrise technologique analysée à travers la manière dont s'opèrent les
choix sectoriels et se définit la politique industrielle.
2.2 - L'importance du problème technologique dans les PME camerounaises
Dans les PME camerounaises, le choix de s'établir dans un secteur d'activité donné ou
dans une branche donnée semble souvent être le fait du hasard. L'appréciation des
difficultés et des exigences particulières de l'activité industrielle, l'opportunité même de
la décision d'investir ne semblent pas toujours être une préoccupation majeure pour les
dirigeants. La structure légère dans laquelle elles fonctionnent montre que l'importance
du choix sectoriel n'est pas toujours bien saisie de même que la nécessité de la maîtrise
technique requise pour l'exercice de certaines tâches de l'entreprise. D'ailleurs,
l'engorgement rapide de certaines branches telles que la menuiserie, la boulangerie
témoigne davantage d'une tendance à une copie facile de ce qui existe déjà que d'une
opération motivée et maîtrisée 16 .
Et l'observation des faits montre que l'installation de nouvelles unités n'entraîne pas
forcément une amélioration dans la qualité des produits par rapport à ceux des
entreprises existantes. Cette situation est tout à fait compréhensible dans la mesure
où bon nombre de PME naissent à l'occasion de Forum internationaux. Ceux-ci sont
des lieux où des constructeurs d'équipements industriels ou leurs représentants
commerciaux font connaître leur matériel. Mais c'est aussi le lieu où les choix
d'équipements sont effectués faute d'une participation plus avantageuse à ce marché. Ces
équipements sont généralement de seconde main. Ils sont alors réformés surévalués, leur
technologie étant dépassée dans les pays d'origine. Les problèmes vont être inévitables, le
choix des équipements se situant en amont et déterminant le choix du projet 17 lui-même.
Les différentes étapes se juxtaposent pour s'achever dans des essais d'adaptation des
machines au contexte et aux besoins nationaux 18 .
On peut donc comprendre que, pour les utilisateurs, ces équipements posent d'énormes
problèmes. L'outil de production est souvent mal connu et surdimensionné, les pannes
sont fréquentes à cause de la vétusté des machines et les recours au constructeur se
multiplient. Les délais de réaction de celui-ci, ceux de la livraison des pièces de rechange
causent de nombreuses ruptures dans le rythme de la production. Des solutions sont
souvent recherchées dans des essais d'adaptation de pièces fabriquées localement ou alors
dans le dépannage par des techniciens "de fortune".
Ces difficultés techniques allongent le cycle de production et détériorent la qualité du
produit. Entre-temps, la technologie continue d'évoluer dans les pays dont on vise le
marché du fait de l'étroitesse du marché local. En effet, les capacités installées sont la
plupart du temps sans rapport avec les capacités d'absorption du marché local, les
équipements n'ayant pas été conçus pour ce marché là mais pour une demande plus
importante.
Ces surcapacités effectives peuvent être gérées de deux manières; soit les entreprises
supportent des coûts implicites de sous utilisation du capital soit elles sont confrontées à
la question des débouchés. Elles s'obligent dans ce dernier cas à la prospection et à la
conquête de marchés extérieurs dans les autres pays africains, dans ceux de la sous-région
UDEAC ou ceux de l'occident. La conquête d'autres marchés est souvent la seule solution
pour assurer la survie donc couvrir les charges fixes et assurer le développement des
PME. Mais les conditions de participation à ces marchés ne sont pas favorables aux PME
que la qualité des produits et les coûts de production rendent peu compétitives.
D'une manière générale, il se pose à la PME camerounaise un double problème :
•
d'abord, du fait du choix sectoriel qu'elle effectue, la PME créée devient fortement
dépendante des consommations intermédiaires, pièces de rechange, assistance
technique, matières premières que renchérit la dévaluation du F CFA;
•
ensuite et toujours compte tenu de ce choix, elle se contraint à l'exportation de ses
produits vers des marchés qu'elle maîtrise mal.
En fait, le problème ici ne se situe pas dans la recherche de débouchés mais dans le fait
que celle-ci n'ayant pas été pensée au départ s'impose par la suite à ces entreprises comme
une contrainte supplémentaire sans doute difficile à desserrer.
Ainsi, tels qu'ils sont effectués, les choix sectoriels sont à l'origine d'énormes problèmes
de capacité, de marchés et bien entendu de gestion causant aux entreprises de nombreux
préjudices. Si ces préjudices n'ont pas toujours été suffisamment bien appréhendés par les
dirigeants des PME, ils ne l'ont pas plus été ni par les institutions et organismes chargés
de la promotion des PME ni par les autorités économiques elles-mêmes.
En effet, les définitions de la PME telles qu'elles sont formulées par les institutions et
organismes de promotion privilégient de manière explicite les aspects liés au financement
des PME. Le côté technologique n'est pratiquement évoqué nulle part.
Au niveau de l'ensemble de l'économie, la préoccupation technologique n'est pas plus
explicite. L'inexistence d'études sectorielles témoigne du peu d'intérêt que revêt la
question des choix sectoriels. Cette absence d'études n'est favorable ni à l'orientation ni à
la coordination de l'activité industrielle en fonction de la maîtrise technique des secteurs
dans lesquels les PME décident d'investir. Cette entrée libre et fortuite dans l'industrie
exacerbe un problème qui existe déjà chez les dirigeants de la PME et dont ils ne peuvent
pas évaluer à temps l'importance des préjudices.
Faute d'avoir suffisamment intégré la donnée technologique, le développement autoentretenu recherché à travers la promotion des PME ne peut pas être assis sur une
politique industrielle active qui réduise la contrainte extérieure. Et comme beaucoup
d'économies du Tiers-Monde, l'économie camerounaise reste grandement ouverte sur
l'extérieur. La relation ici est dominée par des mouvements de biens et services et de
capitaux en provenance de l'étranger. La balance des transactions courantes par exemple
est depuis plusieurs années restée débitrice. Sur plus de deux décennies, cette situation ne
s'est pas renversée même si à certains moments il y a eu quelques améliorations dans les
chiffres.
Il semble même que les chiffres se soient davantage détériorés dans les périodes de forte
activité économique. Il en est ainsi des soldes des périodes de 1981 à 1986-1987, ils se
sont ensuite améliorés depuis 1988 jusqu'aux derniers chiffres disponibles et qui
correspondent à une période de très faible activité. Les PME se créent et se développent
dans cet environnement. Les matières premières, l'assistance technique sont fournis de
l'extérieur. Pourtant certains des coûts liés à cette dépendance auraient pu être évités.
Dans la situation de crise que traverse le Cameroun à l'heure actuelle, de jeunes cadres
perdent leurs emplois dans les grandes entreprises privées ou publiques. D'autres sortent
de grandes écoles d'enseignement technique locales ou étrangères, constituant d'énormes
potentialités dans des champs de spécialités variés. Mais la question de l'exploitation
judicieuse de ce "capital-matière grise" demeure. Elle amène de plus en plus à s'interroger
sur le bien fondé des espoirs d'une meilleure maîtrise technologique et d'un
développement industriel placé dans les PME au Cameroun.
Ce problème technologique soulevé ici ne nous semble d'ailleurs circonscrit ni au cas des
PME ni à celui de l'économie camerounaise du fait de la manière simpliste dont il y est
traité. Il semble être le problème général de l'économie sous-développée. Les politiques
industrielles et les stratégies d'industrialisation n'ont pas accordé à la composante
technologique la place qu'elle mériterait d'avoir.
Et, ainsi que le dit G. CORM "en règle générale, ces théories du développement à la base
des idéologies d'Etat dans les PVD ont toutes contribué à déclencher une course à
l'investissement aux fins de modernisation, l'investissement induisant donc des
importations massives et brutales d'équipements productifs de l'extérieur et introduisant
en profondeur le Tiers-Monde dans les circuits de commerce de technologie animé par
les firmes multinationales" 19
Les objectifs d'industrialisation visés dans ces stratégies n'ont pas toujours été garantis.
Leur réalisation a même très vite buté contre les inerties des défaillances technologiques
et des problèmes de gestion qu'elles induisent. La transmission de la technologie
généralement attendue de l'extérieur n'a pas pu se concrétiser pour cette raison que, en
réalité, il n'existe pas de transfert de technologie. La "technogénie" d'un pays n'est pas
transmissible par le seul biais de l'achat de ses équipements industriels, une technologie
industrielle s'acquiert par une création technique nationale sérieuse 20.
Elle suppose une gestion consciente du potentiel humain, une dynamisation de la
recherche, le développement de la créativité et de l'innovation. Et, dans le cas des PME
camerounaises que nous étudions, la gestion des ressources humaines disponibles sera
décisive. Elle le sera d'autant plus que les problèmes liés aux défaillances technologiques
déteignent sur les autres fonctions de l'entreprise auxquelles le propriétaire ne peut plus
consacrer suffisamment de temps. En outre, l'efficacité du travail exige des détenteurs du
capital qu'ils acceptent de confier le management de l'entreprise à une "intelligence
organisée". Celle-ci constitue ce que J. K. GALBRAITH dénomme la "technostructure"
21 , chaque personne étant utilisée en fonction de ses connaissances, de ce qu'elle
possède de mieux. Dans le contexte de libéralisation économique actuel, le problème du
choix sectoriel nous semble être extrêmement important.
Il se pose avec beaucoup d'acuité aux PME et même à de grandes entreprises industrielles
dans les économies non encore industrialisées préoccupées par la mise en place d'un tissu
économique articulé.
Une voie dans la recherche d'une véritable intégration du tissu industriel a été
ouverte par les analyses sur les stratégies de filières de production 22 . On définit une
filière de production comme l'ensemble des stades aboutissant à la fabrication d'un ou de
plusieurs produits finis à partir de produits bruts. La filière est donc établie sur une vision
verticale du processus de production mettant en valeur des mécanismes de décision liés
23 Elle est donc axée sur un secteur de biens d'équipement qui tire les secteurs de biens
intermédiaires et de biens de consommation 24 pour une plus grande indépendance vis à
vis des mouvements conjoncturels internationaux. Elle s'appuie donc sur une approche du
type Input-Output encore appelée analyse fonctionnelle pour laquelle les liaisons entre les
différents secteurs d'une économie sont fondamentales. Wassily LEONTIEF a présenté
sur ce sujet une matrice des relations appelée matrice des coefficients techniques
permettant de définir un multiplicateur matriciel.
En matière de stratégies industrielles, la politique des filières se distingue de celle des
créneaux de production. En effet, la stratégie des créneaux repose sur la spécialisation
dans des secteurs bénéficiant de l'expansion du marché la plus forte. De ce point de vue,
les filières de production paraissent un choix plus réaliste dans une perspective
d'industrialisation par le biais des PME. Les caractéristiques des PME, leur mode de
fonctionnement et leurs problèmes de gestion ne leur offrent pas en effet les moyens de
s'orienter vers une politique de créneaux. Par contre leurs faiblesses pourraient être
atténuées dans une organisation à l'intérieur de filières qui implique un effort
d'organisation, la valorisation des ressources humaines et matérielles locales par une
meilleure gestion des résultats des recherches scientifiques et techniques des nationaux.
La concrétisation d'une telle démarche n'est pas évidente, parce que lente et coûteuse.
Car, le temps de la politique industrielle est le temps long, tout comme celui de
l'investissement de la recherche et de la formation des équipes 25 . Et, on est souvent
obligé de choisir entre d'une part ces délais importants mais incontournables dans la mise
en place d'un tissu industriel propre dont les effets multiplicateurs jouent à l'intérieur du
pays et d'autre part des solutions faciles qui exposent à des risques de technologisme 26.
Conclusion
Nous avons fait ici une analyse globale sans tenir compte des spécificités (que nous ne
relèverons pas dans ce document) qui pourraient exister d'une PME à une autre. Une telle
présentation dégage une impression d'uniformité et d'homogénéité qui n'existe pas dans la
réalité. Il s'agit en effet d'un ensemble hétérogène d'entreprises vivant chacune à sa
manière ces problèmes technologiques et autres que nous venons de décrire.
Ainsi donc, nous avons vu que les choix sectoriels et les choix de projets d'investissement
dans les PME n'intègrent pas suffisamment les variables fondamentales de
l'investissement dont notamment le surdimensionnement des usines, le faible taux
d'utilisation des capacités, le coût d'une technologie empruntée, la difficulté à garantir
une formation continue du personnel et celle de sa gestion dans le sens d'une affectation
prioritaire aux générations nouvelles. Cette défaillance a des accointances avec la
manière dont les choix sont opérés et qui semblent prioritairement liés aux opportunités
de financement et d'une manière générale à des déterminants financiers. Le problème
même de l'emploi que les PME sont supposées résoudre devient alors secondaire.
Il s'agit là de points qui ne sont pas toujours pris en compte ou qui ne le sont pas assez.
L'une des résultantes de cette omission est la rapidité avec laquelle les équipements se
déprécient ou deviennent obsolètes lorsqu'ils ne le sont pas déjà au moment même de leur
acquisition du fait du phénomène de la délocalisation.
Le mode d'intégration de l'investissement dans les PME agit négativement sur l'efficacité
marginale du capital et fragilise les entreprises sur les plans financier et technique les
préparant mal à la concurrence des produits importés et à l'élargissement de leur part du
marché. Cette fragilité débouche nécessairement sur la stagnation de l'investissement au
sein de ces unités de production, la réduction des marges bénéficiaires, l'aggravation du
pilotage à vue de l'activité, le ralentissement et même le risque de blocage du processus
d'accumulation.
BIBLIOGRAPHIE
ABRAHAM-FROIS (G.),1977, Eléments de dynamique économique, Dalloz, Paris.
ABRAHAM-FROIS (G.),1982, Economie Politique, Economica, Paris.
AKO (E.), 1990, "Economie désarticulée et développement endogène : le nécessaire
recours à la stratégie des filières de production et leur application au tissu industriel
camerounais", Working Paper du GEREA, Douala, mai.
ALBOUY (M.), 1989, "Structure financière et coût du capital", in Encyclopédie de
Gestion, Dir. P. Joffre et Y. Simon, Economica, Paris.
AMALBERT (M.N.),1992, Economie d'entreprise, Dalloz/Sirey, 3ème éd.
AMIN (S.), FAIRE (A.), et MALKIN (D.), 1980, L'avenir industriel de l'Afrique,
L'Harmattan.
ANSOFF (H.I.), 1990, Stratégie du développement, Editions d'Organisation.
AUBERT (J.), 1982, L'environnement économique de l'entreprise, Editions
d'Organisation.
AUTUME (A. d'), 1990, "Capital et Investissement", in Encyclopédie Economique,
Economica, pp. 913-933.
BARANGER (P.) et alii, 1983, Gestion, Vuibert, Paris.
BAROIN (D.), 1984, "La résurgence des petites entreprises aux Etats-Unis; dynamique
économique et création d'emplois", in Les PME créent-elles des emplois ?, Centre de
Recherche Travail et Société, Economica.
BARRÈRE (A.), 1983, Déséquilibre économique et contre-révolution keynesienne,
Economica, Paris.
BEKOLO-EBE (B.), 1985, Le statut de l'endettement extérieur dans l'économie sousdéveloppée, Présence Africaine, Paris.
BEKOLO-EBE (B.), 1990, "L'investissement de transit", Working Paper du GEREA,
Douala.
BIENAYMÉ (A.), 1971, La croissance des entreprises, Bordas, tomes I et II.
BIRCH (D.), 1981, The Job Generation Process at Corporate Evolution: A micro-based
analysis, january, Cambridge, Mass. : M.I.T. Program on neighbourhood and regional
change 1979.
BRENNER (G.A.), FOUDA (H.), TOULOUSE (J.M.), 1993, "Le financement des
entreprises des Bamilékés de Douala", in L'esprit d'entreprise, aspects managériaux dans
le monde francophone (dir. B. PONSON, J. L. SCHAAN), AUPELF-John Libbey, Paris,
pp. 257-268.
CHANDLER (A.D.), 1988, La main visible des managers, Economica, Paris.
CHARREAUX (G.), 1986, Gestion financière, LITEC.
CHAUSSÉE (R.), 1988, "Innovation technologique dans les PME : geste de gestionnaire
ou d'entrepreneur", Revue Internationale de Gestion, vol. 13, n· 3, septembre.
COBBAUT (R.), 1987, Théorie financière, Economica.
CONSO (P.),1991, La Gestion financière de l'entreprise, Dunod, tomes I et II.
CORM (G.), 1982, "L'endettement des pays en développement : origines et mécanismes"
in Dette et Développement, dir. de J.C. SANCHEZ, Publi-Sud, Paris.
CÔTÉ (M.), 1988, "Le domaine des entrepreneurs et la gestion des grandes entreprises
de production", Revue Internationale de Gestion, septEMBRE.
DRUCKER (P.), 1985, Les entrepreneurs, Editions l'Expansion Hachette, Paris.
FOSTER (R.N.), 1982 "La prévision de l'évolution technologique dans la stratégie de
l'entreprise, Problèmes économiques, n· 1784, juillet.
FURTADO (C.), 1976, Théorie du développement économique, P.U.F. 2ème éd.
GALBRAITH (J.K.), 1968, Le nouvel Etat industriel, Gallimard, Paris.
GAULTIER (A.), GÉLINIER (O.), 1975, L'avenir des entreprises personnelles et
familiales, Hommes et Techniques, Paris.
GREFFE (X.), 1987, Politique économique, Economica, Paris.
HAGEN (E.), 1982, Economie du développement (trad. de Economics of development,
R.D. Irwin, 3· éd.), Economica.
HUGRON (P.) et DISSAKE (D.), 1992, Profil des entreprises familiales camerounaises,
Rapport de recherche, mars.
HICKS (H.R.), 1981, Valeur et capital (traduction française de Mc Millian et C.
Ménage), Bordas.
HOROVITZ (J.) et PITOL-BERLIN (J. P.), 1984, Stratégie pour la PME, Mc GrawHill, Paris.
JACQUEMOT (P.) et RAFFINOT (M.), 1985, Accumulation et développement,
L'Harmattan, Paris.
KEYNES (J.M.), 1982, Théorie Générale de l'Emploi, de l'Intérêt et de la Monnaie (trad.
de J. de Largentaye), Petite Bibliothèque Payot, Paris.
KOENIG (G.), 1993, Les théories de la firme, Economica, Paris.
LÉVY-GARBOUA (V.), MAAREK (G.), 1985, La dette, le boom, la crise, Economica.
MARTINET (C.A.), 1983, Stratégie, Vuibert, Paris.
MESSINGA NGONO, 1992, Etude des Structures et des Possibilités de développpement
des PME : Cas des menuiseries à Douala, Mémoire de fin de cycle de l'Ecole Normale
Supérieure d'Enseignement technique, août.
NDZOGOUE (B.A.), 1990, "Rétrospective de Trois Décennies (1960-1990) de
Promotion de la PME au Cameroun : Discours et Pratique", Working Paper du GEREA,
Douala, novembre.
NGANGO (G.), 1973, Les investissements d'origine extérieure en Afrique Noire
Francophone (statut et incidence sur le développement), Présence Africaine.
NJOMGANG (C.), 1986, L'absorption du capital au Cameroun, Berger-Levrault, Paris,
septembre.
NTANG (G.), 1990, "La politique des taux d'intérêt, la demande de monnaie et la
repartition du crédit dans le cas de la BEAC", Etude et Statistiques, n· 172, mai, Banque
des Etats de l'Afrique Centrale.
NTEBE (G.), 1990, "L'enseignement camerounais en question ou la recherche de la
formulation d'une nouvelle approche pédagogique en situation de crise", Working Paper
du GEREA, mars.
POULON (F.), 1986, Economie générale, Dunod.
SAPORTA (B.), 1986 a, Stratégie pour la PME, Montchestien, Paris.
SAPORTA (B.), 1986 b, "Stratégie pour la PME, l'univers des PME et leurs
comportements", Cahiers de Recherches de l'IAE de Toulouse, n· 56.
SHAER (J.J.), 1983, Le "Check-Up" de la PME, Editions d'Organisation.
SIM (R.), 1986, "Problème de l'emploi au Cameroun à la veille du VIe Plan", Revue
Camerounaise de Management, n· 3 et 4.
STOFFAËS (C.), 1978, La grande menace industrielle, Calmann-Lévy.
STOFFAËS (C.), 1983, "Objectifs économiques et critères de gestion du secteur public
industriel", Problèmes économiques, n· 1844, 19 octobre.
SYNDUSTRICAM, 1994, "Vers le naufrage de l'industrie camerounaise", Note du
Syndicat des Industriels Camerounais, février.
TCHUNDJANG POUEMI (J.), 1980, Monnaie, servitude et liberté, J.A. Conseil.
UM-NGOUEM (M.T.), et NJANGA NJOH (M.), 1992, "Le recouvrement des
contentieux et des préoccupants", Contribution au Séminaire BICIC de Formation des
Cadres et Agents de Maîtrise, Douala, 30 octobre.
UM-NGOUEM (M.T.), 1996, Financement bancaire et financement des PME
Camerounaises, Thèse de Doctorat en Sciences de Gestion, Université MontesquieuBordeaux IV, février.
VIZZAVONA (P.), 1992, Gestion financière, Editions Atol, Paris.
Téléchargement