Nutrition pratique - Centre de documentation en Promotion et

N° 13 mars 2001
CERIN
Enquête de terrain
Les goûts,
choix alimentaires
et savoir-faire
d’un public
en situation
de précarité
Nutrition pratique
Que faire avec
les fruits
et légumes ?
En direct du terrain
«Les aliments
qui font du bien»,
une autre manière
d’aborder l’alimentation
et la nutrition avec
les gens du voyage
Points de repères
Bulletin de liaison trimestriel du CERIN destiné aux professionnels et bénévoles
impliqués dans la prise en charge et l’aide aux populations démunies.
Alimentationet
Précarité
Dossier
L’alimentation
des gens du voyage
Alimentation et précarité, édité par le CERIN (Centre de Recherche et d’Information Nutritionnelles)
en partenariat avec le CFES (Comité Français d’Éducation pour la Santé)
Directeur de la publication: Dr Marie-Claude Bertière
Rédacteur en chef: Dominique Poisson
Rédaction: Bénédicte de Capèle, Sabine Durand-Gasselin
Abonnement gratuit sur demande écrite adressée au
CERIN – 45 rue Saint Lazare – 75314 PARIS CEDEX 09
www.cerin.org
La nutrition en ligne :
le site internet du CERIN
est à votre disposition
www.cerin.org
Sommaire
Dossier 2
L’alimentation des gens du voyage.
Des habitudes alimentaires marquées
par la précarité.
Ignorés par les pouvoirs publics, communément appelés Gitans
ou Manouches, les gens du voyage ont en commun un mode
de vie itinérant. Evalués à près de 300 000, beaucoup d’entre
eux vivent dans des conditions précaires avec des conséquences
inévitables sur les conditions de vie, en particulier l’alimenta-
tion, donc la santé.
Enquête de terrain 5
Les goûts,choix alimentaires et savoir-faire
d’un public en situation de précarité.
Enquête réalisée par une association d’aide à l’insertion à la
Ferté-Bernard dans la Sarthe . Un moyen de mieux connaître
les attentes des familles concernées pour mieux répondre
à leurs attentes.
Nutrition pratique 6
Que faire avec les fruits et légumes ?
Il existe un nombre inimaginable de fruits et légumes, chacun le
sait. Mais, comment les cuisiner ? Nous vous proposons dans ce
numéro des idées de préparations simples et économiques.
En direct du terrain 8
«Les aliments qui font du bien»,une autre
manière d’aborder l’alimentation avec les
gens du voyage.
Récit d’une expérience avec un groupe de femmes Yéniches sur
le thème de l’alimentation dans le cadre d’un projet de promo-
tion de la santé globale dans le département des Yvelines.
Points de repères 10
Alimentation et
Précarité N°13 mars 2001
Dossier
2
L’alimentation des gens
du voyage
Des habitudes alimentaires marquées
par la précarité
Ignorés par les pouvoirs publics, communément appelés Gitans ou Manouches,
les gens du voyage ont en commun un mode de vie itinérant. Évalués à près de 300 000,
beaucoup d’entre eux vivent dans des conditions précaires avec des conséquences
inévitables sur les conditions de vie, en particulier l’alimentation, donc la santé.
Ils sont itinérants par tradition. Une histoire qui leur est propre et qui commence quand ils
quittent l’Inde au 10e siècle pour se répandre par des chemins différents dans le monde
entier. Depuis 1945, la dénomination gens du voyage a remplacé les termes nomades et
vagabonds. Un vocable administratif pour désigner des groupes de populations très distincts :
Roms, Manouches, Sintés, Gitans… (1) Chacun avec ses traditions, sa culture, sa langue, son
histoire. A la fois sédentaires et mobiles, sans domicile fixe, ils s’installent sur des terrains
proches des agglomérations plusieurs mois par an, particulièrement les mois d’hiver, et se
déplacent au rythme des saisons et des travaux.
Sans généraliser, du fait de l’absence de terrains d’accueil viabilisés (2) une partie des gens du
voyage itinérants vit aujourd’hui dans des sites insalubres sans eau, ni électricité, dont ils sont
régulièrement expulsés. Des conditions de vie difficiles, facteurs d’une grande précarité
entraînant des difficultés dans la vie quotidienne, en particulier dans le domaine de
l’alimentation. " Par sa spécificité, par sa mobilité, par ses métiers traditionnels, aujourd’hui en déclin, la
population des gens du voyage est plutôt pauvre, observe Farid Lamara, sociologue. Parallèlement à
des petits boulots, elle vit aussi du RMI et des allocations familiales. "
Conditions de vie : une incidence sur la santé
Nadège Cantel, CESF, évolue sur les communes de la Brède et de Bègle dans le cadre
de l’Association des Amis des Voyageurs de la Gironde. L’équipe est constituée d’éducateurs,
d’assistantes sociales et de CESF, appuyés, pour la partie médicale, par Médecins du Monde.
400 caravanes tournent sur la communauté urbaine de Bordeaux dans des terrains non
autorisés pour le stationnement. Manouches pour la plupart, ces groupes sont de plus en plus
pauvres ; l’absence croissante de ressources les empêche d’entretenir leurs véhicules, de se
déplacer, donc d’exercer leur métier correctement ce qui accentue leur précarité. " Faute d’aire
de stationnement autorisée, 4 000 personnes vivent entre Bordeaux et Libourne dans de mauvaises conditions
d’hygiène, sans eau ni électricité, sans latrines ni évacuation des eaux usées, sans oublier les nuisances sonores,
déplore le docteur Favarel Guarrigues de Médecins du Monde, responsable de la mission
Tsigane. Ces conditions de vie ont des incidences sur la santé." Pour les travailleurs sociaux, l’approche
de ce public est souvent délicate. Les sujets comme l’alimentation peuvent favoriser les contacts
et permettre d’aborder d’autres thèmes tels que la vaccination. Dans sa thèse de doctorat en
médecine menée en 1981 et toujours d’actualité 20 ans après, Jean-Luc Azama, étudiant à la
faculté de médecine Paul Sabatier à Toulouse, compare la santé de Tsiganes sédentaires et de
Tsiganes voyageurs en Haute-Garonne. Schématiquement, il constate davantage d’alcoolisme
chez les sédentaires, d’obésité aussi, parce que leur alimentation est moins variée (les voyageurs,
eux, tirent encore beaucoup de ressources de la nature : gibier, poissons, fruits…), de maladies
cardio-vasculaires, de pathologies respiratoires ainsi qu’une toxicomanie croissante chez les
jeunes. Les voyageurs sont plus fréquemment atteints de diabète. Dans les deux groupes, une
pathologie de stress est observée : les voyageurs, parce qu’ils ont des difficultés croissantes pour
continuer le voyage. Les sédentaires, parce qu’ils assument mal leur sédentarisation (arrêt du
voyage, déstructuration du clan, hostilité de la société environnante).
Dossier
3
Alimentation et
Précarité N°13 mars 2001
L’équilibre alimentaire reste une question secondaire
Comme pour beaucoup de publics en difficultés, l’équilibre nutritionnel est souvent malmené.
" Les enfants, en particulier dans les milieux les plus précaires, grignotent beaucoup, consomment des
sucreries. Il y a donc chez certains une tendance à l’embonpoint. " observe Cathy Jaubert, infirmière et
puéricultrice dont la mission consiste à effectuer un travail de prévention et de sensibilisation à
la santé auprès des familles en difficultés. " Sans globaliser, la nourriture est plutôt riche avec beau-
coup de corps gras, de plats en sauce, de grillades, de sucreries, observe le docteur Favarel Guarrigues.
Les habitudes alimentaires, spécifiques à certains clans, se traduisent par de l’embonpoint mais il est
difficile, lorsque les repas sont pris collectivement, de suivre des régimes alimentaires spécifiques. "
De fait, si les traditions se perdent, les gens du voyage gardent des habitudes culinaires encore
vivaces : " Il y a toujours quelque chose à manger mais sans heures de repas fixes, " remarque Fabienne
Bouyé. Le plat est cuisiné au feu de bois dans un chaudron, à la disposition de toute la famille,
accompagné de beaucoup de pain, de fritures. " Mais le repas est un moment très important et revêt
un aspect collectif, ajoute le docteur Jean-Luc Guiraud, médecin à Toulouse. Il est d’une grande
richesse relationnelle et la porte est toujours ouverte. " La nourriture est généralement sucrée et grasse,
par tradition bien souvent, reste d’une époque ancestrale où les gens du voyage vivaient dans
des conditions de confort plus difficiles encore et où l’absorption de corps gras était nécessaire
pour résister au froid. Il reste que dans l’ensemble, les habitudes alimentaires évoluent. La jeune
génération adopte les modes de consommation actuels plus orientés vers les pâtes, le riz et les
steaks hachés, des aliments tout prêts, trop riches.
Bien souvent donc, l’équilibre alimentaire ne figure pas au rang des priorités. Ce qui
n’empêche pas certains parents d’en prendre conscience et de rechercher des conseils en
matière de nutrition. Quand ils sont sollicités, les services sociaux mènent des actions sur
l’alimentation et le goût avec des limites liées aux problèmes de la lecture, de la compréhen-
sion, du manque de connaissances et peut-être aussi des spécificités : le refus des contraintes,
une certaine culture de la différence. " Les gens du voyage font peu d’efforts pour être acceptés, observe
un intervenant. Ce sont deux mondes qui s’affrontent et se rejettent. Nous sommes toujours dans une place
de médiation. "
Repas, fêtes et chants : des traditions et des rites
quasi-religieux
Derrière ces réalités, les gens du voyage regroupent tout un monde spécifique avec ses
traditions, sa culture et peut-être, ce qui pourrait être jugé comme tel, ses contradictions.
Comme le remarque Béatrice Jaulin, auteur d’un livre sur les Roms de Montreuil, les gens du
voyage ont la volonté d’avoir un lieu fixe référentiel et en même temps de garder cette liberté
itinérante. Ils sont confrontés à des fantasmes séculaires sur leur compte et en entretiennent
le mythe. Mais ils puisent aussi leur force dans leurs traditions, où la notion de partage
communautaire reste très forte et où les fêtes organisées autour du repas structurent la société.
Globalement, ils sont en bonne santé morale, gais et heureux. Le goût de la vie… Une réalité
encore très vivace selon Farid Lamara : " Les gens du voyage ont beaucoup de ressources du fait de leur
mobilité, de leur capacité d’adaptation, de leur goût de la vie, de leur simplicité aussi et de leur capacité
à apprécier le moment présent avec une solidarité familiale et inter-familiale très forte. Mais les politiques
menées depuis des années par les pouvoirs publics qui consistent à les stigmatiser ou à les ignorer,
conduisent progressivement à en faire des citoyens de seconde zone. " Des populations qui vivront de plus
en plus dans la précarité dont la santé ne peut que se détériorer.
(1) Tous les Tsiganes n’ont pas un mode de vie itinérant. Certains se sont sédentarisés depuis des générations.
Cet article traite de ceux qui voyagent.
(2) Selon la loi Besson, toute commune supérieure à 5 000 habitants doit mettre à leur disposition un terrain
d’accueil viabilisé avec une alimentation en eau et électricité, un service d’ordure ménagère, des latrines…
Une réglementation loin d’être appliquée puisque dans les faits, seul le tiers des communes françaises dispose
d’une aire de stationnement.
1 / 12 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !