4312 200-07 - Adam Smith et la richesse des nations

publicité
LES LUMIÈRES EUROPÉENNES
SEPTIÈME SUJET - ADAM SMITH (1723-1790)
ADAM SMITH, L’ÉCONOMIE ET LA RICHESSE DES NATIONS
Économiste célèbre mais si peu compris
«Aussi égoïste que l'homme puisse être supposé, il y a évidemment certains
principes dans sa nature qui le conduisent à s'intéresser à la fortune
des autres et qui lui rendent nécessaire leur bonheur, quoiqu'il n'en
retire rien d'autre que le plaisir de les voir heureux.»
Théorie des Sentiments Moraux, I, 1,1,
L'homme est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement
dans ses intentions ; tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille
souvent d'une manière bien plus efficace pour l'intérêt de la société.
RDN, Livre IV, ch. 2
I
PRÉSENTATION D’ADAM SMITH
1 - Adam Smith, fondateur de la philosophie économique moderne et du libéralisme économique
2 - Un philosophe des Lumières écossaises, le Scottish Enlightenment
3 - Un philosophe de la troisième partie des Lumières européennes et de la deuxième des
Lumières écossaises
4 - Ses relations avec les philosophes de son temps, notamment les Lumières écossaises,
anglaises et françaises
5 - Le contexte historique de sa vie : début de la révolution industrielle, la France de Louis
XV et le conflit colonial américain
6 - Éléments philobiographiques marquants (1737 - 1790)
7 - Ses principaux ouvrages philosophiques
- Théorie des sentiments moraux (1759)
- Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776)
II
LA PENSÉE D’ADAM SMITH
1 - Un positionnement classique par rapport aux Lumières
2 - Une oeuvre philosophique avant d’être une oeuvre économique
3 - Une philosophie de l’homme, sur l’origine des comportements moraux
A - Sa théorie fondatrice est une théorie des sentiments moraux et des mobiles humains
B - Des thèses inspirées par les Lumières écossaises, par Hutcheson et le psychologisme
humien
C - Comment la nature humaine peut créer un comportement social et des institutions
communes malgré l’égoïsme ?
D - L’homme est partagé entre des comportements égoïstes et altruistes
E - Mais il s’oppose aux théories de l’égoïsme et de l’intérêt comme seul mobile humain
F - Il soutient la présence plus importante en l’homme de comportements désintéressés
G - Sa thèse centrale est que les comportements humains sont fondés sur la sympathie
H - Les hommes ont la capacité naturelle et universelle de porter des jugements moraux,
sur les autres et eux-mêmes
I - En tant qu’être social, l’homme agit en tenant compte des mobiles et des points de vues
des autres
J - Sa théorie de «l’homme intérieur», capable de porter un jugement moral
K - L’établissement d’un double processus de sympathie, entre spectateurs et acteurs
L - Ce qui forme une connaissance commune des comportements à l’origine des règles
Sociales et morales
M - L’homme est ainsi dominé par la recherche de l’approbation morale
N - Les vertus qui en découlent : prudence, justice et bienveillance
O - Vertus qui seront nécessaires au bon fonctionnement du marché !
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 1
P - Même les acteurs économiques sont soumis à l’influence morale de la sympathie
4 - De l’anthropologie à l’économie, l’économie comme prolongement de l’anthropologie
A - Des réflexions qui forment le socle de ses analyses économiques
B - Les raisons anthropologiques de l’économie entre les hommes
C - L’insuffisance naturelle de l’homme pour satisfaire ses besoins
D - Il est préférable de s’adresser à l’intérêt de ses semblables qu’à leur aléatoire
bienveillance
E - La coopération économique est plus facile, elle peut se faire avec des inconnus
F - L’économie, une spécificité de l’homme part rapport aux animaux
G - Si la sphère sociale est dominée par les sentiments moraux, celle de l’économie l’est par
l’intérêt
H - Ce n’est pas une contradiction avec ces principes de sympathie
I - Malgré l’égoïsme des riches, la redistribution de la richesse profite aux autres par la
circulation économique
5 - Une redéfinition de la richesse des nations
A - Une interrogation sur la richesse des nations, pas des individus
B - Une critique des théories antérieures sur la richesse : mercantilisme et physiocratisme
C - La théorie smithienne de la richesse
«Le Travail annuel d'une nation est le fonds primitif qui fournit à sa consommation annuelle
toutes les choses nécessaires et commodes à la vie; et ces choses sont toujours ou le
produit immédiat de ce travail, ou achetées des autres nations avec ce produit.»
RDN, introduction
D - L’origine de la richesse est donc le travail des hommes
E - Le travail produit une capacité d’échange, il est la mesure de la valeur produite
F - Cette richesse a progressé en fonction des développements sociaux
G - Comment accroître cette richesse ? Quels sont les freins à son développement ?
6 - Les éléments qui la favorisent
A - Le principe de la liberté naturelle appliquée à l’activité économique
B - La valorisation des acteurs individuels et de l’activité entrepreneuriale
C - L’accumulation du capital
1 - Le capital, partie des fonds accumulés employable pour procurer un revenu
2 - Capital fixe et capital circulant
3 - Le capital est nécessaire à la mise en place de la division du travail
4 - Le capital augmente avec le développement de l’économie
5 - Le capital provient de l’épargne et de la frugalité
6 - Des fonds mis au service du travail productif (investissement), ce qui augmente
le revenu national
7 - D’ou une mise en garde contre les improductifs
8 - Ce qui permet à la société tout entière d’améliorer son sort, y compris les
classes travailleuses
9 - Un cercle économique vertueux
D - La division du travail
1 - Principe de la division du travail
2 - Une amélioration de la productivité
3 - L’exemple d’une manufacture d’épingle
4 - La motivation de cette division est l’intérêt
5 - La spécialisation des taches rendue possibles par la taille du marché
6 - Les problèmes de la division du travail, qui porte atteinte au jugement moral
E - Le marché
1 - Le marché, où s’échangent les fruits du travail
2 - le marché rend complémentaire les actions individuelles
3 - La mise en concurrence des acteurs économiques
4 - C’est le marché qui donne le prix
5 - Le marché est auto-régulateur
6 - La concurrence neutralise les effets négatifs des égoïsmes particuliers
7 - Les fondements moraux du marché, il suppose une moralité mutuelle pour bien
fonctionner
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 2
8 - Le marché tend à fluctuer autour du prix naturel
9 - Le marché oriente l’activité économique vers ce que les gens veulent
10 - Cela libère le souverain d’une mission impossible
11 - L’état ne doit pas intervenir dans le marché quand il fonctionne normalement
12 - Les interventions néfastes de l’état (celles de l’époque)
13 - Mais le marché a besoin de l’état, qui lui en assure le socle indispensable
14 - L’état doit protéger le marché des monopoles, des corporations, des
collusions...
15 - L’économie de marché est en constant processus d’ajustement
F - Le libre-échange
1 - Le constat de la situation économique anglaise : l’intérêt du libre-échange
2 - Un défenseur du libre-échange
3 - une critique du mercantilisme, reprise de Hume
4 - Contre le commerce colonial
5 - La liberté d’exporter et d’acheter à l’extérieur à moindre coût
6 - Le commerce international, prolongement de la division du travail
7 - Fondé sur le principe de l’avantage absolu
8 - Les exceptions au principe de libre-échange ; protectionnisme militaire et
économique !
7 - La question de la «Main invisible»
A - Une expression devenue célèbre et popularisée à l’extrême
B - Et interprétée, relue et réutilisée de manière très diverse
C - Alors qu’elle n’est présente qu’à trois reprises dans son oeuvre
D - Sa signification chez Smith, une simple métaphore
E - Dans ce contexte économique, la recherche de l’intérêt personnel contribue à l’intérêt
général sans qu’il s’en rende compte
F - Une notion déjà présente chez Montesquieu, De Gournay, Turgot ou Mandeville
G - Une conséquence de l’auto-organisation du marché et des comportements sociaux
complexes
H - Une signification non leibnizienne, d’autant plus que l’homme peut améliorer le monde
8 - Un auteur pas si néolibéral qu’il y paraît
A - Le libéralisme de Smith n’est pas celui du «laisser faire», ni dogmatique
B - Le marché n’est pas la base du lien social, l’homme ne se réduit pas à l’Homo
œconomicus
C - La «main invisible» n’est pas garante de l’harmonie sociale, mais du fonctionnement du
marché
D - Le marché peut être menacé par les acteurs individuels : ententes, monopoles,etc.
E - C’est l’état qui est garant de l’harmonie sociale
F - Il s’oppose au capitalisme néolibéral anti-étatiste, son modèle repose sur une
économie-état
G - La recherche de l’intérêt public prime sur l’intérêt individuel
H - La restriction de la liberté naturelle est donc légitime pour préserver l’intérêt général de
la société
I - Il ne faut pas écouter les capitalistes, leur intérêt n’est pas toujours celui du bien commun
J - Il ne favorise aucune classe en particulier et prône l’augmentation des revenus des
travailleurs
K - La mise en garde contre les excès de la divisions du travail, que l’état doit corriger
L - Tenant de nombreuses réglementations économiques : taux d’intérêt, taxes, etc.
9 - La philosophie politique de Smith, un philosophe libéral mais au sens lockien
A - Adam Smith, philosophe politique
B - Son traité d’économie est bien un traité d’économie politique
C - Un philosophe proche du contractualisme et du libéralisme lockien
D - Le rôle nécessaire de l’état, gardien de l’intérêt général (RDN, L.V)
E - Seulement contre les interventions de l’état dans l’économie selon les modalités
classiques de son temps
F - Il a même un rôle organisateur de l’économie, notamment quand le marché ne peut
opérer et pour le protéger
G - Adam Smith n’est donc nullement un partisan du «laisse-faire» des néolibéraux
H - Positions politiques secondaires : contre l’esclavage, le colonialisme d’alors...
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 3
III
CONCLUSION
Sur le plan philosophique
1 - Une philosophie complète et puissante, dont l’économie n’est que la partie émergée
2 - La philosophie économique la plus poussée des Lumières
3 - Le complément économique du libéralisme politique et social des Lumières
4 - Une grande influence dans les Lumières européennes, mais pour moitié pour sa Théorie
5 - Mais la postérité ne retiendra que la Richesse des Nations
6 - Au-delà des Lumières, il deviendra une figure emblématique des «libéraux»
Sur le plan économique
1 - Il fait de l’économie une discipline scientifique, une science humaine et un domaine
philosophique à part entière
2 - Une oeuvre fondatrice de l’économie moderne, le «père de l’économie politique»
3 - Plus qu’une théorie pratique, le fondement moral du libéralisme économique
4 - Il va inspirer «l’école classique» et tous les penseurs économistes jusqu’à aujourd’hui
5 - Mais paradoxalement, les plus grands promoteurs de Smith sont ceux dont il se méfiait le plus :
marchands et capitalistes
6 - Détournant sa philosophie économique pour en faire une apologie du «laissez-faire» et un
dogmatisme anti-étatiste
7 - Un livre qui accompagna la révolution industrielle et la naissance du capitalisme moderne
8 - L’application quasi-générale de ses théories dans les politiques économiques
ORA ET LABORA
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 4
Document 1 : Principaux philosophes des Lumières écossaises, classés par ordre chronologique.
- Francis Hutcheson (1694-1746) et Système de philosophie morale (1755)
- Henry Home, ou Lord Kames (1696-1782) et les Essays on the Principles of Morality
and Natural Religion (1751)
- Thomas Reid (1710-1796) et la Recherche sur l'entendement humain d'après les
principes du sens commun (1764)
- David Hume (1711-1776) et le Traité de la nature humaine (1739-1740)
- James Burnett (1714-1799) et De l’origine et des progrès du langage (1773)
- Adam Smith (1723-1790) et la Recherches sur la nature et les causes de la richesse
des nations (1776)
- Adam Ferguson (1723-1816) et Essai sur la société civile (1767)
- James Hutton (1726-1797), géologue qui formula la théorie du plutonisme et de
l’uniformitarisme
- John Millar (1735-1801) et l’Origine de la distinction des classes (1778)
- James Boswell (1740-1795) et le Account of Corsica, The Journal of a Tour to that
Island and Memoirs of Pascal Paoli (1768)
- Dugald Stewart (1753-1828) et les Philosophical Essais (1810)
- James Mackintosh (1765-1832) et les Vindiciae Gallicae (1791)
- James Mill (1773-1836) et Analyse des phénomènes de l'esprit humain (1829)
- le père de J.S. Mill.
Document 2 : Au 18ème siècle, la ville de Glasgow connût un important développement économique et
industriel. Après l’Acte d’Union de 1707, l’Écosse entre dans une grande phase de prospérité. Glasgow a
accès aux échanges avec le vaste marché de l’Empire britannique et devient une place prépondérante dans
le commerce international en étant une plaque tournante du commerce vers les Amériques, en particulier
pour le commerce du tabac, du coton et du sucre. À la fin du XVIIIe siècle, plus de la moitié du commerce du
tabac britannique est concentré sur la Clyde à Glasgow. Grâce à son développement industriel, Glasgow
produit des textiles et des produits sidérurgiques qui sont exportés. La population de Glasgow dépasse celle
d’Édimbourg en 1821. À la fin du XIXe siècle, la ville est devenue la deuxième ville de l’Empire britannique.
L’hôtel de ville de Glasgow
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 5
Cathedral de Glasgow (St Mungo's).
Document 3 : C’est à l’université de Glasgow, fondée en 1451 sous Jacques II d'Écosse qu’Adam Smith fit
une partie de ses études et l’essentiel de sa carrière universitaire. Vues du Gilbert Scott Building.
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 6
Document 4 : Brève biographie d’Adam Smith.
1 - La naissance le 5 juin 1723 à Kirkcaldy en Écosse
2 - Un milieu familial de petite noblesse de robe
3 - Orphelin de père dès sa naissance il est élevé par sa mère
4 - De 1737 à 1740, il fait des études à l’université de Glasgow
5 - Il suit les cours de Francis Hutcheson et l’influence des Lumières écossaises
6 - De 1740 à 1746, il obtient une bourse et part étudier à l’université d’Oxford la
philosophie et la littérature
7 - À la sortie de ses études, il entame une carrière professorale à l’université
d’Edimbourg en 1748
8 - En 1750, il se lie d’amitié avec David Hume, avec lequel il échangera une importante
correspondance amicale et philosophique
9 - En 1751, il est nommé à la chaire de logique à l’université de Glasgow où il
enseignera jusqu’en 1764
10 - En 1752, il devient membre de la Société philosophique d’Edimbourg grâce à Lord Kames
11 - En 1753, il obtient la chaire de philosophie morale à l’université de Glasgow
12 - Un professeur atypique mais apprécié de ses étudiants et dont la renommé dépasse
désormais l’Écosse
13 - À Glasgow, il fréquente les cercles intellectuels de la ville
14 - En 1759, sa publication de Théorie des sentiments moraux lui vaut une renommée
européenne
15 - En 1762, l’université de Glasgow lui décerne le titre de Doctor of laws
16 - Charles Townshend lui confie le tutorat de son beau-fils, le duc de Buccleuch, pour
faire le Grand Tour
17 - 1764-1766, voyage en Europe, surtout en France
18 - En 1764, long séjour toulousain, où il commence à réfléchir à un traité d’économie
19 - Ils parcourent le Languedoc, puis rencontrent Voltaire et visitent Genève
20 - À Paris, il rencontre notamment Quesnay, chef de file des physiocrates, ainsi que
d’Alembert, Condillac, Diderot, d’Holbach, Morellet, Helvétius, Turgot, Necker, etc.
21 - En 1766, suite à l’assassinat à Paris du frère de son protégé, leur voyage s'arrête
22 - Il rentre alors à Londres puis à Kirkcaldy où il travaille à son traité d’économie politique
23 - Il fréquente la Lunar society (1765-1813), une société philosophique des Lumières à
Birmingham, chez Erasmus Darwin
24 - Il y fréquente Benjamin Franklin et comprend la puissance future des colonies américaines
25 - En 1773, ll se rend à Londres pour accélérer sa rédaction
26 - En 1773, il devient membre de la Royal Society à Londres
27 - Le 9 mars 1776, après dix de travail, il publie Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nation
28 - Il voulait dédier son livre à Quesnay, mais celui-ci est mort en 1774
29 - 1776, mort de son ami David Hume le 25 août. Leur dernière rencontre datait du 4
juillet à Edimbourg
30 - En 1778, Smith devient commissaire aux douanes à Édimbourg
31 - En 1783, il participe à la fondation de la Royal Society of Edinbourgh
32 - Sa santé décline, subissant une attaque de paralysie en 1786
33 - En 1787, il est nommé recteur de l’université de Glasgow, sa réputation est
désormais européenne
34 - Sa mort le 17 juillet 1790 à l’âge de 67 ans à Edimbourg
Document 5 : Oeuvres principales d’Adam Smith.
- Théorie des sentiments moraux (1759)
- Lectures on Justice - Leçons sur la jurisprudence ( 1763-1764)
- An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations - Recherches sur la nature et les
causes de la richesse des nations (1776)
- Essays on Philosophical Subjets (1795)
- Histoire de l’astronomie
- L’origine de la philosophie
- Works and Correspondence of Adam Smith (1976)
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 7
Document 6 : Les portraits d’Adam Smith à notre disposition proviennent pour l'essentiel de copies
réalisées à partir d’un médaillon d’Adam Smith créé en 1787 par James Tassie, il est intitulé "Adam Smith in
his 64th year, 1787. Tassie F.".
À gauche : The Muir portrait, portrait d’Adam Smith par artiste inconnu (Huile sur toile).
À droite : portrait de sa mère, Margaret Douglas de Strathendry, avec qui il vivra toute sa vie.
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 8
Document 7 : Plaque commémorative sur l’emplacement actuel de la maison natale d’Adam Smith à
Kirkcaldy en Écosse (la maison d’époque fut détruite en 1834). C’est là, au 220 High Street, qu’il écrivit une
partie de la Richesse des Nations à son retour de Paris.
Aujourd’hui, sa maison natale abrite une boutique de farces et attrapes !
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 9
Document 8 : La pensée d’Adam Smith prolonge celle des Lumières écossaises. Deux philosophes majeurs
vont contribuer à sa formation intellectuelle, Francis Hutcheson et David Hume, avec lequel il entretiendra
une longue amitié.
À gauche : portrait de Francis Hutcheson (1694-1746), professeur de philosophie morale à l’université de
Glasgow, disciple de John Locke et un des premiers représentants des Lumières écossaises. Il compta parmi
ses étudiants Adam Smith de 1737 à 1740. Deux de ces livres influencèrent plus particulièrement Smith, Essay
on the Nature and Conduct of the Passions and Affections (1728) et A system of moral philosophy (1755). Une
des contributions de Hutcheson est le principe utilitariste et conséquentialiste (la vertu est ce qui apporte le plus
grand bien au plus grand nombre de gens), notions qui seront au cœur de la philosophie d’Adam Smith.
À droite : portrait de David Hume vers 1766 par Allan Ramsay (1713-1784). Hume ne vit pas l’immense succès
du livre de son ami, il mourut l’année même de sa publication en 1776.
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 10
Document 9 : Au niveau économique, Adam Smith fut fortement influencé par François Quesnay
(1694-1774), le fondateur de l’école physiocratique (à gauche) et ses échanges avec Necker (), le futur
ministre de Louis XVI, qui tenta d’appliquer certains principes de Smith, tout comme Turgot (), mais qui ne
put y arriver en raison du conservatisme des parlements et de l’aristocratie. Il les rencontra lors de son
séjour parisien en 1766.
Document 10 : Après son retour en Angleterre, Adam Smith fréquenta la Lunar Society, une société
philosophique des Lumières qui réunissait des industriels, des inventeurs et des scientifiques de la région de
Birmingham. Elle était notamment animée par Erasmus Darwin (1731-1802), Joseph Priestley et Matthew
Boulton (1728-1809), célèbre industriel et associé de l'ingénieur écossais James Watt. Les membres de la
Société ont développé de nombreux concepts qui posèrent les bases de la révolution industrielle.
À gauche : Portrait d’Erasmus Darwin en 1792 par le peintre Joseph Wright of Derby,
autre membre de cette société philosophique.
À droite : Portrait de Matthew Boulton (1792) par Carl Frederik von Breda.
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 11
Document 11 : L’idée centrale de la pensée de Smith exposée dans sa théorie des sentiments moraux est
que la sympathie dirige les comportements humains. Il se démarque ainsi de la théorie du sens moral de
Shaftesbury et de Huchteson, ainsi que de l’utilitarisme de Hume (selon lequel l'homme est naturellement
porté à préférer l'utile).
Dans un quelconque événement, tout comme la personne principalement intéressée est
contente de notre sympathie, et blessée par son absence, nous aussi semblons contents
quand nous sommes capables de sympathiser avec elle, et blessés quand nous en
sommes incapables. Nous nous précipitons non seulement pour congratuler celui qui est
couronné de succès, mais aussi pour partager la peine de l'affligé. Et le plaisir que nous
trouvons dans la conversation de celui-ci, avec qui nous pouvons par sympathie partager
entièrement toutes les passions de son cœur, semble faire plus que compenser la
douleur de ce chagrin qui nous affecte à la vue de sa situation. Il est toujours
désagréable, au contraire, de sentir que nous ne pouvons pas sympathiser avec lui; au
lieu d'être contents de cette absence de douleur sympathique, nous sommes blessés de
découvrir que nous sommes incapables de partager son malaise. Quand nous entendons
quelqu'un se lamenter bruyamment sur ses infortunes et que, ramenant en nous-mêmes
son cas, nous ne sentons pas qu'elles produisent un tel effet violent, nous sommes
choqués par sa peine ; et, parce que nous ne pouvons entrer dans ce sentiment, nous
l'appelons pusillanimité et faiblesse. D'autre part, nous sommes mélancoliques à la vue
d'une personne trop heureuse ou excessivement transportée, comme on dit, par la
moindre bonne fortune. Nous sommes désobligés même par cette joie et, parce que nous
ne pouvons pas l'accompagner, nous l'appelons frivolité ou folie. Nous perdons même
notre bonne humeur si notre compagnon rit plus bruyamment ou plus longuement d'une
plaisanterie que nous croyons qu'elle le mérite, c'est-à-dire plus que nous sentons que
nous-mêmes pourrions en rire. [ ... ]
Quand les passions originelles de la personne principalement concernée sont en parfait
accord avec les émotions sympathiques du spectateur, elles apparaissent
nécessairement à ce dernier justes, convenables et adéquates à leurs objets. Au
contraire quand, ramenant à l'intérieur de soi le cas, le spectateur trouve que ces
passions ne coïncident pas avec ce qu'il sent, elles lui apparaissent nécessairement
injustes, inconvenantes et inadéquates aux causes qui les ont excitées. Donc, approuver
les passions des autres comme adéquates à leurs objets est la même chose qu'observer
que nous sympathisons entièrement avec elles ; et ne pas les approuver comme telles
revient à observer que nous ne sympathisons pas entièrement avec elles. L'homme qui
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 12
s'offusque des préjudices qui m'ont été causés et observe que j'en suis blessé de la
même manière, approuve nécessairement mon ressentiment. L'homme dont la
sympathie accompagne ma peine ne peut qu'en reconnaître le caractère raisonnable.
Celui qui admire le même poème ou la même peinture, exactement comme je le fais, doit
sûrement convenir de la justesse de mon admiration. Celui qui rit de la même
plaisanterie, et le fait tout autant que moi, ne peut nier la convenance de mon rire. Au
contraire, la personne qui, en ces différentes occasions, ne sent pas d'émotion
comparable à la mienne, ou sent une émotion qui ne lui est pas proportionnée, ne peut
éviter de désapprouver mes sentiments compte tenu de leur dissonance avec les siens.
Si mon animosité va au-delà de l'indignation dont mon ami est susceptible ; si mon
chagrin excède ce que sa compassion la plus tendre peut partager ; si je ris bruyamment
et de tout cœur quand il sourit seulement ou, au contraire, si je souris seulement quand il
rit bruyamment et de tout cœur ; alors, dans tous ces cas, dès qu'il cesse de considérer
l'objet de ma passion pour observer la manière dont j'en suis affecté, selon qu'il y a plus
ou moins de disproportion entre ses sentiments et les miens, je dois encourir les degrés
plus ou moins élevés de sa désapprobation. Et en toutes occasions ses propres
sentiments sont les normes et les mesures au moyen desquels il juge des miens.
Théorie des sentiments moraux (1759)
Partie l, Section I, Ch. 2 et 3
Traduction M. Biziou, C. Gautier et J.F. Pradeau, PUF, 2003.
Document 12 : Cela se traduit pour Smith par une recherche de l’approbation morale, qui se retrouve aussi
dans la recherche de la richesse. Le riche aussi cherche à se légitimer lui-même par son enrichissement, et
si ses biens sont mal acquis, il peut peut-être en profiter, mais en risquant d'encourir la désapprobation
morale d'autrui. Il s’efforcera alors d’obtenir l’approbation morale des autres par les moyens que lui offre sa
richesse.
Quel est le but de tout le labeur et de tout le remue-ménage de ce monde ? Quelle est la
fin de l'avarice et de l'ambition, de la recherche de la richesse, du pouvoir et de la
prééminence ? Est-ce pour répondre aux nécessités de la nature ? Le salaire du moindre
travailleur peut y répondre. Nous observons qu'il lui procure la nourriture et le vêtement,
le confort d'une maison et d'une famille. Si nous examinions son économie avec rigueur,
nous trouverions qu'il dépense une grande partie de son salaire pour des commodités qui
peuvent être considérées comme des superfluités et que, dans des occasions hors de
l'ordinaire, il peut même en consacrer une partie à la vanité et à la distinction. Quelle est
alors la cause de notre aversion pour sa situation ? Et pourquoi ceux qui ont été éduqués
parmi les rangs les plus élevés regardent-ils comme plus effroyable que la mort le fait
d'être réduit, même sans travail, à vivre de la même nourriture simple que lui, à demeurer
sous le même toit humble et à être vêtu du même habit modeste ? Imaginent-ils que leur
estomac est plus satisfait ou que leur sommeil est plus profond dans un palais que dans
une chaumière ? Le contraire a si souvent été observé et est si évident, bien que cette
évidence elle-même n'ait jamais été observée, que personne ne l'ignore. D'où naît alors
cette émulation qui court à travers les différents rangs de la société ? Et quels sont les
avantages que nous nous proposons au moyen de ce grand dessein de la vie humaine
que nous appelons l'amélioration de notre condition ? Être observés, être remarqués,
êtres considérés avec sympathie, contentement et approbation sont tous les avantages
que nous pouvons nous proposer d'en retirer.
Théorie des sentiments moraux (1759)
Partie l, Section III, Ch. 2
Traduction M. Biziou, C. Gautier et J.F. Pradeau, PUF, 2003.
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 13
Document 13 : Pour Smith, l’origine des échanges économiques repose sur des principes
anthropologiques, notamment le fait qu’il est préférable de s’adresser à l’intérêt de ses semblables qu’à leur
bienveillance, toujours aléatoire et incertaine, quand on veut obtenir quelque chose d’eux. Adam Smith
considère que le principe des échanges économiques découle des fonctionnements naturels de l’homme.
L’homme est donc un “homo oeconomicus” autant qu’un animal social, les deux ne sont pas séparables. La
constitution du fait social ne consiste donc pas à un renoncement à l’égoïsme, mais à un bénéfice mutuel
des acteurs sociaux. Il s’agit d’une communauté d’intérêts, qui de différents deviennent complémentaires.
Les égoïsmes personnels peuvent ainsi s’harmoniser et générer des relations sociales mutuellement
profitables. Pour Smith, la société n’annule pas l’égoïsme, quand elle fonctionne correctement, elle les
harmonise, les rends complémentaire et les solidarise.
Quand un animal veut obtenir quelque chose d'un autre animal ou d'un homme, il n'a pas
d'autre moyen que de chercher à gagner la faveur de celui dont il a besoin. Le petit
caresse sa mère, et le chien qui assiste au dîner de son maître s'efforce par mille
manières d'attirer son attention pour en obtenir à manger. L'homme agit quelquefois de
même avec ses semblables, et quand il n'a pas d'autre voie pour les engager à faire ce
qu'il souhaite, il tâche de gagner leurs bonnes grâces par des flatteries et des attentions
serviles. Il n'a cependant pas toujours le temps de mettre ce moyen en œuvre. Dans une
société civilisée, il a besoin à tout moment de l'assistance et du concours d'une multitude
d'hommes, tandis que toute sa vie suffirait à peine pour lui gagner l'amitié de quelques
personnes. Dans presque toutes les espèces d'animaux, chaque individu, quand il est
parvenu à sa pleine croissance, est tout à fait indépendant et, tant qu'il reste dans son
état naturel, il peut se passer de l'aide de toute autre créature vivante. Mais l'homme a
presque continuellement besoin du secours de ses semblables, et c'est en vain qu'il
l'attendrait de leur seule bienveillance. Il sera bien plus sûr de réussir, s'il s'adresse à leur
intérêt personnel et s'il leur persuade que leur propre avantage leur commande de faire
ce qu'il souhaite d'eux. C'est ce que fait celui qui propose à un autre un marché
quelconque; le sens de sa proposition est ceci : Donnez-moi ce dont j'ai besoin, et vous
aurez de moi ce dont vous avez besoin vous-mêmes; et la plus grande partie de ces
bons offices qui nous sont nécessaires s'obtiennent de cette façon. Ce n'est pas de la
bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger, que nous attendons
notre dîner, mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons
pas à leur humanité, mais à leur égoïsme; et ce n’est jamais de nos besoins que nous
leur parlons, c'est toujours de leur avantage. Il n'y a qu'un mendiant qui puisse se
résoudre à dépendre de la bienveillance d'autrui ; encore ce mendiant n’en dépend-il pas
en tout: c'est bien la bonne volonté des personnes charitables qui lui fournit le fond entier
de sa subsistance ; mais quoique ce soit là en dernière analyse le principe d'où il tire de
quoi satisfaire aux besoins de sa vie, cependant ce n'est pas celui-là qui peut y pourvoir à
mesure qu'ils se font sentir. La plus grande partie de ses besoins du moment se trouve
satisfait comme ceux des autres hommes, par traité, par échange et par achat. Avec
l'argent que l'un lui donne, il achète du pain. Les vieux habits qu'il reçoit d'un autre, il les
troque contre d'autres vieux habits qui l'accommodent mieux, ou bien contre un
logement, contre des aliments, ou enfin contre de l'argent qui lui servira à se procurer un
logement, des aliments ou des habits quand il en aura besoin.
Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776
Livre I, Chap. 2
Traduction G.Garrnier, revue par A. Blanqui 1881
Document 14 : Pour Smith, la redistribution de la richesse, qui profite aux autres (et pas seulement aux
travailleurs du capitaliste) s’effectue de manière générale par la circulation économique. Ainsi, le riche fournit
du travail à tous ceux qui sont chargés de produire ce qu'il désire : en les rémunérant, il consacre une
grande partie de sa richesse à entretenir ses semblables, même s’il n’a nulle bienveillance à leur égard et
même s’il ne désire pas contribuer à la richesse économique de la nation.
C'est indépendamment de toute fin que l'orgueilleux et insensible propriétaire se réjouit
de l'étendue de ses champs, et c'est sans la moindre pensée pour les besoins de ses
frères qu'il consomme en imagination toute la récolte qui les recouvre. Le proverbe
familier et vulgaire selon lequel les yeux sont plus gros que le ventre n'a jamais été mieux
vérifié qu'à son propos. Son estomac a une capacité qui n'est en rien à la mesure de
l'immensité de ses désirs, et il ne pourra contenir rien de plus que celui du plus humble
paysan. Quant au reste, le riche est tenu de le distribuer à ceux qui préparent, de la
meilleure manière qui soit, cette petite part dont il fait lui-même usage, à ceux qui
entretiennent le palais dans lequel cette petite part sera consommée, à ceux qui
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 14
procurent et maintiennent en ordre les bibelots et les babioles qui sont employés dans
l'économie de la grandeur. C'est de son luxe et de son caprice que tous obtiennent leur
part des nécessités de la vie, qu'ils auraient en vain attendue de son humanité ou de sa
justice. Le produit du sol fait vivre presque tous les hommes qu'il est susceptible de faire
vivre ! Les riches choisissent seulement dans cette quantité produite ce qui est le plus
précieux et le plus agréable. Ils ne consomment guère plus que les pauvres et, en dépit
de leur égoïsme et de leur rapacité naturelle, quoiqu'ils n'aspirent qu'à leur propre
commodité, quoique l'unique fin qu'ils se proposent d'obtenir du labeur des milliers de
bras qu'ils emploient soit la seule satisfaction de leurs vains et insatiables désirs, ils
partagent tout de même avec les pauvres les produits des améliorations qu'ils réalisent.
Ils sont conduits par une main invisible à accomplir presque la même distribution des
nécessités de la vie que celle qui aurait eu lieu si la terre avait été divisée en portions
égales entre tous ses habitants ; et ainsi, sans le vouloir, sans le savoir, ils servent les
intérêts de la société et donnent des moyens à la multiplication de l'espèce.
Théorie des sentiments moraux (1759)
Partie IV, Ch.1
Traduction M. Biziou, C. Gautier et J.F. Pradeau, PUF, 2003.
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 15
Document 15 : Adam Smith fit appel à une importante documentation pour écrire la Richesse des nations.
Parmi les nombreuses références économiques qui lui servent de matière de départ, il y a l’étude du prix du
blé entre 1637 et 1750 (RDN I.xi) ou bien son analyse d’une manufacture d’épingle, qui lui sert à illustrer le
principe de division du travail. Cet exemple provient probablement d’Henri-Louis Duhamel du Monceau (Art
de l'Épinglier avec des additions de M. Duhamel du Monceau et des remarques extraites des mémoires de
M. Perronet, inspecteur général des Ponts et Chaussées, de 1761), ou bien de l'article "Épingles" de
l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1755).
Document 16 : Plan de la Richesse des Nations et frontispice de la première édition de 1776, en 2 volumes.
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 16
Livre I : Facultés productives du travail, et de l'ordre suivant lequel ses produits se
distribuent naturellement dans les différentes classes du peuple.
Livre II : De la nature des fonds ou capitaux de leur accumulation et de leur emploi.
Livre III : De la marche différente et des progrès de l'opulence chez différentes
nations.
Livre IV : Des systèmes d'économie politique.
Livre V : Du revenu du souverain ou de la république.
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 17
Document 17 : Voilà la présentation que donne Adam Smith de son livre, qui résume de nombreuses
notions essentielles de sa pensée économiques et de ses recherches.
INTRODUCTION ET PLAN DE L’OUVRAGE
Le Travail annuel d'une nation est le fonds primitif qui fournit à sa consommation annuelle
toutes les choses nécessaires et commodes à la vie ; et ces choses sont toujours ou le
produit immédiat de ce travail, ou achetées des autres nations avec ce produit.
Ainsi, selon que ce produit, ou ce qui est acheté avec ce produit, se trouvera être dans
une proportion plus ou moins grande avec le nombre des consommateurs, la nation sera
plus ou moins bien pourvue de toutes les choses nécessaires ou commodes dont elle
éprouvera le besoin.
Or, dans toute nation, deux circonstances différentes déterminent cette proportion.
Premièrement, l'habileté, la dextérité et l'intelligence qu'on y apporte généralement dans
l'application du travail ; deuxièmement, la proportion qui s'y trouve entre le nombre de
ceux qui sont occupés à un travail utile et le nombre de ceux qui ne le sont pas. Ainsi,
quels que puissent être le sol, le climat et l'étendue du territoire d'une nation,
nécessairement l'abondance ou la disette de son approvisionnement annuel, relativement
à sa situation particulière, dépendra de ces deux circonstances.
L'abondance ou l'insuffisance de cet approvisionnement dépend plus de la première de
ces deux circonstances que de la seconde. Chez les nations sauvages qui vivent de la
chasse et de la pêche, tout individu en état de travailler est plus ou moins occupé à un
travail utile, et tâche de pourvoir, du mieux qu'il peut, à ses besoins et à ceux des
individus de sa famille ou de sa tribu qui sont trop jeunes, trop vieux ou trop infirmes pour
aller à la chasse ou à la pêche. Ces nations sont cependant dans un état de pauvreté
suffisant pour les réduire souvent, ou du moins pour qu'elles se croient réduites, à la
nécessité tantôt de détruire elles-mêmes leurs enfants, leurs vieillards et leurs malades,
tantôt de les abandonner aux horreurs de la faim ou à la dent des bêtes féroces. Au
contraire, chez les nations civilisées et en progrès, quoiqu'il y ait un grand nombre de
gens tout à fait oisifs et beaucoup d'entre eux qui consomment un produit de travail
décuple et souvent centuple de ce que consomme la plus grande partie des travailleurs,
cependant la somme du produit du travail de la société est si grande, que tout le monde y
est souvent pourvu avec abondance, et que l'ouvrier, même de la classe la plus basse et
la plus pauvre, s'il est sobre et laborieux, peut jouir, en choses propres aux besoins et
aux aisances de la vie, d'une part bien plus grande que celle qu'aucun sauvage pourrait
jamais se procurer.
Les causes qui perfectionnent ainsi le pouvoir productif du travail et l'ordre suivant lequel
ses produits se distribuent naturellement entre les diverses classes de personnes dont se
compose la société, feront la matière du premier livre de ces Recherches.
Quel que soit, dans une nation, l'état actuel de son habileté, de sa dextérité et de son
intelligence dans l'application du travail, tant que cet état reste le même, l'abondance ou
la disette de sa provision annuelle dépendra nécessairement de la proportion entre le
nombre des individus employés à un travail utile, et le nombre de ceux qui ne le sont pas.
Le nombre des travailleurs utiles et productifs est partout, comme on le verra par la suite,
en proportion de la quantité du Capital employé à les mettre en oeuvre, et de la manière
particulière dont ce capital est employé. Le second livre traite donc de la nature du capital
et de la manière dont il s'accumule graduellement, ainsi que des différentes quantités de
travail qu'il met en activité, selon les différentes manières dont il est employé.
Des nations qui ont porté assez loin l'habileté, la dextérité et l'intelligence dans
l'application du travail, ont suivi des méthodes fort différentes dans la manière de le
diriger ou de lui donner une impulsion générale, et ces méthodes n'ont pas toutes été
également favorables à l'augmentation de la masse de ses produits. La politique de
quelques nations a donné un encouragement extraordinaire à l'industrie des campagnes ;
celle de quelques autres, à l'industrie des villes. Il n'en est presque aucune qui ait traité
tous les genres d'industrie avec égalité et avec impartialité. Depuis la chute de l'empire
romain, la politique de l'Europe a été plus favorable aux arts, aux manufactures et au
commerce, qui sont l'industrie des villes, qu'à l'agriculture, qui est celle des campagnes.
Les circonstances qui semblent avoir introduit et établi cette politique sont exposées dans
le troisième livre.
Quoique ces différentes méthodes aient peut-être dû leur première origine aux préjugés
et à l'intérêt privé de quelques classes particulières, qui ne calculaient ni ne prévoyaient
les conséquences qui pourraient en résulter pour le bien-être général de la société,
cependant elles ont donné lieu à différentes théories d'Économie politique, dont les unes
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 18
exagèrent l'importance de l'industrie qui s'exerce dans les villes, et les autres celle de
l'industrie des campagnes. Ces théories ont eu une influence considérable, non
seulement sur les opinions des hommes instruits, mais même sur la conduite publique
des princes et des États. J'ai tâché, dans le quatrième livre, d'exposer ces différentes
théories aussi clairement qu'il m'a été possible, ainsi que les divers effets qu'elles ont
produits en différents siècles et chez différents peuples.
Ces quatre premiers livres traitent donc de ce qui constitue le Revenu de la masse du
peuple, ou de la nature de ces Fonds qui, dans les différents âges et chez les différents
peuples, ont fourni à leur consommation annuelle.
Le cinquième et dernier livre traite du revenu du Souverain ou de la République. J'ai
tâché de montrer dans ce livre : - 1° quelles sont les dépenses nécessaires du souverain
ou de la république, lesquelles de ces dépenses doivent être supportées par une
contribution générale de toute la société, et lesquelles doivent l'être par une certaine
portion seulement ou par quelques membres particuliers de la société ; - 2° quelles sont
les différentes méthodes de faire contribuer la société entière à l'acquit des dépenses qui
doivent être supportées par la généralité du peuple, et quels sont les principaux
avantages et inconvénients de chacune de ces méthodes ; - 3° enfin, quelles sont les
causes qui ont porté presque tous les gouvernements modernes à engager ou à
hypothéquer quelque partie de ce revenu, c'est-à-dire à contracter des Dettes, et quels
ont été les effets de ces dettes sur la véritable richesse de la société, sur le produit
annuel de ses Terres et de son Travail.
Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776
Introduction
Traduction française, 1881 par Germain Garnier
à partir de l'édition revue par Adolphe Blanqui en 1843
Document 18 : La division du travail dans un cadre social est une source d’enrichissement général et
mutuel, car nous pourrons ainsi bénéficier de la mise en relation de la démultiplication du travail d’autrui.
Chacun apportant aux autres par ce biais ce qu’il sait faire de mieux, chacun bénéficie en retour d’un
éventail de compétences et de qualités qu’il ne pourrait jamais détenir à lui tout seul. Cette réflexion sur les
échanges économiques met en valeur l’importance du travail, considéré comme la source fondamentale de
production de toute richesse.
Un homme est riche ou pauvre, suivant les moyens qu'il a de se procurer les besoins, les
commodités et les agréments de la vie. Mais la division une fois établie dans toutes les
branches du travail, il n'y a qu'une partie extrêmement petite de toutes ces choses qu'un
homme puisse obtenir directement par son travail ; c'est du travail d'autrui qu'il lui faut
attendre la plus grande partie de toutes ces jouissances ; ainsi il sera riche ou pauvre,
selon la quantité de travail qu'il pourra commander ou qu'il sera en état d'acheter.
Ainsi la valeur d'une denrée quelconque pour celui qui la possède, et qui n'entend pas en
user ou la consommer lui-même, mais qui a l'intention de l'échanger pour autre chose est
égale à la quantité de travail que cette denrée le met en état d'acheter ou de commander.
Le travail est donc la mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise.
Le prix réel de chaque chose, ce que chaque chose coûte réellement à celui qui veut se
la procurer, c'est le travail et la peine qu'il doit s'imposer pour l'obtenir. Ce que chaque
chose vaut réellement pour celui qui l'a acquise, et qui cherche à en disposer ou à
l'échanger pour quelque autre objet, c'est la peine et l'embarras que la possession de
cette chose peut lui épargner et qu'elle lui permet d'imposer à d'autres personnes. Ce
qu'on achète avec de l'argent ou des marchandises est acheté par du travail, aussi bien
que ce que nous acquérons à la sueur de notre front. Cet argent et ces marchandises
nous épargnent, dans le fait, cette fatigue. Elles contiennent la valeur d'une certaine
quantité de travail, que nous échangeons pour ce qui est supposé alors contenir la valeur
d'une quantité égale de travail. Le travail a été le premier prix, la monnaie payée pour
l'achat primitif de toutes choses. Ce n'est point avec de l'or ou de l'argent, c'est avec du
travail, que toutes les richesses du monde ont été achetées originairement ; et leur valeur
pour ceux qui les possèdent et qui cherchent à les échanger contre de nouvelles
productions, est précisément égale à la quantité de travail qu'elles le mettent en état
d'acheter ou de commander.
Recherches sur la Nature et les causes de la richesse des nations
Livre I, chap. V
du prix réel et du prix nominal des marchandises, ou de leur prix en travail et de leur prix en argent
idem
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 19
Document 19 : La distinction de Smith entre Travail productif et travail improductif.
Il y a une sorte de travail qui ajoute à la valeur de l'objet sur lequel il s'exerce ; il y en a un
autre qui n'a pas le même effet. Le premier, produisant une valeur, peut être appelé
travail productif ; le dernier, travail non productif.
Ainsi, le travail d'un ouvrier de manufacture ajoute, en général, à la valeur de la matière
sur laquelle travaille cet ouvrier, la valeur de sa subsistance et du profit de son maître. Le
travail d'un domestique, au contraire, n'ajoute à la valeur de rien. Quoique le premier
reçoive des salaires que son maître lui avance, il ne lui coûte, dans le fait, aucune
dépense, la valeur de ces salaires se retrouvant en général avec un profit de plus dans
l'augmentation de valeur du sujet auquel ce travail a été appliqué. Mais la subsistance
consommée par le domestique ne se trouve nulle part. Un particulier s'enrichit à
employer une multitude d'ouvriers fabricants ; il s'appauvrit à entretenir une multitude de
domestiques. Le travail de ceux-ci a néanmoins sa valeur, et mérite sa récompense aussi
bien que celui des autres. Mais le travail de l'ouvrier se fixe et se réalise sur un sujet
quelconque, ou sur une chose vénale qui dure au moins quelque temps après que le
travail a cessé. C'est, pour ainsi dire, une quantité de travail amassé et mis en réserve,
pour être employé, s'il est nécessaire, dans quelque autre occasion. Cet objet, ou ce qui
est la même chose, le prix de cet objet peut ensuite, s'il en est besoin, mettre en activité
une quantité de travail égale à celle qui l'a produit originairement. Le travail du
domestique, au contraire, ne se fixe ou ne se réalise sur aucun objet, sur aucune chose
qu'on puisse vendre ensuite. En général, ses services périssent à l'instant même où il les
rend, et ne laissent presque jamais après eux aucune trace ou aucune valeur qui puisse
servir par la suite à procurer une pareille quantité de services.
Recherches sur la Nature et les causes de la richesse des nations
Livre II, chap. 3
Du travail productif et du travail non productif, de l'accumulation du capital
idem
Document 20 : Le marché a besoin de l’état, qui lui en assure le socle indispensable. Pour Smith, l’état,
doit accomplir trois devoirs indispensables à une bonne activité économique : sécurité nationale, paix civile,
travaux d'utilité publique...
Ainsi, en écartant entièrement tous ces systèmes ou de préférences ou d'entraves, le
système simple et facile de la liberté naturelle vient se présenter de lui-même et se trouve
tout établi. Tout homme, tant qu'il n'enfreint pas les lois de la justice, demeure en pleine
liberté de suivre la route que lui montre son intérêt, et de porter où il lui plaît son industrie
et son capital, concurremment avec ceux de toute autre classe d'hommes. Le souverain
se trouve entièrement débarrassé d'une charge qu'il ne pourrait essayer de remplir sans
s'exposer infailliblement à se voir sans cesse trompé de mille manières, et pour
l'accomplissement convenable de laquelle il n'y a aucune sagesse humaine ni
connaissance qui puissent suffire, la charge d'être le surintendant de l'industrie des
particuliers, de la diriger vers les emplois les mieux assortis à l'intérêt général de la
société.
Dans le système de la liberté naturelle, le souverain n'a que trois devoirs à remplir ; trois
devoirs, à la vérité, d'une haute importance, mais clairs, simples et à la portée d'une
intelligence ordinaire. - Le premier, c'est le devoir de défendre la société de tout acte de
violence ou d'invasion de la part des autres sociétés indépendantes. - Le second, c'est le
devoir de protéger, autant qu'il est possible, chaque membre de la société contre
l'injustice ou l'oppression de tout autre membre, ou bien le devoir d'établir une
administration exacte de la justice. - Et le troisième, c'est le devoir d'ériger et d'entretenir
certains ouvrages publics et certaines institutions que l'intérêt privé d'un particulier ou de
quelques particuliers ne pourrait jamais les porter à ériger ou à entretenir, parce que
jamais le profit n'en rembourserait la dépense à un particulier ou à quelques particuliers,
quoiqu'à l'égard d'une grande société ce profit fasse beaucoup plus que rembourser les
dépenses.
Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776
Livre IV, Chap. IX
idem
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 20
Document 21 : Les trois références à la main invisible dans l’œuvre de Smith.
History of Astronomy (1755)
Car il peut être observé que dans toutes les religions polythéistes, parmi les sauvages
comme dans les âges les plus reculés de l'Antiquité, ce sont seulement les événements
irréguliers de la nature qui sont attribués au pouvoir de leurs dieux. Les feux brûlent, les
corps lourds descendent et les substances les plus légères volent par la nécessité de leur
propre nature ; on n'envisage jamais de recourir à la «main invisible de Jupiter» dans
ces circonstances. Mais le tonnerre et les éclairs, la tempête et le soleil, ces événements
plus irréguliers sont attribués à sa colère.
History of Astronomy, 1755
d’après Adam Smith Essays on Philosophical Subjets,
Clarendon Press, 1981, p. 491
Théorie des sentiments moraux (1759)
Le produit du sol fait vivre presque tous les hommes qu'il est susceptible de faire vivre.
Les riches choisissent seulement dans cette quantité produite ce qui est le plus précieux
et le plus agréable. Ils ne consomment guère plus que les pauvres et, en dépit de leur
égoïsme et de leur rapacité naturelle, quoiqu'ils n'aspirent qu'à leur propre commodité,
quoique l'unique fin qu'ils se proposent d'obtenir du labeur des milliers de bras qu'ils
emploient soit la seule satisfaction de leurs vains et insatiables désirs, ils partagent tout
de même avec les pauvres les produits des améliorations qu'ils réalisent. Ils sont
conduits par une main invisible à accomplir presque la même distribution des nécessités
de la vie que celle qui aurait eu lieu si la terre avait été divisée en portions égales entre
tous ses habitants ; et ainsi, sans le vouloir, ils servent les intérêts de la société et
donnent des moyens à la multiplication de l'espèce.
Théorie des sentiments moraux, 1759,
Léviathan, PUF, 1999, p.257
La Richesse des Nations (1776)
Mais le revenu annuel de toute société est toujours précisément égal à la valeur
échangeable de tout le produit annuel de son industrie, ou plutôt c’est précisément la
même chose que cette valeur échangeable. Par conséquent, puisque chaque individu
tâche, le plus qu’il peut, 1° d’employer son capital à faire valoir l’industrie nationale, et 2°
de diriger cette industrie de manière à lui faire produire la plus grande valeur possible,
chaque individu travaille nécessairement à rendre aussi grand que possible le revenu
annuel de la société. À la vérité, son intention, en général, n'est pas en cela de servir
l'intérêt public, et il ne sait même pas jusqu'à quel point il peut être utile à la société. En
préférant le succès de l'industrie nationale à celui de l'industrie étrangère, il ne pense
qu'à se donner personnellement une plus grande sûreté ; et en dirigeant cette industrie
de manière à ce que son produit ait le plus de valeur possible, il ne pense qu'à son
propre gain ; en cela, comme dans beaucoup d'autres cas, il est conduit par une main
invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions ; et ce n'est pas
toujours ce qu'il y a de plus mal pour la société, que cette fin n'entre pour rien dans ses
intentions. Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d'une
manière bien plus efficace pour l'intérêt de la société, que s'il avait réellement pour but d'y
travailler. Je n'ai jamais vu que ceux qui aspiraient, dans leurs entreprises de commerce,
à travailler pour le bien général, aient fait beaucoup de bonnes choses. Il est vrai que
cette belle passion n'est pas très commune parmi les marchands, et qu'il ne faudrait pas
de longs discours pour les en guérir.
Recherche sur la nature et les causes
de la richesse des nations, 1776
Livre IV, ch. 2
idem
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 21
Document 22 : L’idéal économique de Smith n’est nullement l’exploitation des pauvres, la recherche d’un
équilibre social fait partie du développement économique d’une nation (niveau ne l’oublions-pas dominé par
la sympathie). Pour lui, les classes «travailleuses» doivent aussi voir leur sort amélioré par l’élévation de la
richesse nationale.
Cette amélioration survenue dans la condition des dernières classes du peuple doit-elle
être regardée comme un avantage ou comme un inconvénient pour la société ? Au
premier coup d'œil, la réponse paraît extrêmement simple. Les domestiques, les ouvriers
et artisans de toute sorte composent la plus grande partie de toute société politique. Or,
peut-on jamais regarder comme un désavantage pour le tout ce qui améliore le sort de la
plus grande partie ? Assurément, on ne doit pas regarder comme heureuse et prospère
une société dont les membres les plus nombreux sont réduits à la pauvreté et à la
misère. La seule équité, d'ailleurs, exige que ceux qui nourrissent, habillent et logent tout
le corps de la nation, aient, dans le produit de leur propre travail, une part suffisante pour
être eux-mêmes passablement nourris, vêtus et logés.
Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776
Livre I, Chap. VIII
Traduction G.Garrnier, revue par A. Blanqui 1881)
Document 23 : Voici quelques-unes de ses réflexions portant sur l’éducation qui se trouvent dans le dernier
livre. Il propose d’organiser une véritable éducation nationale minimale, prise en charge par l’état.
L'éducation de la foule du peuple, dans une société civilisée et commerçante, exige peutêtre davantage les soins de l'État que celle des gens mieux nés et qui sont dans
l'aisance. Les gens bien nés et dans l'aisance ont, en général, dix-huit à dix-neuf ans
avant d'entrer dans les affaires, dans la profession ou le genre de commerce qu'ils se
proposent d'embrasser. Ils ont avant cette époque tout le temps d'acquérir, ou au moins
de se mettre dans le cas d'acquérir par la suite toutes les connaissances qui peuvent leur
faire obtenir l'estime publique ou les en rendre dignes ; leurs parents ou tuteurs sont
assez jaloux, en général, de les voir ainsi élevés, et sont le plus souvent disposés à faire
toute la dépense qu'il faut pour y parvenir. S'ils ne sont pas toujours très bien élevés,
c'est rarement faute de dépenses faites pour leur donner de l'éducation, c'est plutôt faute
d'une application convenable de ces dépenses. Il est rare que ce soit faute de maîtres,
mais c'est souvent à cause de l'incapacité et de la négligence des maîtres qu'on a, et de
la difficulté ou plutôt de l'impossibilité qu'il y a de s'en procurer de meilleurs dans l'état
actuel des choses. Et puis, les occupations auxquelles les gens bien nés et dans
l'aisance passent la plus grande partie de leur vie ne sont pas, comme celles des gens
du commun du peuple, des occupations simples et uniformes ; elles sont presque toutes
extrêmement compliquées et de nature à exercer leur tête plus que leurs mains. Il ne se
peut guère que l'intelligence de ceux qui se livrent à de pareils emplois vienne à
s'engourdir faute d'exercice. D'un autre côté, les emplois des gens bien nés et ayant
quelque aisance ne sont guère de nature à les enchaîner du matin au soir. En général, ils
ne laissent pas d'avoir certaine quantité de moments de loisirs pendant lesquels ils
peuvent se perfectionner dans toute branche de connaissances utiles ou agréables dont
ils auront pu se donner les premiers éléments, ou dont ils auront pu prendre le goût dans
la première époque de leur vie,
Il n'en est pas de même des gens du peuple; ils n'ont guère de temps de reste à mettre à
leur éducation. Leurs parents peuvent à peine suffire à leur entretien pendant l'enfance.
Aussitôt qu'ils sont en état de travailler, il faut qu'ils s'adonnent à quelque métier pour
gagner leur subsistance. Ce métier est aussi, en général, si simple et si uniforme, qu'il
donne très peu d'exercice à leur intelligence ; tandis qu'en même temps leur travail est à
la fois si dur et si constant, qu'il ne leur laisse guère de loisir, encore moins de disposition
à s'appliquer, ni même à penser à aucune autre chose.
Mais quoique dans aucune société civilisée les gens du peuple ne puissent jamais être
aussi bien élevés que les gens nés dans l'aisance, cependant les parties les plus
essentielles de l'éducation, lire, écrire et compter, sont des connaissances qu'on peut
acquérir à un âge si jeune, que la plupart même de ceux qui sont destinés aux métiers
les plus bas ont le temps de prendre ces connaissances avant de commencer à se
mettre à leurs travaux. Moyennant une très petite dépense, l'État peut faciliter, peut
encourager l'acquisition de ces parties essentielles de l'éducation parmi la masse du
peuple, et même lui imposer, cri quelque sorte, l'obligation de les acquérir.
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 22
L'État peut faciliter l'acquisition de ces connaissances, en établissant dans chaque
paroisse ou district une petite école où les enfants soient instruits pour un salaire si
modique, que même un simple ouvrier puisse le donner ; le maître étant en partie, mais
non en totalité, payé par l'État, parce que, s'il l'était en totalité ou même pour la plus
grande partie, il pourrait bientôt prendre l'habitude de négliger son métier. En Écosse,
l'établissement de pareilles écoles de paroisse a fait apprendre à lire à presque tout le
commun du peuple, et même, à une très grande partie, à écrire et à compter. En
Angleterre, l'établissement des écoles de charité a produit un effet du même genre, mais
non pas aussi généralement, parce que l'établissement n'est pas aussi universellement
répandu. Si, dans ces petites écoles, les livres dans lesquels on enseigne à lire aux
enfants étaient un peu plus instructifs qu'ils ne le sont pour l'ordinaire ; et si, au lieu de
montrer aux enfants du peuple à balbutier quelques mots de latin, comme on fait
quelquefois dans ces écoles, ce qui ne peut jamais leur être bon à rien, on leur
enseignait les premiers éléments de la géométrie et de la mécanique, l'éducation littéraire
de cette classe du peuple serait peut-être aussi complète qu'elle est susceptible de l'être.
Il n'y a presque pas de métier ordinaire qui ne fournisse quelque occasion d'y faire
l'application des principes de la géométrie et de la mécanique et qui, par conséquent, ne
donnât lieu aux gens du peuple de s'exercer petit à petit et de se perfectionner dans ces
principes qui sont l'introduction nécessaire aux sciences les plus sublimes, ainsi que les
plus utiles.
L'État peut encourager l'acquisition de ces parties les plus essentielles de l'éducation, en
donnant de petits prix ou quelques petites marques de distinction aux enfants du peuple
qui y excelleraient.
L'État peut imposer à presque toute la masse du peuple l'obligation d'acquérir ces parties
de l'éducation les plus essentielles, en obligeant chaque homme à subir un examen ou
une épreuve sur ces articles avant de pouvoir obtenir la maîtrise dans une corporation,
ou la permission d'exercer aucun métier ou commerce dans un village ou dans une ville
incorporée.
C'est ainsi que les républiques grecques et la république romaine, en facilitant les
moyens de se former aux exercices militaires et gymnastique, en encourageant la
pratique de ces exercices, et en imposant à tout le corps de la nation la nécessité de les
apprendre, entretinrent les dispositions martiales de leurs citoyens respectifs. Elles
facilitèrent les moyens de se former à ces exercices, en ouvrant un lieu public pour les
apprendre et les pratiquer, et en accordant à certains maîtres le privilège de les
enseigner dans ce lieu. Il ne paraît pas que ces maîtres aient eu d'autre traitement ni
aucune autre espèce de privilège. Leur récompense consistait entièrement dans ce qu'ils
retiraient de leurs écoliers; et un citoyen qui avait appris ces exercices dans les
gymnases publics n'avait aucune espèce d'avantage légal sur un autre qui les aurait
appris particulièrement, pourvu que celui-ci les eût également bien appris. Ces
républiques encouragèrent la pratique de ces exercices, en accordant de petits prix et
quelques marques de distinction à ceux qui y excellaient. Un prix remporté aux jeux
Olympiques, Isthmiens ou Néméens, était un grand honneur, non seulement pour celui
qui le gagnait, mais encore pour sa famille et toute sa parenté. L'obligation où était
chaque citoyen de servir un certain nombre d'années sous les drapeaux de la république,
quand on l'y appelait, le mettait bien dans la nécessité d'apprendre ces exercices, sans
lesquels il n'eût pas été propre à remplir son service.
Adam Smith (1776),
Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations
Livre V, Art. 2. - Des dépenses qu'exigent les institutions pour l'éducation de la jeunesse.
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 23
Document 24 : Statue d’Adams Smith à Edimbourg à High Street (en arrière plan l’église St Giles).
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 24
Document 25 : La tombe d'Adam Smith se trouve à Edimbourg, dans le petit cimetière de Canongate
Kirkyard, situé près du parlement.
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 25
SI VOUS VOULEZ APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS :
Les CD et DVD des conférences de notre AUDIOTHÈQUE sont en vente à la MAISON DE LA PHILOSOPHIE
à Toulouse, par correspondance et téléchargeables sur notre site internet. Pour renseignements et
commandes : tél : 05.61.42.14.40 - email : [email protected] - site : www.alderan-philo.org.
Conférences en relation avec les Lumières écossaises
- La révolution de la thermodynamique
- La révolution machinique, les pouvoirs d’Ephaïstos
1000-190
1000-258
Conférences sur des philosophes en relation avec Adam Smith
- Thomas Hobbes et le Léviathan
- John Locke, de la théorie de la connaissance au libéralisme politique
- Leibniz et la monadologie
- Les physiocrates, une école économique des Lumières
4311-05
4311-12
4311-14
4312-10
Livres sur les Lumières écossaises
- L'Écosse des Lumières : Hume, Smith, Ferguson, Norbert Waszek, PUF, 2003
- Économie politique et progrès au «siècle des lumières», Jean-François Faure-Soulet, Gauthier-Villars,
1964
Livres d’Adam Smith
- Théorie des sentiments moraux, Léviathan, PUF, 1999
- La richesse des nations, présentation de Daniel Diatkine, Flammarion, 1991
Livres sur Adam Smith
- Adam Smith, le père de l'économie, Éric Pichet, Les éditions du siècle, 2003
- Adam Smith : Vie, œuvres, concept, Alain Bruno, Ellipses Marketing, 2001
Livres sur la pensée d’Adam Smith
- Comprendre Adam Smith, Jean-Daniel Boyer, Armand Colin, 2011
- L’Économie de la nature : Essai sur Adam Smith et l’anthropologie de la croissance, Christian Marouby,
Seuil, 2004
- Adam Smith et l’origine du libéralisme, Michaël Biziou, PUF, 2003
- Les grands économistes, Robert Heilbroner, Points Seuil, 2001
- L'art du législateur, jurisprudence naturelle de David Hume et Adam Smith, Claude Gauthier et Knud
Haakonssen, PUF, 1998
- Adam Smith, Philosophie et économie, Jean Mathiot, PUF,1990
- Leibniz et la formation du capitalisme, Elster Jon, Aubier Montaigne, 1975
Webographie
- Le texte de la RDN, sur l’excellent site Les Classiques des Sciences Sociales de l’UQAC :
- http://classiques.uqac.ca/classiques/Smith_adam/smith_adam.html
Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-07 : “Adam Smith, l’économie et la Richesse des nations” - 27/01/2014 - page 26
Téléchargement