LES LUMIÈRES EUROPÉENNES TROISIÈME SUJET - DAVID HUME (1711-1776) HUME ET LE SCEPTICISME EMPIRISTE La vérité est de deux genres : elle consiste soit dans la découverte des rapports des idées, considérées comme telles, soit dans la conformité de nos idées des objets à leur existence réelle. David Hume Traité de la nature humaine, 1739 livre II, 3ème partie, sect. X I PRÉSENTATION DE DAVID HUME 1 - David Hume, critique des concepts de causalité et fondateur de la science de l’homme 2 - Un philosophe des Lumières écossaises, le scottish Enlightenment 3 - Un philosophe de la troisième partie des Lumières 4 - Ses relations avec les philosophes de son temps, notamment les lumières écossaises et françaises 5 - Le contexte historique de sa vie 6 - Éléments philobiographiques marquants (1711-1776) 7 - Ses principaux ouvrages philosophiques II LA PENSÉE DE HUME 1 - Le positionnement atypique de Hume par rapport aux Lumières en raison de ses conclusions sceptiques 2 - Le projet de Hume est de fonder une nouvelle science : celle de l’homme A - Le projet d’une nouvelle science : celle de l’homme B - Pour Hume, la science fondamentale C - Une science qui explique les autres sciences D - Une hiérarchisation nouvelle des sciences, où la première science est désormais celle de l’esprit de l’homme et non plus celle de l’univers E - Comprendre l’homme pour comprendre les lois de la nature F - Son objectif premier est donc de comprendre le fonctionnement de l’esprit G - Il s’appuie en cela sur Locke et Berkeley, tout en les dépassant 3 - Une critique des théories de la connaissance, fondées sur la raison ou l’expérience A - Une séparation entre deux types de connaissances B - La distinction entre les connaissances expérimentales et les connaissances mathématiques, entre les relations d’idées et les faits C - Les connaissances fondées sur des relations d’idées, a priori D - Les connaissances expérimentales, empiriques, a posteriori E - Une critique de la connaissance purement rationnelle (cartésienne, lockienne, liebnizienne) F - Mais aussi une critique de la connaissance expérimentale, inductive et de la notion de nécessité 4 - Une méthode empiriste appliquée à nos idées, fondant une psychologie empiriste A - Un sensualiste empiriste, l’expérience est notre seule source de connaissance B - Il en fait une méthode de recherche, qu’il applique à l’esprit humain C - Les sens produisent impressions et idées dans l’esprit de l’homme D - Pour nous, seules les impressions sont des faits E - Ces impressions donnent naissance aux idées par le biais de notre esprit F - La question de l’origine des impressions ne l’intéresse pas, mais ce qu’elles produisent en nous G - Une psychologie associationniste, les idées sont la conséquence d’impressions singulières associées H - Une conception «atomiste» du moi Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 1 I - Une psychologie empiriste, fondée sur l’expérience de nos sensations et de nos tendances 5 - La construction de nos idées de relations, l’analyse de nos représentations A - Il s’interroge sur la manière dont se construise les notions que nous pensons B - Les impressions s’associent selon trois modes : - Ressemblance - Contiguïté - Causalité C - Il admet l’intuitivité des relations spatiales et temporelles D - Les autres sont des constructions induites par le sujet en vertu de ses tendances E - Tendances psychologiques qui sont accessibles à l’analyse rationnelle F - La critique des notions d’identités et de ressemblance, produites par le fonctionnement de notre esprit G - Sont ainsi jugés semblables les objets pour lesquels notre esprit à peu d’effort à faire pour les relier 6 - La critique de la causalité A - Sa plus importante critique porte sur la notion de causalité B - Une relation qui nous trompe, car de ce qui est attendu nous faisons une causalité C - Notre idée de causalité repose d’abord sur un rapport spatio-temporel de contiguïté et de succession D - Nous tenons ainsi la cause pour contiguë à l'effet, mais contiguïté n'est pas causalité E - Le principe de causalité n’est pas nécessité, nos relations de cause à effet ne sont pas des rapports nécessaires F - De la cause on ne peut pas passer par déduction à priori à l’effet G - La causalité est donc une croyance, en raison des tendances de notre esprit H - Tendance née de la répétition des phénomènes, donc de l’habitude plus que la réalité objective I - L’habitude n’apporte rien en objectivité, mais entraîne l’attente de l’effet J - La causalité trouve son origine dans le sujet, le principe de causalité est ainsi subjectivité et relativisé K - La nature humaine devient ainsi le principe d’explication de ce qui semblait extérieur à l’homme L - Une critique qui dissous l’illusion de «raison» de notre croyance en la causalité 7 - Hume et la croyance, sa théorie de la croyance A - Une théorie particulière de la croyance, liée au degré de probabilité B - Il s’oppose à la théorie classique de la croyance, la croyance n’est pas erreur C - La croyance est la conséquence du fonctionnement de l’esprit humain D - La croyance est provoquée par une impression associée à une idée vive E - La croyance repose donc dans la manière dont nous concevons l’idée F - La croyance sera déterminée par l’expérience de la facilité ou de l’effort de l’esprit humain G - Cela explique les croyances naturelles auxquelles les hommes adhérent plus facilement H - L’imagination, promue au rang des facultés maîtresses de l'esprit 8 - Sa critique de la raison, en faveur des passions ! A - La raison n’est plus centrale en l’homme, au profit du sentiment B - La raison est surtout le moyen de la réalisation de nos passions C - Les passions sont des impressions plus vives que les pensées de la raison D - La morale ne naît pas d’un raisonnement a priori, mais a posteriori 9 - Ce qui aboutit à un scepticisme particulier, le scepticisme humien A - Le scepticisme humien, ni scepticisme de l’illusion, ni scepticisme pyrrhonien B - Un scepticisme qui ne concerne pas l’existence courante, pour laquelle on peut se fier aux instincts de l’homme C - Nous sommes réduits au scepticisme quant à la nature des choses Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 2 D - Nous sommes réduits à la croyance instinctive et naturelle dans l’existence des choses E - Nos sens ne révèlent que des existences intermittentes et liées à nous F - Ce principe s’applique à Dieu comme à toute chose G - Ce principe s’applique au sujet lui-même, notre moi nous échappe H - Les sciences ne sont pas fondées, mais universellement admises I - De même pour la morale, qui n’est que consentement unanime J - Mais elles peuvent l’être en pratique sur le fonctionnement de la nature humaine 10 - Un scepticisme philosophique «modéré» et tempéré par un optimiste hédoniste A - Un scepticisme «modéré», qui part de l’empirisme mais qui ne peut en dégager de certitudes B - Un monde de connaissances factuelles, du probable et du peut-être C - Un scepticisme qui aboutit à un pessimisme philosophique D - Mais compensé par un optimiste naturaliste fondé sur le sentiment E - Ce n’est pas la raison qui console, mais la vie et ses plaisirs F - Scepticisme à l’égard de la raison, mais certitude du sentiment 11 - Des principes qui seront appliqués à toutes les activités humaines : Religion, Politique, Économie, Esthétique.... III CONCLUSION 1 - En plus de la critique des systèmes métaphysiques, un philosophe original et novateur 2 - Une grande influence dans les Lumières européennes, notamment sur Kant 3 - Son influence au-delà des Lumières, un précurseur des philosophies du 20ème siècle 4 - Ses apports à la philosophie : rupture d’avec la métaphysique, psychologie, débats épistémologiques sur l’induction... ORA ET LABORA Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 3 Document 1 : Principaux philosophes des Lumières écossaises, classés par ordre chronologiques. - Francis Hutcheson (1694-1746) et Système de philosophie morale (1755) - Henry Home, ou Lord Kames (1696-1782) et les Essays on the Principles of Morality and Natural Religion (1751) - Thomas Reid (1710-1796) et la Recherche sur l'entendement humain d'après les principes du sens commun (1764) - David Hume (1711-1776) et le Traité de la nature humaine (1739-1740) - James Burnett (1714-1799) et De l’origine et des progrès du langage (1773) - Adam Smith (1723-1790) et la Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776) - Adam Ferguson (1723-1816) et Essai sur la société civile (1767) - James Hutton (1726-1797), géologue qui formula la théorie du plutonisme et de l’uniformitarisme - John Millar (1735-1801) et l’Origine de la distinction des classes (1778) - James Boswell (1740-1795) et le Account of Corsica, The Journal of a Tour to that Island and Memoirs of Pascal Paoli (1768) - Dugald Stewart (1753-1828) et les Philosophical Essais (1810) - James Mackintosh (1765-1832) et les Vindiciae Gallicae (1791) - James Mill (1773-1836) et Analyse des phénomènes de l'esprit humain (1829) - le père de J.S. Mill. Portrait de Francis Hutcheson (1694-1746), disciple de John Locke. Il fut professeur de philosophie morale à l’université de Glasgow et compta parmi ses étudiants Adam Smith de 1737 à 1740. Il est un des premiers représentants des Lumières écossaises. Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 4 Document 2 : Le centre des Lumières écossaises fut la ville d’Edimbourg et son université. Située sur la côte est, elle est la capitale écossaise depuis 1437. La capitale écossaise offre un double visage : une partie ancienne "The Old Town" (qui date du Moyen Age et de la Renaissance) et une partie nouvelle de style néoclassique "The New Town" (construite au XVIIIème siècle). L'université d'Édimbourg fut fondée en 1583. C’est l'une des plus anciennes universités d'Écosse, la plus ancienne étant St Andrews. Ci-dessus, le Old College, berceau de l'université d'Edimbourg. Monument emblématique de la ville, le château d'Edimbourg est perché sur un sommet volcanique (Castle Hill) en haut du Royal Mile. Si les fondations du château remontent au VIIe siècle, c’est à partir du XIe siècle que cette résidence royale a été construite, avant de devenir une forteresse redoutable au XVIe siècle. Il abrite aujourd’hui les joyaux de la couronne écossaise, la pierre de la Destinée (Stone of Destiny), un immense canon appelé Mons Meg et de nombreux témoignages de l'histoire de l'Écosse. Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 5 Document 3 : Brève biographie de David Hume. 1 - La naissance le 7 mai 1711 à Édimbourg au sein d'une famille de petite noblesse écossaise 2 - Un milieu familial catholique, le cadet de trois frères 3 - En 1722, il entame des études au collège d’Edimbourg 4 - Il entame sans grande conviction des études de droit et de commerce, auquel il renonce rapidement 5 - En 1734, son voyage en France, notamment à La Flèche où il rédige son Traité de la nature humaine 6 - En 1737, il revient à Londres 7 - En 1739, il publie son Traité de la nature humaine - grande déception pour lui 8 - Il change de stratégie d’écriture 9 - En 1739, il rentre en Écosse et se lie avec Francis Hutcheson et plus tard avec Adam Smith 10 - En 1741, ses Essais moraux et politiques sont un succès et lui assurent la notoriété 11 - En 1744, sa candidature à la chaire de philosophie morale de l'université d’Edimbourg est refusée 12 - Il doit faire face aux accusations d’athéisme 13 - En 1744, il devient précepteur du marquis d’Annandale 14 - En 1746, il devient le secrétaire du général de Saint-Clair et l'accompagne à Vienne et à Turin 15 - En 1748, publication des Essais philosophiques sur l'entendement humain 16 - En 1749, il rentre en Écosse et publie son Enquête sur les principes de la morale 17 - En 1752, la publication de ses Political Discourses (Discours politiques) le rend célèbre en Europe 18 - En 1752, il devient bibliothécaire de l'ordre des avocats d'Édimbourg 19 - Cela lui inspirera son Histoire d’Angleterre, dont les 4 tomes sont publiés de 1754 à 1761 20 - En 1757, il publie à Londres son Histoire naturelle de la religion 21 - De 1763 à 1766, séjour à Paris comme secrétaire de lord Hartford, ambassadeur d'Angleterre en France 22 - Il fréquente les salons, notamment ceux Mme du Deffand, de Mme Geoffrin, de Mlle de Lespinasse et de la comtesse de Boufflers 23 - Il fréquente d'Alembert, Buffon, Diderot, D'Holbach, Helvétius et Rousseau 24 - En 1766, il rentre en Angleterre avec Rousseau, mais se brouille vite avec lui 25 - En 1767, Hume devient sous-secrétaire d'État à Londres 26 - En 1769, il revient à Édimbourg et se remet à l’écriture 24 - Sa mort à Edimbourg le 25 août 1776 à l’âge de 65 ans Edimbourg, ville natale de David Hume mais qui lui refusa une chaire de philosophie à l'université. (gravure d’époque) Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 6 Document 4 : Oeuvres principales de David Hume. - Traité de la nature humaine (1739-1740) - Essais moraux et politique (1741) - Essais philosophiques sur l'entendement humain (1748), plus connus sous le titre d'Enquête sur l'entendement humain - Enquête sur les principes de la morale (1752) - Discours politiques (1752) - Histoire de la Grande-Bretagne (4 tomes 1754-1757-1758-1762) - Histoire naturelle de la religion (1757) - Dissertation sur les passions (1757) - Dissertation sur la tragédie (1757) - Dissertation sur le critère du goût (1757) - Exposé succinct de la contestation qui s'est élevée entre M. Hume et M. Rousseau avec les pièces justificatives (1766) - Essais sur le commerce (1767) - La Vie de David Hume écrite par lui-même (posthume, 1776) - Les Dialogues sur la religion naturelle (posthume, 1779) - Deux essais sur le suicide et l'immortalité (posthume, 1783) Première édition des quatre dissertations de Hume de 1757, contenant son Histoire naturelle des religions, sur les passions, sur la tragédie et sur les critères du goût. Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 7 Document 5 : Portraits de David Hume, en haut vers 1766 et en bas en 1754, les deux par Allan Ramsay (1713-1784), aujourd’hui au Scottish National Portrait Gallery à Édimbourg. Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 8 Document 6 : L’idée centrale de la pensée de Hume est de faire de l’esprit de l’Homme le premier objet d’étude scientifique, avant de se lancer dans l’étude d’autres objets extérieurs. Dans la mesure où la connaissance découle de l’homme, il est nécessaire de comprendre comment fonctionne son esprit. La philosophie de Hume se propose donc, dès le Traité de la nature humaine, de créer une science de l’homme qui puisse donner naissance à un système complet, applicable à toutes les activités humaines. Ce passage de son introduction contient les principes essentiels de sa pensée qui affirment notamment, comme il le développera dans de nombreux passage ultérieurs, que même les mathématiques, la physique (philosophie naturelle) et la religion naturelle dépendent dans une certaine mesure de la science de l’homme car elles tombent toutes sous la connaissance des hommes et sont jugées par leurs pouvoirs et facultés. Dès lors, voici le seul moyen dont nous puissions attendre le succès de nos recherches philosophiques : délaisser la méthode lente et ennuyeuse que nous avons suivie jusqu'ici et, au lieu de prendre de temps à autre un château ou un village à la frontière, marcher directement sur la capitale, sur le centre de ces sciences, sur la nature humaine ellemême ; une fois que nous en serons maîtres, nous pourrons espérer partout ailleurs une victoire facile. De cette position, nous pourrons étendre nos conquêtes à toutes les autres sciences qui se rapportent plus intimement à la vie humaine, et poursuivre à loisir, afin de découvrir plus complètement celles qui sont des objets de pure curiosité. Il n'y a aucune question d'importance dont la décision n'appartienne à la science de l'homme, et il n'en est aucune qui puisse être résolue avec quelque certitude, tant que nous ne savons rien de cette science. Donc, en prétendant expliquer les principes de la nature humaine, nous proposons en fait un système complet des sciences, bâti sur un fondement presque entièrement nouveau, le seul sur lequel elles puissent s'établir avec quelque sécurité. Et de même que la science de l'homme est le seul fondement solide des autres sciences, le seul fondement solide que nous puissions donner à cette science-là doit reposer sur l'expérience et sur l'observation. Considérer que la philosophie expérimentale s'applique aux sujets moraux plus d'un siècle après avoir été appliquée aux sujets naturels n'est pas une réflexion étonnante, puisque nous constatons en fait qu'il y a eu à peu près le même intervalle entre les commencements respectifs de ces Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 9 deux sciences et que l'on compte, de Thalès à Socrate, un temps à peu près égal à celui qui sépare Lord Bacon de certains philosophes anglais récents (M. Locke, Lord Shaftesbury, le Dr. Mandeville, M. Hutcheson, le Dr. Butler, etc.), ceux qui ont commencé à établir la science de l'homme sur une nouvelle base, qui ont retenu l'attention et éveillé la curiosité du public. Tant il est vrai que, si d'autres nations peuvent rivaliser avec nous pour la poésie et nous surpasser dans certains arts d'agrément, les progrès de la raison et de la philosophie ne peuvent être dus qu'à une terre de liberté et de tolérance. Et nous ne devons pas penser que ce dernier progrès, accompli dans la science de l'homme, honore moins notre pays natal que ne l'a fait le précédent progrès en philosophie naturelle ; nous devons plutôt l'estimer comme un plus grand objet de fierté, en raison de l'importance supérieure de cette science, ainsi que de la nécessité où elle se trouve d'une pareille réforme. En effet, il me semble évident que, l'essence de l'esprit nous étant tout aussi inconnue que celle des corps extérieurs, il doit être tout aussi impossible de constituer une notion quelconque de ses pouvoirs et de ses qualités autrement que par des expériences soigneuses et exactes et par l'observation des effets particuliers qui résultent des différentes circonstances et situations où il est placé. Et bien que nous devions nous efforcer de rendre tous nos principes aussi universels que possibles, en poursuivant nos expériences jusqu'au bout et en expliquant tous les effets par les causes les plus simples et les moins nombreuses, il n'est pas moins certain que nous ne pouvons aller au-delà de l'expérience: toute hypothèse qui prétend découvrir les qualités originelles et ultimes de la nature humaine doit être d'emblée rejetée comme présomptueuse et chimérique. David Hume (1711-1776) Introduction du Traité de la nature humaine, 1739 Traduction Ph. Baranger et Ph. Saltel, Flammarion, 1995 Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 10 Document 7 : La psychologie de Hume repose sur une «désusbtantialisation» du moi. C’est une autre forme d’opposition aux philosophies métaphysiciennes, notamment à la pensée cartésienne et à son cogito. Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons à tout moment la conscience intime de ce que nous appelons notre moi ; que nous sentons son existence et sa continuité d'existence -, et que nous sommes certains, plus que par l'évidence d'une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaite [ ... ]. Pour ma part, quand je pénètre le plus intimement dans ce que j'appelle moi, je bute toujours sur une perception particulière ou sur une autre, de chaud ou de froid, de lumière ou d'ombre, d'amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne peux me saisir, moi, en aucun moment sans une perception et je ne peux rien observer que la perception. David Hume (1711-1776) Traité de la nature humaine, 1739 Livre I, Partie 4, Section 6 Document 8 : Pour Hume, toutes nos idées ont une origine sensualiste, elles découlent des sens, même pour les objets imaginaires comme une «montagne d’or». Ce qu'on n'a jamais vu, ce dont on n'a jamais entendu parler, on peut pourtant le concevoir ; et il n'y a rien au-dessus du pouvoir de la pensée, sauf ce qui implique une absolue contradiction. Mais, bien que notre pensée semble posséder cette liberté, nous trouverons, à l'examiner de plus près, qu'elle est réellement resserrée en de très étroites limites et que tout ce pouvoir créateur de l'esprit ne monte à rien de plus qu'à la faculté de composer, de transposer, d'accroître ou de diminuer les matériaux que nous apportent les sens et l'expérience. Quand nous pensons à une montagne d'or, nous joignons seulement deux idées compatibles, or et montagne, que nous connaissions auparavant. Nous pouvons concevoir un cheval vertueux ; car le sentiment que nous avons de nous-mêmes nous permet de concevoir la vertu ; et nous pouvons unir celle-ci à la figure et à la forme d'un cheval, animal qui nous est familier. Bref, tous les matériaux de la pensée sont tirés de nos sens, externes ou internes ; c'est seulement leur mélange et leur composition qui dépendent de l'esprit et de la volonté. Ou, pour m'exprimer en langage philosophique, toutes nos idées ou perceptions plus faibles sont des copies de nos impressions, ou perceptions plus vives. [...] Même les idées qui, à première vue, semblent les plus éloignées de cette origine, on voit, à les examiner de plus près, qu'elles en dérivent. L’idée de Dieu, en tant qu'elle signifie un être infiniment intelligent, sage et bon, naît de la réflexion sur les opérations de notre propre esprit quand nous augmentons sans limites ces qualités de bonté et de sagesse. Nous pouvons poursuivre cette enquête aussi loin qu'il nous plaira ; nous trouverons toujours que chaque idée, que nous examinons, est copiée d'une impression semblable. Ceux qui affirmeraient que cette thèse n'est pas universellement vraie et qu'elle n'est pas sans exception n'ont qu'une seule méthode, et une méthode aisée, pour la réfuter : produire l'idée qui, à leur avis, ne procède pas de cette source. Il nous incomberait alors, si nous voulions maintenir notre doctrine, de produire l'impression, la perception vive qui y correspond. [...] Un homme de mœurs douces ne peut former aucune idée d'une vengeance ou d'une cruauté obstinées ; un cœur égoïste ne peut aisément concevoir les sommets de l'amitié et de la générosité. Nous accordons aisément que d'autres êtres puissent posséder beaucoup de sens que nous ne pouvons en rien concevoir ; car les idées de ces sens n'ont jamais été introduites en nous de la seule manière dont une idée puisse accéder à l'esprit, à savoir par la conscience actuelle et la sensation. David Hume (1711-1776) Enquête sur l'entendement humain, 1748 Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 11 Document 9 : La critique de Hume de la connexion nécessaire repose sur le fait qu’elle provient des impressions de notre esprit en réaction à une habitude. Elle n’indique donc pas une réalité extérieure qu’une croyance quant à la réalité extérieure. Toute idée est copiée d'une impression, d'un sentiment qui la précède, si nous ne pouvons trouver d'impression, nous pouvons être sûrs qu'il n'y a pas d'idée. Dans tous les cas isolés d'opération des corps ou des esprits il n'y a rien qui produise une impression, ni, par suite, qui puisse suggérer une idée de pouvoir ou de connexion nécessaire. Mais quand beaucoup de cas semblables se présentent et que le même objet est toujours suivi du même événement, nous commençons alors à considérer la notion de cause et de connexion. Nous sentons alors un nouveau sentiment, une nouvelle impression, à savoir une connexion coutumière dans la pensée et l'imagination entre un objet et l'événement qui l'accompagne habituellement ; ce sentiment est l'original de l'idée que nous recherchons. David Hume (1711-1776) Enquête sur l'entendement humain, 1748 traduction de A. Leroy, Éd. Aubier-Montaigne, 1969 Document 10 : Des corps semblables doivent-il produire le même effet ? Pour Hume, ce n’est pas une certitude nécessaire, mais une habitude. Qu'on nous présente un corps semblable, pour la couleur et la consistance, au pain que nous avons mangé d'autres fois, nous répétons l'expérience sans hésitations et nous y voyons d'avance avec certitude le même aliment, la même nourriture. Or il y a là un acte de l'esprit ou de la pensée, dont j'aimerais bien connaître le fondement. Tout le monde accorde qu'il n'y a pas de lien connu entre les qualités sensibles et les forces secrètes ; et que, par suite, ce n'est rien de connu dans leur nature qui amène l'esprit à une telle conclusion touchant leur conjonction constante et régulière. Quant à l'expérience antérieure, on peut accorder qu'elle nous enseigne de façon directe et certaine sur ces objets précis, sur ce laps dé temps précis, dont elle a eu à connaître, et sur eux seulement. Mais pourquoi étendre cette expérience aux temps à venir et à d'autres objets, qui n'offrent peut-être avec les précédant - au moins ne peut-on prouver le contraire - qu'une apparente similitude ? Telle est la question essentielle sur laquelle je voudrais insister. Le pain que j'ai mangé autrefois m'a nourri : qu'est-ce à dire, sinon qu'un corps offrant certaines qualités sensibles était, à ce moment, pourvu de certaines forces secrètes ? Mais s'ensuit-il de là que d'autres pains doivent aussi me nourrir en un autre temps, et que les mêmes qualités sensibles doivent toujours être liées aux mêmes forces secrètes. La conséquence ne semble aucunement nécessaire. Au moins doit-on reconnaître que l'esprit a tiré une conséquence, qu'il y a eu un pas de fait, qu'il y a eu un acte de pensée, une inférence, qui requiert une explication. Ces deux propositions sont loin d'être identiques : j'ai trouvé que tel objet a toujours été accompagné de tel effet, et : je prévois que d'autres objets, qui sont, en apparence, semblables, seront accompagnés de semblables effets. David Hume (1711-1776) Enquête sur l'entendement humain, IV, 2, 1748 traduction de A. Leroy, Éd. Aubier-Montaigne, 1969 Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 12 Document 11 : Pour Hume, le résultat de l’expérience n’implique pas des conséquences universelles nécessaires. Le fait d’observer des signes blancs n’empêche pas qu’il puisse exister des signes noirs. C’est toujours a posteriori que nous savons ce qui est possible ou impossible. Le soleil ne se lèvera pas demain, cette proposition n'est pas moins intelligible et elle n'implique pas plus de contradiction que l'affirmation : il se lèvera. Nous tenterions donc en vain d'en démontrer la fausseté. Si elle était démonstrativement fausse, elle impliquerait contradiction et l'esprit ne pourrait jamais la concevoir distinctement. C'est donc peut-être un sujet digne d'éveiller la curiosité que de rechercher quelle est la nature de cette évidence qui nous assure de la réalité d'une existence et d'un fait au-delà du témoignage actuel des sens ou des rapports de notre mémoire. [...] Tous les raisonnements sur les faits paraissent se fonder sur la relation de la cause à l'effet. C'est au moyen de cette seule relation que nous dépassons l'évidence de notre mémoire et de nos sens. Si vous demandiez à quelqu'un pourquoi il croit à la réalité d'un fait qu'il ne constate pas effectivement, par exemple que son ami est à la campagne ou en France, il vous donnerait une raison, cette raison serait un autre fait : une lettre qu'il a reçue ou la connaissance de ses résolutions antérieures et de ses promesses. Un homme qui trouverait une montre ou une autre machine dans une île déserte conclurait qu'il y a eu précédemment des hommes sur cette île. Tous nos raisonnements sur les faits sont de même nature. On y suppose constamment qu'il y a une connexion entre le fait présent et ce qu'on en infère. [...] Si donc nous désirons nous satisfaire au sujet de la nature de l'évidence qui nous donne la certitude des faits, il faut que nous recherchions comment nous arrivons à la connaissance de la cause et de l'effet. J'oserai affirmer, comme une proposition générale qui n'admet pas d'exception, que la connaissance de cette relation ne s'obtient, en aucun cas, par des raisonnements a priori, mais qu'elle naît entièrement de l'expérience quand nous trouvons que des objets particuliers sont en conjonction constante l'un avec l'autre. Qu'on présente un objet à un homme dont la raison et les aptitudes soient, par nature, aussi fortes que possible -, si cet objet lui est entièrement nouveau, il sera incapable, à examiner avec la plus grande précision ses qualités sensibles, de découvrir l'une de ses causes ou l'un de ses effets. David Hume (1711-1776) Enquête sur l'entendement humain, IV, 1748 traduction de A. Leroy, Éd. Aubier-Montaigne, 1969 Document 12 : Hume se fera le défenseur des passions, rompant ainsi avec une longue tradition remontant à l’Antiquité de condamnation des passions. Si une passion ne se fonde pas sur une fausse supposition et si elle ne choisit pas des moyens impropres à atteindre la fin, l'entendement ne peut ni la justifier ni la condamner. Il n'est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde entier à une égratignure de mon doigt. Il n'est pas contraire à la raison que je choisisse de me ruiner complètement pour prévenir le moindre malaise d'un Indien ou d'une personne complètement inconnue de moi. Il est aussi peu contraire à la raison de préférer à mon plus grand bien propre un bien reconnu moindre. Un bien banal peut, en raison de certaines circonstances, produire un désir supérieur à celui qui naît du plaisir le plus grand et le plus estimable ; et il n'y a là rien de plus extraordinaire que de voir, en mécanique, un poids d'une livre en soulever un autre de cent livres grâce à l'avantage de sa situation. Bref, une passion doit s'accompagner de quelque faux jugement pour être déraisonnable ; même alors ce n’est pas la passion qui est déraisonnable, c'est le jugement. David Hume (1711-1776) Traité de la Nature humaine, 1739 trad. A. Leroy, Ed. Aubier, 1946 Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 13 Document 13 : Une des applications du scepticisme de Hume concerne la religion. Sa philosophie réfute la possibilité de toute métaphysique. Cela ne tranche pas forcément la question de dieu, mais cela pose une critique radicale de toute affirmation humaine sur des considérations métaphysiques et sur Dieu, sur son existence ou son inexistence. C’est d’ailleurs sur cette explication que s’achève l’Enquête sur l’entendement humain. Quand nous examinons des bibliothèques, persuadés de ce principe, c'est à une véritable destruction que nous nous livrons. Si nous prenons en main un volume quelconque, de théologie ou de métaphysique scolastique par exemple, demandonsnous : Contient-il un raisonnement abstrait concernant une quantité ou un nombre ? Non. Contient-il un raisonnement fondé sur l'expérience concernant des faits pratiques ou l'existence ? Non. Livrez-le donc aux flammes, car il ne peut contenir que des sophismes et des illusions. David Hume (1711-1776) Enquête sur l'entendement humain, XII, 3° partie, 1748 Document 14 : Non seulement les discours des religions sont illusoires, mais en plus ils comportent en plus des incohérences, des sophismes et d’affirmations «ridicules». Supposez que tous les historiens qui traitent de l'Angleterre s'accordent sur ce que, le 1er janvier 1600, la reine Elisabeth mourut ; qu'avant et après sa mort ses médecins et toute la cour la virent, comme c'est l'habitude pour les personnes de son rang ; que le Parlement reconnut et proclama son successeur ; et qu'après un mois d'inhumation elle reparut, réoccupa le trône et gouverna l'Angleterre pendant trois ans ; je dois l'avouer, je serais surpris du concours de tant de circonstances bizarres, mais je n'aurais pas la moindre inclination à croire à un événement aussi miraculeux. Je ne douterais pas de sa mort prétendue et de ces autres circonstances publiques qui la suivirent ; j'affirmerais seulement que cette mort fut prétendue, qu'elle ne fut pas réelle, qu'elle ne pouvait pas l'être. Vous m'objecteriez en vain la difficulté et presque l'impossibilité de tromper le monde dans une affaire d'une telle importance ; la sagesse et le solide jugement de cette fameuse reine ; le peu d'avantage qu'elle pouvait retirer d'un artifice aussi pauvre, si même elle en retirait un ; tout cela pourrait m'étonner ; mais je répliquerais encore que la friponnerie et la sottise humaines sont des phénomènes si courants que je croirais que les événements les plus extraordinaires naissent de leur concours plutôt que d'admettre une violation aussi remarquable des lois de la nature. Mais qu'on attribue ce miracle à un nouveau système de religion ; les hommes, à toutes les époques, ont tant été dupés par des histoires ridicules de ce genre, que cette circonstance même serait une preuve entière d'une fraude et suffirait, auprès de tous les hommes de bon sens, non seulement à leur faire rejeter le fait, mais même à le faire rejeter sans autre examen. Bien que l'être auquel on attribue le miracle soit dans ce cas tout-puissant, le fait ne devient pas, pour cette raison, plus probable d'un iota ; car il nous est impossible de connaître les attributs ou les actes d'un tel être autrement que par l'expérience que nous avons de ses productions dans le cours ordinaire de la nature. Ce qui nous réduit encore à l'observation passée et nous oblige à comparer les cas de violation de la vérité dans le témoignage humain à ceux de violation des lois de la nature par les miracles, afin de juger lesquels sont plus vraisemblables et plus probables. David Hume (1711-1776) Enquête sur l'entendement humain, 1748 Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 14 Document 15 : Le scepticisme de Hume s’applique aussi à la politique, notamment dans la manière de concevoir les faits et théories politiques. Il critiquera en conséquence les théories rationnelles du contrat social et montrera que c’est surtout le temps qui donne sa légitimité aux pouvoirs politiques et aux princes. Le premier des principes, que je noterai comme fondement du droit de magistrature, est celui qui donne autorité à tous les gouvernements les mieux établis du monde, sans exception : je veux dire la longue possession pour toute forme de gouvernement ou toute succession de princes. Il est certain que, si nous remontons à la première origine de chaque nation, nous trouverons qu’il est rare de rencontrer une race de rois ou une forme de république qui ne se fonde pas primitivement sur l’usurpation et sur la rébellion et dont les titres ne soient pas en premier pires que douteux et incertains. Le temps seul donne de la solidité à leurs droits ; par son action graduelle sur les esprits des hommes, il les réconcilie avec toute autorité, qu’il fait paraître juste et raisonnable. [...] Quand il n’y a pas de forme de gouvernement établie par une longue possession, la possession présente suffit à la remplacer et on peut la regarder comme la seconde source de toute autorité publique. Le droit à l’autorité n’est rien que la possession constante de l’autorité, soutenue par les lois de la société et les intérêts de l’humanité [...] Un homme qui, trouvant impossible d’expliquer le droit du possesseur présent par un système reçu de morale, se résoudrait à nier absolument ce droit et affirmerait que la morale ne l’autorise pas, soutiendrait, pourrait-on justement penser, un paradoxe tout à fait extravagant et il heurterait le sens commun et le jugement courant de l’humanité. Il n’y a pas de maxime plus conforme à la fois à la prudence et à la morale que de se soumettre paisiblement au gouvernement que nous trouvons établi dans le pays où il nous arrive de vivre, sans enquêter trop curieusement sur son origine et son premier établissement. Peu de gouvernements supporteront un examen aussi rigoureux. Combien de royaumes y a-t-il actuellement dans le monde et combien plus en trouvonsnous dans l’histoire, dont les gouvernants n’ont pas de meilleur fondement pour leur autorité que celui de la possession présente ! David Hume Traité de la nature humaine (1739), Livre III trad. A. Leroy, Ed. Aubier, 1946 Document 16 : Son analyse du fonctionnement psychologique de l’homme l’amène à mettre en évidence que la base du comportement de l’homme est son intérêt et non des considérations «morales», et que loin d’être contradictoire avec le fait social, c’en est même une des fondations, l’intérêt commun naît des intérêts particuliers. Adam Smith reprendra ces principes dans sa philosophie. Loin de négliger notre intérêt personnel ou celui de nos plus proches amis en nous abstenant de toucher aux biens d'autrui, nous ne pouvons pas mieux prendre en considération ces deux intérêts que par une telle convention ; car c'est par ce moyen que nous conservons la société qui est si nécessaire à leur bien-être et à leur conservation, aussi bien qu'aux nôtres propres. Cette convention n'est pas de la nature d'une promesse ; car les promesses elles-mêmes, comme nous le verrons par la suite, naissent de conventions humaines. C'est seulement le sens général de l'intérêt commun ; ce sens, tous les membres de la société se l'expriment les uns aux autres ; ce sens les engage à régler leur conduite d'après certaines règles. J'observe qu'il sera de mon intérêt de laisser autrui en possession de ses biens, pourvu qu'autrui agisse de la même manière à mon égard. Autrui a conscience qu'il a un intérêt analogue à régler sa conduite. Quand on s'exprime réciproquement ce sens commun de l'intérêt et qu'on le connaît de part et d'autre, il en naît une résolution et une conduite appropriées. C'est là ce qu'on peut appeler avec assez de propriété une convention ou un accord entre les hommes, sans que s'interpose une promesse ; car les actions de chacun d'eux se rapportent à celles des autres et on les accomplit en supposant qu'autrui doit, en contrepartie, en accomplir d'autres. Deux hommes, qui tirent sur les avirons d'un canot, le font d'après un accord ou une convention, bien qu'ils ne se soient jamais fait de promesses l'un à l'autre. La règle qui s'applique à la stabilité des biens ne dérive pas moins de conventions humaines que de ce qu'elle naît graduellement et de ce qu'elle acquiert de la force par une lente progression et par la répétition de l'expérience des inconvénients qu'il y a à la transgresser. Au contraire, cette expérience nous assure davantage encore que le sens de l'intérêt est devenu commun à tous nos compagnons et elle nous donne confiance en la régularité de leur conduite pour l'avenir ; c'est seulement sur l'attente d'une telle conduite que se fondent notre modération et notre abstention. C'est de la même manière que les langues se sont graduellement établies par des conventions humaines, sans aucune promesse. C'est de la même manière que l'or et l'argent deviennent les mesures Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 15 courantes des échanges et qu'on les estime comme un paiement suffisant pour ce qui possède cent fois leur valeur. Dès l'établissement de cette convention sur l'abstention des biens d'autrui et la stabilisation de chacun dans ses biens naissent immédiatement des idées de justice et d'injustice ; également celles de propriété, de droit et d'obligation. David Hume (1711-1776) Traité de la nature humaine (1739), Livre III, Partie II, Section 2 trad. A. Leroy, Ed. Aubier, 1946 Document 17 : Hommage aux deux plus grands philosophes des Lumières écossaises, David Hume et Adam Smith, sculptures par David Watson Stevenson (1842-1904), sur la façade de la Scottish National Portrait Gallery à Edinburgh. Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 16 Document 18 : Statue de David Hume sur le Royal Mile d'Édimbourg, par le sculpteur Alexander Stoddart. Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 17 Document 19 : Mémorial de David Hume au cimetière de Old Calton Hill à Edimburgh, réalisé en 1777 par Robert Adam (1728-1792). Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 18 SI VOUS VOULEZ APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS : Les CD et DVD des conférences de notre AUDIOTHÈQUE sont en vente à la MAISON DE LA PHILOSOPHIE à Toulouse, par correspondance et téléchargeables sur notre site internet. Pour renseignements et commandes : tél : 05.61.42.14.40 - email : [email protected] - site : www.alderan-philo.org. Conférences en relation avec les Lumières écossaises - La révolution newtonienne 1000-148 Conférences sur des philosophes en relation avec Hume - Thomas Hobbes et le Léviathan Descartes et la Méthode John Locke, de la théorie de la connaissance au libéralisme politique Leibniz et la monadologie 4311-05 4311-08 4311-12 4311-14 Livres de Hume - Lettre d'un gentilhomme à son ami d'Édimbourg, D. Deleule éd., fac. lettres, Besançon, 1976 - Essais esthétiques, 2 vol., trad. M. Malherbe, Vrin, 1973 - L'Histoire naturelle de la religion et autres essais sur la religion, trad. M. Malherbe, Vrin, 1972 - Essais politiques, Vrin, 1972 - L'Homme et l'Expérience, D. Dreyfus et F. Klodoss, PUF, 1967 - Dialogues sur la religion naturelle (Dialogues Concerning Natural Religion), trad. M. David, Vrin, 1964 - Enquête sur les principes de la morale (An Enquiry Concerning the Principles of Morale, 1751), A. Leroy, Aubier-Montaigne (1947), nouv. trad. P. Baranger et P. Saltel, Flammarion, 1991 - Enquête sur l'entendement humain (An Enquiry Concerning Human Understanding, 1748), A. Leroy., Aubier-Montaigne (1947), rééd. Flammarion 1983 - Traité de la nature humaine (A Treatise of Human Nature, 1739), trad. A. Leroy, 2 vol., Aubier-Montaigne, 1946 Livres sur les Lumières écossaises - Histoire des idées politiques aux temps modernes et contemporains, Philippe Nemo, PUF, 2004 - L'Écosse des Lumières : Hume, Smith, Ferguson, Norbert Waszek, PUF, 2003 Livres sur Hume - Hume et les savoirs de l'histoire, C. Gautier, Vrin, 2005 - Hume et la régulation morale, E. Le Jallé, PUF, 1999 - La Philosophie empiriste de David Hume, M. Malherbe, Vrin, 1991 - Hume et le procès de la métaphysique, F. Chirpaz, Beauchesne, 1989 - La philosophie des passions chez David Hume, J. P. Cléro, Klincksieck, 1985 - Hume et la fin de la philosophie, Y. Michaud, PUF, 1983 - Kant ou Hume, M. Malherbe, Vrin, 1980 - Hume et la naissance du libéralisme économique, D. Deleule, Aubier-Montaigne, 1979 - Philosophie et esthétique chez David Hume, O. Brunet, Nizet, 1965 - David Hume, A. Leroy, PUF, 1953 - Empirisme et subjectivité, Gilles Deleuze, PUF, 1953 Webographie - David-hume, ressources en ligne : - http://david-hume.fr/ Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-03 : “David Hume et le Scepticisme” - 16/12/2013 - page 19