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TRANSVERSAL
Le diagnostic différentiel
d’une sciatalgie commune
■ E. Galimard*
L
e diagnostic différentiel d’une sciatalgie
discale dite “commune” se pose devant
une douleur plus ou moins évocatrice, et
après avoir éliminé les sciatiques symptomatiques d’une cause non discale intra- ou extrarachidienne ou une tumeur locale des parties
molles.
Lorsque le tableau de sciatique discale est
typique, cette démarche se résumera en général
à l’élimination des autres diagnostics possibles
par la normalité du reste de l’examen clinique.
En revanche, le diagnostic différentiel s’établit
lorsque la sciatalgie est atypique, notamment
en cas de trajet incomplet. Différentes causes
peuvent alors être évoquées en fonction du territoire partagé avec celui de L5 ou S1, voire dans
quelques cas de L4.
DIAGNOSTIC POSITIF D’UNE SCIATALGIE
COMMUNE
* Service de rhumatologie,
polyclinique d’Aubervilliers.
Il est facile quand la sciatalgie est typique (1, 2).
C’est une douleur du membre inférieur descendant en dessous du genou et souvent couplée à
une lombalgie qui l’a généralement précédée
(antécédent +++). Typiquement, il s’agit d’une
douleur traçante, de type névralgique, plus ou
moins intense, dans l’ensemble du métamère L5
ou S1, associée à des signes sensitifs et/ou
moteurs, à des troubles des réflexes, et à une
sensation de tension radiculaire.
– Une sciatalgie L5 est une douleur qui descend
de la fesse vers la partie postéro-externe de la
cuisse, la partie antéro-externe de la jambe, et
passe devant la malléole externe, puis sur le dos
du pied pour se terminer sur le gros orteil et
accessoirement sur le second.
– Une sciatalgie S1 est une douleur qui descend
à la face postérieure de la cuisse vers le mollet,
puis vers le tendon d’Achille, restant rétromalléolaire externe pour se terminer à la face
Correspondances en Nerf & Muscle - Vol. III - n° 2 - octobre 2005
plantaire du pied ou sur son bord externe, en
direction des derniers orteils.
Certaines sciatiques s’accompagnent d’une douleur projetée dans le pli de l’aine évocatrice
d’une atteinte L5 si elle est externe, ou d’une sciatique S1 si elle est interne.
Le diagnostic positif de sciatique commune est
fondé essentiellement sur l’interrogatoire et
après élimination d’une sciatique secondaire,
d’une douleur de hanche ou des sacro-iliaques.
La nature discale est fortement évoquée sur le
caractère monoradiculaire de la douleur, voire
des troubles sensitivo-moteurs ou d’un réflexe
(3,4), sur la notion d’un effort déclenchant, sur
l’horaire mécanique, sur l’impulsivité, sur une
attitude antalgique (5) et sur un signe de
Lasègue controlatéral.
Les formes atypiques sont nombreuses : modérément douloureuses, tronquées, sans signe de
Lasègue, à bascule, bilatérales, à topographie
mixte L5 et S1, en bracelet isolé de la cheville
(L5), les cruro-sciatiques (L4 et L5), la forme à
type de claudication radiculaire intermittente
(éliminer une artérite du membre inférieur), la
forme modérée du sujet âgé (autres pathologies intriquées fréquentes). Elles vont faire
suspecter d’autres causes possibles. Elles sont
énoncées pour chaque topographie douloureuse dans les chapitres suivants (1, 2).
ÉLIMINER UNE DOULEUR DE LA HANCHE
DEVANT TOUTE DOULEUR DE LA RACINE
DU MEMBRE INFÉRIEUR ET/OU DE LA CUISSE
ET/OU DU GENOU
Bien que la douleur de hanche soit le plus souvent inguinale, tous les secteurs peuvent être
révélateurs d’une pathologie de hanche : face
antérieure de la cuisse jusqu’au genou, voire
genou, plus rarement face postérieure de la fesse
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TRANSVERSAL
ou de la cuisse, face externe ou postérieure du
grand trochanter. Elle est objectivée par sa reproduction lors de la mobilisation passive de la
hanche. Les amplitudes articulaires peuvent être
normales ou déjà limitées en cas de coxarthrose
évoluée. Elle est presque toujours exacerbée en
appui monopodal.
Une douleur provoquée par la manœuvre du salut
coxal (retour actif sur le plan du lit du membre
inférieur tendu après son élévation passive) est
évocatrice d’une pathologie du cotyle.
La radiographie standard est une étape incontournable du diagnostic étiologique d’une douleur de hanche : bassin de face en charge, deux
hanches face en charge, faux profil de Lequesne
(trois quarts permettant de voir la hanche de profil et d’éventuels pincements antérieurs ou inférieurs), profil urétral pour l’examen des contours
de la tête fémorale (ostéonécrose ?). Elle est
couplée au bilan biologique minimal : NFS, VS,
plaquettes, CRP, calcémie, uricémie, créatininémie. Différents tableaux sont possibles.
✓ Radiographies anormales, douleur mécanique
et absence de syndrome inflammatoire biologique
Les différents diagnostics possibles sont les suivants :
– Une coxarthrose (pincement de l’interligne,
ostéosclérose sous-chondrale, ostéophyte).
– Une ostéonécrose débutante : respect de
l’interligne (+++), déminéralisation diffuse, hétérogène, progressivement bordée d’une zone de
condensation arciforme aux contours irréguliers.
Puis, signe de la “coquille d’œuf” (liseré clair de
séparation entre la plaque osseuse sous-chondrale adhérente au cartilage et la zone osseuse
sous-jacente nécrotique). Ultérieurement, la zone
nécrotique s’affaisse, la tête fémorale perd sa
sphéricité, “signe du talus”, avec possibilité d’un
séquestre osseux et constitution d’une coxarthrose
secondaire. La scintigraphie peut aider au stade
de déminéralisation diffuse et d’hétérogénéité de
l’os, suivie de l’IRM pour confirmer le diagnostic
(examen le plus sensible et le plus spécifique).
L’interface os-sein-os nécrosé quel que soit le
stade (signe fondamental) donne l’image d’un
liseré de démarcation. Un épanchement intraarticulaire est possible. Dans 75 % des cas, une
cause est retrouvée : ATCD de fracture, luxation,
barotraumatisme, hypercorticisme, éthylisme,
diabète sucré, dyslipidémie, pancréatite, LED,
artériosclérose, grossesse, maladie de Gaucher,
drépanocytose et radiothérapie.
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– Une autre coxopathie destructrice : chondromatose (arthroscanner), synovite villonodulaire
(IRM).
– Une coxopathie pagétique (plus fréquente
chez l’homme de plus de 40 ans) : hypertrophie
osseuse, dédifférenciation cortico-médullaire,
trabéculation anarchique et grossière de l’os
spongieux, os mosaïque où alterne un os “tissé”
et un os lamellaire normal. Les arguments biologiques sont : l’absence de syndrome inflammatoire, la normalité du bilan phosphocalcique, une
élévation des phosphatases alcalines sériques.
La scintigraphie osseuse fera alors le bilan des
localisations.
– Rarement une dysplasie fibreuse des os, car
asymptomatique, en général : plages d’ostéolyse
en verre dépoli arrondies ou ovalaires formées par
les masses fibreuses, cernées par une ostéogenèse
donnant soit une condensation soit un élargissement de l’os lorsqu’elle est sous-périostée.
✓ Radiographies anormales et hanche inflammatoire
Les diagnostics suivants sont évoqués :
– Une coxite infectieuse, à éliminer (+++) : VS
accélérée, CRP augmentée, hyperleucocytose,
portes d’entrée, échographie utile ou IRM pour
dépister un épanchement à ponctionner (+++)
pour analyse bactériologique.
– Une coxite inflammatoire avec pincement
articulaire : arthrose en poussée ou coxarthrose
destructrice rapide, ou coxite rhumatoïde ou en
rapport avec une spondylarthropathie (SPA).
– Une coxite inflammatoire microcristalline :
liseré chondrocalcique de la chondrocalcinose,
goutte ou calcification hydroxyapatite.
– Une hanche tumorale métastatique : non
homogénéité du cotyle ou lyse corticale au niveau
de l’extrémité supérieure du fémur, intérêt du
scanner (+++) et/ou de l’IRM.
– Un lymphome osseux primitif (adulte de 40 à
60 ans) : toutes les localisations sont possibles.
L’aspect radiologique est celui d’une ostéolyse
irrégulière mouchetée.
✓ Radiographies normales et hanche inflammatoire
– Une PPR (pseudopolyarthrite rhizomélique) sera
suspectée sur l’association : altération de l’état
général (asthénie dans 90 % des cas, amaigrissement dans 40 % des cas, fièvre dans 50 % des
cas), arthromyalgies inflammatoires des ceintures vives avec réveils nocturnes et raideur mati-
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nale très nette, le plus souvent bilatérale, mais
parfois unilatérale. La palpation des masses musculaires est douloureuse ainsi que la mobilisation des articulations coxo-fémorales et glénohumérales, des arthralgies inflammatoires des
mains et des poignets sont possibles. Le syndrome inflammatoire biologique est important :
VS en moyenne à 70 mm à la première heure, et
supérieure à 100 mm dans 27 % des cas, CRP de
60 à 250 mg/l, les taux des enzymes musculaires
sont normaux ainsi que ceux des anticorps antinucléaires ou du facteur rhumatoïde (sauf coïncidence liée à l’âge des patients > 50 ans). L’efficacité spectaculaire de la corticothérapie en
48-72 heures conforte le diagnostic. L’association possible avec une maladie de Horton doit
être éliminée (de 20 à 40 % des cas de PPR
apparemment isolée, évoluant sans traitement
depuis au moins un mois).
✓ Radiographies normales et absence de syndrome inflammatoire biologique
– La scintigraphie permet de confirmer une poussée inflammatoire, de suspecter une ostéonécrose (hyperfixation intense, mais non spécifique
de l’épiphyse fémorale), de confirmer une algodystrophie débutante, de révéler une fissure
osseuse, voire un ostéome ostéoïde (confirmation par le scanner ciblé sur l’hyperfixation intense
ponctuelle et très évocatrice). C’est une tumeur
ostéogénique qui n’est pas toujours visible sous
la forme d’une ostéolyse typique, le “nidus”
dont le centre peut être calcifié réalisant une
image de cocarde. Elle se manifeste plutôt chez
un adulte jeune, par des douleurs osseuses
inflammatoires à recrudescences nocturnes,
mais aussi parfois par des douleurs articulaires,
voire un petit épanchement articulaire réactionnel quand il siège en intra-articulaire, parfois
jusqu’à 10 cm en dessous de l’articulation au
sein de la corticale diaphysaire. Les douleurs
avec réveils nocturnes sont très sensibles à l’aspirine ou à un anti-inflammatoire (test diagnostique).
– L’IRM est très intéressante pour confirmer
l’existence d’un épanchement (ponction indiquée),
pour orienter vers une origine arthrosique ou infectieuse, pour confirmer le diagnostic d’ostéonécrose,
pour conforter les arguments de suspicion d’une
algodystrophie, et d’une possible fissure osseuse
(col fémoral, cotyle). Elle est également intéressante pour la confirmation d’une synovite villonodulaire débutante (hyposignaux des dépôts
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d’hémosidérine, hypertrophie synoviale). Elle peut
montrer des ostéochondromes ou une chondromatose synoviale (l’arthroscanner étant ensuite
le plus performant pour préciser le diagnostic).
– Le scanner est intéressant pour confirmer des
traits fracturaires.
– L’arthroscanner est performant pour confirmer
une chondromatose synoviale, une pathologie
du bourrelet cotyloïdien et des pathologies tumorales osseuses.
DOULEUR ANTÉRIEURE DE LA RACINE
DU MEMBRE INFÉRIEUR
Une bursite du psoas ou du psoas iliaque est rare,
mais possible (intérêt de l’IRM).
DIFFÉRENTS DIAGNOSTICS
D’UNE DOULEUR EXTERNE
✓ Tendinite ou tendinobursite du moyen fessier
Le siège de la douleur est trochantérien avec
une irradiation possible vers la face externe de
la cuisse et la région fessière. L’examen retrouve
un point douloureux précis à la pression au-dessus et en arrière du grand trochanter, et de façon
inconstante une douleur à l’abduction contrariée
de la cuisse. La mobilité de la hanche est normale et indolore, parfois limitée en cas de forme
hyperalgique. Les radiographies standard sont
normales ou montrent parfois une calcification
des parties molles prétrochantériennes.
✓ Douleurs du fascia lata lors de son passage sur
le relief du grand trochanter
La douleur peut survenir lors d’un entraînement
inhabituel à la course. L’examen de la hanche
est normal. On retrouve un point douloureux
local en regard du grand trochanter (6).
✓ Syndrome des branches perforantes latérales
T12 et L1 (2)
Le rameau perforant latéral cutané du nerf abdomino-génital (ilio-hypogastrique) issu de L1
devient superficiel au-dessus de la crête iliaque,
10 cm environ en arrière de l’épine iliaque antérosupérieure (EIAS), par un orifice de sortie à travers
les muscles obliques, qui peut être à l’origine
d’un syndrome canalaire entraînant des douleurs
dans le territoire d’innervation : partie supéroexterne de la fesse et de la cuisse (parfois jusqu’à
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mi-cuisse). Le rameau perforant du nerf souscostal issu de T12 devient superficiel, 2 cm audessus de la crête iliaque et 8 cm en arrière de
l’EIAS en perforant les muscles obliques externe
et interne. La pression, très douloureuse, de la
crête iliaque à la verticale du trochanter révèle
“le point de crête latéral”. Le pincé-roulé est
douloureux en regard du grand trochanter. L’adduction forcée de la cuisse peut réveiller la douleur. Le test anesthésique au point de crête est
diagnostiqué.
✓ La méralgie paresthésique
Elle est liée à un syndrome canalaire du nerf
fémoro-cutané (sensitif ) en dedans de l’EIAS.
Elle est caractérisée par des paresthésies, une
sensation de peau “morte”, cartonnée de la face
antéro-externe de la cuisse selon un territoire en
“raquette”. L’examen retrouve une hypoesthésie
thermo-algésique (voire une hyperesthésie) et
élimine une radiculalgie L2 ± L3.
DIAGNOSTICS À ÉVOQUER DEVANT
UNE LOMBOFESSALGIE OU UNE FESSALGIE
✓ Sacro-iliite inflammatoire des SPA
Les SPA regroupent : la spondylarthrite ankylosante, les arthrites réactionnelles, le rhumatisme
axial des entérocolopathies, les SPA juvéniles,
les manifestations articulaires associées à l’acné
et à la pustulose palmo-plantaire ou SAPHO, les
spondylarthrites indifférenciées. Les SPA ont en
commun : des enthésites inflammatoires (évoluant en trois phases : inflammatoire avec érosions osseuses, fibrose cicatricielle, puis ossification formant un enthésophyte ou une apposition
périostée), des mono- ou oligoarthrites et des
atteintes axiales (sacroiliite, rachialgies, douleurs intercostales, arthrites sterno-claviculaires
ou manubrio-sternales), des uvéites possibles et
une association possible au groupe HLA B 27. La
sacroiliite des SPA est un équivalent d’enthésopathie inflammatoire. Les fessalgies (souvent bilatérales ou unilatérales ou volontiers à bascule)
sont inflammatoires, plus ou moins intenses, et
peuvent irradier à la face postérieure des cuisses
(pseudo-sciatiques). L’examen reproduit la douleur par la pression directe en pleine fesse, l’appui
forcé sur le sacrum (signe du trépied), ou l’écartement des ailes iliaques. Les signes radiologiques
sont : un pseudo-élargissement de l’interligne
par déminéralisation des berges articulaires
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(stade I), des érosions des berges (stade II), une
condensation des berges (stade III), une ankylose osseuse par fusion des berges (stade IV).
La scintigraphie osseuse (mais de sensibilité et
de spécificité moyenne) et l’IRM aident le diagnostic. Le syndrome inflammatoire biologique
est en général peu marqué, voire absent (de
20 à 30 % des cas). Une infection doit être
éliminée.
✓ Arthralgies interapophysaires postérieures
(IAP) L4-L5 et L5-S1
Elles sont souvent liées à une arthrose interapophysaire postérieure en poussée. Le diagnostic
est surtout clinique : absence d’impulsivité discale, lombalgies basses irradiant aux fesses, aux
cuisses, parfois jusqu’au mollet, mais sans
atteindre le pied, aggravées en stations prolongées assise et debout, contraintes mécaniques et
extension du rachis. Elles sont à type de brûlures
parfois exacerbées en fin de nuit et au réveil par
majoration de la lordose lombaire en décubitus
dorsal. La palpation paravertébrale retrouve le
point douloureux électif. Un syndrome cellulomyalgique peut être associé par irritation du nerf
rachidien postérieur.
✓ Fessalgie par syndrome teno-cellulo-périosto-myalgique de Maigne
Ce syndrome est lié le plus souvent à un dérangement intervertébral mineur, à une hernie discale ou à une poussée congestive d’arthrose IAP
au niveau du segment vertébral T12-L1.
Il se manifeste par une cellulalgie (pincé-roulé),
des cordons myalgiques, et parfois des douleurs
téno-périostées dans le métamère T12-L1 :
région lombo-fessière supérieure, trochantérienne et parfois abdominale basse, pelvienne
ou inguinale [L1] (2).
✓ Localisation tumorale sacrée à éliminer
(scintigraphie, scanner)
✓ Possible fracture ostéoporotique du sacrum
(sujet âgé)
Les fessalgies sont intenses, isolées, non calmées par les anti-inflammatoires, et insuffisamment calmées par les antalgiques de palier II,
avec une impotence fonctionnelle variable,
selon le délai de consultation. La scintigraphie
osseuse fait le diagnostic : hyperfixation en
“H” du sacrum, ou fissure osseuse d’un os du
bassin.
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✓ Tendinite ou tendinobursite ischiatique
Cas plus rare, mais présent chez les sportifs.
L’examen relève une douleur à la pression de
l’ischion et à la flexion résistée de la jambe sur la
cuisse (intérêt de l’échographie et/ou de l’IRM).
✓ Syndrome du muscle pyramidal
C’est une fessalgie associée à une sciatalgie plus
ou moins complète, aggravée par la station assise,
les efforts physiques, les escaliers (descente
surtout) et soulagée par l’abduction-flexion de
la hanche. Il peut s’accompagner de paresthésies (7).
✓ Névralgies sciatiques associées à des douleurs périnéales
Elles peuvent être liées à une névralgie du nerf
pudendal (syndrome d’Alcock) ou à un syndrome
du muscle obturateur interne [compression du
nerf obturateur dans le canal obturateur] (7).
DOULEUR DANS LA RÉGION DU GENOU
(CRURO-SCIATIQUES AVEC COMPOSANTE L4)
Les diagnostics à éliminer dont certains peuvent
aussi s’intriquer, surtout chez le sujet âgé, sont
les suivants :
– Un genou inflammatoire (septique, microcristallin ou rhumatismal : PR SPA, etc.).
– Un genou mécanique avec pincement radiologique des interlignes articulaires (gonarthrose
fémoro-tibiale et/ou fémoro-patellaire externe).
– Un genou mécanique et une radiographie normale chez une personne de plus de 40 ans : la
scintigraphie est utile, elle sera suivie de l’IRM
(formes débutantes de gonarthrose ou ostéonécrose d’un condyle en général interne, ou périméniscite).
– Un genou mécanique chez une personne de
moins de 40 ans et une radiographie normale :
sont à rechercher une lésion méniscale (douleurs, parfois gonflement après un épisode de
blocage, antécédent de pseudo-blocages, positivité des manœuvres de Mac Murray et du Grinding Test, point douloureux précis sur l’interligne
articulaire), une plica synovialis (repli synovial
venant s’interposer dans l’interligne et occasionnant douleurs et pseudo-blocages), des séquelles
d’entorses des ligaments latéraux interne ou
externe (point douloureux précis à leur insertion
condylienne ou tibiale ou le long du ligament
[IRM utile]), une chondromalacie rotulienne, une
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chondromatose synoviale, une synovite villonodulaire. L’arthroscanner sera très utile pour
préciser le diagnostic dans ces trois derniers
cas.
– Un genou d’horaire mixte et une normalité
des interlignes articulaires (algodystrophie).
– Un kyste synovial poplité : gonflement du creux
poplité, rénitent et non battant (éliminer l’anévrysme) associé à des douleurs postérieures et/ou
à une gêne à la flexion et à des irradiations possibles au mollet par compression du nerf sciatique poplité interne ou externe. L’échographie
fait le diagnostic et permet la ponction dirigée.
Un épanchement intra-articulaire est possible
(mécanique ou inflammatoire). Ces kystes sont
toujours secondaires à une affection mécanique
ou inflammatoire du genou qu’il faudra identifier
(cf. diagnostics évoqués aux paragraphes précédents).
– Une périméniscite du ménisque externe :
douleurs externes à la marche, de survenue parfois brutale après 50 ans, avec un point douloureux précis sur l’interligne fémoro-tibiale externe.
L’IRM fait le diagnostic (hypersignal de la périphérie du ménisque, lié à une désinsertion périphérique très localisée avec parfois un kyste
méniscal externe). La valeur diagnostique du
test anesthésique est suivie de l’injection de corticoïdes.
– La tendinite du biceps : douleur spontanée de
la face externe du genou et aux rotations, avec un
point douloureux situé 1 à 2 cm au-dessus de la
tête du péroné.
– La tendinite ou la tendinobursite du muscle
poplité (6) : douleurs externes à la course (en
descente ou en terrain accidenté ++). Le diagnostic se fait sur la reproduction de la douleur par
les tests de rotation externe résistée. La palpation
retrouve un point douloureux à la partie basse
du condyle externe en arrière du tenseur du fascia lata, au-dessus de l’interligne articulaire du
genou et en avant du tendon bicipital et du ligament latéral externe.
– Le syndrome de “l’essuie-glace” de la bandelette ilio-tibiale (tenseur du fascia lata) (6) :
il est lié à une inflammation, associée dans
30 % des cas à une bursite, secondaire à la répétition des passages sur le tubercule de Gerdy du
condyle externe lors des flexions-extensions. Il
est souvent observé chez les coureurs de fond
(favorisé par le genu varum) et parfois chez les
cyclistes. Les douleurs externes, irradiant parfois
à la cuisse, surviennent à l’effort au début, puis
21
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lors des activités quotidiennes de montée et de
descente des escaliers ou des trottoirs, voire à
la marche qui se fait alors genou tendu, pour éviter la douleur. Le diagnostic se fait sur la positivité des tests de Renne (douleur spontanée en
appui monopodal et flexion du genou à 30-40 °)
et de Noble (douleur réveillée par la pression du
tubercule de Gerdy lors de l’extension passive
progressive du genou au passage à 30 ° de flexion
environ et augmentée en varus).
– Les tendinites quadricipitales et rotuliennes :
douleurs sus- ou sous-rotuliennes, s’accentuant
souvent après et/ou pendant l’effort avec un
point douloureux à la pointe de la rotule et sur
la tubérosité tibiale antérieure.
– Une bursite prérotulienne : douleur et tuméfaction prérotulienne survenant souvent après
des travaux en position à genoux prolongée.
– Douleurs inflammatoires : arthrite infectieuse (à
éliminer), arthrite microcristalline ou rhumatisme
inflammatoire chronique débutant (PR, SPA).
– Ténosynovites possibles (diagnostic confirmé
par la douleur reproduite à la palpation et au
test isométrique résisté, par une échographie ou
l’IRM) : des péroniers latéraux (douleurs externes
et gonflements rétro- et sous-malléolaires externes)
ou du jambier antérieur (douleurs et gonflements
antéro-internes), ou une tendinite achilléenne,
une bursite rétro- ou pré-achilléennes. Les causes
peuvent être : infectieuses (à éliminer), métaboliques ou mécaniques.
– Séquelles d’entorse du ligament latéral externe
(douleur externe de la cheville).
DIAGNOSTICS DE DOULEURS MÉCANIQUES
DE JAMBE AUX EFFORTS CHEZ LE COUREUR
DE FOND (6)
✓ Syndrome du tunnel tarsien à suspecter dans
certain cas
La compression du nerf tibial postérieur dans le
canal tibio-astragalo-calcanéen entraîne des
paresthésies, des sensations de “pied mort”, de
brûlures ou des douleurs plantaires avec irradiation ascendante possibles vers la jambe. Elles
surviennent à la marche, lors de stations debout
prolongées, voire la nuit, au repos, et sont parfois
améliorées par la mobilisation du pied. L’examen
retrouve des signes de Tinel et Phalen positifs,
une hypoesthésie dans le territoire des nerfs plantaires, et parfois un déficit discret de la flexion,
de l’écartement des orteils et de l’adducteur du
gros orteil (signe du chevauchement du gros
orteil par le second orteil lors de la flexion plantaire et signe du papier : on demande au patient,
debout, d’appuyer fortement sur un papier (pour
le retenir) placé sous la pulpe du gros orteil (nerf
plantaire interne) ou des deux derniers orteils
(nerf plantaire externe), et on tire brusquement
le papier ; il échappe à l’orteil du côté atteint, la
feuille se déchire du côté sain. L’électromyogramme aide le diagnostic.
– Une fracture de fatigue du tibia ou du péroné
est possible : douleur exquise à la pression et
hyperfixation au temps tardif et précoce en scintigraphie.
– Une périostite tibiale est évoquée sur une
douleur à la pression du tibia sur plusieurs centimètres, associée, parfois, à une tuméfaction, voire
à une chaleur locale, des radiographies souvent
non contributives au début, mais présence
d’une hyperfixation au temps tardif de la scintigraphie.
– Un syndrome des loges doit être éliminé :
vive douleur à la pression musculaire juste après
l’effort parfois associée à une tuméfaction, mais
absence de douleur en dehors de l’effort, scintigraphie normale. Le risque de syndrome ischémique aigu doit faire arrêter toutes les activités
sportives.
DIAGNOSTICS POSSIBLES
EN CAS DE DOULEURS DE LA CHEVILLE
– Douleurs mécaniques : l’arthrose de la cheville
est toujours secondaire (antécédents traumatiques, infectieux ou inflammatoires, ostéochondrome ou séquestre d’ostéonécrose de l’astragale). Le diagnostic est radiologique, complété
par l’IRM ou l’arthroscanner.
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DIAGNOSTICS POSSIBLES
EN CAS DE DOULEURS DU PIED
✓ Syndrome du sinus du tarse
Il correspond à une souffrance du ligament en
“haie” astragalo-calcanéen et de son pédicule
vasculo-nerveux, en cas d’entorse sous-astragalienne méconnue lors d’une entorse de la cheville,
de cheville instable, ou de microtraumatismes
de l’arrière pied. Il entraîne des douleurs mécaniques à la face antéro-externe du pied, en avant
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de la malléole externe, irradiant vers le bord
externe du pied. La pression et les mouvements
d’éversion-inversion du pied réveillent la douleur. La radiographie est normale. L’IRM peut
montrer une lésion et l’inflammation au niveau
du ligament.
✓ Talalgie plantaire par aponévrosite plantaire
Elle est d’origine mécanique le plus souvent, parfois inflammatoire (SPA +++) et peut être évoquée dans la démarche du diagnostic différentiel
d’une sciatique S1. L’échographie fait le diagnostic, voire l’IRM en cas de doute. L’épine calcanéenne est un témoin indirect de l’inflammation
dont l’évolution se solde par une ossification de
l’insertion de l’aponévrose sur le calcanéum.
✓ Syndrome (bursite) ou maladie de Morton
(névrome)
La compression du nerf interdigital, dans l’espace
intercapitométatarsien, peut donner des douleurs des deux orteils d’aval. Ces douleurs à la
marche “portent au cœur” et peuvent avoir des
irradiations ascendantes. On retrouve l’hypoesthésie en feuillet de livre du bord interne de
l’orteil externe et du bord externe de l’orteil
interne. Le signe de Lasègue de l’orteil déclenche
la douleur. L’échographie et l’IRM font le diagnostic. La clinique très évocatrice, la positivité
du test anesthésique suivi de l’infiltration peuvent
parfois suffire au diagnostic.
sciatalgie. La suspicion d’une pathologie à leur
niveau balayera systématiquement les causes
possibles en fonction du contexte : mécaniques,
inflammatoires, infectieuses, métaboliques ou
tumorales, en s’évertuant d’éliminer celles qui
requièrent un traitement en urgence. Si le plus
souvent, l’interrogatoire bien conduit suivi de
l’examen clinique permettent d’accéder rapidement à la confirmation d’une sciatique par hernie
discale, en revanche, la vigilance et la disponibilité pour la remise en question doivent être les
“garde-fous” afin d’éviter les diagnostics de
sciatique par excès, en “forçant” la douleur à rentrer dans le cadre du diagnostic positif et limiter
ainsi le retard diagnostique d’une autre patho■
logie préjudiciable au patient.
RÉFÉRENCES
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CONCLUSION
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Le diagnostic différentiel d’une sciatalgie commune est très riche, car le territoire concerné
couvre plusieurs articulations, pièces osseuses,
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