Accompagner la parentalité

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« ACCOMPAGNER
LA PARENTALITÉ »
La nécessité d’un travail en interdisciplinarité
pour accueillir et accompagner
les personnes porteuses d’un handicap sensoriel ou moteur
dans leur projet de parentalité.
Actes du colloque
mardi 3 février 2009
S
SOMMAIRE
DE L’HISTOIRE AU CADRE LEGISLATIF
1
Modératrice : Delphine SIEGRIST - Journaliste - Association des Paralysés de France
« Graine de parentalité, naissance d’un groupe de travail »
1
Jean-Claude POIRIER - Directeur du risque professionnel, du handicap et de l'action sanitaire et sociale - CRAMIF
Histoire et sociologie : quelques éléments d’éclairage
3
Christine BON - Sociologue
Témoignage de parents
6
Questions de la salle
9
Regard sur la législation actuelle
13
Docteur Pascale GILBERT – Médecin - CNSA
Accueillir pour recueillir : de la rencontre au conseil
15
Franck BERTON - Assistant social - Service ESCAVIE-GUIDE - CRAMIF - Marie LADRET - Ergothérapeue - Service ESCAVIE-GUIDE CRAMIF
Questions de la salle
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DU CARREFOUR DES PROBLEMATIQUES AUX EXPERIENCES NOVATRICES
29
Modérateur : Professeur Hervé FERNANDEZ – CHU Antoine Béclère – AP-
Parents et professionnels :de la communication au partage
31
Sophie SERREAU - Sage-femme - Hôpital de la Pitié Salpêtrière - AP-HP Françoise GALIFFET - Assistante Sociale - Hôpital
Pitié Salpêtrière - AP-HP - Stéphanie RAMEAU - Auxiliaire puéricultrice - Hôpital de la Pitié Salpêtrière - AP-HP - Julie
CROSSARD - Psychologue - PMI Epée de Bois - Isabelle DAVOST-SERIZAY - Puéricultrice - PMI Epée de Bois
Question de la salle
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De cycle en rythme, accompagner la parentalité, un travail en réseau nécessaire
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Béatrice IDIARD-CHAMOIS - Sage-femme - Institut Mutualiste Montsouris - Docteur Madeleine AZARIAN-NAZAC - Médecin
gynécologue-obstétricien - Institut Mutualiste Montsouris - Francine CAUMEL-DAUPHIN et Nathalie PICQUENARD - Sages
femmes - Secteur Libéral - Edith THOUEILLE - Puéricultrice - Institut de Puériculture et de Périnatalogie de Paris - Drina
CANDILIS-HUISMAN - Psychologue - Institut de Puériculture et de Périnatalogie de Paris
Question de la salle
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Conclusion de la journée
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Jean-Claude POIRIER
Remerciements
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Glossaire
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
De l’histoire au cadre législatif
Modératrice : Delphine SIEGRIST
Journaliste, Association des Paralysés de France
« Graine de parentalité, naissance d’un groupe de travail »
Jean-Claude POIRIER
Directeur du risque professionnel, du handicap et de l’action sanitaire et sociale, CRAMIF
Je souhaite à tous et à toutes la bienvenue dans cette maison et vous présente les excuses de notre
directeur, Gérard Ropert, retenu par une réunion extraordinaire du Conseil d’Administration. Nous
choisissons nos thèmes d’études à partir d’un certain nombre de demandes, d’observations, de
retours d’expérience recueillis au travers de nos activités et de partenariats avec les associations de
handicapés et les professionnels du monde du handicap.
Cette année, nous avons retenu le thème de la parentalité qui est un sujet assez rarement évoqué
sans doute pour des raisons psychologiques et parce que les connaissances sont plus balbutiantes
que dans d’autres domaines où les connaissances, les expériences, les réussites et les échecs sont
mieux connus, mieux perçus et mieux adaptées.
Le fait de donner la vie est en soi un projet de vie mais aussi une réponse complémentaire aux
enseignements et prescriptions de la loi du 11 février 2005 sur la compensation. Malgré le travail de
quelques professionnels qui ont fait le choix d’investir ce domaine, il reste encore beaucoup à
inventer et à proposer. L’arrivée d’un enfant est toujours un phénomène qui bouleverse la vie et
modifie les habitudes des familles. Il importe par conséquent de préparer, d’accompagner et de
suivre ces changements. Il est évident que lorsque l’un des parents, voire les deux parents
présentent un handicap, le couple se heurte à de nombreuses difficultés qui devront être surmontées
afin d’assurer au mieux un développement harmonieux de l’enfant et de préparer son insertion dans
la société et son avenir personnel.
Outre une approche sociologique et historique qui donnera la tonalité de cette journée et une
présentation de la législation actuelle par la Caisse Nationale de la Solidarité pour l’Autonomie,
nous entendrons au cours de cette journée les témoignages de professionnels qui depuis longtemps
œuvrent dans le champ de la parentalité et ont spontanément partagé leur connaissance, leur savoirfaire et aussi sans doute les limites de leur action.
En ce qui concerne la CRAMIF, notre expérience et la prise en compte des difficultés liées à la
parentalité sont relativement différentes. Le service ESCAVIE s’est interrogé à ce sujet dès 2003, à
la suite du colloque « maternité et handicap moteur » organisé par la Mission Handicap de l’AP-HP.
Le but était d’intégrer à la réflexion un aspect pratique sur le quotidien des mamans et leur situation
de handicap en présentant les quelques aides techniques déjà existantes. Ce travail a permis
d’observer qu’une demande existait et qu’en tant que centre d’information et de conseil sur les
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
aides techniques nous pouvions apporter des éléments de réponses concrets et pratiques. Nous
avons étudié la possibilité d’intégrer cette question dans le travail quotidien d’ESCAVIE et
constatons que cette ambition est désormais une réalité.
Dès 2005, cette thématique s’est intégrée aux missions des services avec la création d’un espace
dédié au problème du soutien à la parentalité. Dans le même temps, nous avons mis en place une
documentation concernant le matériel de puériculture susceptible d’apporter des soutiens
appropriés. Cette même année a vu la réalisation d’un guide pratique pour les parents à mobilité
réduite qui fournit des indications et offre des possibilités de choix.
Dès 2007, nous avons intégré les questions d’ordre social à notre approche et notamment le
financement des aides techniques. Il ne s’agit pas simplement de proposer une offre de matériel
mais également de fournir des réponses sociales qui permettent l’accès à la compensation effective.
Une coopération interne entre le service des conseils sur les aides techniques et notre service social
est indispensable. C’est un travail en binôme qui se fait et qui permet une approche globale de la
situation des personnes et les réponses les plus appropriées.
L’offre a créé la demande et cette amélioration continue a entraîné une augmentation des demandes
et une collaboration accrue avec les services et le monde associatif déjà mobilisé sur le domaine de
la parentalité.
En 2008 est né le groupe de travail « graine de parentalité » à l’initiative de l’organisation de ce
colloque que je remercie et félicite pour son engagement. Je remercie également les différents
intervenants de cette journée qui ont répondu favorablement à notre invitation. Je cède la parole à
Delphine Siegrist qui animera cette première partie de la journée que je vous souhaite fructueuse.
Dans un domaine aussi pointu et sensible que la parentalité, l’homme est conditionné par la limite
mais doit aussi essayer de la dépasser. Je crois que nous nous y efforçons pour le progrès réel et la
vie complète de la famille et notamment des enfants qui en découlent.
Delphine SIEGRIST
Cette matinée s’organisera en deux parties. Tout d’abord nous entendrons l’intervention de la
sociologue Christine Bon, puis le témoignage de parents en situation de handicap.
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Histoire et sociologie : quelques éléments d’éclairage
Christine BON
Sociologue
Je suis ravie d’être avec vous aujourd’hui et de retrouver Delphine Siegrist que j’avais rencontrée
lorsque j’étais chargée d’enseignement vacataire au CNAM au sein de la chaire d’insertion sociale
des personnes handicapées. Mon cours s’intitulait « sexualité des personnes handicapées : de quoi je
me mêle ? ». J’ai le sentiment que nous avons franchi une étape en dix ans puisque nous abordons
désormais le thème de la parentalité.
Devenir parent constitue l’un des formidables défis de l’espèce humaine tant il nous est donné
d’être à même de mesurer la portée symbolique de cet acte au-delà de ses contingences typiquement
biologiques ou animales liées à la survie du genre humain.
En effet, dans les sociétés humaines la fonction de parentalité n’est pas seulement liée à la
reproduction pour la survie de l’espèce mais revêt de multiples dimensions philosophiques, sociales
et psychoaffectives. L’acte d’engendrer, d’enfanter, de mettre au monde la génération qui nous
survivra, est un acte fondateur de la poursuite de notre humanité et de notre façon d’être au monde.
Contrairement à l’immense majorité des espèces animales, le petit de l’homme est le plus
dépendant des générations qui le précèdent pour assurer sa survie, le protéger, le nourrir.
La dépendance est souvent considérée comme un avatar du handicap. Rappelons-nous que nous
sommes dépendants car nous sommes humains. Le handicap est le paradigme de la condition
humaine et de sa fragilité constitutionnelle.
Défi, enjeu, risque mais aussi formidable élan vers la vie dans la projection qu’implique la mise au
monde de la génération suivante, l’accès à la parentalité n’est pas un processus neutre ni facile
aujourd’hui et ce tout particulièrement pour les personnes désignées encore comme « à besoins
spécifiques » en dehors de nos frontières. En cela, devenir parent est une aventure culturelle. La
parentalité est un construit social.
1. Devenir parent : une aventure culturelle
L’histoire nous apprend que les sociétés peuvent à la fois être excluantes et intégrantes à l’égard des
personnes en situation de handicap, notamment en fonction du type de déficience dont elles sont
affectées. La stèle funéraire du nain Seneb, de son épouse et de sa famille qui se trouve au Musée
du Caire et qui date de la cinquième dynastie est la trace la plus ancienne de la parentalité d’une
personne atteinte de déficience physique. 4 500 ans nous séparent de cette image. Le couple a l’air
très uni et la joie de vivre de cette famille me paraît très émouvante. Les travaux récents de
l’INRAP, notamment en ce qui concerne les sépultures anciennes du paléolithique au Moyen Age
supérieur ne témoignent pas d’une stigmatisation centrée sur la déficience physique mais plutôt sur
l’appartenance sociale de l’individu enterrée. Un homme décédé il y a 1 400 ans et atteint de spina
bifida est enterré dans une sépulture qui correspond à son clan d’appartenance sociale. Il n’y a pas
trace de sépultures communes où seraient enterrées les personnes porteuses de déficiences
physiques. Tirésias, l’oracle d’Œdipe, est considéré comme un demi-dieu car messager divin. A la
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
même époque, à Sparte, les bébés nés avec une malformation congénitale sont jetés du haut de la
colline. C’est un eugénisme social qui est pratiqué et justifié par Platon comme conforme à l’idéal
pré-esthétique de la société d’alors. Les attitudes sont très ambivalentes et ambigües dans une même
société. Les sociétés qui se jouxtent et qui procèdent à des échanges peuvent cependant avoir des
cultures du handicap mais aussi des cultures de la famille, de la périnatalité, de l’éducation qui sont
radicalement opposées. Il est difficile de trouver des images illustrant la parentalité sur des sites
français.
L’historien et sociologue canadien Edward Shorter a mis en évidence que les postures
d’accouchement dans les sociétés postmodernes dites avancées procédaient davantage du confort et
de l’ergonomie des accoucheurs que du bien être des accouchées. D’une société à l’autre, les façons
de mettre au monde son enfant sont des construits sociaux. En matière de politique sociale du
handicap, la France fait figure d’exception parmi les pays de l’OCDE. Si la dépense publique
affectée au handicap montre que la société française n’a pas à rougir en termes économiques du
traitement social du handicap qui représente1,8 % du PIB soit 28,4 milliards d’euros par an, les
modalités d’affectation des dépenses traduisent une véritable situation d’apartheid des personnes
handicapées. Il me semble en effet que l’on peut encore parler d’une politique de discrimination
notamment en matière de scolarisation inclusive et d’accessibilité. Les citoyens français ont dix sept
fois moins de probabilité d’être confrontés au handicap d’autrui que les citoyens britanniques. D’où
la question de l’apprentissage, de la connaissance, de l’éducation à l’autre momentanément
différent, de l’accès et du respect des droits. C’est dire si les efforts pour l’élimination des barrières
non seulement architectoniques mais encore socio-psychologique doivent être soutenus dans notre
pays. Si l’on nous donne la chance de grandir ensemble quelle que soit notre condition physique,
peut-être arriverons-nous à poursuivre cette communauté de vie dans d’autres actes et cercles
sociaux.
Malgré les avancées notables qu’a permises la loi du 11 février 2005, nous pouvons nous demander
si la France ne mène pas une politique ségrégative en particulier en ce qui concerne le choix de
solvabiliser les institutions plutôt que les individus, les couples, les ménages ou les familles.
L’accession à la compensation effective du handicap doit être un objectif qui pourra passer par
l’aide des tribunaux pour le respect des droits. Cette frilosité à encourager la vie indépendante à
domicile ou au sein d’une communauté locale d’appartenance des personnes en situation de
handicap affecte les trajectoires de vie de ces parents « extraordinaires » avec des besoins
spécifiques qui veulent vivre leur vie comme tous les parents, dans un milieu dit « naturel ».
En Grande-Bretagne, l’association DPPI édite un périodique passionnant qui montre l’état
d’avancée de la question par rapport à la France. L’accessibilité à la parentalité est traitée en termes
d’accès aux droits, mais également en termes de préférence sexuelle. Elle aborde de façon beaucoup
plus prosaïque le concept de design for all en présentant des articles de puériculture ou de jeu, des
aménagements d’espaces et des produits qui facilitent la vie quotidienne avec un enfant lorsqu’on
est affecté par une déficience.
La parentalité ne se résume pas à la gestation et à la mise au monde de l’enfant même si elles en
constituent des étapes majeures. En tant que parents nous avons tous besoin d’accompagnement à la
parentalité à différents moments de l’éducation de nos enfants. Le charmant bambin devient ainsi
parfois un adolescent à problème dont quelquefois le problème principal est justement le handicap
de son ou ses parents. Le handicap est en effet contagieux. La situation de handicap s’étend à tous
les membres d’une famille ou d’une maisonnée. L’enquête HID montre que 21 % des aidants
informels des personnes adultes handicapés sont leurs propres enfants. Dans 9 % des cas, ces
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Accompagner la parentalité
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derniers sont l’aidant principal de leurs parents. Pour que l’enfant puisse vivre sa vraie vie d’enfant,
il ne faudrait pas que la société dans ses manques impose à l’enfant de devenir l’auxiliaire de vie de
ses parents faute de ressources pour embaucher des professionnels qualifiés. Aujourd’hui, les
nouvelles formes de parentalité renouvellent le sens de la famille – de l’engagement de soi dans
l’enfantement – et invitent à plus de réflexion et de tolérance envers les citoyens de ce pays en
situation de handicap qui choisissent de devenir parents et y sont heureusement aidés dans leurs
parcours, au moins pour l’accompagnement de la grossesse et de la naissance, par des
professionnels avisés, sensibilisés et formés. Quelques éléments d’éclairage européens nous
montrent comment nous pourrions aller plus loin dans le développement d’un accompagnement de
la parentalité au long cours, aboutissement d’un droit fondamental pour tous et toutes et pour
chacun et chacune qui cependant transcende les volontés individuelles pour donner une coloration
plus humaine à notre société. Ces nouvelles familles gagnent à être connues. Chaque famille
compte. L’exemplarité remarquable des familles dont les parents sont en situation de handicap
mérite d’être connue du grand public pour que soit aussi reconnu le droit pour tous à une vie libre et
indépendante.
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Accompagner la parentalité
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Témoignage de parents
Samia ENJELVIN
J’ai 42 ans, je suis mariée et maman de quatre enfants de 14, 12, 10 et 9 ans. Je suis élue du conseil
administratif du CCAS de la ville du Pré-Saint-Gervais et animatrice socioculturelle. Mes quatre
grossesses se sont merveilleusement déroulées. J’ai accouché tout à fait normalement. En tant que
mère handicapée, je m’interroge surtout sur la façon de donner la meilleure éducation possible à
mes enfants dans un contexte complexe et riche. Je voudrais surtout lire le témoignage d’une
maman adhérente de notre association « Espace Famille et Handicap » que je trouve plus riche et
plus intéressant que le mien :
« Je m’appelle Sali Olier. Je suis mariée et maman d’un enfant de 13 mois, un second étant attendu
pour le 21 mars. J’ai une séquelle de polio contractée à l’âge de 2 ans qui a atteint essentiellement
mes membres inférieurs. A 43 ans, j’ai construit ma vie de femme bien tardivement puisque j’ai
rencontré mon mari à 38 ans. Je pensais finir ma vie seule, diverses expériences de vie en couple
n’ayant pas abouti. Je m’étais « résignée » à demeurer seule, pensant que handicap et vie familiale
étaient incompatibles en ce qui me concernait. Grâce à l’association « Espace Famille et Handicap »
j’ai pu participer en 2003 au Raid de l’Amitié qui a permis a un équipage de personnes en situation
de handicap de traverser le Maroc en 4x4 au même titre que les personnes valides. Ce raid à
vocation humanitaire permettait aux motos et 4x4 de longer des villages pour distribuer du matériel
scolaire et des médicaments aux enfants. Ce périple a duré trois semaines. Mon mari figurait parmi
les équipages valides en moto. Il était toulousain et moi parisienne, ce qui a compliqué un peu notre
relation. Nous étions un couple TGV puisque tous les quinze jours et pendant deux ans il montait à
Paris ou je descendais à Toulouse. Il m’était difficile dans ces conditions de concevoir un enfant.
C’est pourquoi il est venu me rejoindre à Paris, moi-même ne pouvant quitter mon travail. Nous
avons essayé pendant un an de concevoir un enfant naturellement mais notre projet a échoué.
Compte tenu de mon âge, nous avons demandé une procréation médicalement assistée qui a été
acceptée. A la seconde insémination artificielle, je tombais enceinte. J’ai malheureusement fait une
fausse-couche à 11 semaines. Abattue et découragée, je décidais d’arrêter. Nous nous sommes
mariés en juillet 2006 et mon mari m’a convaincu de poursuivre les inséminations ce que je fis dès
décembre 2006.
Au bout de la huitième insémination, je fus à nouveau enceinte. On me mit immédiatement en repos
total afin de mettre toutes les chances de mon côté de poursuivre ma grossesse. A cinq mois et demi
de grossesse, une hypertension artérielle a impliqué une surveillance médicale constante. Je fus
hospitalisée au CHU de Toulouse, les médecins inquiets sur la suite de ma grossesse tentant de
gagner des jours. A cette époque, j’étais très stressée ma famille n’acceptant pas mon conjoint. J’ai
coupé tout lien avec elle au point que cette situation a provoqué mon accouchement prématuré.
Mon fils est né à 27 semaines et 4 jours par césarienne. Il est resté en réanimation un mois et demi
et en néonatalogie un autre mois et demi, soit trois mois à l’hôpital jusqu’à son terme théorique.
Cette période a été très difficile car nous devions vivre au jour le jour son état étant susceptible de
basculer très rapidement. Les médecins refusaient de se prononcer sur l’avenir, mais notre fils s’est
battu. Tous les jours à ses côtés, je tirais mon lait afin de lui donner à travers une sonde. Je lui
parlais et mettais ma main sur son petit corps afin qu’il sente ma présence et celle de son père qui
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
me relayait le soir après son travail. Ces moments difficiles nous ont appris à prendre beaucoup de
recul sur le sens de la vie car nous avons côtoyé beaucoup de parents dans la même situation que la
nôtre ou dans une situation pire encore, certains enfants étant atteints d’une maladie incurable. J’ai
souvent cru que la fatalité me poursuivait, rien ne se déroulant normalement dans ma situation. Je
mettais tout sur le dos de ce handicap qui m’empêchait de vivre sereinement. Avec le recul, je me
suis rendue compte que finalement j’étais très chanceuse de pouvoir me réaliser en tant que je
femme et mère, même tardivement et en dépit des embûches et des obstacles.
Bien sûr, mes appréhensions étaient nombreuses après la naissance de notre fils. Mon obsession
était de savoir si je serai à la hauteur non pas pour lui donner une éducation correcte mais dans les
gestes quotidiens. J’avais très peur de le faire tomber. Tant qu’il ne pesait pas lourd, je pouvais le
transporter d’un endroit à un autre sans souci. Lorsqu’il a eu 6 mois, je suis à nouveau retombée
enceinte. J’ai pris du poids ce qui a rendu mes déplacements plus difficiles. Aujourd’hui, je n’y
arriverais peut-être pas si mon mari ne prenait pas le relais lorsqu’il est présent. Il se réserve tous les
déplacements qui nécessite de porter le petit, ce qui lui permet de créer une grande complicité avec
son fils. Nous sommes très complémentaires. Notre deuxième enfant arrivant dans un peu plus d’un
mois, nous devons nous organiser pour pouvoir consacrer du temps aux deux. Ce sera difficile mais
pas insurmontable. Nous sommes vraiment heureux d’être parents. Ce bonheur vaut tous les tracas
du quotidien. Si la première grossesse fut difficile, la seconde se passe à merveille. Je me sens en
pleine forme et suis très bien suivie. Le handicap n’est pas un frein à l’amour et à la vie de famille
lorsque l’on y croit vraiment et que l’on se donne les moyens d’y parvenir. Bien sûr, il faut adapter
son handicap à son mode de vie mais c’est possible. Il suffit de bien communiquer avec son
partenaire sur l’aide qu’il peut apporter. Si c’est trop lourd des aides extérieures existent pour
pallier aux difficultés. Il est en effet important que le conjoint ne soit pas la tierce personne mais
juste un mari et un père dans le rôle qui lui revient simplement. Aujourd’hui, il est possible d’être
mère handicapée lorsque la nature le décide. Le reste l’aide humaine l’accomplit. Il faut y croire.
Courage à tous.
Ariane COUSIN
Je suis sourde et maman de deux enfants. Mon fils a trois ans et est entendant ; ma fille a 15 mois et
est sourde. Lorsque je suis tombée enceinte, j’ai voulu être suivie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière
qui a mis en place un accueil sourd. Je travaille dans cet hôpital et savais qu’il serait possible d’y
communiquer en langue des signes. Avec mon ami, nous avons pu poser des questions sur la
préparation à l’accouchement. Je n’ai pas ressenti d’angoisse ou de frustrations particulières, ma
première grossesse s’est bien passée. En revanche, j’ai constaté que la famille avait tendance à
vouloir intervenir beaucoup. Nous nous y étions préparés. Au moment de l’accouchement, nous
avons expliqué que nous ne voulions pas que la famille intervienne. Nous entendions protéger notre
bonheur et décider nous-mêmes de l’éducation de notre enfant. S’il était sourd ou entendant, nous
lui apprendrions la langue des signes qui est sa langue maternelle. Nous ne nous inquiétions pas de
savoir s’il serait sourd ou entendant. Le jour de la sortie de l’hôpital, le médecin m’a remis une
ordonnance prescrivant un audiogramme. Il m’a indiqué que je devais consulter un ORL. Il ne m’a
même pas demandé mon avis ce qui m’a mis en colère, expliquant que cette décision m’appartenait.
Son geste a deux hypothèses : la routine ou le manque de communication. J’ai pris l’ordonnance et
je l’ai rangée.
Je me suis très vite aperçue que mon fils était entendant. Il sursautait lorsqu’une porte claquait et
réagissait aux bruits de l’environnement. Pourtant, lorsque je me rendais chez un médecin, il me
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Accompagner la parentalité
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demandait toujours si j’avais fait un audiogramme. J’ai dû insister sur le fait que je voulais d’abord
instaurer la relation avec mon enfant et n’entendais pas me focaliser sur l’oreille et la problématique
de l’audition. A la crèche, le personnel a encore une fois insisté pour que mon fils fasse un
audiogramme. Je savais que mon fils était entendant, mais nous avons réalisé l’examen pour le
prouver. Les puéricultrices et moi utilisions la communication écrite pour faire le bilan de sa
journée à la crèche. Petit à petit, mon fils a naturellement utilisé la langue des signes pour
communiquer avec les puéricultrices. Lorsqu’il voulait boire, il signait le signe « eau ». Le
personnel s’adaptait à son mode de communication, ce que je vivais comme une reconnaissance de
la langue des signes. Pour signaler les pleurs du bébé, nous avons des appareils envoyant des flashs
lumineux.
Ma seconde grossesse a également été suivie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. J’étais évidemment
moins inquiète que lors de la première grossesse. Lorsque ma fille est née, je ne me suis pas
inquiétée de savoir si elle était sourde ou entendante. Je voyais qu’une communication s’instaurait
avec son frère et c’était pour moi le plus important. Nous avons appris que notre fille était sourde et
avons dû l’annoncer à notre famille. Mes parents ont pleuré. Ils revivaient en effet cette étape de
l’annonce de la surdité. Ils ont posé beaucoup de questions sur son avenir, la possibilité de lui faire
suivre des séances de rééducation ou de l’équiper d’un appareil. En d’autres termes, ils ont tenté
d’intervenir davantage dans l’éducation de notre enfant, ce qui n’a pas été facile. Pour l’instant, je
veux qu’elle grandisse et s’épanouisse. Nous verrons lorsqu’elle aura l’âge d’aller à l’école. Mon
fils est bilingue. Il pratique la langue des signes à la maison et parle à l’école. Nous sommes
rassurés de constater que c’est un petit garçon heureux.
En ce qui concerne les échanges avec la famille élargie, mon mari qui est également sourd et moi
nous sentons parfois un peu à l’écart. J’ai quelquefois le sentiment que la famille est focalisée sur
mon fils entendant qui devient le vecteur unique de communication. Trouver le sens et la place de
notre parentalité est un véritable combat. Nous devons rediriger le regard sur nous et non pas sur
notre fils entendant. Dans la rue, lorsque quelqu’un parle à mon fils, je m’inquiète toujours de
savoir si ce sont des paroles gentilles ou méchantes. N’entendant pas, j’ai besoin de le protéger.
Delphine SIEGRIST
Ces témoignages démontrent que trouver sa place en tant que parent handicapé n’est pas toujours
aisé notamment du point de vue du regard social ou familial.
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Questions de la salle
De la salle
Ces témoignages sont très intéressants. On a du mal à imaginer que les personnes handicapées font
un choix responsable. La société et la famille se sentent dans l’obligation de les protéger. Or
généralement les parents handicapés ont réellement mûri leur projet. Il faut également faire
confiance aux enfants. Le fait de côtoyer une singularité peut également constituer une richesse. Un
enfant qui arrive au monde possède d’extraordinaires facultés d’adaptation. Il n’a aucun a priori ni
aucun tabou. Il se construit avec ses parents. L’amour et la responsabilité pallient de nombreuses
difficultés quotidiennes.
Delphine SIEGRIST
Nous sommes d’accord.
Christine BON
Le rôle des personnes handicapées dans la société est justement de nous guider vers le chemin de la
reconnaissance de cette formidable plasticité humaine. Parvenir à procréer peut sembler un véritable
parcours du combattant. Pourtant, force est de constater que les bébés éduquent leur entourage.
Dans une crèche de mon quartier, tout le personnel a adopté la langue des signes après avoir
accueilli quelques enfants sourds. Il est important que la culture du capital soit partagée par tous.
Les enfants peuvent être de formidables vecteurs de l’ouverture d’esprit au regard des situations de
handicap. Je vous remercie de l’avoir souligné.
Samia ENJELVIN
Je m’efforce de donner la meilleure éducation possible à mes enfants et de mettre toutes les chances
de leur côté pour qu’ils réussissent leur vie. Je déplore cependant un manque de compréhension des
psychologues qui nous stigmatisent trop souvent. J’ai une très forte personnalité mais suis souvent
accablée par les propos qu’ils peuvent tenir. Si mon enfant a l’air triste, c’est parce que je suis
autoritaire et tyrannique. Ce jugement des professionnels est parfois très difficile à vivre. Je
récupérerai le compte rendu de cette réunion et chaque fois que je rencontrerai un psychologue, je
lui remettrai. De cette façon, il pourra prendre conscience de la situation que nous vivons en France.
Quelquefois, je me dis qu’il serait plus facile de vivre en Angleterre.
De la salle
Les handicapés sont a priori des personnes responsables. Néanmoins, lorsqu’un couple de
handicapé se pose des questions sur la légitimité ou non de devenir parents et sur les aides
existantes, la seule réponse qu’il obtient des institutions et des professionnels est qu’il n’est pas
possible de répondre par avance à cette question. Le couple se voit conseiller de mettre un enfant en
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
route, les aides ne pouvant être sollicitées qu’à partir de ce moment. Je voudrais savoir quel est
votre sentiment sur ce point.
Béatrice IDIARD-CHAMOIS
Des professionnels de santé peuvent vous recevoir en amont et vous entendre sur ce projet de
grossesse. Sachez que cela existe. L’Institut de puériculture et de périnatalogie pourrait par exemple
proposer des solutions.
Christine BON
Les textes préparatoires de la loi visant à légaliser l’interruption volontaire de grossesse en 1975
disposaient qu’un « enfant n’existe qu’en vertu du désir parental de le voir exister ». Un enfant ne
peut vous être imposé. Il s’agit au contraire de vous accompagner dans le projet de vie que vous
avez choisi en connaissance de cause. Un certain nombre d’institutions accueillant des personnes
atteintes de déficiences motrices demandent pourtant la mise sous tutelle pour pouvoir accueillir les
personnes en séjour de longue durée dans les établissements dits d’hébergement permanents. Nous
recensons encore 650 000 mineurs protégés qui sont privés du droit de vote. Heureusement, la loi
de 2005 permet que soit rétabli ce droit si les personnes ou les familles en formulent la demande.
Notre culture reste néanmoins enracinée à considérer la personne porteuse de déficiences quelles
qu’elles soient comme incapable. Assumer sa parentalité revient par conséquent à assumer un rôle
social d’adulte dans une société qui a tendance à nous infantiliser ou à nous médicaliser quand bien
même de formidables pionniers contribuent à changer cet ordre des choses. Il reste un travail
important à faire sur la question de la responsabilité et la citoyenneté pleine et entière des personnes
qui vivent dans ce pays quelles que soient leur condition sociale, leur âge et leur déficience
physique ou mentale.
Delphine SIEGRIST
Je voudrais vous lire un troisième témoignage, celui de Khadija Idamare, maman d’Alexis 3 mois et
de Yaël 18 mois.
« Je m’appelle Khadija, j’ai 32 ans et j’ai la maladie de Leber, qui est une maladie évolutive. Je suis
née malvoyante, je suis aujourd’hui aveugle. Dès l’enfance, il a fallu que je combatte trois
problèmes : j’étais l’aînée d’une famille maghrébine de 5 enfants, j’étais une fille, j’étais déficiente
visuelle. J’ai été bercée par des principes péremptoires et inexpliqués, qui consistaient à me dire
qu’étant handicapée, il fallait que je comprenne que jamais je n’aurai d’enfants, que c’était
incompatible avec ma maladie.
Or, la vie a fait que faute de structures adaptées près de chez mes parents, j’ai fait ma scolarité dans
des établissements spécialisés où j’ai compris que tôt ou tard, je déciderai de ce que je ferai de ma
vie. C’est ainsi que quand nous avons décidé mon compagnon et moi d’avoir notre premier enfant,
et parce que mon conjoint est également déficient visuel, nous avons fait appel à une généticienne
qui, après plusieurs questions et examens, nous a confirmé que nos enfants n’hériteraient pas de nos
handicaps.
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
J’ai voulu commencer mon témoignage en vous racontant brièvement ma vie, simplement pour
vous montrer que notre décision d’avoir des enfants malgré nos handicaps, est le fruit de
discussions, d’interrogations, qu’elle a été prise en toute conscience de notre situation, et que
surtout, cette décision puise sa force comme pour chaque parent, dans l’amour que nous nous
portons.
Un futur parent handicapé qui se présente en consultation, est le plus souvent, quelqu’un de
responsable qui a pris sa décision en toute connaissance de cause.
Quand on nous a parlé de l’Institut de Puériculture et du service particulier qu’Edith Thoueille et
son équipe proposait aux parents déficients visuels, d’emblée j’ai refusé cette aide, car j’ai eu
l’impression qu’on me l’imposait, qu’on allait me voler ma maternité. Et puis, encouragée par mon
conjoint qui s’inquiétait un peu de ses nouvelles responsabilités de papa, je suis finalement allée
voir cette structure. J’ai été tout de suite étonnée et agréablement surprise de constater qu’on me
parlait à moi, la maman, qu’on me voyait enfin moi avant de voir que j’étais aveugle. Cet accueil
m’a beaucoup touchée et c’est pourquoi depuis lors, dès que je le peux, je donne de mon temps pour
accueillir, écouter, et conseiller les futurs parents, je suis fière de compter parmi les mamans relais.
La maman relais d’après moi, doit vivre avec son handicap, bien le connaître pour en déterminer
tant les acquis qui feront que malgré tout elle pourra être une mère autonome, que les limites. En
effet, selon moi, le handicap n’est que l’adaptation obligatoire de notre vie, il n’est en aucun cas une
remise en question de nos envies, encore faut-il pouvoir tout adapter. Ma responsabilité en tant que
maman relais, consiste à écouter les futurs parents, répondre à leurs inquiétudes, leur montrer au
besoin le matériel spécialisé déjà existant et les astuces qui nous permettent d’administrer un
médicament plus facilement ou de préparer un biberon, les orienter vers des structures plus adaptées
à leurs besoins spécifiques en cas de difficulté de locomotion par exemple. Mais je suis également
là pour dire que malgré nos efforts pour être les plus autonomes possibles, certaines tâches nous
sont moins accessibles comme de couper les ongles à son tout petit enfant, voire pas du tout comme
d’emmener son enfant seul à une fête foraine ou en vacances.
Mon rôle est de faire comprendre aux parents que je rencontre, qu’ils sont comme les autres parents
responsables de leurs enfants, que jamais, un grand frère, une mère, une tierce personne ne doit
prendre à leur place, une décision qui ne concerne que les parents et leurs enfants sous prétexte que
l’un des parents ou les deux sont déficients visuels.
L’aide doit toujours être proposée, il est important d’avoir des numéros de professionnels, tels que
celui d’une assistante sociale, d’une association sensible au handicap du ou des parents, d’un
médecin, d’une puéricultrice de secteur. Jamais l’aide ne doit être imposée.
Enfin je terminerai en disant que si la maman relais est un vrai soutien pour les parents handicapés,
j’espère qu’elle deviendra, un recours que les professionnels de santé pourraient appeler dans leur
service ou consulter quand ils reçoivent un parent handicapé dont ils ignorent les possibilités et les
limites. Dans un monde idéal, où il existerait une vraie structure d’accueil pour les parents
handicapés, on pourrait y trouver des parents relais de tous les handicaps, volontaires pour se rendre
auprès des futurs parents ou dans les hôpitaux parler de leurs expériences et contribuer ainsi à
l’évolution des mentalités.
Paris, le 3 février 2009
11
Accompagner la parentalité
CRAMIF
Je remercie très sincèrement la CRAMIF d’avoir organisé ce colloque et d’avoir permis que nos
idées soient entendues par des professionnels amenés à rencontrer un public différent, c’est un pas
de plus vers l’acceptation de la parentalité des personnes handicapé. Encore merci. »
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Regard sur la législation actuelle
Docteur Pascale GILBERT
Médecin, CNSA
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté
des personnes handicapées succède à la loi de 1975. Elle marque une rupture très importante dans la
mesure où pour la première fois est donnée une définition légale du handicap en France. Cette
définition constitue un pas très important en ce qui concerne le changement de culture attendu dans
notre pays. L’article L. 114 dispose que « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute
limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement
par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs
fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un
trouble de santé invalidant ». Cette définition est directement inspirée de la classification
internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé, adoptée par l’OMS en 2001, et
largement citée comme support conceptuel lors des débats parlementaires à l’occasion de la loi. La
CIF cherche à décrire le handicap au sein d’un modèle universel et non discriminatoire du
fonctionnement humain qui prend en compte l’environnement. La définition introduite dans la loi
française va jusqu’à attribuer une cause à la situation de handicap, à savoir la déficience.
La loi du 11 février 2005 introduit en outre la notion de compensation. Ce droit vise à permettre à la
personne handicapée de faire face aux « conséquences de son handicap quels que soient l’origine et
la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie. ». Selon l’article L.114-1-1 du Code de
l’Action Sociale et des Familles, elle englobe de manière générale « des aides de toute nature à la
personne ou aux institutions pour vivre en milieu ordinaire ou adapté » en réponse aux besoins des
personnes handicapées. Afin de rendre le concept opérationnel, la loi introduit de nouveaux outils
pour la compensation :
•
•
•
•
le projet de vie défini comme l’expression libre des attentes, besoins, souhaits de la personne
handicapée, sur lequel doit se fonder l’évaluation des besoins de compensation et la
préconisation de réponses ;
l'évaluation globale et multidimensionnelle de la situation et des besoins de compensation ;
le plan personnalisé de compensation défini comme la préconisation globale de réponses à ces
besoins identifiés, qui ne se limite pas aux prestations spécifiques ;
la prestation de compensation, qui vient s’ajouter aux autres prestations spécifiques destinées
aux personnes handicapées.
Il convient de noter que la prestation de compensation ne couvre pas l’ensemble du champ de la
compensation. Par exemple, le fait qu’un enfant présentant un trouble des apprentissages tel que la
dyspraxie puisse se servir d’un ordinateur en classe, que le professeur accepte de lui fournir les
polycopiés de ses cours, qu’il rende son devoir sous forme informatique et qu’il utilise son
ordinateur dans le cadre des examens constitue déjà une forme de compensation. Si elle ne nécessite
aucun moyen supplémentaire, elle impose de la part de l’environnement un mouvement par rapport
à sa posture habituelle. Elle peut-être plus efficace que des aides techniques sophistiquées ou le
recours à un secrétaire qui assisterait en permanence l’enfant, réduisant ses chances de devenir un
jour autonome.
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
En ce qui concerne la compensation et la parentalité, l’arsenal réglementaire est encore très limité.
En effet, jusqu’à présent on s'est intéressé principalement aux parents d'enfants handicapés et pas
vraiment aux parents handicapés. Or la pleine participation sociale pour les personnes handicapées,
c'est un projet de vie qui peut intégrer le désir d'être parent, et pas seulement faire des études ou
trouver un travail. La notion de projet de vie devrait par conséquent apporter une dimension
nouvelle à l’expression de cette attente réelle qui jusqu’à maintenant était assez peu prise en compte
par les professionnels.
Bien que la définition de la compensation soit large, la prestation de compensation ne résume
toutefois pas la compensation et couvre un champ limité d'aides pour certaines activités. Pour
l’instant, aucun élément de cette prestation n’est consacré spécifiquement à l’appui aux fonctions
parentales. L’aide humaine se limite aux actes essentiels (s’habiller, se laver, marcher, s’alimenter
et communiquer) ou à de la surveillance en raison d'altérations des fonctions supérieures. Toutefois,
une heure quotidienne dite de "participation sociale" peut être mobilisée pour les personnes qui
bénéficient de l’aide humaine. Son utilisation est moins spécifiée et de ce fait moins limitative. Par
ailleurs, un décret venant étendre le champ de la PCH « aide humaine » à ce rôle social particulier
qu’est la parentalité est en gestation mais nous ignorons quand il paraîtra. En ce qui concerne les
autres éléments de la prestation de compensation (dépenses spécifiques, aide au logement, transport,
etc.,) il n’est pas précisé sur quelles activité les dépenses peuvent être mobilisées. Il est par
conséquent possible de mobiliser un certain nombre d’aides techniques à la parentalité dans le cadre
de la prestation de compensation.
Il faut souligner également que la compensation ne se résume pas aux dispositifs spécifiques pour
les personnes handicapées, c'est aussi l'activation du droit commun pour des personnes qui sont
aussi des citoyens. Les dispositifs d'aide aux parents en difficulté doivent pouvoir être réinterrogés.
Il s’agit de déterminer quel appui apporter à ces dispositifs pour éviter toute discrimination en
raison du handicap des parents.
Delphine SIEGRIST
Votre rôle n’est pas aisé puisque nous savons que l’arsenal juridique concernant parentalité et
handicap est encore balbutiant. Afin d’évoquer l’accompagnement au long cours de la parentalité, je
vous propose d’entendre l’expérience menée de façon inédite en Ile-de-France par ESCAVIE.
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Accueillir pour recueillir : de la rencontre au conseil
Marie LADRET, Ergothérapeute, Service ESCAVIE-GUIDE-CRAMIF
L’arrivée d’un enfant est un évènement qui bouleverse toute une vie, qui vient changer les habitudes
du couple et de toute la famille. Il est donc important de préparer ce changement.
La loi handicap du 11 février 2005 met en œuvre le principe du droit à compensation du handicap.
La prestation de compensation tend à couvrir les besoins en aide humaine, technique ou animalière
ainsi que les aménagements du domicile, du véhicule, en fonction du projet de vie formulé par la
personne.
Même si l’on ne peut pas hiérarchiser la question des projets de vie du fait de leur caractère
individuel, quel projet, dans ce qu’il peut véhiculer de symbolique peut être plus représentatif que
celui de donner la vie ? En tant que CICAT, spécialisé plus particulièrement dans le champ du
handicap moteur, nous nous sommes donc interrogés sur ce que nous pouvions apporter aux futurs
parents présentant un handicap moteur.
Notre action dans le domaine de la parentalité, au carrefour de nombreuses compétences, de
plusieurs législations, est un sujet tout à fait novateur à ESCAVIE, même si, comme l’a rappelé
monsieur POIRIER dans son allocution, cela fait plusieurs années que nous parlons de parentalité
au sein de notre institution.
Nous recevons en binôme, c’est donc tout naturellement à deux voix que nous allons tenter de
décrire notre action, ici et maintenant, à la CRAMIF, plus précisément au sein du service
ESCAVIE, comme maillon dans l’accompagnement de ces parents en devenir.
1. Les missions d’ESCAVIE
ESCAVIE étant un CICAT, notre principale mission, est de recevoir les personnes en situation de
handicap afin de recueillir leur demande, évaluer leur capacités et leur situation, et identifier leurs
besoins spécifiques pas toujours exprimés, et s’ils le souhaitent, les conseiller sur les aides
techniques qui pourront leur permettre d’optimiser leur indépendance dans les gestes de la vie
quotidienne, comme apporter les soins nécessaires à un enfant, ce dans des conditions de confort et
de sécurité optimales.
Pour cela, nous bénéficions de plusieurs outils :
•
des professionnels de divers domaines (ergothérapeutes, assistant social, documentalistes,
secrétaires, médecin MPR…) ;
•
une base de données sur les aides techniques existant sur le marché français voire européen, que
nous identifions, répertorions et classons ;
•
une exposition de matériel s’étendant sur près de 500m2 au sein de laquelle nous développons
actuellement un espace dédié au matériels de puériculture pouvant être utilisés pour des essais ;
Paris, le 3 février 2009
15
Accompagner la parentalité
•
CRAMIF
des espaces d’accueil pour recevoir les personnes.
La grande majorité des personnes reçues présentent donc un handicap moteur, avec ou sans troubles
associés, dont les origines sont diverses : infirmités motrices cérébrales, blessures médullaires,
amputations, myopathies, hémiplégies, maladie neurologique à caractère évolutif, etc.
2. Comment ces personnes arrivent à nous ?
Lorsque nous avons commencé à nous intéresser à la question, notamment après le colloque
« Maternité et handicap moteur » de 2003, le travail effectué par ESCAVIE, sa participation à la
rédaction d’articles sur le sujet, ont été reconnu et identifié par des futurs parents et professionnels.
Les demandes émanant de toute la France, nous ne pouvions pas intervenir en direct, mais
orientions ces personnes vers des structures locales (comme les CICAT) avec lesquelles nous
intervenions comme traducteurs.
Les rendez-vous ont été mis en place en 2006 pour les personnes résidant en Ile-de-France, et,
compte tenu de la nature des questions et des thèmes abordés, nous avons mis en place notre travail
en binôme, en 2007, qui nous a permis d’ouvrir et de balayer de plus larges interrogations. De fil en
aiguille, nous avons rencontré divers professionnels en Ile-de-France qui prenait en compte ces
futurs parents vivant avec un handicap. Aujourd’hui, la grande majorité des personnes que nous
recevons nous sont orientés par les professionnels de ce réseau informel (IMM, IPP, maternité de la
Pitié-Salpêtrière, les CICAT…).
Cette évolution nous donne à penser qu’une offre de service organisée faciliterait l’émergence de la
demande, déjà bien réelle et en augmentation, comme d’ailleurs en témoigne nos chiffres. Nous
observons une augmentation des demandes depuis 2006 :
•
•
•
9 demandes en 2006 ;
11 demandes en 2007 ;
15 demandes en 2008.
Ces chiffres peuvent paraître peu élevés, mais la parentalité ne représente qu'une petite partie de
l’activité d’ESCAVIE qui couvre beaucoup d'autres domaines, ce qui est d’ailleurs souvent utile
lors des rencontres dans le cadre de la parentalité. Mais 15 demandes en 2008, représentent 15
familles qui ont pu bénéficier de nos services. Cette activité semble essentielle, même si elle loin
d’apporter toutes les réponses, car à ce jour, en France, peu de structures proposent un service
comme le notre. Les demandeurs peuvent être aussi bien les futurs parents que les professionnels
accompagnants qui cherchent une information pas toujours facile à trouver selon leurs témoignages.
Je cède à présent la parole à mon collègue, qui va vous parler du déroulement d’un rendez-vous à
ESCAVIE et des questions qui y sont abordées.
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Franck BERTON, Assistant social, Service ESCAVIE-GUIDE-CRAMIF
3. Que proposons-nous ?
•
•
Un espace d'accueil tout d’abord, car il serait vain de penser que l'on puisse recueillir sans
auparavant accueillir
Un lieu d’écoute ensuite car bien écouter nous souffle Marivaux, c'est déjà presque répondre.
Chaque être humain étant unique dans ses difficultés, ce qui est valable pour toutes les personnes en
situation de handicap ou pas, le recueil des données sera donc un préalable nécessaire qui nous
permettra d'être à même d'apporter un conseil personnalisé le plus ajusté possible à la réalité de vie
du ou des parents. Par réalité de vie, nous entendons à la fois les limitations liées au handicap qui
impliqueront la question des aides matérielles, mais aussi souvent celle de l'intervention d'une aide
humaine pour certains soins que le parent ne sera peut être pas en mesure de prodiguer seul à son
enfant du fait de ses difficultés. Dans ce cadre, nous pourrons être à même, avec ceux-ci,
d'envisager les différentes possibilités existantes d'aides ponctuelles ou s'inscrivant sur la durée en
ayant recours à :
•
•
•
•
•
un service mandataire ;
un service prestataire ;
une embauche directe ;
l'intervention d'une travailleuse familiale ;
l'accueil d'une fille au pair.
Ces orientations, selon le contenu de la demande, pourront concerner non seulement la réalisation
ou l'aide à la réalisation des gestes nécessaires mais difficiles à effectuer dans la prise en charge de
l'enfant, mais aussi certains autres aspects comme l'entretien de l'environnement ou les courses, qui
concourront à soulager le conjoint, lui permettant ainsi de consacrer du temps au bébé et au parent
handicapé.
Tout naturellement la question de la situation familiale de la personne mais aussi du soutien que lui
apporte son entourage familial et relationnel, se pose. Ce registre est très souvent abordé car la
situation à venir d'un futur parent est très différente s’il ou elle est seul(e), marié(e), déjà père ou
mère de famille et soutenu(e) ou pas dans son désir de parentalité.
Autre thème évoqué : la situation professionnelle de la personne et/ou du conjoint qui doit être
envisagée dans l'évaluation car elle implique souvent le choix d'un mode de garde adapté au terme
du congé maternité ou paternité. Des questions nous sont posées au cours de l’entretien: Que vaut-il
mieux choisir ? Un mode de garde extérieur : crèche collective familiale, parentale, une garde à
domicile, une assistante maternelle indépendante ? Autant de choix possibles en fonction des
limitations liées au handicap (fatigue liée à des transferts multiples véhicule fauteuil roulant) mais
aussi des principes de la personne.
Ces choix à faire pour l'après peuvent aussi, nous l'avons vécu à ESCAVIE, aboutir à un
réaménagement du temps de travail de l'un ou l'autre des parents. Ce réaménagement a nécessité de
notre part un travail d'explication auprès du service des ressources humaines de l'entreprise qui
employait un papa.
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Nous sommes ainsi naturellement amenés à évoquer avec les personnes les lieux ressources les plus
susceptibles de les conseiller dans les différents domaines du droit de la famille car plus spécialisés
que nous dans ce registre (PMI, CAF, circonscriptions d'action sanitaire et sociale).
Autre point important qui peut être abordé spontanément durant l'entretien : la situation sociale et
financière des parents. Sont-ils en situation de précarité ? (Comme nous le savons tous, la
précarisation des personnes handicapées comme celle des valides est d'ailleurs bien une question à
l'ordre du jour). Si c'est le cas, comme pour toute famille, il sera possible comme cela l'a déjà été
fait dans le cadre de la parentalité à ESCAVIE, d'orienter les parents vers des associations
caritatives pour les couches, le lait maternisé, voire du matériel de puériculture grand public à faible
coût.
Nous pouvons bien là, toucher du doigt, voir et sentir l'interdépendance de tous les éléments qui
construisent la vie quotidienne des personnes que nous rencontrons et pour qui le conseil en aides
techniques, souvent nécessaire, peut dans certains registres s'avérer primordial. Je pense en
particulier à celui de l'aide humaine. Pouvoir suppléer à une difficulté dans la prise en charge de son
enfant grâce à une aide technique réduit les sollicitations en temps et en répétition des aidants
familiaux et professionnels. Cela permet à la personne, dans une autonomie majorée, d'exercer le
plus pleinement possible son rôle de mère et/ou de père.
Reste une question récurrente des parents ou futurs parents, celle du financement des matériels
préconisés sachant que ceux-ci relèvent souvent du matériel de puériculture grand public. La
question du financement de l'aide humaine nécessaire aux parents handicapés vivant une situation
nouvelle au quotidien et des gestes nouveaux à effectuer se pose également. La Caisse Nationale de
Solidarité pour l'Autonomie ainsi que les Maisons Départementales des Personnes Handicapées
mènent à ce jour, comme nous l'avons vu lors de la précédente intervention, une réflexion autour de
cette problématique.
Lors de l'entretien, nous orientons les parents vers ces instances mais nous listons aussi les autres
ressources possibles : fond d'action sociale des mutuelles, des comités d'entreprise, des mairies, des
associations spécialisées et caritatives. Par ailleurs, nous orientons les parents vers d'autres
professionnels du domaine médico-social, d'autres lieux plus spécialisés dans la prise en compte de
certains aspects de la parentalité. En tant que CICAT, il nous est par ailleurs arrivé d'avoir des
demandes de parents domiciliés en Province que nous orientons, si nécessaire, vers des services
similaires au notre.
Enfin, à la suite de cet entretien, nous restons à la disposition des personnes pour une nouvelle
rencontre ou des compléments d'information et si cela est important et que les parents en formulent
le désir, nous interviendrons auprès des partenaires précités et des revendeurs dans une logique de
traducteur afin qu'au-delà de la rencontre dans l'espace parentalité d'ESCAVIE, les conseils puissent
être mis en place de manière effective.
Marie LADRET
4. Des propositions et des conseils techniques
Nous entendons par conseil technique, l’aide au choix d’aides techniques, qui est au cœur de notre
travail de CICAT. Nous pourrions définir une aide technique comme : « Tout produit, instrument,
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
équipement ou système technique utilisé par une personne handicapée, fabriqué spécialement ou
existant sur le marché, destiné à prévenir, compenser, soulager ou neutraliser la déficience,
l'incapacité ou le handicap ». Cette définition englobe donc à la fois :
•
le matériel pouvant être conseillé pour la future maman pendant sa grossesse ;
•
le matériel de puériculture, spécifique ou non ;
•
tout autre matériel qui pourrait être nécessaire dès l’instant où il correspond aux besoins du
parent, et à son projet de vie familial.
5. Le matériel pouvant être conseillé pour la future maman pendant sa grossesse
Il s’agit soit de réajuster les aides techniques déjà en place, soit d’en proposer de nouvelles le temps
de la grossesse, pour compenser les désagréments majorés du fait du handicap. La prise de poids
peut augmenter les difficultés de déplacements pour les mamans marchantes entraînant des pertes
d’équilibre liées au changement du point de gravité. Dans ce cas des aides aux déplacements telles
que des cannes ou déambulateurs pourront être proposées. Pour les mamans en fauteuil roulant, la
prise de poids augmente le risque d’escarres et nécessite un réajustement de la prévention et rend
plus difficile les transferts du lit au fauteuil ou du fauteuil à la baignoire. L’accentuation des
troubles urinaires implique des transferts de plus en plus fréquents alors qu’ils sont de plus en plus
compliqués. Il est par conséquent nécessaire de mettre en place des aides techniques adaptées. Le
risque infectieux est également accru, les auto-sondages étant de plus en plus difficiles. Les autres
complications connues pour toute grossesse (œdèmes, douleur…) peuvent être majorées chez les
femmes porteuses d’un handicap.
6. Le matériel de puériculture
Tout matériel de puériculture peut être considéré comme aide technique, y compris le matériel
grand public à partir de l’instant où il prévient, compense, soulage ou neutralise la déficience,
l'incapacité ou le handicap. Voici quelques exemples d’aides techniques utilisés par des parents en
situation de handicap moteur :
•
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•
un lit de bébé avec des charnières latérales ou horizontales et réglable en hauteur ;
un lit jumelé se fixant au lit des parents ;
un polochon d’allaitement ;
une baignoire sur tréteau avec filet porte-bébé et transat de bain;
une table à langer accessible ;
une chaise haute pouvant être utilisée dès la naissance comme transat en hauteur ;
un porte-bébé adapté ;
une poussette qui se fixe sur un châssis de fauteuil roulant ;
un siège auto pivotant facilitant l’installation du bébé.
Ce matériel peut se trouver en magasins de puériculture, sur Internet ou chez des fournisseurs
spécialisés. ESCAVIE met à la disposition des parents des fiches génériques et des fiches produits
par type de matériel.
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
7. La demande et les besoins des parents en situation de handicap moteur
Le matériel de puériculture que je viens de vous présenter, vous l’avez compris, est soit grand
public, soit adapté ou encore sur-mesure. Très souvent les parents handicapés moteur auraient
besoin de matériel adapté ou sur-mesure, ou de matériels grand public haut de gamme plus onéreux.
Dans bien des cas, peu de parents en font la demande même s’ils en ont besoin, ce pour diverses
raisons :
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•
•
•
•
•
le peu de choix de matériel adapté, en tout cas sur le marché français ;
la difficulté de trouver des artisans acceptant de fabriquer du matériel sur-mesure, ce pour
diverses raisons économiques (économie de marché) et sécuritaires (normes CE, NF-Petite
enfance…) ;
le coût de ces aides techniques adaptés et sur-mesure ;
la question sur la compensation financière lorsqu’il y a un surcoût ;
l’aspect transitoire à moyen terme (3-4 ans ou plus) du besoin ;
la lourdeur et les délais des démarches à effectuer, souvent bien connu de ces futurs parents.
Les professionnels que nous sommes sont là pour écouter, recueillir les demandes, explicites ou
implicites, de ces futurs parents, mais aussi pour évaluer leurs besoins spécifiques, ce, afin de leur
proposer la solution la plus adéquate, et la plus sécurisante pour eux et leur enfant.
Notre évaluation et les questions évoquées vont souvent bien au-delà du matériel dont je viens de
parler et peuvent concerner toute autre aide technique. C’est parfois tout un système qui sera remis
en question avec la modification de certaines habitudes de vie nécessitant ou non l’acquisition
d’aides techniques.
Mon collègue parlait tout à l’heure du choix du mode de garde de l’enfant (crèche, nourrice agréée,
etc.) avec les questions que cela peut soulever. Dans le même ordre d’idée, dans le cas où l’enfant
est en crèche, à l’école, ou bien tout simplement doit être emmené chez le pédiatre, plusieurs cas de
figure peuvent être envisagés et nécessiter l’acquisition de nouvelles aides techniques, lié
directement au projet de vie de la famille. Dans certains cas, l’acquisition ou le renouvellement du
véhicule personnel sera nécessaire. Celui-ci devra être compatible avec les aménagements
indispensables au parent (poste de conduite, chargement du fauteuil roulant) et avec le matériel
adapté pour installer le bébé dans son siège auto. Un siège auto pivotant n’est pas toujours
compatible avec tous les modèles de véhicule). Dans d’autres cas, le parent remettra en question son
mode de déplacement et utilisera une alternative à la voiture (pour les trajets courts), tel que les
motorisations, type traction, adaptables sur le châssis d’un fauteuil roulant manuel, ou encore un
scooter pour amener son enfant à la crèche, à l’école, ou chez le pédiatre par exemple, ce qui lui
évitera des transferts parfois longs et coûteux en énergie. Dans d’autre cas, enfin, ce sera le parent
valide ou un tiers qui effectuera cette tâche ou bien une autre solution sera étudiée.
Toutes les questions matérielles ne peuvent pas être résolues pendant la grossesse. Car même s’il
est souvent nécessaire de prévoir, nul ne peut connaître l’avenir, et il est difficile de tout envisager
avant d’avoir vécu sa nouvelle situation. En effet, l’enfant s’ajustera, tout comme le parent, des
dispositifs, matériels ou autres, pourront se mettre en place alors qu’ils n’étaient pas prévus
initialement. Un déménagement dans un logement plus adapté, un matériel grand public qui
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Accompagner la parentalité
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finalement convient, l’aide d’un tiers, un nouveau travail avec des horaires plus souples rendant
obsolètes les prévisions matérielles qui avaient été faites.
Pour conclure cette partie, je dirai que la question matérielle, bien qu’importante, n’est pas toujours
le premier thème qui émerge lors des entretiens. Comme l’a exprimé mon collègue, beaucoup de
questions sociales, familiales, professionnelles et bien sûr économiques sont souvent abordées plus
spontanément. Mais ces questions sont essentielles pour mettre en place d’éventuelles aides
techniques. Une aide, si technique soit-elle, doit être acceptée, installée dans de bonnes conditions
pour être utilisée de façon optimale, et bien sûr, elle devra toujours être payée et peut-être, dans
l’avenir, financée en partie, ou pas.
D’où l’intérêt d’avoir mis en place ce travail en binôme « assistant social et ergothérapeute » qui
permet une vision plus globale de la personne et de sa situation, et de donner une réalité à un
conseil purement technique. Notre travail à ESCAVIE n’est qu’un maillon de la chaîne, nous ne
prétendons pas accompagner seuls les futurs parents, mais c’est avec tous ces professionnels
compétents et avec qui nous avons tissés des liens, que nous participons à l’accompagnement de ces
personnes dans leur projet de vie.
Franck BERTON
Après ce descriptif bref mais représentatif du travail effectué à ESCAVIE dans le cadre de la
parentalité, il nous a semblé nécessaire, malgré une expérience encore ténue dans la prise en compte
des mères et couples inscrits dans le projet de donner la vie, d’étayer cet embryon d’expérience par
quelques constats qui permettront peut-être d’ouvrir des pistes de réflexion, car tout ou presque
dans le thème abordé aujourd’hui reste à inventer.
8. Interdisciplinarité toujours, interdisciplinarité encore
Oui, encore nous dira-t-on, comme s’il s’agissait de l’arlésienne, ce mélodrame en trois actes
d’Alphonse Daudet et qui a donné son nom à une expression devenue célèbre pour dire de
quelqu’un ou de quelque chose, que l’on en parle beaucoup, mais qu’on ne la voit jamais venir.
Et pourtant l’interdisciplinarité dans le cadre de la parentalité est une approche fondamentale car ce
mode de travail suppose un dialogue, l’échange de connaissances, d’analyse et de méthode entre
plusieurs disciplines et donc un enrichissement mutuel.
Cette posture professionnelle est donc essentielle à plusieurs niveaux :
•
au niveau de notre CICAT ;
•
au niveau des échanges avec les membres de notre réseau informel qui, pour la plupart, font
partie du groupe de travail "graine de parentalité" évoqué par M. Poirier lors de l'ouverture de
cette journée.
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Un travail en binôme
En ce qui concerne ESCAVIE, l'intervention conjointe d'une ergothérapeute et d'un assistant social
permet un large travail d'évaluation et donc de pertinence des orientations et des préconisations. Le
hasard ayant fait que ce binôme soit constitué d'une femme et d'un homme permet, c'est un constat,
de plus en plus aux pères valides de s'inscrire plus aisément dans le cadre de l'entretien avec des
questions qui leur sont spécifiques. Ce travail en binôme a l'avantage d'offrir à la personne le choix
de son interlocuteur privilégié mais aussi de permettre rapidement une circularité de la parole dans
le cadre de l'entretien favorisant ainsi une boucle d'amélioration dans la collecte des données. Cette
forme de travail est, paradoxalement, à la fois chronophage et extrêmement efficace. Chronophage
car elle mobilise deux techniciens le temps d'une rencontre ; efficace car notre expérience tend à
montrer que la plupart du temps un entretien suffit pour que les personnes ou les couples aient
suffisamment d'éléments à leur disposition. C'est la vocation d'un CICAT que de faire un temps
carrefour pour conseiller et orienter.
Pour 2009, dans une logique d'amélioration et au vu du nombre de thèmes abordés en entretien, des
comptes rendus seront systématiquement adressés aux personnes afin qu'il reste de cette rencontre
dans le temps un élément écrit qui leur appartienne et qu'elles pourront d'ailleurs utiliser ou pas lors
de rencontres avec d'autres professionnels concourant à la réalisation harmonieuse de leur projet de
vie.
9. Un travail partenarial
Si la notion d'interdisciplinarité est nécessaire dans le cadre d'un entretien parentalité à ESCAVIE,
elle l’est tout autant avec les partenaires extérieurs bien souvent plus expérimentés que nous et qui
interviennent aussi bien dans l'avant, le pendant et l'après. Il nous arrive par exemple
ponctuellement, si la maman a besoin d'un suivi spécifique lié à son handicap, de la guider vers une
structure qui prendra en compte à la fois sa grossesse et sa situation de handicap (ex : Institut
Mutualiste Montsouris, Institut de Puériculture de Paris ou encore l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière).
Cette approche n'implique pas que les professionnels doivent "cerner" la personne qui est de fait
maîtresse de son projet de vie. Ils se doivent d'être simplement des relais coordonnés, postulat
nécessaire à une véritable prise en compte et "non en charge" des parcours individuels, afin que
ceux-ci ne deviennent pas des parcours du combattant.
Cela permet de surcroît de dégager une vision holistique de la personne qui, autant que faire se peut,
nous permettra d'éviter les écueils d'une pluridisciplinarité linéaire, c'est-à-dire où chaque acteur de
l'avant, du pendant et de l'après grossesse interviendrait avec ses propres filtres personnels,
professionnels et institutionnels, sans nécessairement communiquer avec les autres. La personne
risquerait alors d'être renvoyée à un morcellement au sein duquel il lui serait difficile de vivre
confortablement et pleinement les différentes étapes de ce moment de vie mais aussi de se projeter
dans l'avenir de manière cohérente et continue.
10. Conclusion
Tout bien réfléchi, au terme de cette intervention et dans un contexte de constante mutation au sein
de nos institutions, on pourra peut être nous reprocher d’avoir tenu un discours de l'idéal qui
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
pourrait être aussi un discours de l'illusion. A cela, nous répondrons que l'idéal d'aujourd'hui peut
devenir la réalité de demain et ceci dans le respect des principes d'égalité citoyenne et de
participation édictée par la loi du 11 février 2005.
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Questions de la salle
Samuel VALENTI
Avant de poser une question au Docteur Gilbert, je souhaite remercier et féliciter Franck Berton et
Marie Ladret pour leur intervention, leur travail quotidien autour des questions liées à la parentalité
et plus généralement leur engagement en matière de prise en compte des besoins et des apports de
solutions aux personnes handicapées. Je souhaitais également remercier le Docteur Gilbert et
l’assurer que nous ne lui tendions pas un piège en lui demandant d’envisager la question de la
parentalité sous l’angle législatif. Ces journées s’inscrivent en effet dans une perspective d’échange
de pratiques et dans une logique constructive. Vous avez indiqué qu’un décret était en gestation.
Quel sera son contenu et quel est le calendrier envisagé ? Par ailleurs, pouvons-nous espérer une
intégration dans la PCH des possibilités de prise en charge financière ?
Pascale GILBERT
En ce qui concerne la PCH, un projet de décret a été soumis au CNCPH il y a quelques mois. A
notre connaissance, il est en stand by. Divers problèmes se posent en effet. En effet, l’ouverture
d’un quota d’heures d’aide humaine dans le cadre de l’aide à la parentalité pose la question du
contenu. Nous ne savons pas comment se fera l’évaluation des besoins de compensation dans ce
cadre. Nous engrangeons un certain nombre d’expériences afin d’apporter un appui aux équipes
chargées de la mise en œuvre, à savoir les unions départementales des handicapés.
Les besoins d’aide humaine vont être conditionnés aux différentes solutions environnementales et
techniques existantes ainsi qu’à l’organisation familiale. Ces problématiques doivent être prises en
compte dans le plan personnalisé de compensation. Une articulation doit en outre être trouvée avec
les SAMSAH qui pour l’instant n’ont pas encore réellement investi la question de la parentalité.
ESCAVIE a un rôle d’appui important à jouer auprès d’autres instances intervenant auprès de
personnes handicapées sans être spécialisées dans le domaine de la parentalité. Les réponses sont
multiples. La prestation financière de solvabilisation d’un certain type d’aides n’est pas l’unique
solution. D’autres scénarii peuvent être envisagés.
Samia ENJELVIN
Je souhaite rebondir à votre remarque concernant le droit commun. Celui-ci ne reconnaît pas le
statut de mère handicapée. Nous pouvons le mesurer au travers des prestations. Dans mon cas,
l’allocation adulte handicapée réduit la part des allocations familiales que je perçois. Par exemple,
je ne bénéficie pas des bons de vacances et le montant de mon allocation APL est très peu élevé. Je
pense que si je n’avais pas été handicapée, j’aurais perçu une allocation plus élevée. Notre statut de
parent handicapé n’est pas reconnu.
Pascale GILBERT
Il me paraît difficile de vous répondre les prestations sociales étant liés aux conditions de ressource.
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Samia ENJELVIN
L’une de mes amies valides a également 4 enfants et des ressources quasi-similaires à celle de notre
famille. Elle perçoit des allocations d’un montant plus élevé que moi.
Pascale GILBERT
Les éléments de comparaison que vous me fournissez sont insuffisants pour que je puisse me
prononcer. L’AAH est comptabilisée comme une ressource. Ajoutée au salaire de votre mari, elle
contribue à accroître les ressources de votre famille, ce qui expliquerait que vos allocations
familiales sont d’un montant moins élevé que celles perçues par votre amie qui sans doute ne
travaille pas.
Béatrice IDIARD-CHAMOIS
Vous ne pouvez pas trouver normal que le fait de percevoir l’AAH puisse justifier une baisse des
allocations familiales. C’est une discrimination. Par ailleurs, l’aide humaine est construite sur la
base de facteurs de gériatrie. A quoi servent les ergothérapeutes dans les centres de rééducation ?
Les handicapés ne peuvent bénéficier d’aides domestiques pour le ménage ou les courses. Un
plafond de 250 euros est également fixé en matière de transport. Les camions ne sont en outre pas
équipés pour transporter le bébé et son parent handicapé. Trouvez-vous normal et non
discriminatoire que les personnes handicapées soient obligées de rendre des comptes sur les
allocations perçues au titre de leur handicap ? Les allocations rentrée scolaire ou les allocations
familiales ne sont elles pas soumises à condition. Enfin, s’agissant des personnes malvoyantes ou
aveugles, la PCH n’apporte rien de plus par rapport à l’ACTP (allocation compensatrice tierce
personne) et AFP (allocation frais professionnels) Le forfait sourd est en revanche un progrès de la
nouvelle loi. Toutefois, les frais d’interprétariat sont très lourds. Comment parler de la parentalité
lorsque la souffrance et les manques sont si importants dans la vie quotidienne ? Pourquoi les
MDPH ne prennent pas en charge la question des logements ? J’aimerais que ces instances
s’investissent davantage. Encore une fois c’est une affaire de politique.
De la salle
Lorsque les futurs parents sont reçus pour évoquer leur projet parental, nous prenons la mesure de
leur ignorance en ce qui concerne les aides dont ils peuvent bénéficier. Force est de constater qu’il
demeure de véritables incohérences dans la politique à l’égard des handicapés. Les adultes
handicapés qui s’engagent dans le chemin de la parentalité ont un parcours exemplaire. Béatrice a
soulevé de nombreux problèmes qui mériteraient d’être formalisés par écrit.
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
De la salle
En tant que personne handicapée et responsable de la mission handicap de la ville de Malakoff, je
pourrai prolonger le témoignage de Béatrice d’une vingtaine de minutes. Je déplore réellement que
l’aide humaine n’inclue pas le ménage et les courses. En effet, pour un salarié en fauteuil roulant
pouvoir faire nettoyer ses vitres ou porter ses packs d’eau est loin de la notion de confort. Par
ailleurs, j’aimerais savoir si ESCAVIE est susceptible d’intervenir au domicile de la personne
handicapée. Le cas échéant, les équipes ESCAVIE pourraient-elles intervenir avec les équipes
d’évaluation de la MDPH ? En effet, j’ai le sentiment que vous pourriez fournir de nombreuses
informations dans le cadre de l’élaboration du projet de vie. Enfin, est-il envisageable de mobiliser
les aides exceptionnelles grand public permettant d’acheter du matériel de puériculture dans le
cadre de la PCH. ?
Franck BERTON
Pour l’instant nous recevons les parents dans les locaux d’ESCAVIE dans le cadre d’une
information-conseil et n’avons pas reçu de mandat particulier des MDPH. Concernant la prise en
charge du matériel de puériculture, j’ai rappelé précédemment qu’il n’existait pas de couverture
financière particulière. Nous conseillons par conséquent aux parents handicapés de solliciter un
financement traditionnel via le CCAS ou le CE de leur entreprise. Nous nous situons au croisement
de plusieurs législations et devons en mesurer toutes les ramifications et les contradictions qu’elles
présupposent. A mon sens, la loi du 11 février 2005 a le mérite d’exister. Comme tout remaniement
législatif d’envergure, il doit parvenir à maturation, sachant que le travail de réflexion est amorcé.
Les MDPH ont rencontré d’énormes difficultés dans sa mise en place. Nous devons à présent veiller
à ce que la réponse apportée à la parentalité soit de qualité. Enfin, en ce qui concerne le logement, il
convient de noter qu’en Ile-de-France le taux de rotation en matière d’habitat social est
pratiquement nul. Si ce sujet dépasse le cadre de la parentalité, il est révélateur des difficultés que
nous rencontrons aujourd’hui.
Marie LADRET
ESCAVIE fait partie d’équipes techniques labélisées auprès des MDPH dans plusieurs
départements. Un logement mal adapté constitue un sur-handicap pour un parent handicapé.
Toutefois, les délais d’intervention sont rarement compatibles avec ceux d’une grossesse. En effet,
les parents viennent généralement nous rencontrer au cours du dernier trimestre de grossesse. En 6
mois, il est difficile de trouver un logement adapté ou de réaménager une salle de bains ou un accès
extérieur.
Pascal GILBERT
En ce qui concerne la question de l’éligibilité à la prestation de compensation, il me semble
important de distinguer les variables permettant de déterminer le périmètre éligible et fondées sur
19 activités issues de la CIF et non de la grille AGIRC de l’aide humaine effectivement réservée
aux actes essentiels. Un débat est en cours quant à l’ouverture de la prestation de compensation aux
activités domestiques. Pour l’instant, le dossier n’a pas encore abouti.
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Par ailleurs, une réflexion a été lancée sur la question du transport. Nous rencontrons en effet des
problèmes de prises en charge croisées. Enfin, en ce qui concerne le logement, il convient de noter
que la loi ne date que de 3 ans. Les MDPH investissent progressivement un certain nombre de
domaines y compris d’accès au droit mais ne disposent pas de leviers dans ce domaine.
De la salle
Il arrive encore trop souvent que les MDPH nous raccrochent pratiquement au nez sous prétexte
qu’ils ne gèrent pas le sujet évoqué. Je peux citer deux exemples en Ile-de-France.
Pascale GILBERT
Quant à moi, je citerai l’exemple d’une MDPH en province qui a mené un travail important avec
l’ensemble des bailleurs sociaux du département afin qu’il soit tenu compte de l’inscription au plan
personnalisé de compensation dans l’établissement des listes de priorité.
De la salle
Qu’en est-il des circulaires cadres qui suspendent les droits en termes d’aide à la parentalité quand
les parents ont une pension d’invalidité, une AAH ou une AES pour les enfants ou perçoivent des
indemnités journalières ? Par ailleurs, un adulte déclaré invalide ne peut pas exercer son libre choix
en termes de congé parental. Un handicapé en AAH peut bénéficier du libre choix du mode de
garde ce qui n’est pas le cas lorsqu’il perçoit une pension d’invalidité. N’y voyez-vous pas matière à
discrimination ?
Pascale GILBERT
Les règles d’octroi des prestations de la CAF sont décidées au niveau de cet organisme. En effet, les
actions sociales des caisses sont considéré comme extralégales et ne relèvent pas à des droits à
prestations automatiques. Si vous estimez que certaines pratiques sont discriminatoires, il vous
revient d’interpeller ces instances. Je doute cependant que les critères d’utilisation déterminés par
les conseils d’administrations des CAF revêtent un caractère discriminatoire.
De la Salle
L’interlocutrice précédente dénonçait le désengagement de la CNAF en ce qui concerne les
techniciennes d’intervention sociale et les transports au motif que la PCH couvre ces besoins en
matière de parentalité. Or les activités domestiques ne font pas partie du périmètre de la PCH. Le
décret sur la parentalité n’est en outre pas encore paru. Nous dénonçons les tarifs et plafonds des
différents éléments de la PCH qui ne correspondent pas aux coûts réels déboursés par les familles.
Peut-être pourrions-nous réfléchir à l’élargissement des aides à la parentalité au titre des aides
techniques et des charges spécifiques dans un groupe de travail placé sous l’égide de la CNSA ?
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Pascale GILBERT
Il me semble important de préciser que la définition des aides techniques telle qu’elle figure dans le
décret diffère de celle que j’ai mentionnée précédemment. La différence de prix entre un objet de
base et un objet d’utilisation courante présentant une fonctionnalité particulièrement adaptée à une
personne et lui permettant de faire face à une limitation d’activité peut être pris en charge au titre de
l’aide technique. Les MDPH éprouvent cependant des difficultés à affecter ce surcoût. Il est par
conséquent important que les évaluations précisent pourquoi un objet est préconisé et le surcoût
qu’il représente. L’ergothérapeute du CNSA travaille actuellement sur le logement d’une part et les
outils d’aide à la préconisation pour les MDPH. Dans ce cadre, nous pourrions faire le lien avec les
travaux menés par ESCAVIE.
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Du carrefour des problématiques aux expériences
novatrices
Modérateur : Professeur Hervé FERNANDEZ
Professeur des universités & praticien hospitalier
Service de gynécologie obstétrique du professeur René Frydman – CHU Antoine Béclère
Samuel VALENTI
Vous avez sans doute remarqué que cette manifestation était placée sous le haut patronage de
Patrick Gohet, délégué interministériel aux personnes handicapées. Il nous a fait parvenir un texte
de soutien que je vais vous lire :
« Le 11 février 2005 était promulguée la fameuse loi pour l’égalité des droits et des chances, la
participation à la citoyenneté des personnes handicapées. C’est à une véritable révolution culturelle
et institutionnelle que ce texte fondateur nous invite et nous convie. En premier lieu, la loi affirme
qu’il y a deux causes à la production du handicap : les incapacités qu’une personne peut connaître
du fait des déficiences dont elle est porteuse d’une part et l’inadaptation de son environnement sous
toutes ses formes d’autre part. Logique et ambitieuse, la loi nouvelle entend répondre à ces deux
facteurs engendrant le handicap. Elle le fait au moyen de la compensation en ce qui concerne les
incapacités et par l’accessibilité pour répondre à l’inadaptation de l’environnement.
Le législateur de 2005 a tenu compte des leçons de la précédente législation, celle du 30 juin 1975,
d’orientation en faveur des personnes handicapées. En effet, il a observé que, à défaut d’échéance et
de contraintes, nombre des objectifs arrêtés à l’époque n’avaient pu être atteints. Ainsi, il a voulu
que la prestation de compensation soit élargie aux enfants handicapés dès 2008, que la barrière
d’âge de 60 ans disparaisse en 2010, que tout ce qui accueille et transporte du public soit rendu
accessible au plus tard au début de l’année 2015. La loi nouvelle va encore plus loin. Elle met en
place un réseau d’accueil, d’écoute et de construction des réponses adaptées aux besoins de chacun
en créant les Maisons Départementales des Personnes Handicapées et en renforçant la Caisse
Nationale de Solidarité pour l’Autonomie. De surcroît, elle associe les citoyens concernés à la
gouvernance de ces MDPH et de cette CNSA.
Incontestablement, cette loi nouvelle est une loi de société et de progrès. A l’évidence, elle n’a pas
encore produit tous ces effets, tant s’en faut. Je suis convaincu que vos réflexions d’aujourd’hui
contribueront à notre marche en avant. Tout d’abord, en tenant compte de la reconnaissance par la
loi nouvelle de la diversité des handicaps. Aujourd’hui, vous allez traiter essentiellement des
déficiences motrices, auditives et visuelles. Par ailleurs, pour les personnes concernées, vous allez
traiter d’un droit et d’une aspiration essentielle, être parent. S’il s’agit d’un désir – sans doute le
plus grand – il est aussi question de l’exercice d’une responsabilité. Le droit et la possibilité d’être
responsable, voici l’une des plus grandes et des plus belles aspirations de l’être humain. Ceci étant,
l’exercice d’une telle responsabilité et l’accomplissement d’un tel désir sont pour certains d’entre
nous difficiles. Il en est ainsi pour les personnes handicapées. Il appartient à la solidarité collective
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
de leur apporter les moyens d’y parvenir. Pour sûr, lorsqu’il s’agit de parentalité,
l’accompagnement est bien la réponse appropriée. Je ne doute pas que vos travaux aboutiront à des
propositions précises, concrètes et adaptées dont je prendrai connaissance avec le plus grande
intérêt. Je vous souhaite des réflexions fructueuses et vous assure de mon écoute attentive ».
Nous répondrons évidemment à son appel à lui faisant parvenir un dossier complet sur la
manifestation d’aujourd’hui afin d’envisager s’il en est toujours disposé toutes les perspectives de
travail qui s’offriront à nous dans les jours prochains.
Professeur Hervé FERNANDEZ
Je suis ravi d’être parmi vous. En mai 2009, j’aurai la chance d’inaugurer une structure de
gynécologie-obstétrique dans les nouveaux locaux de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre. J’espère que les
travaux de rénovation qui ont été menés permettront à ceux et celles d’entre vous qui auront besoin
de nos services d’être accueillis dans les meilleures conditions.
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Parents et professionnels : de la communication au partage
Françoise GALIFFET, Assistante sociale, Hôpital de la Pitié Salpêtrière
Je vais évoquer la problématique des patients sourds en commençant par retracer la manière dont
nous avons conçu ce projet d’accompagnement. Il me paraît en effet essentiel que vous compreniez
la dynamique dans laquelle s’est inscrite notre projet.
Pour les personnes sourdes, l’accès au soin se résume à des pratiques quotidiennes limitées :
quelques mots griffonnés sur un papier ou lus sur les lèvres ou encore un membre de la famille
comme intermédiaire. Des notions élémentaires telles que la confidentialité, le consentement éclairé
et le fait que le patient soit acteur de ses soins ne peuvent être mises en œuvre. Les sourds sont par
conséquent une population mal soignée. Les causes sont nombreuses : déni, malaise des
professionnels et des patients ou ignorance. Une partie de la population se trouve même en situation
d’exclusion. Les vecteurs d’information et de prévention en matière de santé sont rarement adaptés
à ce type de public.
On dénombre 4 millions de personnes présentant une déficience auditive en France, pour autant il
s’agit d’une population particulièrement hétérogène qui présente des besoins et des modes de vie
très variés. Les enjeux de communication se révèlent plus ou moins cruciaux selon les
circonstances. Par conséquent concernant la thématique d’accès aux soins, il paraît plus pertinent de
faire référence au statut socioculturel du patient et de chercher à établir une communication
optimale. Les pratiques langagières vont des plus communes : français oral, français écrit au plus
singulières, langue des signes. 120 000 sourds la pratiquent. C’est cette minorité qui se trouve la
plus exclue en matière d’accès aux soins. Les psychiatres sont les premiers professionnels, au cours
des années 80, à s’être interrogés sur l’introduction de la langue des signes dans les consultations.
Ces initiatives sont restées expérimentales. Dans les années 90, avec l’épidémie de SIDA, le public
sourd a pris conscience de son isolement en termes de prise en charge médicale. Une première
expérience a été menée en 1995 avec l’ouverture d’une consultation médicale et sociale en langue
des signes. Les résultats étant encourageants, la Direction des Hôpitaux a pris la décision de créer,
au cours de l’été 1996, la première unité de soins en langue des signes. Il s’agissait de rétablir
l’égalité d’accès aux soins en garantissant une relation indépendante avec les soignants, la
compréhension réciproque étant la condition de soins de qualité.
Dans ces unités les professionnels sont bilingues afin que le patient ait le choix de la langue des
soins. Les équipes sont mixtes, les personnels sourds contribuant à introduire un travail de
médiation dans la santé. Des interprètes diplômés complètent les équipes.
L’UNISS (Unité d’Information et de Soins des Sourds, La Salpêtrière) a accueilli un grand nombre
de femmes qui ont manifesté le besoin de bénéficier d’un suivi gynécologique et obstétrique. Des
femmes plus âgées ont souligné à quel point leur accouchement avait été vécu douloureusement sur
le plan psychologique faute de préparation adéquate. Nous avons par conséquent cherché à
mobiliser d’autres acteurs afin de pouvoir orienter les femmes vers une maternité spécifique. Il
importait en effet que des habitudes de travail se mettent en place. Nous souhaitions centrer les
demandes afin de sensibiliser au mieux le personnel et mettre des moyens à disposition des patients
sourds. Après quelques années d’expérience, il apparaît que la file active de la maternité est en
croissance régulière. D’autres partenariats ont également été mis en place avec une PMI, le monde
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Accompagner la parentalité
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associatif et d’autres structures accueillant des personnes sourdes (écoles, etc.). Je laisse la parole à
Sophie Serreau afin qu’elle vous présente l’action de la maternité de la Pitié.
Le film Le Monde du Silence est projeté
Sophie SERREAU, Sage-femme, Hôpital de la Pitié Salpêtrière
Il y a quelques années, à la maternité de la Pitié, sous l’impulsion de l’UNISS (Unité d’informations
et de soins des sourds) il a été mis en place avec Jany Duflot et Stéphanie Rameau un accueil pour
les futures mamans sourdes. Désormais, une dizaine de salariés de la maternité apprennent et
pratiquent la langue des signes. Pour prendre rendez-vous, notre secrétariat met à la disposition des
patientes sourdes un numéro de fax, de SMS et une adresse mail et pour les patientes qui n’écrivent
pas, un contact direct en LSF (langue des signes française) avec Cécile Pierrot (secrétaire médicale)
est possible. Pour les questions d’ordre médical, les patientes ont toujours la possibilité de contacter
directement la sage-femme à un autre numéro de SMS ou à une adresse mail spécifique. Autrement,
elles n’hésitent pas à passer directement à la maternité les jours où la sage-femme maîtrisant la
langue des signes est présente.
Notre objectif est de favoriser au maximum l’autonomie des futurs parents sourds afin d’éviter
qu’ils aient recours à une tierce personne entendante. Les patientes que nous recevons sont sourdes
à des degrés divers et ont des modes de communication divers. Nous utilisons la langue des signes,
le français écrit, la lecture labiale ou le propre code des patientes, souvent étrangères, que nous
parvenons à décrypter avec l’habitude et surtout avec l’aide des médiateurs professionnels sourds
qui travaillent à nos côtés.
Les consultations en obstétrique durent au moins au moins 45 mn et il est indispensable de s’assurer
que les patientes ont bien compris toutes les recommandations. Il faut prendre le temps de leur faire
sentir les vibrations émises par l’appareil qui écoute les battements du cœur du bébé et expliquer
chaque geste avant de les pratiquer. Nous évitons d’utiliser des mots compliqués et nous efforçons
de fournir les explications les plus claires possible. Comme les autres futures mères, les femmes
sourdes se posent de multiples questions au cours de leur grossesse. Il est important de les rassurer
et de les aider à prendre confiance en elle. Les cours de préparation à l’accouchement sont des
moments privilégiés où il y a beaucoup d’échanges, de questions et où sont rectifiés certains
préjugés.
Nous avons remarqué que les futures mamans sourdes éprouvaient une certaine méfiance à l’égard
des services médico-sociaux. Certaines femmes ont peur qu’on ne les croit pas capables d’assumer
leur rôle de mère à cause de leur difficulté à communiquer. En réalité, elles ont seulement besoin
d’être accompagnées, conseillées dans leur langue et non assistées, sauf exception. Nous organisons
ponctuellement des groupes de parole afin que les parents sourds puissent échanger.
Les mamans sourdes sont très attentives aux mouvements de leur bébé dans leur ventre qu’elles
décrivent avec énormément de précision. Quelquefois, le manque d’explication peut laisser place à
un imaginaire très riche qui peut devenir source d’angoisse. Il nous appartient de les rassurer. Au
moment de l’accouchement, les femmes sourdes se recentrent sur leur sens de la vue ou du toucher
et se rassurent en posant la main sur le monitoring afin de sentir les mouvements du bébé. Nous
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
sommes très attentifs à effectuer les premiers soins du bébé dans la même pièce afin que la maman
puisse observer ce que nous faisons. Dans les premiers mois, la communication avec le bébé passe
par de nombreux vecteurs : le toucher, les caresses, la tendresse, l’odorat, les échanges de regard, le
sourire, la façon de tenir ou de porter son enfant. Dans le cadre des cours de préparation à
l’accouchement, Antoine Sterckeman vient faire un cours très apprécié sur le portage.
Les mamans sourdes n’entendent pas nécessairement les pleurs de leur bébé. Elles interprètent ses
demandes en observant l’expression de son visage ou ses mouvements. Elles utilisent un code qui
passe par le corps. La nuit, elles sont équipées d’un vibreur ou d’un flash lumineux. Souvent, elles
posent la main dans le berceau pour sentir le bébé bouger au moment où il se réveille.
La plupart des parents sourds ont des enfants entendants. Les parents signeurs n’hésitent pas à
utiliser la langue des signes dès les premiers jours du bébé. C’est en effet leur langue naturelle. Une
bibliographie figure dans le dossier qui vous a été remis sur les documents et DVD que nous avons
édités en direction des futurs parents sourds. Nous vous avons également remis les adresses des
partenaires avec lesquels nous travaillons au sein du réseau périnatalité pour les parents sourds.
Antoine STERCKEMAN, Hôpital de la Pitié Salpêtrière
Je suis médiateur au sein de l’UNISS. En d’autres termes, je crée un pont de communication entre
le monde des sourds et le monde médical. Je ne travaille pas directement pour la maternité mais y
intervient dans le cadre d’ateliers thématiques. Par exemple, j’organise des ateliers sur le portage où
je travaille sur l’interaction et le lien qui se crée entre la mère et le bébé grâce aux écharpes.
J’interviens également sur le thème de la procréation médicalement assisté. Il est important d’avoir
recours à un médiateur sourd. Les femmes se posent en effet de multiples questions et il convient de
s’assurer que la compréhension du patient est totale.
95 % des parents sourds ont un enfant entendant. Dans la majorité des cas se pose la question du
positionnement des grands parents qui sont souvent entendant et cherchent parfois à prendre la
place des parents sourds. Il est très important de pouvoir discuter du positionnement de chacun au
sein de la famille. J’interviens également dans le service de diabétologie lorsqu’il accueille des
femmes enceintes. J’explique en effet à ces dernières qu’il n’existe pas de lien entre leur surdité et
le diabète. Je leur donne également des éclaircissements médicaux. Un professionnel maîtrisant la
langue des signes ne suffit pas. Avec un professionnel sourd, l’identification est possible et rassure
les patients.
En conclusion et en tant que professionnel sourd, je voudrais saluer la présence d’interprètes dans le
cadre de ce colloque. Je regrette néanmoins de n’avoir pu participer aux groupes de préparation
concernant cette journée ou les autres actions de la CRAMIF au même titre que les autres
professionnels faute d’interprètes dans ces groupes de travail. Pourrait-on imaginer de refuser que
des personnes a mobilité réduite ne puissent pas assister a ces groupes de travail étant donné que la
salle de réunion est au troisième étage sans ascenseur ? Je vous laisse réfléchir a cette question.
Isabelle DAVOST-SERIZAY, Puéricultrice, PMI Epée de bois
Nous aimerions vous présenter l’expérience que mène depuis quelques années la PMI de l’Epée de
bois en ce qui concerne l’accueil des familles sourdes. Les missions de la PMI sont inscrites au
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Accompagner la parentalité
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Code de la Santé publique. Paris compte 65 centres de protection infantile. 55 000 enfants sont vus
en consultations chaque année et 10 000 enfants sont suivis à domicile par les puéricultrices. Les
actions proposées sont les suivantes :
•
•
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•
le suivi médical préventif des enfants de moins de 6 ans ;
l’accueil des nouveau-nés à la sortie de maternité ;
les conseils de puériculture ;
les entretiens avec un(e) psychologue ;
les entretiens avec une sage-femme ;
des activités de groupe ;
des animations en salle d’attente en fonction des besoins de la population du quartier ;
l’accompagnement.
Notre centre de quartier est ouvert du lundi au vendredi en continu. Nous avons développé des
actions permettant l’accessibilité des activités aux parents sourds. Nous accueillons les parents sans
rendez-vous dès les premiers jours suivant la sortie de la maternité afin de répondre à des questions
sur l’allaitement par exemple ou les soins à donner au bébé. Afin de répondre aux questions des
parents sourds, la puéricultrice et les auxiliaires se sont formées ou se forment à la langue des
signes. Nous avons également voulu rendre les consultations de médecine préventive accessibles
aux parents sourds. Notre médecin signe et peut par conséquent recevoir les familles sans
intermédiaire. Tous les mardi matins, la consultation est réservée aux familles sourdes, ce qui
permet aux parents de se rencontrer en salle d’attente. La durée des consultations est de 40 à 45
minutes, les parents ayant peu l’occasion de dialoguer directement en langue des signes avec un
médecin. Nous pouvons également proposer aux parents des entretiens avec notre psychologue qui
pratique également la langue des signes. Nous pouvons également orienter les parents vers une
sage-femme d’une autre PMI qui maîtrise la langue des signes. Enfin, nous avons souhaité ouvrir
notre groupe d’accueil parents-bébés aux parents sourds et sommes épaulées par Emmanuelle
Bureau qui est éducatrice sourde au CAMSP. Nous avons développé des partenariats dans le cadre
des activités mises en place en salle d’attente. Le mardi matin, nous avons mis en place une action
avec des bibliothécaires sourds qui dialoguent avec les parents et les enfants autour des livres.
Le centre dispose d’une équipe permanente composée d’une infirmière puéricultrice, de trois
auxiliaires de puériculture, d’un agent de service formés à la langue des signes et d’une équipe
élargie comptant les médecins assurant les consultations, une psychologue, une sage-femme, une
puéricultrice de secteur et une psychomotricienne qui va bientôt rejoindre l’équipe. Des partenariats
sont également mis en place avec des bibliothécaires, des conteurs-liseurs et une éducatrice du
CAMSP. Notre décision d’accueillir des parents sourds est née de la conjonction de différents
facteurs :
•
•
•
la volonté de l’UNISS de développer des partenariats ;
l’intérêt du service de P.M.I. de Paris pour développer un tel projet ;
l’arrivée d’un médecin de P.M.I. maîtrisant la langue des signes.
La décision a été prise d’implanter le projet à la PMI de l’Epée de bois qui ouvrait à proximité de
l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Paris, le 3 février 2009
34
Accompagner la parentalité
CRAMIF
Julie CROSSARD, Psychologue, PMI Epée de bois
Notre centre a ouvert il y a plus de 10 ans. Il nous a par conséquent paru intéressant de tirer les
leçons de ces années d’expérience. Pendant cette période, des moyens incontournables ont été mis
en place :
•
•
•
•
•
la sensibilisation de toute l’équipe à la surdité ;
la formation de toute l’équipe à la langue des signes ;
la mise en place de moyens de communication adaptés (fax, messageries électroniques, SMS) ;
la mise en place de moyens facilitant l’accessibilité du centre (visiophone, signaux lumineux,
aménagement de l’espace et de l’éclairage, etc.) ;
l’adaptation des pratiques (consultations plus longues, utilisation de supports visuels,
constitution de documentations spécifiques « surdité petite enfance »).
Il s’agissait d’adapter nos pratiques tout en ne construisant pas un espace stigmatisant qui aurait pu
laisser penser aux parents sourds que les actions mises en place pour eux signifiaient qu’ils étaient
de moins bons parents que les autres. C’est la raison pour laquelle nous avons créé les espaces
récrés mixtes ouverts sans rendez-vous aux parents sourds et entendants. Une éducatrice sourde
assure un pont culturel entre les deux populations et nous aide à rester vigilants quant à la qualité de
notre accueil. L’un de nos grands objectifs est la valorisation de la compétence des parents. Nous
voulons lutter contre l’infantilisation des parents en leur redonnant leur place et en évitant la
présence d’un tiers accompagnant non professionnels. Notre ambition est que les parents sourds
aient la possibilité de montrer devant un tiers professionnel qu’ils possèdent les capacités et les
compétences pour être parents. Nous essayons de relayer cet accueil des parents dans leur langue
dans tous les lieux que fréquente la famille. Lorsque nous avons un interlocuteur au téléphone nous
insistons sur l’importance d’accueillir les parents en direct notamment en ayant recours à un
interprète professionnel.
Nous avons conscience que notre dispositif est fragile dans la mesure où il repose sur ses acteurs et
leur formation. Lorsqu’un professionnel maîtrisant la langue des signes nous quitte, il est très
difficile de le remplacer. L’apprentissage de la langue des signes prend du temps. A l’intérieur
même de l’institution, nous avons un travail de conviction difficile à mener afin de faire entendre
les besoins spécifiques des familles sourdes.
Pour conclure, nous pensons que mettre en place une réponse spécifique pour les parents sourds
c’est aussi mettre en place une réponse meilleure pour l’ensemble des familles. Les familles
migrantes qui ont un rapport à l’écriture voire à l’oral complexe trouvent chez nous une attention
particulière via la communication visuelle. Notre équipe a également gagné en qualité de
communication et en dynamique de groupe.
Paris, le 3 février 2009
35
Accompagner la parentalité
CRAMIF
Question de la salle
Professeur Hervé FERNANDEZ
La question se pose de la pérennisation de systèmes qui dépendent de la volonté de quelques
individus impliqués. Nous pouvons espérer que chaque génération donne naissance à des acteurs
volontaires. Pour autant, comment s’assurer que la prise en charge se pérennise ?
Françoise GALIFFET
Notre unité est la première à avoir été créée en France. Il en existe désormais treize. Il est certain
que l’installation et la pérennisation de ce type de dispositifs reposent sur un petit nombre d’acteurs.
Toutefois, en 10 ans, nous avons réussi à mettre en place une action dont la dynamique n’est pas
prête de s’arrêter. L’enseignement est un point important du dispositif. Il convient en effet de veiller
à la façon dont ces problématiques sont abordées dans les formations initiales. Certaines régions
parviennent beaucoup mieux que Paris à développer un travail en réseau et à assurer la
pérennisation des structures. Si nous avons été précurseurs, nous avons des difficultés à asseoir les
partenariats.
De la salle
Combien de familles suivez-vous pendant l’année ?
Isabelle DAVOST-SERIZAY
Les familles sourdes représent10 % de la file active, soit 80 familles environ.
Professeur Hervé FERNANDEZ
Quelles difficultés principales rencontrez-vous à la maternité de la Pitié-Salpêtrière ? Quels sont les
progrès à réaliser et dans quels domaines ?
Sophie SERREAU
Au sein de la maternité, aucun médecin ne pratique la langue des signes. Les consultations se font
par conséquent avec un interprète. Les médecins sont néanmoins habitués à recevoir des patients
sourds et pensent par exemple à les regarder en face lorsqu’ils s’adressent à eux. Je suis
malheureusement la seule sage-femme pratiquant la langue des signes. Je fractionne par conséquent
mes vacances en périodes très courtes afin de pouvoir assurer mes consultations sans souci. Il arrive
également que l’interprète ne vienne pas à la consultation d’un médecin. Il m’arrive dans ce cas de
le remplacer mais je ne suis pas capable de traduire en simultané.
Paris, le 3 février 2009
36
Accompagner la parentalité
CRAMIF
Professeur Hervé FERNANDEZ
Au fil des années, cette action s’est-elle étendue au-delà des frontières de la maternité ?
Françoise GALIFFET
Au départ, il s’agissait de créer une unité de médecine générale accueillant des patients sourds. La
file active représente 800 patients par an. C’est en créant cette unité généraliste que nous avons pris
conscience des besoins spécifiques des femmes en matière de gynécologie et d’obstétrique et que
nous avons établi un partenariat avec la maternité de la Pitié. L’UNISS aborde des problématiques
de santé beaucoup plus larges.
En ce qui concerne les problèmes que nous rencontrons actuellement, une majorité de praticiens
s’accordent à dire que l’accessibilité de l’hôpital à tous les publics handicapés passe par une
revalorisation des actes de soins en fonction de leur complexité. La durée des consultations
destinées aux patients sourds est par exemple beaucoup plus importante et doit pouvoir être prise en
compte.
Professeur Hervé FERNANDEZ
Vous soulevez un point très important. Il convient en effet que le personnel soit en nombre suffisant
pour faire face aux charges.
Samia ENJELVIN
L’intégration des personnes sourdes passe par la langue. Or l’apprentissage de la langue des signes
reste très coûteux. Ne serait-il pas possible de nouer des partenariats avec des associations qui
proposeraient gratuitement des cours aux personnes de bonne volonté ?
Antoine STERCKEMAN
L’enseignement de la langue des signes n’a jamais été gratuit et ne le sera sans doute jamais. Il est
normal que les professeurs soient rémunérés. En revanche, il est normal que l’Etat via les MDPH et
d’autres institutions prenne en charge les cours. Par ailleurs, je voulais dire qu’il me semblait très
important que les médecins parviennent à opérer le distinguo entre la surdité du patient et ce qui
l’amène à consulter.
Julie CROSSARD
Au-delà du coût d’apprentissage de la langue des signes, se pose également la question de la
pertinence du projet. En effet, lorsque l’apprentissage ne résulte pas d’un projet professionnel ou
personnel, la langue des signes n’est pas pratiquée régulièrement et se perd rapidement. Par ailleurs,
nous nous interrogeons également beaucoup sur les actions à mettre en place en directions des
parents migrants sourds qui ne parlent pas la langue des signes française et ne lisent pas en français
et n’ont pas les moyens de financer une formation pour apprendre la langue des signes.
Paris, le 3 février 2009
37
Accompagner la parentalité
CRAMIF
De la salle
L’école psychopédagogique forme depuis plusieurs années des éducateurs spécialisés sourds. Ce
projet me paraît très intéressant mais ne concerne malheureusement pas encore le secteur préventif
et curatif. A votre connaissance, y a-t-il des professionnels du soin ou des professionnels
paramédicaux ou psychologue qui sont sourds eux-mêmes ?
Julie CROSSARD
Je connais au moins deux psychologues sourdes. Toutefois, il ne faut pas négliger le fait que l’accès
à l’écrit et aux études demande des efforts particuliers pour les personnes sourdes.
Françoise GALIFFET
Lorsque l’UNISS a été créée, la formation des aides soignantes a été ouverte aux personnes sourdes.
De nombreux obstacles ont dû être abattus afin qu’une personne sourde puisse accéder à la fonction
soignante. Il n’existe encore pas de formation labellisée en direction des infirmières. Une ou deux
infirmières sourdes ont cependant réussi à valider un cursus ordinaire.
De la salle
Je voulais témoigner de la situation des ergothérapeutes sourds. J’ai le sentiment que, jusqu’en
2005, les médecins refusaient de signer les certificats médicaux qui permettaient à des étudiants
sourds d’accéder à certaines professions. Cette année, j’accueille une étudiante sourde qui a obtenu
son baccalauréat avec la mention « très bien » et a dû batailler pour obtenir le certificat médical lui
permettant de suivre la formation d’ergothérapeute. J’espère que la loi de 2005 fera des vagues,
dans le sens positif du terme, dans le milieu médical. En effet, il me semble très important que les
médecins puissent réfléchir à une meilleure intégration de toutes les personnes handicapées dans les
études paramédicales. En accueillant cette étudiante sourde, je me suis rendu compte que certains
cours se prêtent moins que d’autres à la lecture labiale. Nous avons adapté notre enseignement
grâce aux fonds de l’enseignement supérieur. Toutefois, nous devons multiplier les démarches dès
qu’un investissement nouveau doit être consenti. Je pense par exemple à la prise en charge
financière par les MDPH du surcoût lié à l’achat d’un ordinateur plus performant. Nous allons
élaborer une communication destinée à l’ensemble des instituts paramédicaux afin de témoigner de
notre expérience. En effet, force est de constater que très peu nombreux sont malheureusement les
étudiants handicapés à accéder aux formations paramédicales.
De la salle
Sur 100 étudiants handicapés accédant aux études supérieures, seuls 10 % sont sourds.
Paris, le 3 février 2009
38
Accompagner la parentalité
CRAMIF
De cycle en rythme, accompagner la parentalité, un travail en
réseau nécessaire
Henri COHEN, Directeur de l’Institut Mutualiste Montsouris
C’est l’embauche de Béatrice qui a été à l’origine de notre action. Je savais qu’elle était atteinte
d’un handicap, lequel n’était pas particulièrement visible au moment où je l’ai embauchée. La
maladie dont elle souffre a entraîné plusieurs handicaps plus ou moins visibles. Au sein du
département mères-enfants, elle constitue un exemple de force et de volonté qui nous a conduits à
une très grande ouverture d’esprit. Sa présence a rendu nécessaire la prise en charge de handicaps
qu’au départ nous ne connaissions pas. Pour les valides, les handicaps sont des mondes à part qu’il
est très difficile de percevoir et d’appréhender de façon sensible. Un livre m’a ouvert les yeux : le
cri de la mouette d’Emmanuelle Laborit. Je me suis rendue compte que les sourds avaient leur
monde et leur vie propres qui pouvaient être totalement à part de ceux des entendants. Notre action
est fragile car elle repose sur un petit nombre d’acteurs. Madeleine Azarian qui n’est pas handicapée
mais enceinte, ce qui est peut-être une façon d’appréhender le monde du handicap, accompagne
Béatrice et je l’espère prolongera le plus longtemps possible son travail. Je leur laisse la parole afin
qu’elles vous présentent notre action.
Béatrice IDIARD-CHAMOIS, Sage-femme, Institut Mutualiste Montsouris
Bernadette Soulier qui est médecin sexologue a écrit : « le sentiment d’amour et l’envie d’échanger
de la tendresse, le désir de vivre des relations sexuelles et de fonder une famille sont les mêmes
pour une personne qu’elle soit valide ou handicapée ». L’article 7 de la loi du 11 février 2005
dispose que « Les professionnels de santé et du secteur médicosocial reçoivent, au cours de leur
formation initiale ou continue, une formation spécifique concernant l’évolution des connaissances
relatives aux pathologies à l’origine des handicaps et les innovations thérapeutiques,
technologiques, pédagogiques, éducatives et sociales les concernant, l’accueil et l’accompagnement
des personnes handicapées, ainsi que l’annonce du handicap ». L’article L. 111-7-1 prévoit en outre
que « Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des
locaux d'habitation, qu'ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements
recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que
ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel
que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique ».
1. Le matériel
Depuis 2 ans, l’IMM a mis en place un accueil pour les patients handicapés. Nous avons acquis un
certain nombre d’équipements et le personnel a bénéficié de formations. Si le docteur Azarian et
moi-même sommes les deux interlocutrices référentes, tout le service est impliqué dans notre
action. Nous assurons une prise en charge globale, c’est-à-dire à la fois sociale, matérielle et
médicale. Nous avons acquis une table d’examen gynécologique qui me permet d’examiner les
patientes depuis mon fauteuil roulant mais est également accessible aux futures mamans souffrant
d’un handicap moteur. Nous disposons également d’un matelas anti-escarres avec moteur et d’une
table à langer réglable en hauteur. Nous avons installé dans la chambre adaptée une chaise pliante
Paris, le 3 février 2009
39
Accompagner la parentalité
CRAMIF
avec bras releveur qui facilite les transferts latéraux. Nous disposons également d’un rehausseur de
toilettes fixe et d’une chaise balance qui facilité grandement les transferts.
2. Les patientes
Les patientes que nous avons reçues présentaient les handicaps suivants :
•
5 patientes atteintes de handicap moteur (3 Médullaire, 2 poliomyélites)
•
1 patiente amputée (2 bras)
•
5 patientes atteintes de handicap visuel (maladie de Leber, cataracte congénitale, glaucome
congénital).
•
1 patiente dont le conjoint était atteint d’un handicap visuel (glaucome)
•
5 patientes atteintes de handicap auditif
•
1 patiente atteinte toxique MI post APD
•
un contact extérieur 3 patientes handicapées moteur (myopathie des ceintures, SLA type 3, IMC
pour conseils avant grossesse)
•
Avec l’AMP un couple avec handicap moteur venant de province, un couple dont la femme est
handicapés moteur, un couple dont la patiente été atteinte d’une déficience visuelle, et un couple
atteint de surdité avec handicap moteur.
3. Les couples
En ce qui concerne le handicap moteur, 85 % des conjoints ne sont pas eux-mêmes en situation de
handicap. 61 % des patientes ne travaillent pas par choix ou par obligation. S’agissant du handicap
visuel, 71,5 % des conjoints ne sont pas en situation de handicap et 50 % des patientes ne travaillent
pas. Enfin, en ce qui concerne le handicap auditif, 83,5 % des conjoints présentent également une
déficience auditive. 50 % des patientes ne travaillent pas.
Juliette GALLIOT, Assistante sociale, Institut Mutualiste Montsouris
Je travaille plus particulièrement auprès des patientes de la maternité. J’ai pu accompagner des
couples et des mamans en situation de handicap et ai pu constater les difficultés cumulées que
rencontraient ces personnes. Ces dernières sont d’abord d’ordre financier. Bien souvent les
patientes handicapées ne travaillent pas et perçoivent de faibles ressources. L’AAH s’élève en effet
à 652 euros mensuels. Les solutions proposées dans la cadre de la prestation de compensation ne
sont pas toujours adaptées et adéquates. Nous sommes également confrontées à des patients qui
rencontrent des difficultés financières dans la prise en charge financière des soins, la prise en charge
à 100 % n’étant pas toujours mise en place par le médecin. Les patientes sont confrontées
Paris, le 3 février 2009
40
Accompagner la parentalité
CRAMIF
également à des difficultés de logement. Le DALO peut être sollicité mais nous n’obtenons que très
rarement un retour positif. Le suivi de grossesse est en outre rendu difficile pour les patientes en
situation de handicap du fait de l’accessibilité réduite sur le plan matériel des soins. Ces dernières
sont également souvent confrontées à l’accueil réticent des professionnels. Elles connaissent
également des difficultés en termes de transport. Ce cumul des difficultés rend difficile le parcours
de parentalité de ces personnes. Nous nous efforçons d’y faire face quand bien même nous sommes
sans cesse confrontées à des limites institutionnelles et juridiques. C’est la raison pour laquelle un
fonctionnement en réseau est particulièrement utile.
Docteur Madeleine AZARIAN-NAZAC,
Mutualiste Montsouris
Médecin
gynécologue
obstétricien,
Institut
Il me semblait important de montrer qu’il était possible, dans une maternité de niveau 1, de faire du
bon travail auprès des handicapés et que notre action n’était pas si difficile que cela à mettre en
œuvre. Nous nous efforçons tout d’abord de faire en sorte que la consultation intervienne le plus tôt
possible au cours du premier trimestre. Une fois le premier contact établi avec la sage-femme nous
nous efforçons de suivre la patiente en alternance. Je me focalise essentiellement sur l’aspect
médical et m’efforce de dépister les éventuels problèmes médicaux interférant qui pourront survenir
au cours de la grossesse. A l’issue de la première consultation, nous réalisons une évaluation à la
fois sur le plan médical et social. Béatrice se charge ensuite de contacter les différents intervenants
qui nous épaulent dans la prise en charge des patientes, à savoir l’assistante sociale, les MDPH et
les services externes tels qu’ESCAVIE et le SPPH de l’IPP. Elle établit également une fiche de
situation du handicap qui est glissé dans le dossier obstétrical afin que les différents professionnels
puissent évaluer la patiente sans la connaître. Ce document les renseigne sur le degré de handicap
de la patiente. Très concrètement, il est précisé si la patiente est capable de se nourrir seule, si elle a
besoin d’aide pour s’habiller ou encore si elle doit être épaulée lors des transferts. La prise en
charge multidisciplinaire nous paraît fondamentale, à la fois avec les autres médecins spécialistes
mais également à l’intérieur même du service. C’est la raison pour laquelle nous organisons très
régulièrement des staffs avec les différents membres de l’équipe, une meilleure connaissance des
dossiers permettant de limiter les appréhensions de l’équipe vis-à-vis de certaines patientes.
Généralement, la durée des consultations des patientes ne présentant pas de handicap est de un quart
d’heure. Il est très difficile d’obtenir du temps supplémentaire de consultation. Or les problèmes
médicaux interférents d’une patiente handicapée moteur sont nombreux :
•
•
•
•
•
•
•
la prévention des infections urinaires ;
les problèmes d’escarres ;
les problèmes respiratoires ;
la prévention thromboembolique grâce au port de bas de contention ;
les problèmes de spasticité nécessitant des modifications de traitement ;
le risque d’HRA ;
les complications orthopédiques ;
•
les troubles associés (épilepsie, troubles visuels, etc.).
Je m’efforce de renseigner les patientes sur les modifications corporelles liées à la présence du bébé
et leur explique comment percevoir les mouvements actifs et les contractions. Parfois, nous
Paris, le 3 février 2009
41
Accompagner la parentalité
CRAMIF
recevons des patientes dont l’inscription a été refusée dans une autre maternité ce qui induit un
problème de prise en charge. Il convient également de noter que les cours de préparation à
l’accouchement sont difficiles à mettre en place pour les patientes handicapées moteur. C’est la
raison pour laquelle nous travaillons avec un réseau de sages-femmes libérales qui interviennent au
domicile des patientes. En fin de grossesse se pose la question de la voie d’accouchement sachant
que la césarienne n’est absolument pas automatique. Pour les patientes handicapées moteur, il est
très important qu’un bilan neurologique soit réalisé avant l’accouchement, les lésions étant
susceptibles d’évoluer en cours de grossesse. La syringomyélie est la principale contre-indication à
la voie basse. Nous vérifions également les problèmes orthopédiques et l’atteinte du bassin. La
péridurale est préférée à la rachi anesthésie. L’allaitement n’est aucunement contre-indiqué. Nous
vérifions que les traitements prescrits ne sont pas incompatibles et prenons en compte la motivation
de la patiente. Pour l’instant, toutes les patientes que nous avons suivies ont préféré arrêter les
traitements contre-indiqués le temps de l’allaitement. Nous nous efforçons également de réaliser la
visite du post-partum au cours de laquelle nous avons souvent à gérer des problèmes administratifs
en ce qui concerne l’obtention des mi-temps thérapeutiques.
En conclusion, je voudrais dire quelques mots de l’hyper réflexie autonome (HRA) qui est un risque
important chez les patientes handicapées motrices. Elle se définit comme une réponse végétative
massive à une stimulation nociceptive sous lésionnelle dans les atteintes supérieures à T6. Une
infection urinaire, une escarre ou un simple toucher vaginal déclenche une réponse parasympathique
majeure engageant le pronostic vital. Le traitement devant être immédiat, il est important de savoir
reconnaître les signes (fourmillements, sueurs, érythème facial, sensation de chaleur, céphalées,
HTA, mydriase, anxiété, bradycardie, pilo-érection) et s’attacher à supprimer tout ce peut constituer
une épine irritative. Au moment de l’accouchement, la péridurale constitue un excellent moyen de
prévenir ce phénomène. Il importe d’avoir le réflexe de placer la patiente en proclive et
éventuellement lui administrer de la nifedipine en sublingual.
Béatrice IDIARD-CHAMOIS
S’agissant des handicaps sensoriels, j’utilise pour les échographies des calques thermoformés au
format A4 mis au point par le service périnatal parents handicapés de l’IPP associés à une
description détaillée de l’échographie en cours d’examen. Pour les patientes sourdes, j’accompagne
l’échographiste et utilise la langue des signes. Une visite de l’hôpital est également très importante
afin de rassurer les patientes. Enfin, nous proposons un conseil génétique aux patientes qui le
souhaitent.
J’ai commencé cette année les cours de préparation à l’accouchement en langue des signes. Dans le
cadre des cours de préparation à l’accouchement classique, j’accompagne les patientes présentant
un handicap visuel. Il est très important de ne pas décider ni parler à la place des patientes sourdes.
En ce qui concerne la voie d’accouchement et les suites de couche, il est important d’être attentif à
la fonction visuelle restante en cas de malvoyance. Sur avis des équipes ophtalmologiques,
l’accouchement se fait par césarienne afin d’éviter les efforts expulsifs (glaucomes, cataractes
congénitales). A la demande de la patiente, l’accouchement peut être déclenché. Celle-ci peut
également bénéficier d’aides instrumentales afin de réduire les efforts expulsifs. Les patientes
choisissent pratiquement toutes l’allaitement maternel. Nous nous référons au lactarium de l’Ile-deFrance pour les contre-indications médicamenteuses. La sage-femme intervient en aide relais en
langue des signes pour les explications diverses concernant les suites de couche (allaitement,
Paris, le 3 février 2009
42
Accompagner la parentalité
CRAMIF
contraception, etc.). Pour les patientes souffrant d’un déficit visuel, nous sommes équipés d’un
limitateur de boisson et d’un thermomètre parlant.
Les problèmes que nous rencontrons sont les suivants :
•
•
•
•
des difficultés d’adhésion des patientes au parcours médical complexe, aux examens et aux
propositions médicales faites ;
des problèmes de communication avec certains niveaux 3 : une formation de tous les niveaux III
quand à l’accès des parents déficients sensoriels, moteurs à l’accès et aux soins du bébé dans les
unités de néonatalogie serait nécessaire ;
la prise en compte des réticences du personnel soignant (peur du handicap, jugement, facteur
temps) ;
les maternités non accessibles.
Je conclurai sur ce qui doit être amélioré et changé :
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
les hôpitaux accessibles (matériel, formation du personnel…) ;
la revalorisation de la T2A ;
la prise en charge des SMS
l’utilisation de la CIF (classification internationale de la fonctionnalité) en plus de la CIM voire
les mesures des habitudes de vie et de qualité de l’environnement mises en place par le RIPPH ;
du personnel supplémentaire ;
la prévention des cancers gynécologiques avec des matériels accessibles aux handicapés
moteurs ;
l’obtention de l’amendement de la loi 2005 sur la parentalité ;
l’implication plus importante de la MDPH ;
l’intervention de la HALDE notamment pour les patientes refusées dans les maternités et les
discriminations en termes d’aides ;
l’extension des actions entreprise en Ile-de-France et en province.
Je conclurai cette présentation par la profession de foi de l’association suisse Sexualité Et
Handicaps Pluriels : « Pour une Société qui ne soit plus handicapée envers le handicap ni
handicapante pour les personnes handicapées. Le handicap Appelle Oblige Engage Autorise
Contraint Incite Encourage Invite Pousse la Société à se Définir, à se Situer, à se Dépasser, à
s’Ouvrir à de nouvelles valeurs, à Inventer, à s’Adapter, à s’Humaniser, à Sortir de son cadre
habituel, à Bouger au Nom de la Vie, de l’Amour de l’Equilibre, de la Justice, du Devoir
d’Assistance, de l’Autonomie, du Respect Mutuel, de l’Égalité, de l’Evidence ».
Nathalie PICQUENARD, Sage-femme, secteur libéral
Il y a un an encore j’étais sage-femme hospitalière dans le secteur publique. Je travaillais la plupart
du temps en salle de naissance et en suite de couche. J’aimais travailler à l’hôpital notamment parce
que toutes les disciplines médicales y étaient présentes. J’ai néanmoins rapidement déploré le
manque de temps qui rendait difficile mes consultations avec les patientes, lesquelles étaient
fréquemment interrompues. Le nombre de patientes augmentant de plus en plus, je me sentais
psychologiquement de moins en moins disponible. J’ai par conséquent décidé de quitter l’hôpital
pour m’installer en tant que sage-femme libérale et pouvoir fixer moi-même les rendez-vous et leur
Paris, le 3 février 2009
43
Accompagner la parentalité
CRAMIF
durée. C’est par l’intermédiaire de Francine que j’ai eu l’opportunité de suivre une patiente atteinte
d’une myopathie des ceintures dans le cadre de cours de préparation et d’accompagnement de la
grossesse. Il ne s’agissait pas de suivre médicalement sa grossesse mais de l’aider à appréhender le
parcours qu’elle allait traverser sur le plan médical mais aussi personnel. Je l’ai rencontré cinq fois
à domicile. Les rendez-vous se passaient en soirée et duraient une heure et demi à deux heures. A
chaque fois, nous reprenions les explications données à l’hôpital dans le cadre d’un suivi
véritablement individualisé. Par exemple, nous ne savions pas si elle ressentirait à l’avance les
contractions et si un accouchement par voie basse était possible. Nous avons par conséquent réalisé
de véritables travaux pratiques en prenant le temps d’observer comment elle utilisait son corps.
Finalement, au retour d’une semaine de vacances, j’ai appris que l’hypertension dont elle souffrait
avait justifié une césarienne en urgence. Mon suivi a par conséquent était écourté. En raison de mon
emploi du temps, il m’est souvent difficile, et c’est mon principal regret, de revoir les patientes
après l’accouchement pour pouvoir prendre le temps de vraiment discuter avec elle de la façon dont
l’accouchement s’était passé. Pour autant, cette expérience extrêmement riche m’a confortée dans
mon envie d’accorder du temps aux patientes.
Francine CAUMEL-DAUPHIN, sage-femme, secteur libéral
Je compléterai simplement ce témoignage en disant mon regret de la non-utilisation du système
libéral en complémentarité du système hospitalier. J’ai été sage-femme hospitalière pendant 40 ans.
En travaillant à Necker, j’ai pu mesurer la richesse qu’apportait le regard des sages-femmes de la
PMI qui effectuaient des visites à domicile notamment lorsque les couples sont porteurs de
handicaps. Les rapports sont très différents, lorsque les consultations ont lieu à domicile. Quelle que
soit la qualité du service prodigué à l’hôpital, rien ne remplace les visites à domicile pour apprécier
la vie quotidienne des patientes. Cette complémentarité me paraît par conséquent indispensable.
Elle repose sur l’intention et le militantisme, quelques réticences devant être vaincues.
Un film est projeté.
Edith THOUEILLE, puéricultrice – Institut de puériculture et de périnatalogie de Paris
J’ai choisi de débuter cette présentation en vous présentant cette iconographie d’Egon Schiele
baptisée la mère aveugle représentant une femme en train de nourrir deux enfants. Dès qu’une
femme ou un homme aveugle ou déficient visuel évoque le projet de créer une famille, il s’expose
encore trop souvent à un discours négatif même s’il s’avère qu’il n’y a aucun risque de transmission
génétique du handicap. Chaque personne de l’entourage familial ou médical s’érige en surmoi
maternel pour interdire à la mère de faire vivre à son enfant l’angoisse que suscite le handicap. Une
résistance passive ou au pire active entoure la résolution votée en 1993 par l’assemblée générale des
Nations-Unies qui stipule que « tous les Etats devraient promouvoir la pleine participation des
personnes handicapées à la vie familiale et leur droit à la plénitude de leur vie personnelle et veiller
à ce que les lois n’établissent aucune discrimination à l’encontre des personnes handicapées quant
aux relations sexuelles mais également au mariage et à la procréation ». Il convient toutefois de
souligner que le plan de périnatalité 2005-2007 a mis en évidence pour la première fois la notion de
parentalité de la personne handicapée. Ce plan fondé par Philippe Douste-Blazy alors Ministre de la
Santé et de la Protection Sociale précise que la personne handicapée « a le droit à un
accompagnement et à une formation adaptés et spécifiques, ce qui implique l’accessibilité des
bâtiments et la formation des personnels ».
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
La vocation polyvalente de l’Institut de Puériculture et de Périnatalogie, sa longue expérience en
matière de connaissance du très jeune enfant nous autorisaient tout naturellement à inscrire cette
prise en charge singulière dans une recherche-action financée par la Fondation Clarence Westbury
et la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie. Cette étude s’affirme après 22 ans de
recherches cliniques. Le SPPH est indépendant de la PMI et travaille en lien avec le centre de
néonatalogie, le centre d’action médicosocial précoce, le centre de guidance infantile et le centre
Brazelton. Nous avons également noué un partenariat étroit avec l’institut mutualiste Montsouris,
l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Notre Dame du Bon Secours, l’hôpital Necker, l’hôpital Trousseau,
la Maternité des Bluets et la maternité Jeanne de Flandre à Lille. Nous travaillons en lien étroit avec
des mamans-relais car il est très important que les parents puissent trouver des repères auprès de
personnes porteuses de handicap. Nous tenons également beaucoup aux partenariats que nous
établissons avec les sages-femmes, les obstétriciens et les pédiatres du secteur libéral. La médecine
de proximité est indispensable aux personnes qui ont des difficultés de déplacement. Evidemment,
nous travaillons également avec les associations pour personnes handicapées telles que la
Fédération des Aveugles de France et les associations d’aide aux mères, les techniciennes en
intervention sociale et familiale n’ayant pas la formation nécessaire pour s’occuper des mamans
atteintes d’un handicap. Notre devoir est par conséquent de leur apprendre à laisser la mère faire
seule. Nous travaillons également avec le service ESCAVIE et la CRAMIF. Enfin, nous avons
établi un partenariat avec le centre de rééducation pour déficients visuels de Clermont-Ferrand qui
nous fournit du matériel adapté. Nous faisons également appel à des bénévoles soutenus et
encadrés.
96 personnes handicapées visuelles sont actuellement prises en charge dans notre Institut dont 15
mères aveugles congénitales, 22 mères souffrant d’une cécité acquise, 22 mères malvoyantes,
6 femmes en désir d’enfant, 3 mères handicapées moteurs, 8 pères aveugles congénitaux, 8 pères
ayant une cécité acquise et 12 pères malvoyants. 40 dossiers de 2003 à 2008 sont archivés, une
action au minimum étant programmée pour les familles dans l’année. 4 mères ont un handicap
auditif associé à la cécité, ce qui explique notre partenariat avec la Pitié-Salpêtrière, 1 mère présente
un handicap du squelette associé à sa malvoyance, 3 mères sont handicapées moteur, 1 père est
aveugle suite au bombardement de sa ville, 1 père est aveugle après avoir chuté d’un pont.
4 mères sont en situation de grande précarité. En effet, l’Etat accepte la venue sur le territoire de
personnes ayant besoin de soins mais refuse le renouvellement des cartes de séjour. Les femmes ne
souhaitant pas retourner dans leur pays se trouvent par conséquent en situation irrégulière et ne
peuvent pas prétendre à l’allocation adulte handicapé. 6 mères sont isolées. 7 couples sont
composés d’une mère voyante et d’un père aveugle. 29 couples sont composés à l’inverse d’une
mère aveugle et d’un père voyant.
Le handicap visuel est complexe à prendre en charge. Avant de prendre une maman en charge, il
importe de savoir si elle est atteinte d’une cécité congénitale ou d’une cécité acquise. En effet, dans
le cadre d’une cécité congénitale, le nerf cortical n’est pas meublé d’image. Les représentations sont
fondées sur des formes géométriques. La mère se crée en outre des images olfactives, gustatives et
auditives. Si la vue a été perdue secondairement, la mémoire visuelle est très sensible. Des
commentaires blessants ou dévalorisants peuvent contribuer à la détruire. La personne handicapée
visuelle n’a pas accès au miroir émotionnel que lui transmet le soignant et non pas lecture de
l’empathie qu’il lui transmet sur son visage. C’est la raison pour laquelle nous avons introduit le
tutoiement thérapeutique dans notre prise en charge et utilisons beaucoup le sens du toucher. Au
regard de la suprématie accordée aux échanges visuels, il est difficile de mettre en mot l’expérience
sensorielle de la mère aveugle. Mais finalement notre expérience auprès des mères aveugles qui
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
développent spontanément des vecteurs différents, nous a conduits à aider les mères voyantes en
difficulté de communication avec leurs enfants. Modestement, je tiens par conséquent à remercier
toutes les mères qui ont éclairé mon mode de pensée.
Drina CANDILIS-HUISMAN, psychologue – Institut de puériculture et de périnatalogie de
Paris
Je voudrais revenir sur une intervention qui a inauguré curieusement la journée, à savoir le fait que
les psychologues n’étaient pas toujours les mieux à même de comprendre les problèmes de
handicap. A la lumière de l’expérience que nous menons depuis 5 ans avec Edith Thoueille et
l’équipe de la PMI, il me semble que nous avons appris à redonner une place de sujet aux patients
que nous accueillons. Le fait d’utiliser comme véritables partenaires de soins les mères aveugles
auprès d’autres mères aveugles nous a fait faire un bond en avant dans notre compréhension du
handicap. La rencontre entre la culture des voyants et celle du handicap ne va pas de soi. Il faut
absolument passer par la réflexion d’équipe. Les psychologues peuvent contribuer à la susciter.
Enfin, je souhaite souligner que le professeur Michel Soulé a été un aiguillon pour la recherche,
laquelle constitue un outil qui nous fait faire des bons en avant. A ce titre, il me semble que les
psychologues ont un rôle très utile. Je ne peux pas conclure sans remercier toutes les mamans
handicapées qui nous ont tant appris et ont fait évoluer notre pratique.
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Question de la salle
Professeur Hervé FERNANDEZ
Vous avez tous souligné la nécessité de travailler en réseau au sens large, c’est-à-dire au sein des
équipes elles-mêmes et en nouant des partenariats extérieurs de manière à limiter les déplacements
inutiles des patients handicapés. Il me semble en effet important d’établir des modalités de suivi qui
permettent à chacun de trouver sa place et son rôle. En ce sens, la première consultation est
essentielle. Il revient aux équipes médicales et non médicales de faire en sorte que pour ces couples
la grossesse puisse être assumée dans sa plénitude.
De la salle
La notion de réseau m’est chère depuis longtemps. J’ai travaillé de nombreuses années à la
maternité de la Pitié-Salpêtrière avant d’exercer en libéral. Je connais par conséquent très bien ces
deux mondes et suis convaincu que la pérennisation de nos actions passe par un réseau formalisé
qui permet d’obtenir des crédits suffisants notamment pour mettre en place des formations Ma
question est par conséquent la suivante : allons-nous avancer dans ce projet de réseau pérenne
parentalité et handicap ?
Professeur Hervé FERNANDEZ
A mon sens, un réel débat avec les autorités de tutelle sur la reconnaissance des réseaux de soins est
nécessaire. En médecine, ils se sont développés il y a moins de quinze ans à un rythme plus rapide
que celui que j’escomptais. Des progrès rapides ont en effet été réalisés dans ce domaine,
notamment dans la façon dont se sont instaurés les niveaux 1, 2 et 3. L’ouverture vers la médecine
de ville se fait également plus rapidement que ce que j’attendais. Nous pouvons par conséquent
espérer que par la reconnaissance des coûts et dans un dialogue avec les tutelles une évolution vers
un réseau pérenne parentalité et handicap.
Drina CANDILIS-HUISMAN
Le terme réseau est à la mode. Il me semble néanmoins qu’il mériterait d’être défini avec plus de
précision. Il existe déjà des réseaux périnatalité mais la place du handicap n’y est pas définie. Des
journées comme celle-ci ou celle organisée le 3 octobre dernier à l’Institut de Puériculture peuvent
contribuer à faire avancer la réflexion sur l’intégration des problématiques du handicap dans le droit
commun. Il convient à la fois d’agir et d’innover dans les pratiques et de les diffuser. D’autres
journées de ce type doivent être organisées.
Edith THOUEILLE
Il serait vain de vouloir obliger tous les hôpitaux de France et de Navarre à se spécialiser sur la
question du handicap. En revanche, il est important de faire connaître les réseaux afin d’orienter au
mieux les patients porteurs d’un handicap. Savoir déléguer est essentiel.
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
De la salle
Certes nous ne pouvons pas former toutes les équipes à la prise en charge de toutes les formes de
handicap. Nous progressons cependant. En effet, nous sommes en train de monter une action
novatrice avec les écoles spécialisés de l’AP-HP. Une journée sera organisée le 11 juin 2009. Elle
concernera la formation et la sensibilisation des élèves sages-femmes à l’accueil, la prise en charge
et la communication avec les personnes handicapées sensorielles ou mentales. Il est très important
de constituer des réseaux formés et informés et de les faire connaître aux professionnels et aux
parents et futurs parents.
Béatrice IDIARD-CHAMOIS
L’article 7 de la loi de février 2005 met en avant la nécessité de former et d’informer les
professionnels de santé à l’appréhension du handicap. L’information sur le handicap devrait être
rendue obligatoire. Il est par exemple indispensable que les futures mamans handicapées moteur
poursuivent des séances d’entretien musculaire avec un kinésithérapeute durant la grossesse. Or je
me rends compte que ces derniers connaissent très mal les différentes formes de handicap moteur.
Beaucoup refusent de se déplacer à domicile et ne disposent pas la plupart du temps d’un cabinet
accessible.
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Conclusion de la journée
Jean-Claude POIRIER
Directeur du risque professionnel, du handicap et de l’action sanitaire et sociale, CRAMIF
Je me plais à observer que votre constance s’est nourrie de l’abondance et de la richesse des
informations qui nous ont été données au cours de cette journée. Le thème que nous avons choisi
« accompagner la parentalité » a permis de souligner la pertinence d’une approche globale. En effet,
nous avons eu des apports de la sociologie, de la psychologie, du monde associatif et du personnel
soignant accompagnés de quelques questionnements du monde administratif et financier. Ma
conclusion s’articulera autours de trois points : les finalités, les réponses et les moyens.
En ce qui concerne les finalités, il s’agit non seulement de travailler sur l’accompagnement et la
prise en charge des patients handicapés avant, pendant et après la grossesse mais également de
s’intéresser à la prévention. La recherche de réponses concrètes intéresse à la fois les personnes
handicapées, leurs familles mais aussi la société dans son ensemble. Au fil des débats ont émergé
des réponses réelles sur différents plans : des réponses de connaissance, des réponses à diffuser, des
réponses techniques, des réponses médicales et des réponses sociales. Des journées de ce type
doivent servir à capitaliser les expertises, à les faire connaître et à la diffuser. L’établissement de
passerelles ville/hôpital est indispensable. Ces approches complémentaires doivent en outre être
diffusées de telle sorte que les réponses puissent être complétées dans le temps.
En parallèle de la ville et de l’hôpital, il existe des structures comme ESCAVIE qui ont pour finalité
d’apporter des connaissances sur les aides techniques disponibles ainsi qu’un certain nombre de
solutions en matière d’accès et de financement. La connaissance, pour beaucoup de professionnels
médecins, professionnels paramédicaux ou des services sociaux, permet d’orienter les patients vers
les structures les mieux adaptées. De ce point de vue, nous enrichirons notre site Web avec la liste
de toutes les interventions contribuant à accompagner la parentalité.
A l’échelle de la région, seuls 13 sites hospitaliers sont accessibles aux handicapés. C’est à la fois
beaucoup et peu. Il y a donc une inégalité d’accès sur le territoire national et une inégalité d’accès
mue par des raisons économiques et sociales. Sans tomber dans un hospitalo-centrisme total, des
diversifications plus complètes peuvent certainement être opérées sur le territoire national. Nous
devons par ailleurs contribuer à aider les patients handicapés à affronter les difficultés auxquelles ils
sont confrontés. Le refus de soins et de prise en charge traduit sans doute un certain nombre de
réticences et de craintes qui demeurent. J’espère que de meilleures appréhensions pourront jaillir
par la connaissance et la diffusion.
Bien évidemment je me réjouis du travail participatif opéré dans le cadre de notre journée. Parmi les
moyens à mobiliser figurent bien entendu la T2A et les consultations spécialisées et mieux
rémunérées. Nous avons déjà franchi un premier pas en constituant un réseau d’accès aux soins
bucco-dentaires. A moyen terme, il conviendra de travailler à l’élaboration d’un schéma identique
autour de la problématique qui nous occupe ce jour. Je ne doute pas que, grâce au cadrage de la loi
de 2005, les prises de conscience progressent. J’ignore ce que sera le devenir de l’actuel système de
réseaux géré conjointement par l’ARH et l’URCAM. Il faudra néanmoins que ces dernières en
partenariat avec le monde associatif préparent la transmission d’un cadrage de dossier vis-à-vis de
la future Agence Régionale de Santé.
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Notre propre pratique a progressé. Nous avons eu recours à la vélotypie et à la traduction en langage
des signes. Nous allons publier les actes de ce colloque. Des prolongements sont prévus avec le
groupe de travail « graine de parentalité » et l’APF. La CRAMIF poursuivra son effort de mise à
disposition de moyens supplémentaires pour améliorer le travail sur la parentalité. La CNSA
constitue à ce titre un partenaire incontournable. Des liens doivent être établis dans le cadre de la loi
hôpital, patients, santé, territoire sur ces questions de handicap et de dépendance entre la CNSA et
la CNAMTS. Un certain nombre de progrès ont d’ores et déjà été réalisés. Ainsi, il est désormais
envisagé de rembourser le fauteuil électrique en termes de location et non pas d’achat. Il n’y a pas
de raison que nous ne progressions pas dans le domaine de la parentalité.
Les regards commencent à changer quand bien même notre pays n’est pas nécessairement à la
pointe dans ce domaine. L’évolution des consciences internationales permet de penser que nous
aurons à vivre une accélération de l’histoire. La révolution à accomplir est à la fois culturelle et
morale. L’accompagnement de la parentalité parmi d’autres actions d’accès à l’égalité des chances
vient s’inscrire dans une liberté publique fondamentale. « J’écris ton nom liberté » écrivait Eluard.
Au-delà de la technique, un regard lucide et généreux de la société sur cette thématique est
nécessaire.
Nous poursuivrons ces journées à thème qui rencontrent un succès non démenti au fil des années.
C’est un encouragement pour une institution comme la nôtre de constater que nos initiatives
rencontrent un succès d’encouragement pour la poursuite de notre action en faveur du handicap et
des personnes handicapées.
Document rédigé par la société Ubiqus – Tél. 01.44.14.15.16 – http://www.ubiqus.fr – [email protected]
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
Remerciements
Nous tenons à remercier chaleureusement les personnes et organismes ayant permis la réalisation et
la tenue de ce colloque et particulièrement les membres du groupe "graine de parentalité" :
Madeleine AZARIAN-NAZAC, médecin (IMM)
Henri COHEN, médecin (IMM)
Juliette GAILLOT, assistante sociale (IMM)
Béatrice IDIARD-CHAMOIS, sage-femme (IMM)
Vincent IZARD, médecin (IMM / AP-HP)
Franck BERTON, assistant social (CRAMIF)
Marie LADRET, ergothérapeute (CRAMIF)
Lavinie MALEUVRE, responsable (CRAMIF)
Yann MOISAN, Cedas (CRAMIF)
Samuel VALENTI, responsable DASSH (CRAMIF)
Marc DOMMERGUES, médecin (AP-HP)
Hervé FERNANDEZ, médecin (AP-HP)
Françoise GALIFFET, assistante sociale (AP-HP)
Nadège RENAUX, responsable Mission Handicap (AP-HP)
Sophie SERREAU, sage-femme (AP-HP)
Nathalie PICQUENARD, sage-femme (Libérale)
Francine DAUPHIN-CAUMEL, sage-femme (Libérale)
Drina CANDILIS-HUISRAN, psychologue (IPP)
Edith THOUEILLE, puéricultrice (IPP)
Delphine SIEGRIST, journaliste (APF)
Anne WAUQUIER, ergothérapeute (SCAPH 95)
Paris, le 3 février 2009
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
GLOSSAIRE
AAH : Allocation Adultes Handicapés
ACTP : Allocation Compensative pour Tierce Personne
AES : Allocation d’Education Spéciale
AFP : Allocation Frais Professionnels
AP – HP : Assistance Publique – Hôpitaux de Paris
APL : Aide Personnalisée au Logement
ARH : Agence Régionale d’Hospitalisation
CAF : Caisse d’Allocations Familiales
CAMSP : Centre d’Action Médico Sociale Précoce
CCAS : Centre Communal d’Action Sociale
CHU : Centre Hospitalier Universitaire
CICAT : Centre d’Informations et de Conseils sur les Aides Techniques
CIF : Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap et de la santé
CIM : Classification Internationale des Maladies
CNAF : Caisse Nationale d’Allocations Familiales
CNAM : Conservatoire National des Arts et Métiers
CNAMTS : Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés
CNCPH : Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées
CNSA : Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie
CRAMIF : Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Ile-de-France
DALO : Droit Au Logement Opposable
DPPI : Disability Pregnancy and Parenthood International
ESCAVIE : Espace Conseil pour l’Autonomie en milieu ordinaire de Vie
HALDE : Haute Autorité de Lutte contre la Discrimination et pour l’Egalité
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Accompagner la parentalité
CRAMIF
HID : Handicap – Incapacités – Dépendances
HRA Hyper Réflexie Autonome
HTA : Hyper Tension Artérielle
IMM : Institut Mutualiste Montsouris
INRAP : Institut National de Recherches Archéologiques Préventives
IPP : Institut de Puéricultrices de Paris
LSF : Langue des Signes Française
MDPH : Maison Départementale des Personnes Handicapées
MPR Médecine Physique et de Réadaptation
OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
ORL : Oto-Rhino-Laryngologie
PCH : Prestation de Compensation du Handicap
PMI : Protection Maternelle et Infantile
PMM :
RIPPH : Réseau International sur le Processus de Production du Handicap
SAMSAH : Service d’Accompagnement Médico-Social Adultes Handicapées
SIDA : Syndrome d’Immuno Déficience Acquise
SMS : Short Message Service
SPPH : Service Périnatal Parents Handicapés
T2A : Tarification à l’Activité
UNISS : Unité d’Information et de Soins des Sourds
URCAM : Union Régionale des Caisses d’Assurance Maladie
Paris, le 3 février 2009
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Directeur de la publication : Gérard ROPERT - Réalisation : Chaîne graphique CRAMIF
Dépôt légal : 3e trimestre 2009 - Impression : Reprographie CRAMIF
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