Traitement d`une rupture traumatique isolée de la

La rupture isolée de la jonction pyélo-urétérale par traumatisme
fermé de l’abdomen reste une pathologie rare. Elle a été décrite
pour la première fois dans la littérature par BAILEY en 1924 sur le
cadavre [1]. Le diagnostic réalisé par un examen tomodensitomé-
trique abdominal, le traitement consiste à une anastomose urétéro-
pyélique classiquement effectuée par chirurgie ouverte.
Nous rapportons l’observation d’une rupture complète de la jonc-
tion pyélo-urétérale traitée par une anastomose urétéro-pyélique
réalisée en urgence par laparoscopie rétro-péritonéale.
OBSERVATION
Une femme de 37 ans était admise après un accident de la voie
publique en voiture. Elle était passagère avant et portait une cein-
ture de sécurité. La voiture avait fait plusieurs tonneaux avant de
chuter d’une hauteur de 10 mètres.
Lors de la prise en charge, la patiente était consciente, hémodyna-
miquement stable et apyrétique. L’examen clinique retrouvait un
abdomen douloureux avec un hypochondre et une fosse lombaire
droites plus sensibles sans défense ni contact lombaire. L’inspec-
tion cutanée retrouvait une dermabrasion secondaire à la ceinture
de sécurité. Les urines étaient claires et le bilan biologique était
normal. L’examen tomodensitométrique révélait des fractures de
l’arc postérieur de K10 et K11 droites avec un hématome sous cuta-
en regard, sans épanchement pleural ni pneumothorax. L’analy-
se de la cavité abdominale montrait l’absence d’atteinte hépatique,
splénique et rénale gauche. Il existait par contre une extravasation
hilaire rénale droite de produit de contraste sans opacification de
l’uretère sous jacent avec un parenchyme intact et une absence
d’hématome péri rénal (Figure 1).
La patiente était mutée en urologie et opérée en urgence moins de
6heures après l’accident.
A l’urétéro-pyélographie rétrograde il y avait une large fuite de pro-
duit de contraste au niveau de la jonction pyélo-urétérale. Le cathé-
térisme des cavités rénales s’avérant impossible une urétéroscopie
confirmait la rupture complète de la jonction pyélo-urétérale.
La patiente était installée en décubitus latéral gauche, quatre tro-
carts étaient positionnés en position rétro-péritonéale : un trocart de
10 mm et un de 5 mm sur la ligne axillaire postérieure, un de 10 mm
sur la ligne axillaire moyenne au dessus de la crête iliaque pour
l’optique et un de 5mm sur la ligne axillaire antérieure.
L’uretère était spatulé au niveau de sa désinsertion et anastomosé au
bassinet par des points séparés de fil résorbable 4/0.Une sonde dou-
ble J et un drain de redon étaient laissés en place.
Les suites opératoires étaient simples avec un retour à domicile au
7ème jour. La sonde double J était retirée au bout de 4 semaines.
A l’urographie intraveineuse réalisée à 3 mois il y avait une répara-
tion pyélo-urétérale parfaite (Figure 2).
DISCUSSION
La rupture isolée et complète de la jonction pyélo-urétérale après
traumatisme fermé de l’abdomen est une pathologie rare. L’étiolo-
gie la plus habituelle est représentée par les accidents de la circula-
tion [2]. Le mécanisme physiopathologique est une décélération
brutale associée à une hyper extension du tronc entraînant une ten-
sion brutale de l’uretère, fixé dans le rétro péritoine, et la projection
du bassinet contre le muscle transverse et ou la colonne vertébrale
[3]. Les enfants, du fait de leur laxité importante, sont les plus sou-
CAS CLINIQUE Progrès en Urologie (2006), 16, 620-622
Traitement d’une rupture traumatique isolée de la jonction pyélo-urétérale
par laparoscopie rétro-péritonéale
Philippe PACHECO, Bertrand LACROIX, Stéphane LORIN, Corinne ARMAND, Jacques TOSTAIN
Service d’Urologie, Hôpital Nord, Saint-Etienne, France
RESUME
La rupture isolée de la jonction pyélo-urétérale par traumatisme fermé de l’abdomen est rare sans être excep-
tionnelle. Le diagnostic peut être retardé et repose sur la réalisation d’un scanner abdominal injecté avec clichés
tardifs.
La réparation de la voie excrétrice peut être réalisée par une anastomose urétéro- pyélique.
Nous rapportons la première observation d’une rupture complète de la jonction pyélo-urétérale après trauma-
tisme fermé de l’abdomen réparée en urgence par la réalisation d’une anastomose urétéro-pyélique par lapa-
roscopie rétro-péritonéale.
Mots clés :Traumatisme abdominal, jonction pyélo-urétérale, laparoscopie rétro-péritonéale.
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Manuscrit reçu : août 2005, accepté : juin 2006
Adresse pour correspondance : Dr. P. Pacheco, Service d’Urologie, Hôpital Nord, CHU
de Saint-Etienne, 42055 Cedex 2.
Ref : PACHECO P., LACROIX B., LORIN S., ARMAND C., TOSTAIN J. Prog. Urol.,
2006, 16, 620-622
vent touchés. Ces lésions prédominent du côté droit et sont plus fré-
quentes chez les patients porteurs d’un syndrome de la jonction
pyélo-urétérale [2, 4, 5]. Dans notre observation, la patiente ne pré-
sentait aucune anomalie urologique.
La rupture isolée de la jonction pyélo-urétérale est une urgence dont
le diagnostic peut être retardé, surtout en cas de rupture partielle. Il
est souvent réalisé au-delà de 36 heures, dans plus de 50% des cas
[6, 7]. L’atteinte des voies urinaires supérieures est souvent associée
àd’autres lésions dans le cadre d’un polytraumatisme (plaies hépa-
tique, pancréatique ou splénique ; rupture du diaphragme ; trauma-
tisme thoracique ; fractures vertébrales) [3, 6]. Ces lésions peuvent
mettre en jeu le pronostic vital nécessitant une prise en charge chi-
rurgicale en urgence et retardant la réalisation des explorations
radiographiques et en particulier rénales [6, 7].
Lors d’une rupture isolée de la jonction pyélo-urétérale, l’examen
clinique est le plus souvent normal.
L’hématurie microscopique ou macroscopique n’est retrouvée que
dans 2/3 des cas [5-7]. Si l’hématurie est associée à la notion d’un
accident avec un mécanisme de décélération, la rupture de la jonc-
tion pyélo-urétérale est retrouvée dans 96% des cas [6].
Le scanner abdominal en urgence avec des coupes non injectées
puis injectées précoces et retardées est l’examen para clinique de
référence. L’analyse scannographique d’une rupture de la jonction
pyélo-urétérale, décrite par KENNEY,met en évidence une large
extravasation de produit de contraste inhabituelle à la partie média-
ne du rein, une fonction parenchymateuse intacte, l’absence d’hé-
matome péri rénal et d’opacification de l’uretère sous jacent [4, 5,
8, 9].
Le scanner peut méconnaître 2/3 des ruptures de la jonction pyélo-
urétérale s’il n’est pas réalisé correctement d’où l’importance d’ob-
tenir des clichés tardifs [10].
Cet examen doit être réalisé à la recherche d’une rupture de la jonc-
tion pyélo-urétérale en cas d’accident avec décélération majeure
associée à un de ces 4 signes : hématurie microscopique avec choc
initial (tension artérielle < 90 mm de mercure), hématurie macro-
scopique, polytraumatisme, contact ou ecchymose lombaires [6].
Le traitement des lésions partielles de la jonction pyélo-urétérale
consiste à la mise en place d’une sonde double J pendant 6 à 8
semaines [11]. En cas de rupture complète une réparation chirurgi-
cale est nécessaire en réalisant une anastomose urétéro-pyélique [2,
8]. Généralement réalisé à ciel ouvert, ce geste a été effectué dans
notre observation par laparoscopie rétro-péritonéale en raison de
son caractère isolé et de l’expérience acquise lors du traitement chi-
rurgical des syndromes de la jonction pyélo-urétérale primitifs.
Dans la littérature, il n’existe qu’un exemple de traitement laparos-
copique d’une jonction pyélo-urétrale traumatique mais il s’agissait
d’une obstruction secondaire au traumatisme rénal avec échec des
dilatations endoscopiques [12].
CONCLUSION
La rupture traumatique isolée de la jonction pyélo-urétérale est une
urgence rare mais non exceptionnelle.
Lors d’accidents pouvant être à l’origine de lésions des voies uri-
naires supérieures, il est important de réaliser un scanner abdominal
avec injection de produit de contraste et de prendre le temps d’ob-
tenir des clichés tardifs. La réparation urétéro-pyélique par laparos-
copie rétro-péritonéale, réalisée par une équipe ayant l’expérience
de cette technique, constitue une alternative à la chirurgie ouverte
même dans le cadre de l’urgence.
REFERENCES
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P. Pacheco et coll., Progrès en Urologie (2006), 16, 620-622
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Figure 1. Scanner abdominal injecté avec extravasation hilaire réna-
le droite de produit de contraste sans atteinte du parenchyme rénal ni
hématome péri rénal.
Figure 2. Urographie intraveineuse réalisée au 3ème mois après le
traitement chirurgical.
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truction after renal trauma : a case report. Hinyokika kiyo., 49 : 663-665.
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SUMMARY
Laparoscopic treatment of an isolated ureteropelvic junction disrup-
tion following blunt abdominal trauma.
Isolated disruption of the ureteropelvic junction following blunt abdominal
trauma is rare, although not exceptional. The diagnosis may be delayed.
CT-scan with excretory phase imaging is the usual mode of diagnosis.
The urinary tract can be repaired by an ureteropyelic anastomosis over
astent.
The authors report the first case of an isolated disruption of the urete-
ropelvic junction following blunt abdominal trauma repaired by retro-
peritoneal laparoscopy.
Key words:Abdominal trauma, ureteropelvic junction, laparoscopy.
P. Pacheco et coll., Progrès en Urologie (2006), 16, 620-622
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