Traitement d`une rupture traumatique isolée de la

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◆ CAS CLINIQUE
Progrès en Urologie (2006), 16, 620-622
Traitement d’une rupture traumatique isolée de la jonction pyélo-urétérale
par laparoscopie rétro-péritonéale
Philippe PACHECO, Bertrand LACROIX, Stéphane LORIN, Corinne ARMAND, Jacques TOSTAIN
Service d’Urologie, Hôpital Nord, Saint-Etienne, France
RESUME
La rupture isolée de la jonction pyélo-urétérale par traumatisme fermé de l’abdomen est rare sans être exceptionnelle. Le diagnostic peut être retardé et repose sur la réalisation d’un scanner abdominal injecté avec clichés
tardifs.
La réparation de la voie excrétrice peut être réalisée par une anastomose urétéro- pyélique.
Nous rapportons la première observation d’une rupture complète de la jonction pyélo-urétérale après traumatisme fermé de l’abdomen réparée en urgence par la réalisation d’une anastomose urétéro-pyélique par laparoscopie rétro-péritonéale.
Mots clés : Traumatisme abdominal, jonction pyélo-urétérale, laparoscopie rétro-péritonéale.
duit de contraste au niveau de la jonction pyélo-urétérale. Le cathétérisme des cavités rénales s’avérant impossible une urétéroscopie
confirmait la rupture complète de la jonction pyélo-urétérale.
La rupture isolée de la jonction pyélo-urétérale par traumatisme
fermé de l’abdomen reste une pathologie rare. Elle a été décrite
pour la première fois dans la littérature par BAILEY en 1924 sur le
cadavre [1]. Le diagnostic réalisé par un examen tomodensitométrique abdominal, le traitement consiste à une anastomose urétéropyélique classiquement effectuée par chirurgie ouverte.
La patiente était installée en décubitus latéral gauche, quatre trocarts étaient positionnés en position rétro-péritonéale : un trocart de
10 mm et un de 5 mm sur la ligne axillaire postérieure, un de 10 mm
sur la ligne axillaire moyenne au dessus de la crête iliaque pour
l’optique et un de 5mm sur la ligne axillaire antérieure.
Nous rapportons l’observation d’une rupture complète de la jonction pyélo-urétérale traitée par une anastomose urétéro-pyélique
réalisée en urgence par laparoscopie rétro-péritonéale.
L’uretère était spatulé au niveau de sa désinsertion et anastomosé au
bassinet par des points séparés de fil résorbable 4/0.Une sonde double J et un drain de redon étaient laissés en place.
OBSERVATION
Les suites opératoires étaient simples avec un retour à domicile au
7ème jour. La sonde double J était retirée au bout de 4 semaines.
Une femme de 37 ans était admise après un accident de la voie
publique en voiture. Elle était passagère avant et portait une ceinture de sécurité. La voiture avait fait plusieurs tonneaux avant de
chuter d’une hauteur de 10 mètres.
A l’urographie intraveineuse réalisée à 3 mois il y avait une réparation pyélo-urétérale parfaite (Figure 2).
Lors de la prise en charge, la patiente était consciente, hémodynamiquement stable et apyrétique. L’examen clinique retrouvait un
abdomen douloureux avec un hypochondre et une fosse lombaire
droites plus sensibles sans défense ni contact lombaire. L’inspection cutanée retrouvait une dermabrasion secondaire à la ceinture
de sécurité. Les urines étaient claires et le bilan biologique était
normal. L’examen tomodensitométrique révélait des fractures de
l’arc postérieur de K10 et K11 droites avec un hématome sous cutané en regard, sans épanchement pleural ni pneumothorax. L’analyse de la cavité abdominale montrait l’absence d’atteinte hépatique,
splénique et rénale gauche. Il existait par contre une extravasation
hilaire rénale droite de produit de contraste sans opacification de
l’uretère sous jacent avec un parenchyme intact et une absence
d’hématome péri rénal (Figure 1).
DISCUSSION
La rupture isolée et complète de la jonction pyélo-urétérale après
traumatisme fermé de l’abdomen est une pathologie rare. L’étiologie la plus habituelle est représentée par les accidents de la circulation [2]. Le mécanisme physiopathologique est une décélération
brutale associée à une hyper extension du tronc entraînant une tension brutale de l’uretère, fixé dans le rétro péritoine, et la projection
du bassinet contre le muscle transverse et ou la colonne vertébrale
[3]. Les enfants, du fait de leur laxité importante, sont les plus souManuscrit reçu : août 2005, accepté : juin 2006
Adresse pour correspondance : Dr. P. Pacheco, Service d’Urologie, Hôpital Nord, CHU
de Saint-Etienne, 42055 Cedex 2.
La patiente était mutée en urologie et opérée en urgence moins de
6 heures après l’accident.
e-mail : [email protected]
Ref : PACHECO P., LACROIX B., LORIN S., ARMAND C., TOSTAIN J. Prog. Urol.,
2006, 16, 620-622
A l’urétéro-pyélographie rétrograde il y avait une large fuite de pro-
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P. Pacheco et coll., Progrès en Urologie (2006), 16, 620-622
Figure 1. Scanner abdominal injecté avec extravasation hilaire rénale droite de produit de contraste sans atteinte du parenchyme rénal ni
hématome péri rénal.
vent touchés. Ces lésions prédominent du côté droit et sont plus fréquentes chez les patients porteurs d’un syndrome de la jonction
pyélo-urétérale [2, 4, 5]. Dans notre observation, la patiente ne présentait aucune anomalie urologique.
La rupture isolée de la jonction pyélo-urétérale est une urgence dont
le diagnostic peut être retardé, surtout en cas de rupture partielle. Il
est souvent réalisé au-delà de 36 heures, dans plus de 50% des cas
[6, 7]. L’atteinte des voies urinaires supérieures est souvent associée
à d’autres lésions dans le cadre d’un polytraumatisme (plaies hépatique, pancréatique ou splénique ; rupture du diaphragme ; traumatisme thoracique ; fractures vertébrales) [3, 6]. Ces lésions peuvent
mettre en jeu le pronostic vital nécessitant une prise en charge chirurgicale en urgence et retardant la réalisation des explorations
radiographiques et en particulier rénales [6, 7].
Lors d’une rupture isolée de la jonction pyélo-urétérale, l’examen
clinique est le plus souvent normal.
L’hématurie microscopique ou macroscopique n’est retrouvée que
dans 2/3 des cas [5-7]. Si l’hématurie est associée à la notion d’un
accident avec un mécanisme de décélération, la rupture de la jonction pyélo-urétérale est retrouvée dans 96% des cas [6].
Le scanner abdominal en urgence avec des coupes non injectées
puis injectées précoces et retardées est l’examen para clinique de
référence. L’analyse scannographique d’une rupture de la jonction
pyélo-urétérale, décrite par KENNEY, met en évidence une large
extravasation de produit de contraste inhabituelle à la partie médiane du rein, une fonction parenchymateuse intacte, l’absence d’hématome péri rénal et d’opacification de l’uretère sous jacent [4, 5,
8, 9].
Le scanner peut méconnaître 2/3 des ruptures de la jonction pyélourétérale s’il n’est pas réalisé correctement d’où l’importance d’obtenir des clichés tardifs [10].
Cet examen doit être réalisé à la recherche d’une rupture de la jonction pyélo-urétérale en cas d’accident avec décélération majeure
associée à un de ces 4 signes : hématurie microscopique avec choc
initial (tension artérielle < 90 mm de mercure), hématurie macroscopique, polytraumatisme, contact ou ecchymose lombaires [6].
Figure 2. Urographie intraveineuse réalisée au 3ème mois après le
traitement chirurgical.
semaines [11]. En cas de rupture complète une réparation chirurgicale est nécessaire en réalisant une anastomose urétéro-pyélique [2,
8]. Généralement réalisé à ciel ouvert, ce geste a été effectué dans
notre observation par laparoscopie rétro-péritonéale en raison de
son caractère isolé et de l’expérience acquise lors du traitement chirurgical des syndromes de la jonction pyélo-urétérale primitifs.
Dans la littérature, il n’existe qu’un exemple de traitement laparoscopique d’une jonction pyélo-urétrale traumatique mais il s’agissait
d’une obstruction secondaire au traumatisme rénal avec échec des
dilatations endoscopiques [12].
CONCLUSION
La rupture traumatique isolée de la jonction pyélo-urétérale est une
urgence rare mais non exceptionnelle.
Lors d’accidents pouvant être à l’origine de lésions des voies urinaires supérieures, il est important de réaliser un scanner abdominal
avec injection de produit de contraste et de prendre le temps d’obtenir des clichés tardifs. La réparation urétéro-pyélique par laparoscopie rétro-péritonéale, réalisée par une équipe ayant l’expérience
de cette technique, constitue une alternative à la chirurgie ouverte
même dans le cadre de l’urgence.
REFERENCES
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Le traitement des lésions partielles de la jonction pyélo-urétérale
consiste à la mise en place d’une sonde double J pendant 6 à 8
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SUMMARY
Laparoscopic treatment of an isolated ureteropelvic junction disruption following blunt abdominal trauma.
Isolated disruption of the ureteropelvic junction following blunt abdominal
trauma is rare, although not exceptional. The diagnosis may be delayed.
CT-scan with excretory phase imaging is the usual mode of diagnosis.
The urinary tract can be repaired by an ureteropyelic anastomosis over
a stent.
The authors report the first case of an isolated disruption of the ureteropelvic junction following blunt abdominal trauma repaired by retroperitoneal laparoscopy.
Key words: Abdominal trauma, ureteropelvic junction, laparoscopy.
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