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Introduction
Je suis heureux de vous présenter ce
deuxième ouvrage de la collection des
Guides pratiques de l’économie solidaire
édité par l’Apeas.
Après la Consommation responsable et solidaire en
PACA, nous vous présentons aujourd’hui le Guide
de l’épargne et des finances solidaires. Le point de
départ de ce guide reste le même :
En tant que citoyen nous pouvons tous, par nos
pratiques de tous les jours, ré-interroger le sens
que nous donnons à l’économie, que ce soit par
nos manières de consommer comme nous l’avons
abordé dans notre premier guide, ou par notre
rapport à l’argent comme nous l’abordons dans
celui-ci.
L’argent est au centre de nos vies et de notre
société, il participe à l’organisation des échanges
et au modèle économique. Parler de l’utilité et du
sens de l’argent est donc éminemment politique.
Cela nous renvoie à la question : dans quelle société
souhaitons-nous vivre ?
Aujourd’hui, le modèle économique dominant,
basé sur le capital, donne une place prépondérante
à l’argent et plus particulièrement à la finance. Il
conduit à faire du profit la finalité de l’économie au
détriment de l’économie comme moyen au service
des hommes. Où est le vivre ensemble ?
La mondialisation en cours, en favorisant la
libéralisation des marchés des capitaux, accentue
les inégalités entre une minorité qui profite de ce
système et une majorité qui le subit. En plus de
l’accroissement des inégalités sociales, ce système
a un impact de plus en plus négatif sur la gestion
de la planète, la gestion des biens communs de
l’humanité (pillage des ressources naturelles,
destruction de la bio diversité...).
L’argent, à travers la marchandisation accrue des
biens et des services, s’infiltre au coeur de tous
nos échanges. Ce qui avant relevait du troc, de
l’échange de services ou de la solidarité familiale
devient aujourd’hui une prestation de services à
la personne. Tout s’achète et tout se vend, prône le
libéral convaincu. La société humaine est en fait un
vaste marché où l’offre et la demande se régulent
pour le bien-être de l’humanité. Cette vision d’un
monde basée sur les valeurs du marché, qui institue
comme finalité la recherche de profit et comme
moyen la concurrence, devient chaque jour plus
prégnante. Cette logique nous entraîne à ne plus
nous questionner sur nos besoins réels ou nos
envies mais à répondre constamment aux nécessités
du marché, à consommer quitte à s’endetter, à
placer son argent dans l’espoir d’en tirer un profit
maximum qui nous permette de consommer
davantage, etc. Le cercle vicieux s’installe.
A l’opposé de cette approche, des citoyens se
regroupent, s’associent pour construire des
alternatives. Ils se questionnent sur la valeur
de l’échange, sur une autre conception du
développement plus respectueux des hommes, de
la redistribution des richesses, du développement
durable, du respect de l’environnement. Ils
réinventent des manières d’échanger autrement, de
consommer autrement, d’entreprendre autrement,
que ce soit dans une économie non marchande
(réseau d’échange de savoir, système d’échange
local...) ou au coeur de l’économie marchande
(commerce équitable, insertion par l’économie,
tourisme solidaire, écodéveloppement...).
En tant que consommateur, nous pouvons faire nos
choix dans nos modes d’achat. Nous pouvons aussi
décider d’utiliser notre argent à d’autres fins que la
consommation. Etre un épargnant solidaire, c’est
décider de donner une autre utilité à son argent.
C’est choisir d’utiliser cet argent pour soutenir des
initiatives solidaires, que ce soit par une participation
directe à un projet ou par un don d’une partie des
gains de son épargne à une cause solidaire.
Entreprendre au sein de l’économie marchande
dans une démarche d’économie solidaire, c’est
placer une finalité sociétale (protection de
l’environnement, solidarité, partage du savoir, lien
social) au centre de son activité en lieu et place du
profit et de la rentabilité financière. Cette situation
place « l’entreprise » solidaire dans un double défi :
assurer une viabilité économique pour permettre de
pérenniser son activité et remplir sa mission d’utilité
sociale. Cette nécessité de maîtriser à la fois gestion
économique et utilité sociale se confronte à une
difficulté supplémentaire : trouver des financeurs.
La finalité sociale est beaucoup moins attractive
que la finalité de profit d’une entreprise classique
pour les banques ou les investisseurs traditionnels,
puisque c’est le profit qui intéresse l’investisseur.
par BrUNO LaSNIEr
introduction