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Au Vieux-Colombier, Antigone sous l'occupation
Au théâtre du Vieux-Colombier, Marc Paquien monte Antigone, non pas la pièce antique de
Sophocle mais sa réécriture par Anouilh donnée cette rentrée pour la première fois à la
Comédie-Française.
Dévalorisée, jugée à tort quasi boulevardière car trop quotidienne, domestique, la pièce, remise
au goût du jour par le dramaturge français en 1944, en pleine guerre, pendant la période nazie,
demeure étonnamment une grande et forte tragédie politique et humaine. C’est en tout cas
comme cela qu'on la reçoit en voyant la mise en scène grave, crépusculaire et tendue de Marc
Paquien. Comme toujours, Paquien fait du bon travail (il a déjà présenté au Français "Les
affaires sont les affaires" d’Octave Mirbeau et "La Voix humaine" de Jean Cocteau) mais ses
réalisations restent tout de même un peu convenues ; c'est encore le cas avec cette Antigone
qui devrait s'enrichir de partis pris plus nets pour gagner en puissance et en radicalité.
Les costumes évoquent à eux seuls les années d’occupation allemande tandis que les
résonances avec cette époque se font trop discrètes sinon inexistantes sur le plateau. Le
contexte historique (« le Paris des rafles, des tracts et des attentats » dont parle le metteur en
scène dans le programme de salle sans le restituer clairement dans son spectacle) occupe une
place beaucoup plus évidente dans le texte et en fait la singularité. L’intemporalité choisie par
Paquien pose problème car décontextualise la pièce. Pourquoi monter la version d’Anouilh si
elle sa contemporanéité est évacuée ? Le cadre scénographique qu’il propose aurait tout aussi
bien pu accueillir la pièce de Sophocle. Preuve en est, il est sensiblement le même que celui de
l’Electre de Vitez avec son haut mur vertical et ses ouvertures alignées à double battants.
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L’épure et la sobriété ne freinent jamais le jeu vif des acteurs. Françoise Gillard incarnant cette
figure de la résistance est d’une émouvante justesse. Antigone la rebelle, l’insoumise, s’érige
contre le pouvoir et les décisions arbitraires de son oncle Créon en prenant parti pour son frère
humilié jusque dans la mort. Considéré comme un traître, un voyou, il lui est interdit de recevoir
les honneurs mortuaires. son corps est laissé là à pourrir au soleil. Antigone est ici encore une
gamine, agile, espiègle, masculine, les cheveux courts et en pantalon. Dans une confrontation
musclée, elle s’oppose à Créon , Bruno Raffaelli, qui campe avec une sévérité lasse un roi
lucide, réfléchi mais aussi fatigué, dépassé, prisonnier de son rôle d’homme d’état. Les
seconds rôles masculins font bonne impression. Citons Nâzim Boudjenah sensible Hémon,
Stéphane Varupenne, garde drôle et franc, Benjamin Jungers dans le messager. Ils sont
parfaits.
Photo (c) Mirco Cosimo Magliocca
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