Le magazine de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale
Plan Cancer
Avis de chercheurs
Effets gravitationnels
Des souris et des os
Benzodiazépines
Avec modération
19 l
mars - avril
2 014
JEUX VIDÉO,
JEUX D'ARGENT,
SEXE,
TRAVAIL…
Des addictions
comme les autres ?
Des addictions
comme les autres ?
&
En partenariat avec : Avec le soutien de :
MARS-AVRIL 2014 N° 19 3
Si les addictions aux substances
psychoactives et les troubles
liés aux abus des jeux vidéo
se différencient, ils ont pourtant
des points communs.
On retrouve les mêmes facteurs
de risque, à la fois individuels (co-morbidités
psychiatriques) et environnementaux (parents
en grande souffrance ou absents, groupe de
pairs…) dans leur apparition et leur durée. Dans
les deux cas, il existe une perte de contrôle qui
entraîne la poursuite de l’usage ou de la pratique,
malgré la survenue des dommages. Quant aux
différences, il faut déjà noter que la toxicité n’est
pas la même : la simple expérimentation de
drogues peut être dangereuse, voire mortelle. De
même, les troubles somatiques ou neurocognitifs
provoqués par des consommations chroniques
peuvent être redoutables, alors qu’ils sont très
rares avec les addictions comportementales. Par
ailleurs, la prise excessive de psychotropes se
fait souvent dans le cadre d’autres conduites à
risques (conduite automobile sous l’emprise de
produits, agressions physiques, rapports sexuels
non protégés voire non désirés…). A contrario,
la pratique excessive des jeux vidéo peut refléter
la volonté de l’adolescent de contrôler dans
le virtuel ce qu’il ne peut gérer dans le réel et
cacher une phobie sociale. Enfin, le syndrome de
sevrage, lié à un déséquilibre du système neuro-
hormonal dû à la consommation de substances,
n’existe pas pour les abus de jeux vidéo.
En conséquence, pour le clinicien,
les prises en charge ont également des
similitudes : importance de l’alliance
thérapeutique, impulsion de changement
sur tous les facteurs de risque et nécessité
d’une thérapie dans le respect du patient et
de ses pratiques. Les jeux existent depuis
la nuit des temps, car ils participent de
notre humanité. L’important est d’essayer
de contrecarrer les effets délétères de leur usage
abusif sur le développement de l’adolescent,
et non d’éradiquer le jeu de sa vie.
Olivier Phan
Unité 669 Inserm/Université Paris 11-Paris Sud –
Université Paris-Descartes, Trouble du comportement alimentaire de l’adolescent
À LA UNE
4 Plan Cancer 2014-2019
Avis de chercheurs
DÉCOUVERTES
6 Toxinologie Un tueur dans la garrigue
10 Effets gravitationnels
Des souris au service de nos os
TÊTES CHERCHEUSES
14 Françoise Clavel-Chapelon
100 000 femmes à la loupe
REGARDS SUR LE MONDE
17 Hérédité
La peur du prédateur transmise par le sperme ?
CLINIQUEMENT VÔTRE
18 Neurosciences L’activité physique… cérébrale
20 Schizophrénie Inégalité face aux traitements
Grand anGle
22 Jeux vidéo, jeux d’argent,
sexe, travail
Des addictions comme les autres ?
MÉDECINE GÉNÉRALE
34 Homéopathie Pour quels patients ?
ENTREPRENDRE
38 Recherche et innovation L’incontournable alliance
OPINIONS
40 Benzodiazépines À consommer avec modération
STRATÉGIES
42 Recherche en médecine générale
Une discipline en devenir
43 Système d’information de l’Inserm
La nouvelle feuille de route
50 ANS DE L’INSERM
44 Génétique
Des maladies rares aux maladies infectieuses
BLOC-NOTES
46 La voix : l’expo qui vous parle
48 Yves Agid, L’homme subconscient –
Le cerveau et ses erreurs
SOMMAIRE
©
FRANÇOIS GUÉNET/INSERM
N° 19 MARS - AVRIL 2014
4 4
PlAn CAnCER 2014-2019
Avis de chercheurs
Le 4 février dernier, lors des Rencontres
de l’Institut national du cancer, le Président
de la République présentait le nouveau Plan Cancer :
17 objectifs déclinés en de nombreuses actions
définissent les nouvelles orientations de la lutte
contre le cancer. Trois chercheurs déjà impliqués
dans ce domaine donnent leur point de vue.
LAdipocytes
Cellules du tissu adipeux,
spécialisées dans le
stockage de la graisse
LOstéocytes
Cellules du tissu osseux
L
Voie de
signalisation
Succession de réactions
biochimiques en réponse
à une activation dans une
cellule
Olivier Delattre : unité 830 Inserm/
Institut Curie - Université Paris-Descartes
«C’est en effet une
nécessité, car les
cancers pédiatriques
sont très particuliers,
commence Olivier
Delattre*,
directeur de lunité Génétique et biologie des cancers
à l’Institut Curie de Paris. Dune part, ils ne sont pas
observés chez ladulte et ils correspondent à une ano-
malie du développement, plutôt que du vieillissement
ou de l’interaction avec lenvironnement. Dautre part,
s’ils se traitent très bien - 80 % dentre eux sont guéris -,
il faut tenter de limiter encore plus les éventuels séquelles
et effets secondaires des traitements que pour les adultes:
lespérance de vie après le cancer est encore longue! Chez
lenfant, l’irradiation dune tumeur cérébrale se fait sur un
cerveau en développement: plus que jamais, il faut discri-
miner la zone ciblée des tissus sains environnants. Dans
cette optique particulière, lun
des points importants, «c’est
de comprendre les mécanismes
à lorigine des tumeurs», précise
le chercheur. Dans le cas des
tumeurs d’Ewing - deuxième
tumeur primitive de los la plus
fréquente chez lenfant - caractérisées par l’existence dun
gène chimérique (fusion de deux autres), le laboratoire
a réussi à montrer que les cellules atteintes dérivent
de cellules mésenchymateuses, celles qui peuvent se
différencier en adipocytes
(L)
ou en ostéocytes
(L)
. Une
information essentielle pour cibler les cellules mutées et
laisser intactes les cellules dorigine.
Par ailleurs, alors que les industriels s’intéressent rarement
aux cancers pédiatriques - jugés peu rentables -, Olivier
Delattre et ses collaborateurs sont parvenus à montrer
que le gène chimérique en cause avait un lien direct avec
plusieurs voies de signalisation
(L)
, par exemple celle de
l’IGF1. «Or, il existe déjà des médicaments, développés
pour les adultes, qui agissent à ce niveau!» Médicaments
qu’il sera plus aisé dadapter pour les enfants.
«Surtout, note le chercheur, il faut favoriser laccès aux
innovations thérapeutiques pour les enfants: la label-
lisation de centres dessais cliniques de phase précoce
par l’INCa dédiés à lenfant est primordiale.» Car pour
les 20% d’enfants atteints de cancers quon ne sait pas
encore guérir, il est en effet urgent de mettre en place
des essais cliniques novateurs.
BOOSTER
la recherche
sur les cancers
de l’enfant
Sarcome d’Ewing
sur le radius d’un
enfant, en orange
(vues face et profil)
©
ZEPHYR/SPL/PHANIE
©
INCA
À LA UNE
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MARS - AVRIL 2014 N° 19 5 5
www.e-cancer.fr
8
* Voir
S&S
n° 14, Grand Angle
« Médecine personnalisée -
Les promesses du
sur-mesure », p. 22-33
Pierre Laurent-Puig : unité 1147 Inserm
- Université Paris-Descartes
«Analyser 10 000 tumeurs en 2015 et 60 000 en 2018; séquencer le génome complet
de 50 000 patients en 2019», ce sont les objectifs du Plan pour maintenir la position
dynamique de la France dans le développement de la médecine personnalisée*.
Pour Pierre Laurent-Puig *, directeur de lunité Bases moléculaires de la
réponse aux xénobiotiques au Centre universitaire des Saints-Pères, ce nest pas
nouveau: cest ce qui guide ses recherches depuis longtemps. Son laboratoire
a ainsi montré que les variations de
mutation du gène kras, impliquées
dans les cancers colorectaux, étaient prédictives de la réponse aux
traitements fondés sur lutilisation danticorps dirigés contre EGFR,
un récepteur du facteur de croissance
(L)
épidermique. Depuis, ces
mutations ont été retrouvées dans dautres tumeurs. «C’est pourquoi,
plus on connaîtra daltérations génétiques, plus on sera à même de
trouver des traitements efficaces!»
«En outre, insiste le chercheur, la connaissance de la génétique des
tumeurs, en plus dêtre un outil daide au choix thérapeutique, peut
aussi être un outil de suivi, qui permettrait danticiper sur les récidives.
Les progrès technologiques permettent, désormais, de repérer des
cellules tumorales circulantes, précurseurs de métastases, et même
lADN tumoral.» Ne resterait alors quà
séquencer ce dernier pour identifier des
caractéristiques biologiques particu-
lières. Et administrer un traitement ciblé
préventif. Dans cette optique, les objectifs
à atteindre semblent très raisonnables pour
le chercheur. n Julie Coquart
LPrévalence
Proportion de fumeurs
dans la population
« Premier facteur de
risque évitable de
cancers en France, le
tabac est responsable à
lui seul de près de 30%
des décès par cancer»,
énonce en préambule
de son objectif 10 le
Plan Cancer 2014-2019. Lobjectif est donc de diminuer
dun tiers la prévalence du tabagisme
(L)
en France,
actuellement de 33%, pour labaisser à 22%. Pour
Catherine Hill, épidémiologiste à l’Institut Gustave-
Roussy, le problème «est que cette prévalence nest pas un
très bon indicateur. Si lon suit lévolution du pourcentage
de fumeurs déclas au cours du temps, elle ne suit pas
celle de la consommationd’après les ventes !» En cause
daprès la chercheuse? La fiabilité des déclarations dans
les sondages. Si lon multiplie le nombre de fumeurs par
leur consommation moyenne déclarée, le chiffre obtenu
est bien inférieur aux données de vente complétées
par une estimation des achats trans frontaliers et de la
contrebande. Parfois dun facteur1,9!
Quoi qu’il en soit, la chercheuse voit dans laugmen-
tation du prix du tabac le meilleur moyen de dimi-
nuer le tabagisme. Ainsi, entre 1991 et 2004, alors
que le prix a été multiplié par trois, en tenant compte
de l’inflation, la vente a été divisée par deux! «Pour
que la mesure soit efficace, le prix doit augmenter de
20% par an, tous les ans, insiste Catherine Hill, un
levier qui jouerait autant pour empêcher les jeunes
dentrer dans le tabagisme que pour aider les adultes à
en sortir.» Surtout que, plus que la dose, cest la durée
de tabagisme qui influence létat de santé: lorsque
la dose est doublée, le risque de cancer du poumon
est multiplié par deux. Mais si c'est la durée qui est
doublée, le risque est multiplié par 20!
LANCER
le programme
national
de réduction
du tabagisme
RÉALISER
le séquençage
à haut débit
de l’ensemble
des cancers
L
Facteur
de croissance
Protéine nécessaire
à la croissance ou à
la différenciation de
certaines cellules
Division de cellules
cancéreuses
(cancer colorectal)
©
PATRICK ALLARD/REA
©
STEVE GSCHMEISSNER/SPL/PHANIE
À LA UNE
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