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Cannabis
E. Bacon,
Unité INSERM 405,
clinique psychiatrique, Strasbourg.
L
e cannabis est consommé depuis des
milliers d’années par des personnes de
toutes les classes sociales, dont, entre
autres, la reine Victoria au début du
XIXe siècle ! La présence ou l’absence
de risques liés à la consommation
récréative de cannabis fait l’objet d’une
vive controverse. Certains considèrent
le cannabis comme une menace pour
la jeunesse, un tremplin vers l’utilisation de drogues plus dures. D’autres
estiment qu’il s’agit d’un bienfait prodigué par Dame Nature pour adoucir le
stress de la vie quotidienne, et que le
cannabis remplit ce rôle d’une manière
bien plus efficace et plus sûre que la
plupart des autres drogues, qu’elles
soient socialisées, comme l’alcool, ou
prescrites médicalement, comme les
sédatifs. Plus récemment, la controverse sur le cannabis s’est étendue à
son éventuel intérêt en médecine pour
traiter un certain nombre de symptômes que les médications classiques
ne seraient pas capables de soigner
aussi bien, ni à un coût aussi faible. À
l’aube du troisième millénaire, que saiton vraiment sur ses effets et ses
méfaits ? Peut-on envisager une réhabilitation de ce très ancien remède ?
Les effets du cannabis
sur le cerveau
Ulm (Allemagne)
L
es mécanismes d’action de la
marijuana sont restés obscurs jusqu’en
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (17) n° 9, novembre 2000
1964, époque où Gaoni et Mechoulam
identifient son principe actif majeur, le
delta-9 tétrahydrocannabinol (D9THC, ou
THC) et en déterminent la structure chimique. On a curieusement constaté ces
dernières années une augmentation de
l’“efficacité” de la marijuana vendue dans
la rue : en 1974, la concentration moyenne
en tétrahydrocannabinol des saisies de
marijuana était de l’ordre de 0,35 %, et ce
taux a passé à 3,5 % en 1990 ! Le Dr Ameri
a consacré un article de synthèse aux effets
et mécanismes d’action du cannabis et de
ses alcaloïdes actifs, les cannabinoïdes
(Ameri A. The effects of cannabinoïds on
the brain. Prog neurobiology 1999 ; 58 :
315-48). La marijuana modifie les états
subjectifs, les performances et certaines
mesures physiologiques. Chez l’homme,
les cannabinoïdes psychoactifs entraînent
de l’euphorie, une augmentation des sensations perceptives, de la tachycardie, des
difficultés de concentration et des perturbations de la mémoire. Un des effets biologiques des cannabinoïdes les mieux
caractérisés est leur capacité à inhiber la
nociception, c’est-à-dire la transmission
de la douleur. Plusieurs cannabinoïdes
semblent posséder certaines propriétés
antiépileptiques chez l’homme et sur des
modèles animaux de convulsions. Ils ont
aussi des effets périphériques cardiovasculaires, entraînant tachycardie, hypotension orthostatique et diminution de l’agrégation plaquettaire. Par ailleurs, des doses
élevées de D9THC ont un effet immunosuppresseur. On manque encore de données directes sur ce point, mais il est fort
possible que les cannabinoïdes puissent
moduler le système immunitaire chez
l’homme et aggraver des processus infectieux. La consommation “aiguë” de marijuana entraîne des perturbations de la
mémoire, une altération de la notion du
temps et une diminution de la coordination motrice et de l’attention. Les effets
subjectifs, physiologiques et de performance motrice peuvent persister jusqu’à
deux jours après la prise, et le cannabis est
314
une des drogues les plus impliquées dans
les accidents de la circulation. Des études
pharmacologiques démontrent que le cerveau peut développer une tolérance à la
plupart des effets du D9THC, mais aussi
aux autres cannabinoïdes. L’administration répétée induit une tolérance pour les
effets antinociceptifs, anticonvulsivants et
pour l’hypotension. Toutefois, le développement de la tolérance pour les divers
effets varie dans le temps et atteint des
niveaux d’intensité différents, puisque, par
exemple, l’analgésie n’est diminuée que
de 60 %. Les cannabinoïdes semblent
induire une dépendance ; toutefois le syndrome de privation apparaît beaucoup
moins intense que celui lié à l’arrêt des
opiacés ou des benzodiazépines. La toxicité des cigarettes de marijuana était jusqu’à présent considérée comme négligeable. Il ne faut pas oublier, toutefois,
qu’elle est susceptible d’entraîner une
encéphalite toxique chez les personnes
jeunes, et que l’exposition chronique au
cannabis peut entraîner des perturbations
à long terme, notamment de la mémoire.
Enfin, fumer la marijuana expose le
fumeur à des doses de 50 % plus élevées
de benzopyrène procarcinogène que de
fumer du tabac et à des taux de goudrons
trois fois plus élevés. La découverte de
deux molécules endogènes, l’anandamide
et le 2-arachidonylglycérol, rend plausible
l’existence d’un système de neuromodulation médié par les cannabinoïdes.
L’anandamide a été isolé pour la première
fois en 1992 et est présent à des taux élevés dans les régions cérébrales riches en
récepteurs des cannabinoïdes, à savoir
l’hippocampe, le striatum, le cervelet et le
cortex. Ses effets biologiques sont très
similaires à ceux des cannabinoïdes. Les
cannabinoïdes psychoactifs augmentent
l’activité des neurones dopaminergiques
au niveau du système mésolimbique. Ces
circuits dopaminergiques étant connus
pour jouer un rôle essentiel dans le renforcement des effets de la plupart des
drogues, cette activation dopaminergique
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pourrait être à l’origine des comportements de toxicomanie induits par la marijuana. En définitive, le cannabis n’apparaît pas comme une innocente drogue
récréative. Parmi les effets indésirables, on
peut citer la dépersonnalisation, les
attaques de panique, la tachycardie, l’immunosuppression, des troubles de la
mémoire et du cours de la pensée. Les cannabinoïdes partagent également un mécanisme d’action neuronal qui est commun
à d’autres substances susceptibles d’induire des toxicomanies, comme la morphine, l’éthanol et la nicotine.
Mots clés. Cannabis – Cannabinoïdes –
Cerveau.
Effets résiduels
du cannabis
Baltimore (États-Unis)
L’
usage du cannabis est en
constante progression, en particulier chez
les jeunes. Une enquête anglaise récente
révèle qu’environ 30 % des étudiants arrivés à l’examen de fin d’études ont essayé
le cannabis. Parce que beaucoup de
consommateurs fument leur joint le soir
ou le week-end et retournent à l’école ou
au travail le lendemain, il est important
d’en comprendre les effets résiduels. Le
Dr Fant et ses collaborateurs ont examiné
les effets, tant aigus que résiduels, d’une
cigarette de marijuana (Fant R, Heisman
S, Bunker E et Pickford W. Acute and residual effects of marijuana in humans. Pharmacol Biochem Behav 1998 ; 60 : 77784). Ils se sont intéressés aux effets
subjectifs et physiologiques, mais aussi
aux éventuelles modifications de performances, chez dix volontaires sains âgés de
24 à 31 ans. Les sujets étaient des usagers
modérés de marijuana, c’est-à-dire qu’ils
reconnaissaient fumer de la marijuana au
moins deux fois par mois. Toutefois, leur
consommation ne devait pas excéder
3 cigarettes par semaine. Au cours de
3 sessions, séparées d’au moins 3 jours,
les sujets avaient à fumer une cigarette qui
comprenait soit 0 %, soit 1,8 %, soit 3,6 %
de D9THC. La façon de fumer (nombre
de bouffées, durée de rétention, intervalle
entre les bouffées) était strictement codifiée. Les données physiologiques, cognitives et subjectives étaient enregistrées
avant la consommation de la cigarette, puis
après la cigarette 5 fois au cours de la
même journée, et 3 fois le lendemain
matin. Les sujets rapportaient la présence
d’importants effets subjectifs, quelle que
soit la dose de THC dans la cigarette, avec
un retour à la normale dans les trois heures
et demie. Le rythme cardiaque augmentait, et le réflexe pupillaire à la lumière
diminuait en fonction de la dose administrée. Là aussi, le retour aux performances
normales avait lieu le jour même. Aucun
effet résiduel n’était observé le lendemain,
ce qui signifie que les effets résiduels
d’une unique cigarette de marijuana sont
minimaux. Toutefois, l’absence d’effets
résiduels après une prise unique chez des
sujets consommateurs modérés de marijuana ne doit pas être assimilée avec les
effets à long terme de la consommation
chronique de cannabis qui sont, eux, bien
réels, en particulier sur la mémoire. Ainsi,
dans une autre étude menée avec des
grands fumeurs de marijuana (plus de
7 fois par semaine), Block et Gonheim ont
constaté des diminutions de performances
à des tests mathématiques et verbaux, qui
n’étaient pas observées chez des sujets qui
fumaient moins fréquemment.
Mots clés. Cannabis – Effets résiduels.
Cannabis et mémoire
La Jolla (États-Unis)
P
armi les effets comportementaux des cannabinoïdes les plus souvent
rapportés, les perturbations de la mémoire
315
et de l’apprentissage tiennent une place
prépondérante. Les études scientifiques de
ces effets chez l’homme sont évidemment
bien plus rares que celles menées chez le
rat. Toutefois, des études comportementales menées chez l’homme révèlent que
la marijuana perturbe de façon aiguë les
performances dans des tâches de mémoire.
La marijuana a des effets amnésiants antérogrades, c’est-à-dire qu’elle altère la
capacité des sujets à rappeler une liste de
mots appris sous l’action de la substance.
Ces effets sont sensibles aussi bien immédiatement après la présentation de la liste,
ce qui signe une perturbation de la
mémoire à court terme, qu’après un certain laps de temps, ce qui signifie que la
mémoire à long terme est également perturbée. Dans le cas du rappel immédiat, on
constate que les mots présentés à la fin de
la liste sont plus facilement rappelés que
les mots du début, ce qui suggère une perturbation de certains aspects du stockage
en mémoire. En outre, la marijuana a des
effets amnésiants rétrogrades sur la
mémoire à long terme, c’est-à-dire que les
sujets oublient plus facilement des choses
apprises depuis un certain temps (une
semaine, par exemple) et apprises lorsqu’ils n’étaient pas sous l’emprise du
médicament. Ils font plus souvent également ce qu’on appelle des intrusions : ils
prétendent se souvenir de mots qui n’ont
en fait pas été présentés. Ce profil de perturbation se rapproche de celui observé
chez des patients souffrant de dysfonctionnement de l’hippocampe, comme lors
de l’encéphalite herpétique, du syndrome
de Korsakoff ou de la maladie d’Alzheimer. Des expériences in vitro démontrent
que l’activation des récepteurs des cannabinoïdes réduit la libération de neurotransmetteur en deçà des taux requis pour
déclencher des modifications synaptiques
à long terme dans l’hippocampe. Les cannabinoïdes réduisent la libération de glutamate par l’intermédiaire de l’inhibition,
médiée par une protéine G, des canaux calciques responsables de la libération du
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neurotransmetteur par les neurones hippocampiques (Sullivan J. Cellular and
molecular mechanisms underlying learning and memory impairments produced
by cannabinoids. Learning and Memory
2000 ; 7 : 132-9).
Mots clés. Cannabis – Mémoire.
Cannabis, cannabinoïdes
et schizophrénie
Hanovre et Hambourg
(Allemagne)
D
es observations faites chez des
patients schizophrènes tendraient à suggérer l’existence d’un dysfonctionnement des
récepteurs des cannabinoïdes, ainsi que de
leurs activateurs endogènes. Pour tester
cette hypothèse, le Dr Leweke et ses collaborateurs ont mesuré les taux des cannabinoïdes endogènes dans le liquide céphalorachidien de 10 patients et les ont
comparés à ceux de 11 sujets témoins non
schizophrènes (Leweke F, Giuffrida A,
Wurster U et al. Elevated endogenous cannabinoids in schizophrenia. Neuroreport
1999 ; 10 : 1665-9). Les concentrations de
deux cannabinoïdes endogènes (l’anandamide et le palmityléthanolamide) étaient
significativement plus élevées chez les
schizophrènes. Ces observations pourraient
refléter un déséquilibre de la transmission
synaptique endogène des cannabinoïdes,
qui contribuerait à la pathogenèse de la
schizophrénie.
Par ailleurs, la consommation de cannabis
par les patients schizophrènes est une
constatation assez répandue. Le Dr Caspari s’est intéressé aux effets à long terme
de cette consommation, en comparant
l’évolution, au bout de cinq ans en
moyenne, de deux groupes comprenant
chacun une trentaine de patients schizophrènes. Le premier groupe était constitué
de patients consommateurs de marijuana,
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (17) n° 9, novembre 2000
alors que les patients du deuxième groupe
ne consommaient aucune substance susceptible d’induire une toxicomanie. Au
terme de l’étude, 30 % des consommateurs
de cannabis avaient continué de consommer la drogue et 22 % étaient devenus
alcooliques, alors qu’un seul patient du
groupe contrôle était devenu alcoolique.
Les patients ayant consommé du cannabis
avaient plus souvent été réhospitalisés,
avaient un fonctionnement psychosocial
moins satisfaisant et des scores plus élevés
dans la dimension “perturbation de la pensée” de l’échelle BPRS et dans la dimension “hostilité” de l’AMDP. L’abus de cannabis aurait un effet évident sur l’évolution
à long terme des patients schizophrènes
(Caspari D. Cannabis and schizophrenia :
results of a follow-up study. Eur Archives
Psych Clin Neurosci 1999 ; 1 : 45-9).
Mots clés. Cannabis – Marijuana –
Schizophrénie.
Facteurs de risque pour
l’usage et l’abus de
substances psychoactives :
une étude familiale
Richmond (États-Unis)
L’
usage illicite de substances
psychoactives, ainsi que la toxicomanie et
la dépendance, constituent des problèmes
de santé publique majeurs. Pour pouvoir
développer des programmes efficaces de
prévention et de traitement, il est nécessaire de connaître les raisons des différences individuelles de risque. Il semblerait qu’il existe une certaine prédisposition
familiale à la toxicomanie. Des études
préalables menées auprès de familles comprenant des jumeaux ou des enfants adoptés suggèrent que cette prédisposition
serait due à des facteurs génétiques. À
l’aide d’entretiens individuels, le Dr Kendler
et ses collaborateurs ont étudié l’usage,
316
l’abus et la dépendance de chacun des deux
membres d’une cohorte de 1 198 paires de
jumeaux, tous des hommes (Kendler K,
Karkowski L, Neale M, Prescott C. Illicit
psychoactive substance use, heavy use,
abuse and dependence in a US populationbased sample of male twins. Arch Gen Psychiatry 2000 ; 57 : 261-9). L’échantillonnage comprenait 708 paires de vrais
jumeaux et 490 paires de faux jumeaux, et
la ressemblance entre jumeaux était établie
à l’aide de diverses échelles. Les auteurs se
sont intéressés à un certain nombre de substances – cannabis, opiacés, hallucinogènes, sédatifs et stimulants – pour lesquelles ils ont évalué la durée de
consommation, l’usage intensif et la dépendance chez les individus. La ressemblance
entre jumeaux était marquée pour tous les
comportements vis-à-vis des drogues étudiées. Cette similitude était plus importante
pour les jumeaux monozygotes, et la différence était statistiquement significative
pour l’usage et l’abus de cannabis. Le profil observé suggérait que ces ressemblances
étaient dues à des facteurs à la fois génétiques et environnementaux. Toutefois, la
ressemblance gémellaire pour l’usage des
sédatifs, des stimulants, de la cocaïne et des
opiacés semblait due uniquement à des facteurs génétiques. À deux exceptions près
(l’abus de cocaïne et la dépendance aux stimulants), la ressemblance pour l’usage
intensif, la toxicomanie et la dépendance
résultait des seuls facteurs génétiques, avec
une héritabilité de 60 à 80 %. L’importance
des influences génétiques dépasserait celle
observée dans les troubles psychiatriques
classiques, tels que la dépression majeure,
les attaques de panique et les phobies. Les
résultats confirment des résultats déjà
observés auprès de jumelles ainsi que l’importance de l’environnement familial lors
de l’étape de l’initiation de l’usage de la
substance.
Mots clés. Toxicomanie – Facteurs génétiques – Facteurs environnementaux.
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Quels usages médicaux pour
le cannabis : état des lieux
Watson (États-Unis)
L
es partisans de l’usage médical
de la marijuana ont reçu récemment le soutien de l’institut américain de médecine
(IOM), qui a commandé au bureau national de contrôle des médicaments, à
Washington, un bilan des données et des
preuves scientifiques concernant les
bénéfices et les risques de l’utilisation de
la marijuana en médecine. Selon les
auteurs de ce rapport qui vient d’être
publié, les connaissances accumulées
depuis seize ans permettent de développer à présent des usages médicaux pour
la marijuana (Joy J, Watson S, Benson J.
Marijuana and medicine : assessing the
science base. Washington DC : National
Academic press 1999) (Watson S, Benson
J, Joy J. Marijuana and medicine: assessing the science base. Arch Gen Psychiatry 2000 ; 57 : 547-52). La marijuana
pourrait être utile pour ses effets rapides
sur la douleur, les nausées et comme stimulant de l’appétit. Elle n’agit que sur les
symptômes et ne semble pas avoir de
véritable effet curatif. Il existe pourtant
déjà des médicaments efficaces dans la
plupart des indications médicales étudiées pour la marijuana. Toutefois, du fait
des variations de susceptibilité des
patients aux divers médicaments, il est
possible qu’une sous-classe de patients,
résistants aux traitements existants, puissent profiter des effets du cannabis. La
combinaison des effets du cannabis
(réduction de l’anxiété, stimulation de
l’appétit, diminution des nausées et de la
douleur) le rendrait utile dans certaines
indications très précises, comme les nausées induites par la chimiothérapie, les
vomissements et la diminution de l’appétit dans le sida. Les connaissances
actuelles ne permettent ni de confirmer
ni d’infirmer la suggestion selon laquelle
la disponibilité du cannabis comme médi-
cament pourrait augmenter la toxicomanie. En revanche, la pertinence de son utilisation pour un certain nombre d’autres
indications, considérées préalablement
comme intéressantes, n’a pas été confirmée : c’est le cas du glaucome qui était
cité le plus fréquemment comme une des
indications médicales de la marijuana. Le
fait de fumer la marijuana réduit certes
en partie la pression intra-oculaire associée au glaucome, mais seulement pour
un temps très court, et le rapport bénéfice/risque est ici défavorable. Il en va de
même pour ses effets potentiels de traitement des mouvements désordonnés des
maladies de Parkinson et de Huntington,
quoique certaines études aient démontré
une réduction par le THC de la spasticité
musculaire associée avec la sclérose multiple. En outre, l’utilisation potentielle de
la marijuana en médecine est gênée par
le fait qu’elle est fumée, ce qui augmente
les risques de cancer, de problèmes pulmonaires et les risques lors de la grossesse, en particulier celui d’un poids
faible à la naissance. Les auteurs du rapport se positionnent contre l’usage médical de la marijuana en cigarettes mais
recommandent la mise au point d’un
inhalateur médical pour délivrer les cannabinoïdes. Ils encouragent également la
poursuite des recherches sur les effets
physiologiques des cannabinoïdes extraits
de la plante, mais aussi des cannabinoïdes
endogènes et synthétiques. Ils proposent
aussi des recommandations très précises
sur la manière de conduire les essais cliniques futurs. En tout état de cause, l’introduction du cannabis comme médicament prescrit en médecine générale paraît
encore bien lointaine, si elle arrive un
jour. Le futur de l’usage médical des cannabinoïdes paraît être autant entre les
mains des acteurs de santé que dans celles
des firmes pharmaceutiques et des législateurs…
Mots clés. Cannabis – Usage médical du
cannabis.
317
Pour une recherche
rationnelle des effets
potentiellement
thérapeutiques du cannabis
Houston (Texas)
L
a recherche sur les effets médicaux du cannabis est indispensable pour
obtenir les données scientifiques et médicales nécessaires à la prise de décision. Le
delta-9 tétrahydrocannabinol (THC), principal alcaloïde actif du cannabis pouvant
être administré oralement, est disponible
sous forme pure. Il a fait l’objet d’un certain nombre d’études cliniques. Pendant
longtemps, tant aux États-Unis qu’en
Grande-Bretagne, l’extrait total de cannabis était classé comme drogue de catégorie I, avec l’héroïne et les hallucinogènes,
les substances de cette catégorie étant
considérées comme n’ayant pas d’usage
médicinal légal et présentant des risques
élevés de dépendance et de toxicomanie.
En Grande-Bretagne, l’extrait total de cannabis a été reclassé comme composé de
catégorie II (substances ayant un usage
médical, mais des risques élevés de
dépendance), ce qui signifie qu’il est
considéré comme ayant certaines indications médicales, et que la réalisation de
protocoles cliniques soigneusement
contrôlés sera facilitée. Aux États-Unis, le
THC a été reclassé dans la catégorie III du
registre américain des substances contrôlées (substances à effet thérapeutique
important, avec moins de risques de
dépendance et d’abus de consommation),
avec une licence qui le rend légal pour un
usage médical comme stimulant de l’appétit au stade terminal de certaines maladies (Sharpe P, Smith G. Cannabis : time
for scientific evaluation of this ancient
remedy ? Anesthesia and Analgesia 2000 ;
90 : 237-40). En revanche, la marijuana
fumée ne partage pas cette situation légale
et, quoique largement consommée, a fait
l’objet de beaucoup moins d’études cliniques. Un certain nombre d’agences fédé-
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rales, tel l’Institut national sur la toxicomanie (National Institute on Drug Abuse),
ont accordé à certains chercheurs l’autorisation de faire des tests avec des cigarettes de marijuana par comparaison avec
des cigarettes contenant un placebo. De
tels protocoles sont malheureusement
longs et coûteux et rencontrent souvent
des difficultés d’obtention de crédits pour
leur réalisation ! Par ailleurs, il serait intéressant que la marijuana puisse être mise
à la disposition de patients susceptibles de
bénéficier de ses effets thérapeutiques
sans avoir à attendre les nombreuses
années nécessaires pour passer à l’étape
des études de phase III. Un précédent a
déjà eu lieu qui a permis certains traitements sur une base “compassionnelle”,
et cela avant l’autorisation officielle. Un
tel programme a été autorisé pour la
marijuana en 1976 mais s’est révélé pratiquement inapplicable, du fait de l’implication de nombreuses agences fédérales, et seule une poignée de malades a
eu droit à un accès thérapeutique par des
cigarettes de marijuana. Le programme
fut arrêté en 1992, pour conflit avec la
législation gouvernementale contre
l’usage de drogues illicites. Dans son
commentaire sur la controverse concernant l’usage médical de la marijuana, le
Dr Hollister propose une voie intermédiaire qui paraît intéressante : des
patients envoyés par leur médecin pourraient participer à un programme légal
d’utilisation de la marijuana, ne dépassant pas 6 mois et strictement contrôlé
(Hollister L. An approach to the medical
marijuana controversy. Drug and Alcohol Dependence 2000 ; 58 : 3-7). Des
études de phase IV ont été proposées
pour l’évaluation médicale de la marijuana, qui s’appliquerait à un nombre
limité d’indications médicales précisément justifiées, mais on peut s’attendre
à bien des difficultés pour leur aboutissement. Une certaine confusion continue
de régner par ailleurs, certains États
ayant pris des initiatives qui vont à l’encontre des réglementations fédérales,
autorisant la vente et l’usage de cigarettes de marijuana dans certaines indications médicales.
Mots clés. Cannabis – Mémoire –
Hippocampe – Recherche clinique.
Pour en savoir plus
✓
Goldschmidt L, Day N, Richardson
G. Effects of marijuana exposure on
child behavior problem at age 10. Neurotoxicology and Teratology 2000 ; 22 :
325-36.
L’exposition prénatale à la marijuana a
un effet sur les problèmes comportementaux des enfants à l’âge de 10 ans
(cet article fera l’objet d’une analyse
détaillée dans une prochaine revue de
presse sur le thème “psychotropes et
enfance”).
Retrouvez
dans la revue de presse de décembre
les thèmes de notre rubrique
pour une mise à jour de l’actualité
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (17) n° 9, novembre 2000
318
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