METHODE DE CARTOGRAPHIE DES MILIEUX NATURELS ,DU

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AGRONOMIE TROPICALE XXXVII - 4
METHODE DE CARTOGRAPHIE DES MILIEUX NATURELS
,DU SENEGAL ORIENTAL
Evaluation des possibilités agro-sylvo-pastorales
R. BERTRAND* - J. VALENZA”
1’.
RESUME - Les auteurs présentent leur carte d’évaluation des possibiliths
agro-sylvo-pastorales des milieux naturels du SBn6gal Oriental au l/~.~.
.Dans la première partie sont exposees les bases de la méthode suivie pour réaliser
la carte, L’utilisation de documents divers, tant dans leur précision
que leur nature a
.
4
conduit les auteurs à se poser le problème du niveau de perception du milieu naturel. Ils ont retenu 4 niveaux d’organisation : I’icor6gion. I’&ofaci&s, l’kotope,
l’bcovariant. Chaque niveau est caractérisé par un groupe de facteurs homogènes
(descriptifs ou dynamiques) et par un arrangement défini (akatoire OU organisé).
La démarche de perception utilisée pour cette carte est globale ou intégrée. Chaque type de milieu est considéré immédiatement comme un système identifié par un
ensemble de caractères particuliers liés par un ensemble d’interactions. Cette
démarche est comparée à la démarche synthétique qui suppose l’analyse thématique préalable des él6ments du milieu, puis leur synthkse par addition des divers thèmes, parfois nuancée par une certaine pondération.
L’bvaluation des potentialit$s agro-sylvo-pastorales a été réalisée inddpendamment de tout choix d’utilisation. Les auteurs ont donc laissé ce choix aux responsables du développement. Cette évaluation repose sur l’interprétation de l’ensemble
des données du milieu. Ces données sont traduites en termes de contraintes, c’està-dire de facteurs limitant la production. Les potentialités du milieu varient en sens
inverse de la gravité et du nombre des contraintes. Suivant le type de production
considéré, les facteurs pris en compte ne sont pas nécessairement les mêmes ou
n’ont pas le même poids. Ainsi par exemple, pour évaluer certaines potentialités, le
facteur modelé, ou le sol intègrent au mieux les caractéristiques du milieu, tandis
qu’à une autre échelle ou pour une autre production, la végétation ou le régime
hydrique en sont le meilleur reflet. On aboutit ainsi à la notion de facteurs «discriminants» pour l’évaluation intégrée des potentialitbs du milieu.
Dans la deuxième partie, les auteurs décrivent sommairement les
qu’ils ont Cartographi&es au Sénkgal Oriental.
écorkgions
La troisiéme partie est Consacr&!e
à des réflexions sur les perspectives du développement agro-sylvo-pastoral en fonction du milieu naturel.
Mots-cl6 : cartographie, mkthode,
pastorales, Sénégal oriental.
milieux naturels, évaluation, possibilités
agro-sylvo-
I - PRINCIPES ET METHODE
INTRODUCTION
PRINCIPES DE BASE
La carte présentée ici, caractérise et situe les grands
types de milieux du SENEGAL ORIENTALIFtant dans
leurs composantes naturelles que dans leurs potentialités
d’utilisation par l’homme. En ce sens, il s’agit d’une véri-
table carte écologique : celle des milieux où vivent et se
reproduisent les hommes.
*
.-.
* BERTRAND IR.) - Service de Pédologie
L’usage du milieu, pour telle ou telle production, est lié
bien entendu aux facteurs naturels, mais il dépend aussi
d’un certain nombre de composantes humaines (historiques, économiques, sociologiques, politiques.. .) susceptibles d’évoluer dans le temps en fonction des
besoins ou des priorités humaines du moment.
et de Cartographie IRAT/GERDAT - BP 5035 - 24032 MONTPELLIER Cedex
*
330
*
-k
AGRONOMIE TROPICALE XXXVII - 4
Si comme écologues ou agropédologues, nous ne
maîtrisons pas ces derniers critères de choix, nous sommes, par contre, à même d’évaluer d’une manière convenable, les potentialités de production du milieu pour les
grands types de spéculations habituels (agriculture, élevage, forêt). Aussi nous sommes-nous abstenus de faire
les choix qui reviennent de droit aux amenagistes et aux
politiques. C’est pour cela que nous n’avons privilégie
aucune des utilisations possibles ou envisageables. Aussi
notre carte se démarque-t-elle délibérement du nombre
de cartes dites de vocation ou .d’aptitude
à certains
types de production ou d’activités humaines.
Notre position en la matière est que si tel type de
milieu est favorable à l’agriculture, il l’est sans doute
aussi à l’élevage ou la forêt. II ne nous appartenait pas
dans ce travail de cartographie, de nous substituer aux
aménagistes, mais au contraire de leur donner les renseignements susceptibles de guider leurs décisions en toute
connaissance de cause. Nous pensons que I’écologue
doit garder une certaine neutralité, seule garantie de sa
crédibilité. Ceci ne l’empêche cependant pas d’avoir des
vues personnelles, mais elles doivent être réservées à
d’autres tribunes ou exprimées dans d’autres conditions
ou dans les documents annexes de la carte.
II est certain par ailleurs que dans une équipe integrée
chargée du plan d’aménagement d’une région, I’écologue se doit de faire valoir son point de vue et de négocier
les compromis que constituent chaque choix ou décision.
METHODE
CONCEPTION GENERALE DE LA CARTE
Cette carte découle d’une démarche par intégration et
non d’une démarche additive progressant du simple au
genéral qui caracterise les cartes dites de synthèse.
Aussi, comme elle considére chaque «écotope» et ses
possibilités d’utilisation comme un bloc indissoluble, on
peut dire qu’il s’agit d’une ((cartographie globale» ou
bien d’une icartographie intégrée».
Les conditions d’élaboration tiennent moins à la rencontre, au travail en commun ou à la somme d’expérience des auteurs, qu’a leur disposition d’esprit. L’agropedologue a fait appel à des notions qui s’écartent de la
pédologie proprement dite; I’agrostologue ou le phytosociologue a provisoirement fait l’impasse sur ses listes
botaniques pour ne retenir que les facteurs de la productivité réelle des pâturages.
CARTOGRAPHIE ET UNITES D’ORGANISATION DU
MILIEU NATUREL
Pour réaliser une telle carte couvrant une superficie
assez importante, en peu de temps, il est indispensable
de faire appel à toute la documentation disponible.
Essentiellement les cartes climatologiques, géologiques,
géomorphologiques, pédologiques, agrostologiques,
phytosociologiques. Les échelles, les niveaux de détail
de ces documents sont très variables : du 1/5 000 000 au
1120 000. L’utilisation de documents de base aussi divers
et hétérogènes, nécessitait une réflexion méthodologique sur les niveaux d’organisation du milieu naturel. La
finalité est d’éliminer les données redondantes ou hétérogènes à l’échelle retenue et de ne sélectionner pour I’elaboration de la carte que les critères significatifs, indispensables et homogènes.
Cela nous a amené à définir quelques termes pour
désigner les espaces écologiques considérés a chaque
niveau d’organisation.- Chacun d’entre eux est, bien
entendu, identifiable à un niveau de perception correspondant; il est cartographiable à une échelle adaptée.
Nos préoccupations étant tournées vers la satisfaction
des besoins humains, nous avons retenu 4 niveaux
d’organisation correspondant à peu près aux structures
humaines
traditionnelles.
a) A l’ethnie nous ferons correspondre I’Bcorbgion ou
région naturelle dont la dimension varie de quelques
dizaines a quelques milliers de kilomètres carrés. Cette
unité est caract&is&e par un type de climat régional à
peu près homogène, avec un habitus de relief et de types
de sols particulier. La végétation est variable mais présente des caractéristiques typiques.
Ces régions naturelles correspondent à peu prés aux
g&sysrémes de G. BERTRAND (19701, aux régions écologiques de M. JURDANT (1975) ou de LONG (1969) ou
aux domaines écologiques de GALLOUX (1967) ou
encore aux grandes situations agricoles (TOURTE).
Ces &corégions>) sont cartographiables à partir de
l’échelle du 1/200 OC0 et à des échelles plus petites.
b) Ellea comprennent plusieurs bcofacib qui correspondent à des territoires susceptibles d’être habités par
une tribu. La dimension varie entre quelques kilomètres
carrés et quelques centaines de kilometres carres. Le climat général peut être considéré comme homogene. Le
relief et les sols ont un faciès et une organisation ordonnes. Ils presentent de forts indices de liaison qui résultent
en grande partie des processus de genèse et de leur
dynamique de fonctionnement (en particulier du bilan
morphogenèse-pédogenbse).
La végétation a un habitus particulier. Mais les types
de végetation ne presentent pas nécessairement une
organisation spatiale ordonnée suivant une loi de distribution unique.
Ces &cofaciès» ont été designés par les pédologues
de I’IRAT sous le nom d’unitbs motphop6dologiques.
Parfois ils correspondent aux «associations de sols» de
nombreuses cartes pedologiques françaises. Ils peuvent
être assimilés à la notion de terroir bien connue. On peut
331
AGRONOMIE TROPICALE XXXVli - 4
aussi les rapprocher du ((géofaciès)) de G. BERTRAND
(1970). Ils recouvrent les notions de district kologique
et de syst&me kologique de M. JURDANT (1975) OU
bien de secteur kologique et de district kologique de
GALOUX (1967) ou dectland system» de C.S.I.R.O. Du
point de vue agronomique les .«écofaciès» montrent une
situation agricole spécifique (TOURTE).
Les ecofacies peuvent être couramment cartographies
depuis l’échelle du 1/20 oo0 ou du 1/50 OCXI jusqu’au
1/250 CO0 parfois plus.
c) L’kotope est une unité d’organisation du milieu
naturel dont la dimension, beaucoup plus réduite, se
situe entre quelques dizaines d’hectares et quelques kilomètres carres : il correspond à la dimension du finage
d’un village ou d’un clan.
Le relief et les sols y sont quasi homogènes, mais montrent cependant quelques variations de detail. La végétation a un faciès particulier et s’ordonne suivant des lois
de répartition simples. Cette homogénéité du modelé et
des sols et cette organisation de la végétation résultent
essentiellement de la dynamique de fonctionnement
actuelle que l’on peut exprimer par exemple par le degre
de stabilité du milieu et/ou par la dominante de certains
processus de fonctionnement (regime hydrologique par
exemple).
Les écotopes sont localement cartographies sous le
nom d’unitk morphop6dologiques
par les pédologues
de I’IRAT. Ils correspondent à peu pres au type Bcologique de M. JURDANT (1975) ou bien à la famille de sols
de nombre de cartes pédologiques françaises.
Les écotopes sont cartographies depuis l’échelle du
l/lO OGO jusqu’au 1/50 CO0 voire au I/l00 OC9 suivant
I’hétérogénéite du milieu naturel.
d) L’kovariant est une unité d’organisation du milieu
naturel qui occupe une surface de quelques ares à quelques hectares, c’est-à-dire une superficie voisine de celle
qui est cultivée par une famille. Sols et végétation y sont
homogènes. Cette unité d’organisation a une dimension
voisine du ((polypedon)) des pédologues ou de ((station»
des phytosociologues. Elle peut être assimilée a la
«phase écologique)) de Mr. JURDANT (1975) et dans
une certaine mesure à la notion de c(géotope» de G. BERTRAND (1970). Elle peut aussi être assimilée a l’«exploitation agricole ou à l’Unité de production agricole ou à la
parcelle d’exploitation agricole.»
L’écovariant ne peut guère être cartographie qu’aux
très grandes échelles à partir et au-delà du l/lO COO.
Chaque écovariant ne différant des autres que par la
variation d’un ou plus rarement de plusieurs- caractères
de détail du sol ou de la végétation.
A l’échelle du 1/500 Ooo, retenue, nous pouvions donc
cartographier deux niveaux d’organisations :
- des Bcor6gions à climat relativement homogène et
caractérisés par un habitus particulier de relief, de sois
associes à un complexe de végétation particulier. Ces
unités de milieu n’ont pas eté individualises mais apparaissent nettement dans la carte grâce au choix de teintes coordonnées (par exemple des dégradés de rouge
pour l’ecoregion des «Plateaux du Continental Terminal»
OU de vert pour le «Bas glacis de la vallée de la Falemé)).
- des BcofaciBs a climat relativement homogène, à
modele et types de sols à faciès typique dont les variations sont ordonnées suivant des lois de répartition et de
liaison connues et particulières à chaque écofaciès. Ces
caractéristiques expriment une resultante dynamique.
Les uégétations spontanées et rudérales ont un habitus typique. Ce sont les unités de milieux qui ont été évaluées et cartographiees individuellement (par exemple les
((couvertures éoliennes sur plateau du continental terminal» ou bien le «remblaiement colluvo-alluvial des vallées» ou encore le ((bas-glacis de la basse Falemé».
DISCUSSION
Comparaison avec les «cartes de ressources en
sols»
Du fait de l’approche intégrée du milieu naturel, du fait
de l’absence de préjugé pour l’évaluation des potentialites agro-sylvo-pastorales, la conception et, par suite,
l’utilisation de cette carte s’éloignent notablement des
«cartes de ressources en sol)) proposées récemment
(BOULET 1976). Ces dernières ont en effet été établies
en ne tenant compte, à peu de chose près, que du facteur sol. Elles n’envisagent que les possibilites pastorales. Aussi, du fait de cette polarisation, ces «cartes de
ressources en sols)) montrent-elles :
a) une hétérogénéité de présentation
b) une limitation des renseignements susceptibles
d’intéresser les planificateurs ou les amer-rageurs du tarritoire.
cIune frustration des pédologues fauteurs) en raison
de la «perte d’informations» par rapport aux cartes pédologiques utilisées comme seules bases.
Au contraire, les ctcartes des types de milieux et de
leurs possibilit6s d’utilisations» donnent pour I’ensemble du territoire tous les renseignements intéressant le
planificateur au niveau de géneralisation requis. Les
«pertes d’informations)) pour certaines disciplines sont
plus que compensées par les données afférentes à des
thèmes complémentaires (géomorphologie, climatoiogie.. . , associations végétales pour le pédologue ou bien
pédologie pour I’agrostologue). Chacun des facteurs du
milieu naturel est ramené à sa juste valeur, son rôle est
pondéré en fonction des autres composantes du milieu.
Tant& le facteur sol intègre au mieux les caractéristiques
du milieu, tant& le type de végétation en est le meilleur
reflet; en d’autres lieux, c’est le regime hydrologique ou
la dynamique du modelé qui seront les «primitives» de
l’intégration.
Y
332
AGRONOMIE TROPICALE XXXVII - 4
ll est à noter que le type de carte présenté peut être
realise à des niveaux de généralisation très divers, puisque de teks cartes ont déjà Bté réalisées au 1 / 100 000 et
au J/~O 000. Suivant le niveau de détail auquel on se
Place, les CareCtêreS significatifs ou discriminants e retenir seront adaptb et précisés. De même l’éventail des
Potentialités à apprécier pourra être évidemment réduit
ou au contraire élargi à des utilisations specifiques ou a
des modes de faire valoir précis ou plus particuliers. Que/
que Soit le niveau de détail, la démarche methodologique
et le mode de présentation resteront les mêmes.
ComParaison
~ D
avec les cartes dites de «zonage»
On assiste actuellement à une production un peu
désordonnée de cartes dites de zonage, réalisées à
divers propos. Le terme de zonage s’applique a une
repartition de l’espace géographique en bandes plus ou
moins parallèles. Il s’adapte assez bien aux concepts de
zonalité climatique ou écologique (végétation, sols).
D’une facon moderne le mot a été un peu galvaude et se
rapporte à une répartition du territoire souvent sans référence à la forme allongée des zones, c’est ce qui est,
pour le moins, un abus de langage.
Ces cartes s’appuient, soit sur des observations ou des
mesures thematiques, telles que les caractéristiques climatiques par exemple, soit sur un nombre plus ou moins
élevé de donnees du milieu qui sont utilisées telles quelles ou après simplification en classes. Le «zonage» est
alors obtenu par addition des différents facteurs pris en
compte.
La principale critique est sans doute que ces essais ne
sont pas assez soutenus par une réflexion méthodologique approfondie, en particulier sur le plan taxonomique.
Tous les facteurs sont pris en compte au même niveau.
L’accumulation des données est seule prise en compte
pour délimiter des unités de milieux ou ctzones». Dans les
meilleurs cas, à une échelle déterminée, les données ont
été choisies puis pondérées d’une manière plus ou moins
empirique, ce qui donne des résultats intéressants.
Mais le plus souvent aucun choix des données, vraiment significatives à l’échelle considérée, n’est réalisé.
Ainsi les niveaux d’organisation du milieu bcologique
ne sont guère pris en compte. L’élaboration d’une carte à
petite échelle sera réalisée en se basant sur les mêmes
types de données de base qu’une carte à plus grande
échelle. Seule la maille ou le nombre des données est
éventuellement modifié. Alors que suivant l’échelle de
cartographie retenue, le niveau de perception doit être
modifie et la nature des données prises réellement en
compte, doit être adaptée. Ainsi à grande échelle le climat devrait être considéré comme invariant et donc
exclu des critères de zonage tandis que l’accent devrait
être donne aux séries de sols ou à des particularités du
pedoclimat. Au contraire à petite échelle, le climat est un
facteur primordial tandis que la série de sol ou le pédoclimat local peuvent être négligés.
Les cartes de zonage actuellement présentées dérivent
donc d’une démarche additive ou synthétique qui pourrait être notablement améliorée par une approche plus
globale où, a chaque niveau de perception, on ferait correspondre un faisceau de données à prendre en compte
avec une pondération susceptible de ramener l’importance de certains facteurs à leur juste valeur.
Les buts de ces cartes de zonage sont évidemment
très divers, mais sont le plus souvent limités à une seule
application. Ces résultats ne sont donc pas à la mesure
de l’ampleur des travaux à réaliser pour les obtenir.
Comparaison avec la mbthode
bcologique.
dite de planification
Cette démarche inspirée de 1. MC HARG s’applique à
des échelles qui varient entre le 1/5 NIO et le I/l00 Ooo
.(M. FALQUE, 1972 et 1975). Elle est basée sur une cartographie systématique d’un grand nombre de facteurs du
milieu à la même précision, puis à leur traduction en termes de capacité ou d’aptitude vis-à-vis de diverses utilisations envisagées.
Par superposition de ces cartes élementaires, on
obtient la carte d’aptitude à une utilisation déterminée.
La combinaison de ces diverses cartes permet d’obtenir une carte dite d’aptitude synthbtique
qui peut servir
de base à un aménagement écologique raisonne.
Cette méthodologie synthétique par additions successives donne des résultats satisfaisants aux échelles
d’application habituelles de la méthode; c’est-a-dire
1/25 000 ou 1 /lOO 000. Elle exige cependant I’établissement d’inventaires cartographiques exhaustifs dont le
coût n’est peut-être pas toujours a la mesure des résultats. Ces résultats au moins jusqu’à des échelles du
1/25 000 ou du 1/50 000 pourraient être obtenus beaucoup plus rapidement et à un coût infiniment moindre
avec une méthodologie par intégration.
La conception de la planification écologique s’applique
mal aux petites échelles où le choix des critères explicatifs du paysage permet une cartographie infiniment plus
rapide, plus sûre, qui ne s’encombre pas d’innombrables
données souvent redondantes.
Conclusion
La carte des milieux naturels et des potentialités agrosylvo-pastorales du Sénégal Oriental a été établie grâce à
une approche globale des milieux écologiques. A
l’échelle du 1/500 C00 les caractères climatiques, géomorphologiques et de matériaux ont été les critères
d’intégration significatifs retenus en raison de leur forte
liaison avec la nature et la repartition spatiale des types
de sols et des associations végétales typiques. L’évaluation des potentialités agro-sylvo-pastorales a été réalisee
sans préjuger de f’affectation la plus favorable, le but
333
AGRONOMIE TROPICALE XXXVII - 4
étant de renseigner et d’orienter les aménagistes sans
pour autant opérer les choix qui leur incombent. Nous
avons voulu élaborer une carte qui serve de référence et
de base de décision.
Cette conception s’écarte de celle des «cartes de ressources en sols)) qui évaluent uniquement ou presque le
potentiel agricole à partir des seules données de sols. Elle
s’éloigne aussi par son appreciation globale du milieu
écologique des «cartes de zonage» et de la méthode dite
de ((planification écologique)) qui procèdent d’une
démarche de synthèses par accumulation successive de
toutes les données sans hierarchisation bien exprimée
des niveaux’de perception du milieu.
Par contre notre démarche se rapproche beaucoup
des conceptions de M. JURDANT sur ((l’inventaire ecologique du territoire)) ou bien des «unités de paysage» de
G. BERTRAND.
gène et un type original de relief et de sols associes à un
complexe de végétation particulière :
- les plateaux du continental terminal,
- les couvertures éoliennes sur plateaux du continental
terminal,
- le bas glacis sur socle primaire de la vallée de la
Falémé,
- les glacis cuirasses sur socle primaire méridional.
Bien que leurs dimensions soient marginales pour être
considérées comme région écologique, nous pourrions
distinguer à ce niveau de I’écorégion :
a) d’une part la petite portion de la vallée du Sénégal
située -aux environs de Bakel et qui appartient à cette
vaste écorégion qu’est la moyenne vallée du Sér$gal, et
d’autre part,
b) les Monts Bassaris et les dépressions périphériques
qui leur sont associées dans la vaste région des Glacis
cuirasses sur socle primaire.
REALISATION DE LA CARTE
En raison, d’une part de l’échelle de la carte et d’autre
part de l’impact recherche, il convenait de limiter le nombre d’unités cartographiques. Cela posait, comme on
vient de le voir, des problèmes de choix du niveau taxonomique de ces unités. Par ailleurs, il importait que la
légende, tout en restant simple, donnât un maximum de
données descriptives des types de milieux.
Limitation du nombre d’unitbs
Nous avons ainsi distingue 19 types de milieu correspondant à des 6cofaciBs définis par un type de relief et
par des sols a faciès typiques et organisés suivant des
lois de répartition particulières. Ces écofaciès montrent
une végétation spontanée, ((naturelle», typique et particulière. En raison de l’action de l’homme (cultures,
déboisements...) et pour des variations minimes des
caractéristiques morphopédologiques, cette végétation
type et originale n’est ni homogène, ni ordonnée suivant
les mêmes lois de repartition que le modelé et les sols.
Ces écofaciès peuvent être regroupées a un niveau de
généralisation plus élevé en 4 «6cor6gions» ou régions
naturelles caracterisées par un climat relativement homo-
Choix du type de bgende
Nous avons choisi une présentation de la legende en
tableau a double entrée. Les lignes sont consacrées à la
description des caractères et des potentialités agrosylvo-pastorales d’un même écofacies. A l’opposé, les
colonnes donnent les renseignements essentiels correspondant à un même thème pour tous les écofacies. Nous
avons ainsi prévu :
- trois colonnes pour la description du milieu naturel,
- une colonne pour exprimer les contraintes du milieu
vis-à-vis des possibilites de production,
- trois colonnes pour l’expression de l’évaluation des
potentialités agricoles, pastorales et forestières.
Ce type de présentation a été retenu, car il permet de
donner un raccourci suffisant et homogbe des caractkes de chacune des unités; description qui éclaire
l’évaluation des potentialités du milieu et qui devrait permettre a un voyageur un peu initié aux choses de la
nature d’identifier les écofaciès sans être obligé de se
plonger dans la lecture de nombreuses pages de rapport.
Ceci reste bien entendu indispensable pour réaliser les
choix qui incombent au planificateur et à I’aménageur.
II - LE MILIEU NATUREL ET SES POTENTIALITES
CLIMAT
Dans cette vaste région qui s’étend du 12’ SO’ a presque 15O de latitude Nord on passe d’un climat tropical de
type soudanien à soudano-guinéen au sud à un climat de
type sahélien au Nord.
La pluviométrie varie de 1 250 mm en 75 jours au sud à
environ 500 mm en 40 jours au Nord.
Ce climat tropical est caractérisé par l’alternance de 2
saisons :
- une saison des pluies étalee sur 4 mois au Nord et
presque 6 mois au Sud, en été, entre juin et octobre. Les
334
AGRONOMIE TROPICALE XXXVII -4
mois d’aôut et septembre reçoivent plus de 50 % des
pluies;
- une saison sèche pratiquement absolue de 6 à 8 mois
au cours de laquelle on peut distinguer une saison plus
fraîche autour du solstice d’hiver;
- une très grande variabilité de la pluviometrie annuelle
et mensuelle, particulièrement en début et fin de saison;
- une grande violence des précipitations douées d’un
potentiel d’érosion pluviale des sols extrêmement élevé
parmi les plus forts du monde. C’est ainsi par exemple
que l’indice de dégradation spécifique de FOURNIER est
de 1 500 tonnes/km2 à TAMBACOUNDA, 1 800
t/km2/an à KEDOUGOU pour les régions à relief moyennement accuse et 6 500 t/km’/an à KEDOUGOU dans
les zones accidentées.
DESCRIPTION SOMMAIRE DES ECOREGIONS
DU SENEGAL ORIENTAL
Trois grands types de paysages ou ECOREGIONS
occupent des superficies très étendues dans le Sénégal
Oriental ; trois autres ECOREGIONS sont beaucoup
moins étendues car tronquées par les limites administratives. Ce sont :
- au Nord et vers l’ouest, I’écorégion des plateaux sur
la surface de remblaiement du continental terminal incises par de très larges vallées et parfois enfouis sous une
couverture sableuse eolienne
(au Nord-Ouest).
- Au Sud et à la bordure orientale, sur le socle antécambrien et primaire, le très grand développement de
surfaces cuirassees constituant des glacis étagés,
domines par les reliefs résiduels des Monts Bassaris.
se sont recimentés au fur et à mesure de leur mise en
place. II s’ensuit qu’à la bordure des plateaux, la cuirasse
affleure tandis que vers le centre, la couche meuble est
beaucoup plus importante. La repartition des sols et de la
végetation spontanée est très dependante du résultat
final de cette évolution. Ainsi, les lithosols sur cuirasse
dominent en bordure des plateaux avec une végetation
herbacée type à Loudetia togoensis et Elionorus elegans
à laquelle s’adjoint une strate ligneuse à Pterocarpus
lucens, Combretum nigricans et Acacia macrostachya
souvent localisée près des diaclases de la cuirasse.
Les sols dits ferrugineux tropicaux lessives indures,
gravillonnaires ou non leur succèdent vers le centre avec
une végétation type à Diheteropogon hagerupii, andropogon pseudapncus dont les proportions relatives peuvent varier selon la pluviométrie et l’épaisseur du sol. Ces
herbacées sont associées à Borreria stachydea, à Efionorus elegans et dans un degré moindre à Loudetia togoensis. La strate ligneuse est plus riche que précédemment
‘avec Combretum nigricans, C. micrantum, Bombax costatum auxquelles se joignent bien d’autres espèces selon
les zones.
Au centre des plateaux plus étendus, des sols profonds marqués par I’hydromorphie - sols dits ferrugineux tropicaux lessives $I taches et concretions sont largement étendus, mais présentent des variations
locales de profondeur. La végétation est beaucoup plus
riche que précédemment avec une strate herbacée à graminées annuelles à Andropogon pseudapricus, A. pinguipes, Pennisetum pedicellatum, P. subangustum,
Diheteropodon hagerupii - et une graminée vivace
Andropogon gayanus. La .strate ligneuse est également
riche et dominée Pterocarpus erinaceus, Terminalia
macroptera, Cordyla pinnata, Combretacées
diverses.
La surface de remblaiement du continental terminal
montre de très vastes plateaux subhorizontaux qui ont
été entaillés au quaternaire ancien et moyen par des
réseaux de vallees. Cette phase de creusement a été
accompagnee d’une érosion, par ruissellement diffus,
des sols sur les plateaux. Elle a été suivie d’une induration en cuirasse des horizons à tâches et nodules des sols
hydromorphes préexistants, lorsqu’ils ont été suffisamment dénudés.
Apres la phase de creusement, les vallees ont éte remblayées par les matériaux meubles provenant de l’érosion
des sols des plateaux. Il s’est .ainsi forme un glacisterrasse où les sols genéralement rouges, de type ferrugineux tropical lessive ou remanie sont très profonds
et constituent les terres cultivables preférées des agriculteurs. Aussi la végétation naturelle est-elle difficile à définir. Elle est remplacée par des formations secondaires de
jachéres dont la composition botanique est fonction de
l’ancienneté, du degré d’épuisement ou de la fertilité
résiduelle des sols. La strate herbacée, d’abord dominée
par Pennisetumpedicellatum en peuplement presque pur
ou associe à P. subangustum évolue en s’enrichissant
par Andropogonpseudapricus ou pinguipes etc.. . et plus
tard par A. gayanus. La strate ligneuse est moins appauvrie par l’action de l’homme qui conserve préférenciellement les arbres utiles (Cordylapinnata,
Parkia biglobosal
sans toutefois parvenir à éliminer (Combretum glutinosum, Guirea senegalensis, Zizyphus mauritania, Piliostigma reticulatum, Terminalia macroptera
qui repartent
des souches.
L’érosion s’est manifestée très profondément en bordure des vallées où affleure la cuirasse qui a parfois été
démantelée en donnant des sols gravillonnaires. Ceux-ci
Récemment ces. colluvio-alluvions ont été entaillées
par incision linéaire. L’axe de la vallee où un écoulement
temporaire existe en saison pluvieuse, comporte essen-
- Au Nord-Est, sur le socle primaire du bassin aval de
la Faleme, un bas-glacis d’où émergent quelques reliefs
residuels mais caracterisés essentiellement par la présence de sols argileux halomorphes, imperméables et en
grande partie stériles.
- Enfin à l’extrême Nord, une petite portion de la vallée
alluviale du .fleuve Sénégal.
PLATEAUX DU CONTINENTAL TERMINAL
i
*
AGRONOMIE TROPICALE XXXVII - 4
335
tiellement des sols hydromorphes de couleur grise a
texture sableuse. Localement de dépôts plus argileux
existent dans des cuvettes. Ces sols sont également très
cultivés et présentent, du fait du régime hydrique particulier, une végétation parfois très spécifique.
Dans les régions granitiques, les cuirasses sont pauvres en fer et peu épaisses du fait de la faible teneur en
fer de la roche mère; aussi sont-elles actuellement très
dégradées ou ont-elles disparu. Le paysage se compose
alors d’interfluves étroits plus ou moins convexes et
d’aspect légèrement ondulé. Les sols y sont graveleux
sur des arènes granitiques grossières.
PLATEAUX A COUVERTURE EOLIENNE
Sur tous les glacis a cuirasse démantelée de cette
région a pluviométrie supérieure a 1 Ooo mm on peut
noter l’abondance d’espéces herbacées vivaces qui se
mêlent aux herbacées annuelles. Ainsi Andropogon
gayanus et Diheteropogon a;nplectans sont accompa‘gnées dans des proportions très variables de Pennisetum
pedicelatum et angustums, d’Andropogon tectorum et
pinguipes, Schizach yrium brévifolum
Au nord de KOMPENTOUM et de KOUSSANAR,
dans la région de LOUMBI et LOFE, une couverture
sableuse Bolienne se surimpose sur les sols des plateaux. A l’extrême nord, une morphologie dunaire confuse apparaît. L’orientation des dunes est variable mais la
direction NNE-SSW semble dominer ce qui différencie
cet erg de I’Erg Ogolien du Cayor.
Compte tenu de la couleur du materiau (rouge 5 YR) et
de la morphologie très émoussée du relief, cette couverture éolienne serait plus ancienne. Les sols des cordons
dunaires sont sableux comme il se doit et de couleur
rouge ; ils sont désignés sous le nom de sols ferrugineux tropicaux non ou peu lessiv6s. sols dior dans
l’appellation vernaculaire. Dans les dépressions interdunaires, les sols sont nettement plus argileux de couleur
grise et se rapprochent des sols Decks.
La végétation herbacee est essentiellement a base
d’espèces annuelles comme Andropogon pseudapricus,
Diheteropogon hagerupii, Ctenium elegans, Schoen feldia gracilis avec localement dans les interdunes quelques
vivaces, comme Andropogon gayanus. La strate
ligneuse comprend deux espèces principales Combretum
glutinosum et Guirea senegalensis.
GLACIS CUIRASSES SUR LE SOCLE PRIMAIRE
Au Sud, sur le socle primaire, qui présente des roches
très riches en fer, des glacis a cuirasses ferriques très
épaisses se sont développés au quaternaire ancien et
moyen. Ils semblent parfois avoir été alimentes par des
surfaces également cuirassées parfois bauxitiques datant
de la fin du tertiaire.
L’érosion a enlevé la couverture meuble de l’ensemble
des glacis cuirassés, de sorte que les sols sont peu épais.
D’une manière quasi générale la cuirasse affleure ou bien
est recouverte par quelques décimètres de gravillons ferrugineux et de sable, lorsqu’il s’agit de glacis démantelés.
Sur la cuirasse affleurante des Bowe, la végétation
herbacée est très pauvre, caractérisée par Lepturela aristata, ., Lepidagathis capituliformis, microchloa indica et
Ctenium villosum et neutonii lorsqu’il existe un iecouvrement sablo-graveleux meuble un peu plus épais. La
végétation ligneuse arbustive est localisée sur les diaclases et les fissures de la cuirasse.
La strate ligneuse est plus ou moins dense mais toujours assez riche avec Terminalis macroptera et avicenoides, Pterocarpus erinaceus, Daniellia olivieri, Gardenia
sp et Combretac&es diverses.
II est à noter la présence de formations végétales particulières telles par exemple que la bambusaie (Oxytenathera abyssinica) qui peut occuper un grand nombre de
situation depuis les têtes de talwegs et les entailles profondes des plateaux cuirasses jusqu’aux berges de petits
marigots et dépressions périphériques a sols profonds.
MONTS BASSARIS
Dans cette même région du socle primaire méridional,
il y a lieu de noter l’entité territoriale constituée par les
reliefs de la région de Kedougou et du Pays Bassari, Ces
collines prennent en écharpe d’orientation NNE-SSW,
toute I’écorégion des glacis cuirasses du socle primaire
méridional.
Les versants de ces collines (250 a 450 m d’altitude)
couronnées par des cuirasses ferrugineuses ou bauxitiques, sont couverts par des éboulis divers d’épaisseur
très variable. II s’y développe des sols riches en argile du
type montmorillonite : sols brunifiés et vertisols...
A la péripherie de ces reliefs, l’érosion a dégagé les
niveaux de cuirasse et les altérites jusqu’à la zone d’altération des roches tandis que des colluvionnements ou
des dépôts de cône de déjection actuels ou subactuels y
ont accumule des sédiments argilo-graveleux empruntes
aux versants. Aussi trouve-t-on dans ces depressions
péripheriques des sols riches en argile à édifice gonflant
qui donnent des sols bien structures : sols brunifiés, vertisols, sols hydromorphes vertiques... Ces sols ont de
fortes réserves en eau et une fertilité minérale élevée. II
s’ensuit une diversification très importante de la vegétation avec un grand développement des graminées vivaces : Andropogon gayanus, Diheteropogon amplectans,
Cymbopogon giganteus, Hyparrhenia rufa.. . avec une
strate ligneuse également abondante et variée.
AGRONOMIE TROPICALE XXXVII - 4
BAS-GLACIS DE LA VALLEE DE LA FALEME
Cette écorégion s’étend entièrement sur le socle primaire. Les cuirasses ont été presque entièrement dégagées paf l’érosion. Le relief s’est façonné en glacis sur les
matériaux argileux de la zone d’altération des schistes de
la Falémé et autres formations geologiques du socle primaire. Quelques reliefs résiduels demeurent cependant
et fournissent des débris sableux ou graveleux qui s’étalent sur le glacis argileux.
Pour des raisons qui tiennent à la fois au climat semiaride sud-sahélien et à la composition chimique des
roches mères (riches en sodium), les sois, dont le drainage externe est très déficient (pentes très faibles) contiennent des proportions assez fortes de sodium fixe sur
le complexe absorbant. Ils contiennent aussi des sels de
la série alcaline (carbonate de sodium). Cela a pour effet
de les rendre quasi-imperméables. Les sols halomorphes
qui en résultent se rapprochent des solonetz-solodisés fa
morphologie de pIanosols), Leur imperméabilité conduit
à un fort développement du ruissellement diffus, d’une
érosion insidieuse mais géneralisee.
De fait, ces sols très imperméables et compacts sont
physiologiquement secs pour les plantes. Aussi la végétation est-elle tres pauvre et clairsemée. De nombreuses
plages restent complètement nues. La strate herbacée
est essentiellement à base de Schoenefeldia gracilis plus
ou moins accompagnée d’Aristida adscensionis et localement Chforis prieurii, Andropogon pseudapricus, Loudetia togoensis.. La strate ligneuse très clairsemée est
un peuplement presque pur d’Acacia seyalau milieu desquels on peut trouver Balanites aegyptiaca.
Ces terrains pourraient être considérablement améliores par des amendements de gypse mais cela nécessite
sans doute des recherches préalables.
ALLUVIONS RECENTES DES PRINCIPAUX AXES DE
DRAINAGE
Ils comportent :
- des bourrelets de berge ou des levées non inondables
(les «fondés)) du fleuve Sénégal par exemple1 à texture
sableuse ou sablo-limoneuse. Les sols y sont marqués
par I’hydromorphie et leurs réserves en eau sont moyennes à bonnes.
- des cuvettes de décantation inondables en partie ou
en totalite pendant un temps plus ou moins long. La texture y est argileuse à argilo-limoneuse et les sols sont,
soit des sols hydromorphes à gley d’ensemble, soit des
vertisols.
- des remblais non inondables qui se raccordent aux
cuvettes par un glacis plus ou moins large suivant le cas.
Les sols marqués par i’hydromorphie ont gén&alement
une texture grossière ou équilibree et de bonnes reserves
en eau.
La végetation est très variable car ce sont des zones
très cultivées en saison des pluies. Lorsque le milieu n’est
pas cultivé comme dans certaines cuvettes inondables,
la végétation est très dense et de type herbace. Sur certains bourrelets, en bordure de la Gambie par exemple,
des formations végétales particulières comme les roneraies (Borassus aethiopiuml peuvent être observées.
EVALUATION DES POTENTIALITES
AGRO-SYLVO-PASTORALES
Cette évaluation a été réalisée en s’appuyant essentiellement sur l’importance des facteurs limitants : climatiques, pédologiques et morphodynamiques (risques
d’érosion par exemple). Pour évaluer le potentiel pastoral
des divers types du milieu on s’est aussi basé, non seulement sur la production globale en matière seche, mais
surtout sur la valeur et la disponibilité de la biomasse en
saison sèche où l’alimentation du bétail pose des problèmes plus ou moins faciles à résoudre.
VALEUR DES PATURAGES
Classe 1, Pâturages bons à très bons, comportant des
espèces vivaces à forte production en fin de saison
des pluies, pouvant rejeter abondamment en saison
sèche si l’exploitation est bien conduite et susceptible de fournir une alimentation en vert une grande
partie de cette période.
Moins de 4 ha/UBT (1).
Classe 2. Pâturages moyens à bons, caractérisés par :
une forte productivité de matières sèches, bien consommée par le bétail ou par des repousses importantes d’espèces vivaces en saison sèche.
4 à 6 ha/UBT.
Classe 3. Pâturages faibles à moyens; à base principalement d’espèces bien appétées par le bétail ou ayant
une productivité supérieure grâce à une pluviométrie favorable ou présentant des repousses intéressantes grâce à de bonnes réserves en eau du sol.
6 à 8 ha/UBT.
Classe 4. Pâturages médiocres à faibles composes
d’espèces naturelles peu productives, de faible
valeur fourragère, peu appétées et/ou d’espèces
vivaces ayant de très faibles repousses.
8 à 10 ha/UBT.
Classe 5. Pâturages médiocres caractérisés par :
- un faible stock de paille et/ou
- une paille peu consommable car ligneuse et dure
- une paille de faible valeur fourragére.
Plus de 10 ha/UBT.
VALEUR
AGRICOLE
Classe 1. Possibilités agricoles bonnes, caractérisées
par :
- des sols généralement profonds ( > ôo-80 cm).
337
AGRONOMIE TROPICALE XXXVII - 4
- mais avec un risque d’érosion
- avec parfois des limitations de diversification des
cultures par le climat
- ou par des nappes phréatiques ou des inondations.
Classe 2. Possibilités agricoles moyennes caractérisées
par :
- des sols moyennement profonds (<60 cm) ou
gravillonnaires
- ou des sols profonds mais avec un climat semiaride
- ou un risque d’érosion très intense.
Classe 3. Possibilités agricoles faibles caractérisées
par :
une association très complexe de sols peu profonds 030 cm) ou moyennement profonds
(<60 cm)
- une association des sols argileux plus ou moins
imperméables ou halomorphes
- un risque d’érosion intense.
Classe 4. Possibilités agricoles médiocres caractérisées
par :
- des sols cuirassés à faible profondeur (< 30 cm)
- ou des sols argileux halomorphes imperméables
- et un climat semi-aride.
Classe 5. Possibilités agricoles nulles caractérisées par :
- une absence quasi totale de sol meuble
(CIO cm)
- et/ou des pentes très fortes qui interdisent toute
agriculture pérenne.
VALEUR FORESTIERE
Classe 1. Possibilités forestières bonnes, caractérisées
par :
- des sols sablo-argileux profonds à forte réserve
en eau
- des sols argileux bien structurés.
La production forestière naturelle concerne, ici, aussi
bien le bois de chauffage que le bois de service. La production est naturellement élevee. Des reboisements de
production (pâte à papier, poteaux, perches, bois
d’oeuvre.. .) peuvent être envisages avec une chance certaine de succès sous réserve d’un choix judicieux des
essences.
Classe 2. Possibilités forestières moyennes caractérisées par :
-. des sols peu ou moyennement profonds sur cuirasse démantelée,
- mais avec une pluviométrie voisine de 1 000
mm/an
- ou des sols plus ou moins profonds sur des éboulis fixes sur les reliefs.
La production forestière en bois de chauffage est convenable et se prête à une exploitation. Des reboisements
de production (pâte, poteaux, perches...) peuvent être
envisagés avec une certaine chance de succès.
Classe 3. Possibilités forestières faibles, caractérisées
par :
- des sols peu profonds sur cuirasse fragmentée
- ou des sols argileux localement halomorphes et
imperméables
- ou un climat semi-aride.
La production en bois de chauffage est faible, mais
susceptible d’une exploitation avec des rotations plus ou
moins longues en fonction du climat et des sols.
Classe 4. Possibilités forestières médiocres, caractérisées par :
- des sols squelettiques
- ou des sols argileux halomorphes à pédoclimat
aride,
- ou des sois à nappe phréatique peu profonde
- ou une inondation
- un climat semi-aride limitant la production,
On ne peut guère y escompter actuellement qu’une
production forestiere faible à nulle.
Ill - PERSPECTIVES SUR LE DEVELOPPEMENT AGRO-SYLVO-PASTORAL
EN FONCTION DU MILIEU NATUREL
Les potentialités du milieu naturel au Sénégal Oriental
sont multiples même si l’on se borne aux productions
végétales et animales. Il ne semble pas raisonnable, pour
une échéance a la fin du siècle, d’opposer, comme cela
est souvent fait, l’agriculture à l’élevage ou a la mise en
valeur forestière. A l’échelle du paysage, lintegration
intime de l’agriculture a l’élevage et à la forêt est la seule
solution valable dont résultera la mise en valeur de toutes
les ressources potentielles du milieu naturel.
1) Le dhveloppement
de l’agriculture au Sénégal
Oriental pourrait tout d’abord s’orienter vers la mise en
culture d’un maximum de terres jugées cultivables dans
le contexte technique et socio-économique actuel (un
faible pourcentage de la superficie est actuellement
occupé) puis vers l’intensification des productions (SO~Utions techniques bien connues et déjà vulgarisées, solutions techniques mal connues a mettre au point ou a
inventer dans le cadre d’une intensification avec utilisation et valorisation maximale des ressources en terres et
en eaux.)
La mise en culture des terres jugées cultivables à I’époque actuelle, l’intensification de l’agriculture pluviale traditionnelle, l’utilisation de techniques de stockage de
338
AGRONOMIE TROPICALE XXXVII - 4
l’eau pour des irrigations de complément permettraient
de quintupler la production agricole. L’éventuelle création de périmètres irrigués à partir des eaux souterraines,
laisse encore de la place à un immense progrès.
Mais cette politique a ses limites, principalement à
cause : de la faible durée de la saison pluvieuse, de son
extrême variabilité et du risque d’érosion des sols dû à
l’intensité des pluies. Ces contraintes pourraient sans
doute être surmontées avant la fin du siècle par la mise
au point de methodes de gestion des ressources en terres et en eaux (cf. 41.
2) Le d6veloppement
de 1’6levage au Sénégal Oriental (mis a Part les raisons d’ordre sanitaire) est limité par
une UtikatiOn marginale ou/et très partielle de la production vegétale herbacée. Cet état de chose semble dû
simultanément :
- au manque de points d’eau qui interdit I’exploitalion de vastes zones,
- aux feux de brousse qui détruisent la production
herbacée consommable. Ceci demande a être
nuancé. II y a lieu de distinguer les zones à pluviométrie inférieure à 1 000 mm des zones où la pluviométrie est superieure à 1 000 mm. Dans les premieres, les espèces vivaces sont absentes ou ne donnent aucune repousse et le pâturage est composé
d’herbacées fines consommables à I’Atat sec. Dans
ce milieu, le feu de brousse est une perte irreparable sans aucun gain annexe. Dans la zone méridionale, les espèces vivaces abondent, mais les pailles
sont très grossières, très lignifiées et non appetées
par le bétail en saison sèche. Par contre, elles donnent une certaine repousse après le passage des
feux. dans ce milieu, et dans la conjoncture
actuelle, si le feu paraît un mal nkessaire, on ne
saurait trop insister par contre sur le manque à
gagner entraîne par cette technique qui revient a
un gaspillage calamiteux. La fauche, soit manuelle,
soit mecanique à la fin de la saison des pluies, permettrait de multiplier par 5 en moyenne les resources fourragères disponibles.
Pour des raisons de calendrier cultural, une fauche mécanique lmotorisee ou en action animale)
semble s’imposer. Ceci suppose un désouchage
convenable ou l’emploi d’outils à peu près inaccessibles dans les conditions économiques actuelles.
Une augmentation substantielle de la production fourragère spontanée, ainsi que des repousses des herbacées
vivaces, pourrait être obtenue en éclaircissant la végétation ligneuse en ne conservant que les arbres de grande
taille ou à forte valeur fourragère. Ce’type de traitement
en prébois permettrait en outre une fauche mécanique.
L’introduction d’espèces fourragères plus productives
ou plus riches en UF ou en MAD augmenterait aussi
d’une manière significative les ressources pour 1’6kVage.
II en est de même pour l’utilisation des sous-produits de
l’agriculture.
Le problème de l’abreuvement du bétail pourrait trouver des solutions à la portée des communautées villageoises par le stockage des eaux de ruissellement (cf. 4).
Par ces améliorations, dont la realisation paraît ineluctable à terme, le cheptel pourrait être au moins quintuplé. Cependant, à l’horizon 2000, compte tenu des contingences Aconomiques,
sanitaires, biologiques et
humaines, on ne peut guère envisager qu’un doublement
du cheptel.
3) DBveloppement
de la production foresti&re
On Peut estimer qu’actuellement les possibilités de
production forestieres sont très largement SOUSexploitées et le plus souvent non exploitées, sauf le long
du grand axe routier TAMBACOUNDA-DAKAR OU la
production de charbon de bois est active.
Pourtant la production des peuplements naturels est
loin d’être négligeable et pourrait être vaIorisée.
Par ailleurs, bien des milieux, surtout dans les régions
méridionales, mais aussi sur les sols profonds des vallees
du continental terminal, permettraient des productions
très intéressantes, tant en bois d’œuvre que pour la production de perches, poteaux télégraphiques, pâte à
papier, grâce à des plantations villageoises ou domaniales d’essence hautement productives IEucalyptus, Melaleuca, Casia siameal .
Les régions voisines de la Gambie sont particulièrement favorables à l’implantation de complexes de production forestière et d’industries de transformation du
bois.
4) Utilisation et valorisation maximale des ressources en terre et en eaux
Les considérations qui suivent sont inspirées des réalisations traditionnelles bien connues en Inde et au Mexique. (Tanks du Deccan, Bordos du plateau central mexicain). Ces techniques ont été reprises et améliorées
depuis peu par la recherche agronomique en Inde dans
un contexte climatologique et édaphique assez voisin.
Dans cette région, la saison pluvieuse est très courte
et la répartition des pluies est trop irrégulière pour assurer une production agricole réguliére. Cependant
d’importantes quantités d’eau y sont perdues par ruissellement. II s’ensuit une perte d’eau disponible pour les
cultures et une érosion des sols liée également à I’intensite des pluies.
L’opération consiste à :
- augmenter l’infiltration de l’eau dans le sol grâce à
un aménagement ad hoc (cordons isohypses rapprochés)
- récupérer les eaux de ruissellement excédentaires
dans des réservoirs creusés à même le sol sur une
faible superficie. lO,5 ha environ) mais de profondeur suffisante pour limiter les pertes par évaporation.
L’eau ainsi stockée 6000 m3) peut avoir 3 utilisations
possibles :
=
.
,
339
AGRONOMIE TROPICALE XXXVII - 4
- une irrigation de sauvetage des cultures en cas
d’arrêt précoce des pluies
- une irrigation d’une partie des surfaces pour des
cultures de contre saison
- un abreuvement du bétail en saison sèche.
intégrer les diverses propositions faites plus haut.
L’échelle à choisir pour une telle action est celle d’un
petit bassin versant ou mieux d’une communauté villageoise dont la participation active et volontaire est indispensable.
L’aménagement complet de 1 hectare revient environ
à 100 journées d’actif et un peu plus de 100 journées
d’attelage bovin et à l’utilisation d’un matériel adapté
mais susceptible d’être fabrique localement. II s’agit
donc d’une technique à la portée des communautés villageoises ou familiales.
Ce type d’aménagement intensif de l’espace agricole
ou pastoral est complementaire à la création de grands
périmètres irrigués, à créer le long de la Gambie (en aval
du confluent avec le Nieriko (plus de 100 000 ha irrigables) ou du Sénegal et de la Faléme. Il permettrait de
limiter la disparité des revenus entre les périmètres irrigues et le reste du pays. Cela revient a éviter «la présence d’oasis d’abondance dans un désert de pauvreté».
Un tel type d’aménagement pourrait être tente à titre
expérimental de pre-développement et en essayant d’v
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