Nous relevons ici certains critères de définition plus fins qui sont avancés, et les problèmes
qu’ils soulèvent :
- V1, V2, Vn ont un même sujet, explicite seulement sur V1, ce qui distingue les CVS des
constructions consécutives, où le SN objet de V1 est coréférentiel avec le SN sujet de V2 (mais
ces dernières sont considérées par certains auteurs comme faisant partie des CVS)!;
- il n’y a pas de connecteur entre les V (mais il existe des langues qui font exception à cette
condition, cf. Takassi, 1996!; Delplanque 1998, qui traitent tous les deux de langues voltaïques)!;
- chaque V de la construction selon sa valence peut être accompagné d’un objet ou plus
généralement de compléments argumentaux (mais pas les V devenus verboïdes)!;
- tous les V de la série sont affectés de la même marque de TAM, marqué sur tous les V ou sur
un seul (mais on observe des variations de cette contrainte, selon les V et les catégories de
marques de TAM (cf. Lewis, 1989).
- Givon (1991) s’appuie sur des critères prosodiques pour mettre en évidence si la série de V
constitue un ensemble fonctionnant comme une seule proposition7.
Ces difficultés peuvent être traitées si l’on considère que ces constructions constituent un
continuum évolutif!: continuum d’intégration syntaxique comme l’avance Bonvini (1992),
continuum dans une dynamique de grammaticalisation (Heine & Reh, 1984), ou de lexicalisation
(Givon, 1995!; Pawley, 1993). De nombreuses langues dites ‘sérielles’ posent des problèmes
de délimitation à la description, car elles recèlent des évolutions typologiques plus ou moins
avancées vers la lexicalisation de certaines séquences de verbes en lexèmes verbaux complexes
(éventuellement discontinus), et vers la grammaticalisation de certains V en auxiliaires, particules,
ou adpositions.
Les CVS sont vues comme manifestant des spécificités dans le mode de conceptualisation des
événements!: c’est le cas pour Manessy (1985), qui caractérise les CVS comme relevant d’une
‘structure cognitive’ sous-jacente aux créoles et aux langues ouest-africaines constituant leur
substrat. Selon Manessy, ces langues manifestent une tendance très profonde à associer les
relations dynamiques au domaine du verbal, et les relations statiques au domaine du nominal,
jusque dans les fondements de la grammaire. Par aillleurs, plusieurs études convergentes portant
sur des langues à CVS de l’aire mélanésienne montrent que les CVS viennent compenser
l’étroitesse du lexique verbal (Pawley, 1993!; Givon, 1995).
Pour d’autres auteurs, les spécificités des CVS seraient d’ordre énonciatif (cf. Bonvini, 1992!;
Delplanque, 1998). Pour d’autres enfin, elles seraient d’ordre essentiellement syntaxique!: ainsi,
Lemaréchal (1997) fonde sa réflexion sur deux schèmes de CVS spécifiques, l’élargissement du
cadre actanciel par un verbe (de type ‘donner’ pour le bénéficiaire, ‘prendre’ pour
l’instrumental), pour les envisager non comme la présentation d’un événement en n procès mais
comme une manifestation dans ces langues d’un “!décumul des relations!” actancielles.
D’ailleurs, ces schèmes donnent lieu à des processus de grammaticalisation, car dans certaines
langues, on peut trouver des CVS dont l’actant 2 est incompatible avec le sens premier du verbe
de manipulation :
(4) o,-a,-fa, iswa,’ na,-kle, mi~’
il-ANT-prendre sa maison DEF ANT-montrer moi
(baoulé (kwa, Côte d’Ivoire, Creissels 2000!: 240)
Selon les types spécifiques de CVS sur lesquels on se concentre, on est tenté de formuler des
généralisations différentes, qu’il faut se garder d’attribuer aux CVS des langues concernées
dans leur totalité.
Les CVS sont considérées généralement comme une zone d’instabilité dans les langues qui en
disposent. Il est vrai qu’une part notable des discussions acharnées autour des CVS et de leur
délimitation repose sur les cas où le caractère de V de certains des V d’une série apparaît remis
en cause pour des raisons fonctionnelles (un V joue un rôle de localisateur, par ex.), ou pour des
raisons de comportement linguistique (par exemple des restrictions combinatoires, comme
7 Cf. aussi le commentaire qu’en fait Lemaréchal, 1997.