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Résumé :
En présence de soins psychiatriques sans consentement, les différentes atteintes aux droits des
patients peuvent faire l’objet d’une mainlevée par le juge des libertés et de la détention (JLD).
Désormais, le contentieux de toute mesure d'internement est unifié devant le seul juge
judiciaire. Les préjudices consécutifs aux irrégularités peuvent également justifier une
indemnisation. Enfin, le risque pénal est réel en cas d’internement abusif. La jurisprudence
qui se construit depuis l’application de la loi du 5 juillet 2011 permet d’éclairer les pratiques
des différents protagonistes, notamment les moyens à disposition de l’avocat et l'office du juge
des libertés et de la détention.
Mots clés : juge-liberté-psychiatrie-soins
L''ATIH
souligne qu’en 2013 en psychiatrie, 20% des journées à temps plein sont réalisées en
soins sans consentement. Si le nombre de journées en soins sans consentement a diminué
entre 2011 et 2012 (-4,2%), il a fortement augmenté entre 2012 et 2013 (+9%). Pour les
psychiatres Catherine Paulet, Camille Garnier et Pascale Giravalli
, le contrôle judiciaire
introduit par la loi du 5 juillet met en exergue la question de la contrainte aux soins. Ceci
garantit que médecins et soignants ne perdent pas de vue l’immense pouvoir dont l’institution
psychiatrique dispose au regard des libertés des patients. Dans certaines situations, savoir
mettre en place une mesure de soins contraints est légitime et du devoir du psychiatre. Mais,
dans le même temps il faut peser les indications de soins sans consentement. Cela nécessite de
travailler le consentement aux soins et de réinterroger la nécessité de la contrainte en fonction
de l’évolution clinique.
L’intervention systématique de l’autorité judiciaire vient nous rappeler que la contrainte existe
et qu’elle est une privation de liberté quel que soit son objectif. Ceci implique de réévaluer
régulièrement la nécessité d’une mesure de contrainte et de garder à l’esprit qu’hospitaliser un
patient sans son consentement n’est pas quelque chose de banal et ne doit jamais le devenir.
La récente mission de contrôle attribuée au Juge des Libertés et de la Détention (JLD)
matérialise l’idée d’une application du droit commun dans les établissements psychiatriques
au même titre que dans tout autre lieu1
. Le contrôle judiciaire des hospitalisations sans
consentement figure dans plusieurs recommandations européennes
. Le contrôle judiciaire de
la privation de liberté constitue un principe fondateur du droit français, figurant dans la
Constitution de 1958, disposant que « nul ne peut être arbitrairement détenu », et que
http://psychiatrie.crpa.asso.fr/+-jp-Jurisprudence-+
Panorama de l’activité hospitalière 2013, rapport de l’Agence technique de l’information sur
l’hospitalisation (ATIH)), 6 octobre 2014.
Catherine PAULET, Camille GARNIER (auteur principal) et Pascale GIRAVALLI, médecins
psychiatres, service médico-psychologique régional, maison d’arrêt des Baumettes, assistance
publique hôpitaux de Marseille. Dossier Santé mentale : se servir du droit comme d’un outil,
Rhizome, N° 53 - Août 2014.
Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant
l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.
Conseil de l’Europe Conseil des ministres. Recommandation Rec (2004)10 du Comité des
Ministres aux Etats membres relative à la protection des droits de l’homme et de la dignité des
personnes atteintes de troubles mentaux ; 2004 ; Recommandation n°R(83)2 du comité des
ministres aux Etats Membres sur la protection juridique des personnes atteintes de troubles
mentaux et placées comme patients involontaires, 1983.