Thérèse et Pierrette - Critique 4 [612 Ko]

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Publié le 08 novembre 2010 à 07h41 | Mis à jour à 07h41
Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges : la
machine à broyer les filles
La pièce est portée par une distribution convaincante.
Sur la photo: Catherine De Léan, Sébastien Huberdeau et Danielle Lépine.
Photo: Valérie Ouellet, fournie par la production
Alexandre Vigneault
La Presse
Le roman Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges occupe une place particulière dans l'oeuvre
foisonnante de Michel Tremblay. Ses principales protagonistes sont des fillettes à l'orée de l'adolescence et
il montre l'univers des femmes à l'extérieur du cercle familial. L'essentiel du récit se déroule en effet à
l'école que fréquentent Thérèse, Pierrette, Simone et Lucienne, institution dirigée d'une main de fer par une
religieuse à la froideur et au mépris plus grands que nature: mère Benoîte des Anges.
L'autorité de cette femme dure (superbement détestable Muriel Dutil), que les élèves surnomment mère
Dragon du Yâble, est mise à rude épreuve durant les quelques jours au cours desquels se déroule la pièce
que le metteur en scène Serge Denoncourt a tirée du roman. La fin de l'année approche et les préparatifs de
la Fête Dieu vont bon train. Mais le cours des jours est involontairement bousculé par Simone Côté, que
tous surnomment bec-de-lièvre, qui revient à l'école après avoir subi une opération pour corriger sa petite
infirmité.
Sa nouvelle vie ne s'amorcera pas dans la joie. Mère Benoîte des Anges n'y voit rien d'autre qu'un geste
vaniteux et curieusement onéreux pour une fille issue d'une famille trop pauvre pour verser le moindre sou à
l'école. L'humiliation qu'elle lui fera subir se retournera contre elle: la mère supérieure fera face à l'intrépide
mère de Simone et à l'effritement de son ascendant sur des religieuses pourtant censées lui obéir au doigt et
à l'oeil.
Serge Denoncourt, qui signe l'adaptation et la mise en scène, a élagué la matière pour ne garder que les
fillettes, leurs mères et les religieuses. Et aussi Gérard Bleau (Sébastien Huberdeau), homme avec lequel
Thérèse (Catherine De Léan) flirte dangereusement (l'élément le moins convaincant du spectacle). Ce
faisant, le metteur en scène s'attarde aux jeux de pouvoir entre ces femmes: l'ascendant de Thérèse sur son
groupe d'amies, la violence d'Albertine (Danielle Lépine) envers sa fille, la désobéissance bien intentionnée
de soeur Sainte-Catherine (Lynda Johnson), la révolte de la mère de Simone et la soumission enragée de la
mère supérieure.
Enfermement
À travers ces conflits ouverts, ces amitiés particulières (entre nonnes, notamment) et les alliances qui se
nouent et se dénouent au quotidien, c'est l'emprisonnement des femmes et l'oppression des femmes par
d'autres femmes qui se trouvent brillamment illustrés. Cet enfermement est d'ailleurs souligné avec justesse
par les hautes clôtures Frost qui servent de murs en plus de délimiter la cour d'école.
Portrait de société dur traversé par un humour parfois cruel et porté par une distribution convaincante,
Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges montre toutefois une prison dont les murs commencent à
s'effriter. Quand une femme pauvre d'entre les pauvres tient tête à l'autorité, quand une religieuse
s'affranchit du joug de sa supérieure, c'est qu'il y a péril en la demeure. Et si cette oeuvre met l'accent sur la
violence faite aux femmes par d'autres femmes, elle montre aussi que c'est au moment où celles-ci brisent
leurs chaînes que le changement peut survenir.
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Jusqu'au 20 novembre au Théâtre Denise-Pelletier.
On couvre pour vous la scène culturelle au Québec et ailleurs.
Grande première de Thérèse et Pierrette à l’école des
Saints-Anges au nouveau Théâtre Denise-Pelletier
Soumis par Sarah-Émilie Nault le 6 novembre, 2010 - 13:45
C’est dans un théâtre fraîchement rénové, à l’occasion de son ouverture officielle, que la pièce Thérèse et
Pierrette à l’école des Saints-Anges, l’adaptation du célèbre roman de Michel Tremblay, a été présentée en
grande première hier soir devant une salle comble et visiblement conquise d’avance.
La Ministre de la Culture, Christine St-Pierre ainsi que la mairesse du Plateau Mont-Royal, Hélène
Foutopoulos étaient de la fête, question de partager leur appui et leur implication dans le travail de
restauration du théâtre. Les co-fondateurs du théâtre Denise-Pelletier, Gilles Pelletier et Françoise Graton ont
été chaleureusement applaudis pour une foule émue, tout comme l’auteur de Thérèse et Pierrette à l’école des
Saints-Anges, Michel Tremblay.
«Le théâtre est une tentative de nous rendre plus humains, c'est-à-dire moins seuls», pouvait-on lire sur les
murs du théâtre. Hier soir, lors de la représentation de l’œuvre de Tremblay, pas une seule personne ne s’est
sentie seule, j’en suis certaine.
Un jeu d’acteurs tout simplement splendide, un décor épuré mais tellement significatif, des effets visuels
simples et éloquents et une mise en scène impeccable: voilà à quoi nous avons eu droit, du bout de nos sièges
pour ne surtout rien manquer, littéralement transportés en 1942.
Catherine de Léan (Thérèse), Marie-Ève Milot (Pierrette) et Sylvianne Rivest-Beauséjour (Simone), criantes
de vérité en trio inséparable, forment le cœur de l’histoire. Geneviève Schmidt, la «fatiquante» Lucienne, fait
crouler de rire tout au long de la pièce. Elles sont dynamiques, amusantes et touchantes.
Rita, Charlotte et Albertine, mères des filles et personnages récurrents des livres de Tremblay (interprétées
respectivement par Manon Lussier, Isabelle Drainville et Danielle Lépine) nous montrent tour à tour l’amour,
la force et la douleur dont leurs personnages sont transportés.
Sébastien Huberdeau est surprenant en Gérard, l’homme aux désirs douloureux.
Et les religieuses de l’école des Saints-Anges, Muriel Dutil très juste en méchante Mère Benoîte des Anges,
Josée Beaulieu en une hilarante sœur Pied-Botte et Lynda Johnson en tourmentée sœur Ste-Catherine, sont
tout simplement comme on les avait imaginées.
«Serge Denoncourt a su garder l’atmosphère du livre de Tremblay par sa mise en scène, les décors, les effets
visuels et les costumes. L’idée de projeter et de lire des extraits du livre sur scène montre qu’il lui tenait à
cœur de rappeler aux spectateurs que la pièce est tirée d’une oeuvre de Michel Tremblay», m’a confié le grand
homme de théâtre Gilles Pelletier, émerveillé, après le spectacle.
Ma mère, ancienne enseignante et fan incontestée de l’œuvre de Michel Tremblay était aux Saints-Anges hier
soir, alors que cette pièce qu’elle connaît par cœur - pour l’avoir fait découvrir à ses élèves durant de
nombreuses années - prenait vie devant elle. Au fond de ses yeux arrondis par la surprise et l’émotion, on
pouvait lire le bonheur d’être là, de se remémorer tous ces souvenirs de jeunesse et surtout, la fierté de faire
partie, pour un soir, de ce monde qu’elle adore, un monde plus extra qu’ordinaire.
Les mots de Tremblay prennent vie à Gatineau
Publié le 15 août 2010 à 23h16 | Mis à jour le 15 août 2010 à 23h20
Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges adaptée à la scène pour une première fois
Les mots de Tremblay prennent vie à Gatineau
Roman initiatique sur le passage trouble de l'adolescence et sur les
premiers désirs qu'ils soient vécus ou réprimés, Thérèse et Pierrette
à l'école des Saints-Anges est adapté au théâtre pour une première
fois par Serge Denoncourt.
Valérie Ouellet
Geneviève Turcot
Le Droit
Après plus de 30 ans passés entre la Grosse femme et la Duchesse, Thérèse et Pierrette font le saut sur les
planches pour la toute première fois de leur jeune et éternelle existence. Une grande première aussi pour la
Maison de la culture de Gatineau qui a troqué son traditionnel rôle de diffuseur pour celui de créateur.
La commande était grande. Pour célébrer le 20e anniversaire de sa boîte de production, Jean-Bernard Hébert
souhaitait marquer le coup. Deuxième tome des Chroniques du Plateau-Mont-Royal, Thérèse et Pierrette à
l'école des Saints-Anges, publié en 1980, n'avait toujours pas été adapté pour la scène. Une mission confiée à
Serge Denoncourt, qui nous avait déjà offert Fragments de mensonges inutiles et Hosanna. Il signe lui-même
l'adaptation, après avoir reçu carte blanche et bénédiction de l'auteur des Belles-soeurs.
Pour décrier la situation des femmes dans les années 1940, dans un Québec encore sous le joug de la religion
catholique et où le petit quotidien se déroule sous la menace constante du péché, Tremblay a choisi de camper
des femmes petites et grandes qui osent remettre en question leur misère. Roman initiatique sur le passage
trouble de l'adolescence et sur les premiers désirs qu'ils soient vécus ou réprimés, Thérèse et Pierrette à l'école
des Saints-Anges, c'est aussi la souffrance des mères qui aimeraient tant un monde meilleur pour leurs filles.
Recette sobre et efficace
Serge Denoncourt n'avait pas une tache facile. Il a eu la bonne idée d'opter pour la sobriété. Des clôtures de
métal rappelant autant la cour d'école que les prisons intérieures des personnages, une table de cuisine - pole
émotionnel par excellence dans l'oeuvre de Tremblay tout comme dans la culture québécoise - et des photos
d'archives projetées en arrière-plan complètent le décor que la distribution manipule au besoin.
Question d'alléger le récit, le metteur en scène a réalisé un collage de dialogues et de monologues sur lequel il a
transposé littéralement des extraits du roman. Des extraits récités par les personnages en aparté. Si le procédé a
pour effet de briser quelque peu le rythme lors du premier mouvement, ces courtes narrations ont le mérite de
célébrer la prose de Tremblay tout en rappelant les origines romanesques de l'oeuvre. La musique de Brahms, à
l'instar du livre, vient envelopper l'ensemble des quatre mouvements.
Certes, l'époque de l'école Saint-Anges est révolue, mais il y a dans la détresse de Thérèse, qui prend plaisir à
provoquer le beau Gérard, dans la colère d'Albertine et les tourments de Soeur Sainte-Catherine toute
l'universalité du propos de Tremblay.
Catherine de Léan livre avec justesse une Thérèse aussi frondeuse que tourmentée. Flanquée de Pierrette (MarieÈve Milot) et de Simone (Sylvianne Rivest-Beauséjour), elle mène du bout des doigts ce trio infernal qui rêve de
trouver sa place dans les festivités de la Fête-Dieu. Le jeu des trois comédiennes, sans oublier Geneviève
Schmidt, qui arrache plus d'un rire avec sa collante Lucienne Boileau, est impressionnant. Sans tomber dans la
caricature, elles rendent avec aisance ces enfants qui glissent vers l'adolescence, pour le meilleur comme pour le
pire.
Puis il y a tout le plaisir d'entendre les mots de Tremblay prendre vie. C'est notamment le cas lors du monologue
libérateur de la mère de Simone (excellente Isabelle Drainville) qui ose remettre à sa place l'ingrate mère Benoite
des Anges, joué par une Muriel Dutil en verve.
Info07 - Culture - Arts et spectacles
La colère de Dieu est terrible à l'école des Saints-Anges!
Publié le 13 Août 2010
Patrick Voyer
On peut littéralement remercier tous les Saints
du Ciel de nous avoir offert en première mondiale
Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges à
la salle Odyssée, car même si les années 40 sont
disparues et que la langue acidulée de Michel
Tremblay nous est copieusement familière, c'est à
un spectacle drôle et corrosif que les petites brebis
endoctrinées ou non ont droit…
Sujets : Thérèse et Pierrette à l'école des
Saints-Anges, Plateau Mont-Royal
Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges
Tirée des Chroniques du Plateau Mont-Royal, Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges
aurait pu être montée plus tôt. C'est vrai quoi, se faire brasser les démons intérieurs dans un
contexte évanoui depuis belle lurette est toujours fascinant! Surtout quand une œuvre
poussiéreuse (mais pas boiteuse) est extirpée du grenier par Serge Denoncourt, dont les talents
de metteur en scène nous ouvrent ici les portes d'une école sans dessus dessous, où les âmes
pas catholiques cherchent toutes une planche de salut…
Le tableau est simple et nous est livré comme les écrits de Tremblay: les personnages nous
sont présentés un à un, à l'aide de projections sur un écran géant et de morceaux du texte
original, au fur et à mesure que les intrigues sont posées. Bonne idée de Denoncourt, qui se
permet de nombreuses libertés, mais pas trop, grâce au feu vert que lui a donné Michel
Tremblay.
Notons au passage les monologues de sa célèbre Albertine, que Denoncourt a choisi de greffer
à l'histoire afin de tisser un pont bien mérité entre quelques œuvres de son grand ami. Les fans
de Tremblay adoreront, alors que les autres, les néophyte, rencontreront une femme envahie
d'une sourde rage envers les hommes et… la vie.
Mais revenons à nos nonnes… Car nous sommes bien dans une école primaire gérée par des
sœurs! Et les religieuses défilant devant nous sont très colorées et témoignent de ce que l'on
sait tous, avant même d'entrer dans la salle: l'Église perdait de l'altitude en temps de guerre, les
mœurs changeaient, les péchés abondaient, les désirs interdits aussi et rien, pas même
l'orgueil démesuré d'une directrice encapuchonnée, n'aurait pu y faire quoi que ce soit. Thérèse
et Pierrette à l'école des Saints-Anges, c'est ça, une époque révolue de laquelle il fait si bon de
rire… gentiment.
Et qui dit école dit enfants et préadolescence! Que ce soit la petite Pierrette et ses dents croches,
Lucienne le paquet de nerfs, la jolie et grande gueule à Thérèse ou la timide Simone, le quatuor
montre aussi que la nouvelle génération – et leurs parents – allaient catalyser des pensées
révolutionnaires, sur lesquelles l'Église trouverait toujours à redire. On engloutit donc le pain et le
beurre de Tremblay dans cette production, impossible d'y échapper. Les Saints du Ciel n'iront pas au
paradis à la fin de leurs jours avec lui! Pire, ils pourraient faire tomber le tonnerre dans la cour de
cette école où rien ne semble tourner rond pour se venger…
Thérèse et Pierrette
à l'école des SaintsAnges, c'est ça, une
époque révolue de
laquelle il fait si
bon de rire…
gentiment
Toutes ces contradictions, ces batailles et ces délires – car oui,
on rit souvent, tous les personnages sont craquants – sont
étalés sur des planches sobrement laquées. Les monologues
poignants de Tremblay remplacent les décors dispendieux et
les clôtures de l'école livrent suffisamment de messages pour
que l'on se contente d'arrière-plans vidéo situant bien les
scènes.
Quelques accessoires viennent iriser l'ensemble à l'occasion,
entre autres lors de la «pittoresque» scène finale. Parlant de
cette «chute», elle arrive foutrement vite, ne vous attendez pas
à un rideau au dégradé exagéré… Encore là, le style direct de
Tremblay a été respecté par Denoncourt; les punchs sont
disséminés d'un bout à l'autre, pas qu'à la fin!
Non, ce n'est plus vraiment d'actualité, des écoles comme les Saints-Anges, ça ne court pas les rues.
Mais ce voyage dans le temps ponctué de scènes d'anthologie (en tête de liste la visite de la mère de
Simone (Isabelle Drainville) dans le bureau de la peau de vache de directrice (Muriel Dutil), suivi des
élucubrations de sœur Pied-Botte (Josée Beaulieu) et de l'hyperactivité de Lucienne la malaimée
(Geneviève Schmidt)) nous insuffle une énergie capable de choquer les plus sacrées reliques
écorchées par Tremblay.
Un beau trip intergénérationnel que ce Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges, des tirades
pouvant plaire autant aux plus sages qu'aux plus blasphématoires d'entre nous! Oui, on peut encore
compter sur Tremblay et ses sbires, n'en déplaise aux partisans de la modernité!
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