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Supplément à Stratégies n°1769 - Ne peut être vendu séparément L’info en continu sur www.strategies.fr
interview
29e grand prix de la publicité presse magazine
Avez-vous des regrets en
regardant ce 29e palmarès ?
Andrea Stillacci. Non, aucun !
Nous avons un très bon palma-
rès. Il est sélectif, nous avons
distribué moins de la moitié
des prix à notre disposition.
Ce palmarès représente bien
la qualité du média presse ma-
gazine, mieux que le book des
cent campagnes de l’année.
Laurent Boillot. Personnelle-
ment, je regrette de ne pas avoir
été exposé à des campagnes
dont la qualité de la rédaction
nous aurait surpris, interpellés.
Nous avons vu de grandes exé-
cutions – et l’idée n’existe pas
tant que l’exécution ne lui a
pas donné vie, mais nous avons
été confrontés à des slogans
assez faibles et à une certaine
médiocrité dans la rédaction,
en général.
A.S.
Nous avons, en effet,
souvent vu des campagnes
d’un très bon niveau en direc-
tion artistique et en architec-
ture d’image (mise en scène,
photo…), mais beaucoup plus
faibles au niveau des mots.
Il y avait peu de campagnes
comme celle du Musée de l’his-
toire de l’immigration offrant une
belle exécution rédactionnelle.
Vous aviez d’emblée
placé ce prix sous le signe
de l’exigence créative.
Êtes-vous satisfait ?
L.B. Ce palmarès du Grand
Prix de la presse magazine a été
établi par l’ensemble des jurés
avec exigence et bienveillance.
Ce niveau d’exigence, nous l’avi-
ons exposé dès le début et il a
été respecté. Les débats ont été
constructifs et nous ont aidés à
éclairer les choix.
A.S. J’avais prévenu d’entrée
de jeu : nous n’étions pas là
pour célébrer la médiocrité,
mais des choses fortes, origi-
nales. « For example » (pour
l’exemple) : ce sont les deux
mots les plus importants pour
notre métier.
Laurent Boillot, vous avez
demandé aux jurés de juger
avec leur cerveau droit,
« celui qui active le sens
de l’empathie, de l’histoire,
du design, du jeu, de la
symphonie », et insisté
pour que chacun retrouve,
pour quelques jours,
« le sens de l’enfance ».
Vous sentez-vous exaucé ?
L.B. J’aime cette citation : « Un
adulte créatif est un enfant qui
a survécu. » Nous avons jugé
avec notre cerveau droit sur
la totalité du palmarès jusqu’au
moment d’élire le Grand Prix.
Pour cette dernière étape, nous
avons fait la synthèse entre
notre cerveau droit et notre
cerveau gauche, et c’était le
bon moment pour ça. Les dé-
bats nous ont conduits à choisir
la campagne iPad mini, par
le prisme de l’association de la
création au média presse, alors
qu’en entrant dans la salle, il
me semble qu’Evian était plutôt
favori. Cela donne un Grand
Prix engagé, où tout le monde
est gagnant : l’annonceur, les
créatifs et les éditeurs ; le média
presse étant évoqué à la fois
dans sa partie papier et digitale.
Laurent Boillot, président-directeur général de Guerlain, et Andrea Stillacci,
président-fondateur d’Herezie, ont coprésidé le jury qui a attribué
le 29e Grand Prix de la publicité presse magazine à la campagne iPad mini
d’Apple. Ils reviennent sur les temps forts de ce « très bon » palmarès.
«Un Grand
Prix engagé
et sélectif »
« La pérennité, ce n’est pas
la constance, c’est la surprise »
de prix sectoriels. Comment
l’expliquez-vous ?
A.S. Certains sont des sec-
teurs iconiques pour la presse
magazine, tels les parfums, la
beauté, l’automobile. Je pense
qu’il y a un manque de courage
général. Il faut oser, innover,
défier les habitudes ! Trop de
marques répètent chaque année
une même écriture, une même
grammaire sans trop se challen-
ger, ce qui aboutit à des risques
de perte d’impact. D’autres cam-
pagnes révèlent que l’exécution
n’a pas été suffisamment soi-
gnée. Le secteur qui paye le plus
lourd tribut est l’automobile :
beaucoup de campagnes se
résument à une voiture – sou-
vent en 3D – et à un prix. Cette
catégorie a perdu la capacité de
générer du désir grâce à l’idée.
L.B.
La pérennité, ce n’est
pas la constance, c’est la sur-
prise, une grande claque supplé-
mentaire à chaque parution,
un crescendo de claques. Ce
n’est pas un problème que cer-
taines catégories n’aient pas
été récompensées. Dans ces
douze catégories, la théorie
du vide appelle à ce que les
manques soient remplis par plus
de créativité, de courage, d’au-
dace, pour casser les codes.
La finale a été très disputée.
Quelques-uns des jurés ont
évoqué un choix de riches !
A.S. Nous avons eu une belle
finale avec trois campagnes
presse magazine – Apple, Evian
et McDo – particulièrement
fortes. Le choix du Grand Prix
est un signal clair à l’égard du
marché : il faut ouvrir la porte à
l’innovation. Et pour la presse,
il ne s’agit pas uniquement de
décliner ce qui se passe en film
ou sur le Web ou d’installer
un flash code. La campagne
iPad mini innove dans sa façon
de jouer avec la presse. C’est
comme pour les équipes de
DR
À la tête du jury, Laurent Boillot et Andrea Stillacci avaient placé ce 29e Grand Prix sous le signe de l’« exigence créative ». S’ils ont souvent vu des campagnes d’un très bon niveau en direction artistique
et en architecture d’image, ils regrettent la médiocrité rédactionnelle de certaines d’entre elles. Et plaident en faveur de « plus de créativité, de courage, d’audace, pour casser les codes ».
Pour vous, c’était
une première participation
à ce Grand Prix.
Qu’en retenez-vous ?
L.B. Un sentiment de curio-
sité pour commencer, une très
bonne surprise à l’arrivée
du fait de la qualité des débats
et donc des personnes compo-
sant le jury. L’ensemble des
discussions nous a tirés vers
le haut et m’a insufflé la volonté
d’une création toujours plus
interpellante.
Ce palmarès, vous l’avez
dit, est sélectif. Douze
catégories n’ont pas reçu
football, il n’est pas suffisant de
jouer avec les médias, comme
d’autres l’ont déjà fait, mais il
faut bien jouer avec les médias.
On a beaucoup débattu des
campagnes « mode » qui,
chaque année, apparaissent
très segmentantes…
A.S. Ces campagnes ne déve-
loppent, le plus souvent, pas de
vraie idée publicitaire, mais elles
sont primées car l’image génère
une profondeur et un vrai lan-
gage. À l’inverse, les campagnes
automobiles n’offrent ni l’idée ni
l’exécution génèrant ce langage.
Entretien : Françoise Vidal