196 HERMÈS 63, 2012
Barbelé : fil de fer muni de pointes à la manière
dune barbe en épi. Le mot vient de « barbel », petite barbe
pointue ; Verlaine utilise le verbe « barbeler », tombé depuis
en désuétude. Le nom commun désigne, depuis son inven-
tion aux États-Unis dans l’Illinois en 1874 par un fermier
du nom de J.F. Glidden, titulaire du brevet, un fil de fer
jalonné régulièrement de torsades aux extrémités biseau-
tées qui piquent le bétail et lincite à rester dans lenclos.
Le barbelé va connaître un succès planétaire. Il va dabord
délimiter les vastes propriétés des cow-boys, puis entourer
les camps de la mort nazis, les prisons dans tous les pays,
les campements de réfugiés ou encore surmonter les murs
denceinte des villas cossues, à défaut de tessons de bou-
teille scels dans le ciment…
Barrière : c’est un obstacle qui entrave lentrée dun
champ, un assemblage de planches et de fer qui marque
le passage dun terrain à un autre. On parlera des « bar-
rières de Paris » pour désigner ses octrois ou ses portes.
Plus ordinairement, une barrière permet laccès à une
proprié; au figuré, on parlera de « barrières douanières »
pour le franchissement dune frontière, sachant toutefois
que ladministration des douanes, en France, est « volante ».
La barrière est également un ensemble mobile en tubes
métalliques qu’on ajuste avec dautres pour contenir la
foule lors dune manifestation ou pour la canaliser à len-
trée dun stade ou dune salle de spectacle : elle s’appelle
alors « barrière Vauban », du nom de l’ingénieur des villes
munies dune fortification en étoile qui ont été réalisées à
la demande de Louis .
Bornage : daprès « borner », action de placer dans le
sol des bornes pour délimiter un champ, une propriété ou
un chemin. En France, les bornes kilométriques jalonnent
les voies depuis 1867 et indiquent la distance entre deux
lieux (doù lexpression : « ce bled est à vingt bornes ! » pour
dire que tel village se trouve à vingt kilomètres). Pierre
Larousse note : « Les anciens marquaient aussi au moyen
de pierres les limites des champs ; mais ils donnaient à ces
pierres une forme sculpturale qui en faisait de véritables
divinités : c’étaient pour eux le dieu Terme, et celui qui
osait les déplacer se rendait coupable dun véritable sacri-
lège. Dans un temps où la superstition se fourrait partout,
on ne peut méconnaître que les législateurs firent preuve
dune véritable sagesse en faisant tourner au profit de la
justice les erreurs populaires. » (Larousse, 1867). Plus loin,
Thierry Paquot
Institut d’urbanisme de Paris– Université
Paris-Est Créteil Val de Marne
Vingt et un mots de la fermeture
Hermes-63.indb 196Hermes-63.indb 196 23/08/12 12:2123/08/12 12:21
Vingt et un mots de la fermeture
197HERMÈS 63, 2012
il précise que les mots « borne » et « frontière » ou « limite »
sont employés les uns pour les autres. Françoise Choay
traduit The Urban Place and the Non-Place Urban Realm
(1964) de Melvin Webber par L’Urbain sans lieu ni bornes
(1996), soulignant ainsi que lurbain se diffuse partout,
submerge les villes et les campagnes, brouille leurs limites,
n’a plus de frontière, est hors bornage… Lhumoriste
Pierre Dac (1893-1975), quant à lui, philosophe : « Quand
les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites. »
Chicane : a le sens de « querelle » en langage juridique,
où le verbe « chicaner » signifie « poursuivre quelqu’un en
justice », « vétiller », « pinailler ». Une chicane est un che-
minement tortueux, en zigzag. Cest également une figure
du slalom en ski. Par métonymie, ce terme est utilisé pour
une entrée en baïonnette, un sas, ou un endroit étanche
qui sert à changer de vêtements, par exemple, lorsqu’on
revient dune mission salissante. La maison de la médina
est équipée d’une chicane (skifa) afin que lon ne puisse
voir par la porte ouverte ce qui se passe à lintérieur. Un
adage algérois dit : « Une maison sans skifa est une femme
nue. »
Cloison : désigne une paroi qui sépare deux pièces
dans un logement. Cest aussi au figuré, par exemple en
anatomie ou en biologie, ce qui divise une cavité. Le mot
vient du latin °clausio, « fermeture », dérivant de clausus,
participe passé de claudere, « clore ».
Clôture : elle sert à fermer. Ce terme remplace lan-
cien mot « closure » et désigne, dans un premier temps,
un mur denceinte puis, plus banalement, une sépara-
tion entre deux endroits. Dans larchitecture religieuse,
la « clôture » est la partie du couvent non autorisée aux
laïcs. Le Dictionnaire de théologie catholique de Vacant et
Mangenot (dir.), (1911), à larticle « Clôture », précise que
c’est l’Église qui applique « la loi de la clôture de façon dif-
férente aux religieux et aux religieuses ». Il convient de bien
distinguer « la clôture papale » de la « clôture épiscopale »,
qui ne tient pas compte de la même manière de la légis-
lation en vigueur dans le pays où se trouve le monastère
et lastreint à telle ou telle disposition d’ouverture ou de
fermeture.
Démarcation : terme formé avec le préfixe « » et
le verbe « marquer », doù « démarcation », la ligne qui
résulte dun tracé commun entre deux États, par exemple.
Le 22juin 1940, la France est coupée en deux par lAl-
lemagne nazie victorieuse, la zone « libre » au sud et la
« zone occupée » au nord – le régime de Vichy nen aura
connaissance qu’à la fin 1941. La ligne de démarcation
parcourt 1 200kilomètres et traverse 13départements.
Sur 90départements, les Allemands en occupent 42entiè-
rement, 13partiellement et en laissent 35inoccupés. Le
11 novembre 1942, les Allemands pénètrent en « zone
libre » et suppriment la ligne de démarcation le 1ermars
1943. Le colonel Rémy (Gilbert Renault) publie un ouvrage
intitulé La Ligne de démarcation, que Claude Chabrol
adapte au cinéma en 1966. Bien dautres cinéastes seront
inspirés par cette ligne qui représente tant despoir pour
celles et ceux qui ne peuvent plus demeurer en sûreté dans
la zone occupée
Digicode : il remplace la ou le concierge et est souvent
couplé à un interphone. Le visiteur sonne à lappartement
de son hôte et s’annonce, celui-ci lui indique le numéro de
code du système de protection des serrures télécomman-
dées de l’immeuble et peut ainsi y pénétrer.
Enceinte : elle correspond à une palissade ou à une
fortification qui protège une ville. On parle alors de mur
denceinte, mot venant du latin incincta, « entourée dune
ceinture » (de incingere, « ceindre »). Chez les Étrusques,
puis les Romains, la délimitation de lenceinte d’une ville
est un moment fort dans le rituel de fondation. Dans La
Cité Antique (1864), Numa Fustel de Coulanges note, à
Hermes-63.indb 197Hermes-63.indb 197 23/08/12 12:2123/08/12 12:21
Thierry Paquot
198 HERMÈS 63, 2012
propos de Rome : « Romulus trace un sillon qui marque
lenceinte. Ici encore les moindres détails sont fixés par
un rituel. Le fondateur doit se servir dun soc de cuivre ;
sa charrue est traînée par un taureau blanc et une vache
blanche. Romulus, late voilée et sous le costume sacer-
dotal, tient lui-me le manche de la charrue, et la dirige
en chantant des prières. Ses compagnons marchent der-
rière lui en observant un silence religieux. À mesure que
le soc soulève des mottes de terre, on les rejette soigneu-
sement à lintérieur de lenceinte, pour qu’aucune parcelle
de cette terre sacrée ne soit du côté de létranger. Cette
enceinte tracée par la religion est inviolable. »
Frontière : limite séparant deux États. Le mot vient
de lexpression militaire « faire front » ; par métonymie, le
« front dune armée » désigne la « frontière », terme qui est
aussi attribué à une place forte ou « ville frontière ».
Grille : c’est un assemblage régulier de barreaux ver-
ticaux et horizontaux qui constitue une protection. Au
figuré, on parle de « grille » pour un échiquier ou encore de
« grille de lecture » pour linterprétation d’un texte. Posée
sur un feu, la grille permet la cuisson de grillades Le
grillage est une grille plus souple, constitué dun réseau de
fils de fer épais. Si la grille est infranchissable, le grillage
résiste peu à la cisaille…
Judas : nom du disciple du Christ qui n’hésita pas à le
trahir pour quelques deniers ; de nom propre, il devient un
nom commun désignant le « traître », un judas, celui qui
voit sans être vu, comme cette petite ouverture ou orifice
sur une porte qu’on appelle également « un judas ».
Mur : du latin murus, enceinte dune ville et, par méto-
nymie, ville fortifiée. On dira alors « hors les murs » (extra
muros) ou « dans les murs » (intra muros). Il sagit égale-
ment dun ouvrage maçonné, en pierre, brique ou parpaing
qui sert à lédification dune maison. Ces murs sont dits
« porteurs » en ceci qu’ils supportent la charpente recou-
verte par la toiture. On parle en outre de « mur mitoyen »
(pour un mur commun à deux habitations), de « mur de
clôture » (pour un mur qui sépare deux propriétés) ou de
« mur de soutènement » (pour un mur qui sert aussi de fon-
dation). De nombreuses locutions figurées dérivent de ce
mot, comme « faire le mur » (s’évader), « les murs ont des
oreilles » (se méfier des voisins qui entendent ce que vous
dites), « raser les murs » (être discret, s’effacer, se dissi-
muler) ou encore « coller au mur » (lors d’une exécution).
Le verbe « murer » signifie fermer une ouverture, rendre
étanche une construction : ainsi mure-t-on un immeuble
insalubre pour éviter qu’il ne soit squatté en attendant sa
démolition. Louis-Sébastien Mercier rapporte une expres-
sion du peuple de Paris concernant la barrière des Fermiers
généraux : « Le mur murant Paris rend Paris murmurant. ».
Muraille : on pense immédiatement à la Grande
Muraille de Chine, édifiée sous la dynastie des Hans au
cours des eet esiècles avant Jésus-Christ, longue de
plusieurs centaines de kilomètres. En français, la muraille
dérive du mur, est plus haute et plus épaisse. À Saint-
Étienne, une barre dhabitations particulièrement massive
avait été surnommée « la muraille de Chine » par ses habi-
tants : elle a été implosée le 28mai 2000.
Paroi : c’est la séparation intérieure des pièces dune
maison ou la face intérieure du mur. Ce mot sert également
à désigner un versant rocheux particulièrement abrupt.
La paroi peut être en verre : elle perd alors sa dimension
minérale dimperméabilité, on peut voir au travers sans
toutefois toucher… La paroi est une sorte de mur.
Portail : c’est lentrée monumentale dun bâtiment,
par où passe la calèche ou lautomobile. La porte ou le por-
tillon sont adjacents et destinés au piéton. On pénètre dans
une église ou une cathédrale par son portail, du moins
lors des fêtes religieuses. Il est fait de panneaux de bois
Hermes-63.indb 198Hermes-63.indb 198 23/08/12 12:2123/08/12 12:21
Vingt et un mots de la fermeture
199HERMÈS 63, 2012
ouvragés. Dans le vocabulaire du numérique, un « por-
tail » est ainsi défini par l’Office de la langue française du
Québec : « site Web dont la page daccueil propose, en plus
dun moteur de recherche, des hyperliens avec une foule
dinformations et de services attractifs, qui est conçu pour
guider les internautes et faciliter leur accès au réseau. »
Porte : du latin porta, « passage », dont la racine indo-
européenne °per, « traverser », se retrouve dans « port »,
« pore » et « porche ». La « porte » permet de franchir un
mur denceinte ; par la suite, le mot désigne un arc édif
à lentrée d’une ville, sans nécessairement s’adosser à une
fortification, comme les portes Saint-Martin et Saint-
Denis à Paris, édifes sous le règne du Roi-Soleil. Par
la suite, la « porte » se substitue à « huis » comme ouver-
ture aménagée dans un mur (la porte dune maison, par
exemple). Le mot « huis » est une altération du latin ostium,
« entrée », « ouverture », qui dérive de os, oris, « bouche »,
« orifice », donc « porte ». On retrouve cette filiation dans
« huis clos », qui veut dire « à portes fermées », dans « huis-
serie » (« chambranle d’une porte ») et « huissier » (gar-
dien dune porte, celui qui annonce les visiteurs). Le dieu
romain des portes est Janus : c’est le dieu des transitions,
doù ses deux visages ; c’est aussi celui qui préside au com-
mencement, le premier mois de lannée lui est dédié (jan-
vier, Janua, Januarius : la porte de lannée).
Rempart : remblais renforcés par une muraille qui
ceint une ville et la protège, les remparts constituent une
fortification ; le verbe « remparer » veut dire « fortifier » ou
« entourer de fortifications ». Tout ce qui participe à une
défense fait rempart, doù lexpression « mon nom fait
rempart » (sous-entendu, en me citant, vous n’aurez pas
dennui). Les verbes « remparer » et « emparer » ne sont plus
trop utilisés, de même que leur antonyme, « désemparer »,
sauf dans la formule, « sans désemparer », soit « sans s’in-
terrompre », traduit en argot par « sans débander ». Pierre
Larousse fait état de « remparts portatifs » que les Chinois
transportaient lors de combats pour boucher une brèche ;
il indique également que les améliorations de « lartillerie
à feu » rendent inutiles bien des remparts… Il n’écrit rien
sur les fortifications Thiers à Paris, si peu efficaces lors de
la guerre avec la Prusse.
Résidentialisation : terme récent qui signifie qu’une
résidence est entourée dun grillage, d’une haie, dun
muret et qu’on ne peut plus y accéder librement, qu’il faut
passer par le portail, muni dun badge ou dun code. La
résidentialisation délimite le terrain qui appartient aux
colocataires ou aux copropriétaires et se trouve sous leur
responsabilité. Le bailleur sépare ainsi ce qui relève de la
voirie publique (municipale) de ce qui doit être entretenu
et éclairé par lui. La résidentialisation est un dispositif de la
politique sécuritaire qui se manifeste depuis une vingtaine
dannées aussi bien dans le logement social que dans le
logement « libre » (entendre, « sur le marché immobilier »).
Serrure : mécanisme en fer qui sert à fermer au
moyen dune clef. Le serrurier est lartisan qui façonne
les crémones, charnières, espagnolettes, gonds, boutons
de porte, heurtoirs ou marteaux et autres ornements des
portes. Dorénavant, il existe des serrures électroniques qui
fonctionnent avec une carte (surtout dans les hôtels) ou
même lempreinte digitale du propriétaire dun apparte-
ment ou d’une voiture.
Verrou : système de fermeture en métal compre-
nant une pièce (le cylindre) qui se glisse dans une autre
(le crampon) et bloque ainsi louverture dune porte,
par exemple, ou du couvercle dun coffre. Le verbe « ver-
rouiller » signifie au propre « fermer » et au figuré « maî-
triser » une situation, en ayant bloqué tout agissement
contraire à vos fins… Le célèbre tableau de Jean-Honoré
Fragonard, Le verrou, peint vraisemblablement entre1774
et1778, est aussi titré « Le viol » ; c’est dire que verrouiller
peut aussi contraindre…
Hermes-63.indb 199Hermes-63.indb 199 23/08/12 12:2123/08/12 12:21
Thierry Paquot
200 HERS 63, 2012
RENCES BIBLIOGRAPHIQUES
F  C, N., La Cité antique, Paris, Flammarion,
coll. « Champs », 2009.
L, P., Grand Dictionnaire universel du esiècle, t. 2,
Paris, Administration du Grand Dictionnaire universel, 1867.
R (Col.) (Gilbert Renault), La Ligne de démarcation, t.1, Paris,
Perrin, 1964.
V, A. et M, E. (dir.), Dictionnaire de théologie
catholique, Paris, Letouzey et Ané, 1911.
W, M., LUrbain sans lieu ni bornes (traduit de langlais par
Xavier Guillot), La Tour-dAigues, éditions de lAube, 1996.
Hermes-63.indb 200Hermes-63.indb 200 23/08/12 12:2123/08/12 12:21
1 / 5 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !