Association pour la recherche interculturelle
Bulletin No 44 / septembre 2007 33
Dès les périodes précoloniales, le peuple hñähñü vit sur le haut plateau central mexicain, dans
une vaste région qui comprend aujourd’hui les états de l’Hidalgo, du Querétaro, de Mexico, du
Tlaxcala, du Puebla, du Veracruz et du Michoacán, et récemment aussi le District Fédéral (Lastra,
2001). Selon les données officielles de 2000, la population qui parle le hñähñü compte 291 722
personnes. C’est un des groupes indigènes le plus nombreux du pays et il occupe la sixième
position au niveau mondial, précédé par le náhutl, le maya, du mixtec, le zapotec et le tsotsil. La
croissance démographique du peuple hñähñü pendant les deux dernières décennies a été plus
petite que celle des autres peuples indigènes. Entre 1980 et 1990, on constate une croissance de
seulement 0,2% face à 0,9% pour les peuples indigènes mexicains, et alors qu’entre 1990 à 2000,
cette croissance a été de 0,4%, tandis que celle des peuples indigènes a été de 1,4% (Valdez,
1995).s
Actuellement le peuple hñähñü est principalement concentré dans les états de l’Hidalgo (114 043),
de Mexico (104 357), du Querétaro (22 077), du Veracruz (17 584) et au District Fédéral (17 083)
(Hirouki, 2003). Sur 22 077 habitants parlant hñähñü de l’état du Querétaro, 10 042 vivent à
Santiago Mezquititlán (SM), dans la ville d’Amealco. Cela veut dire que presque la moitié de la
population totale est concentrée dans cette communauté. On suppose par ailleurs que le peuple
d’origine hñähñü habitant dans la ville de Mexico provient en majorité de SM et maintient de forts
liens avec cette communauté en constante recomposition.
Les Santiagueros (habitants de Santiago) ont élu domicile dans quelques zones comme Mixcoac,
Roma, Tasqueña et Iztapalapa pour établir leur résidence à Mexico qui sont presque toujours
dans des bâtiments irréguliers. Dans les années 70, plusieurs familles de SM (dénommées ci-
après Santiagueros) ont commencé à occuper les rues de Los Insurgentes et Reforma pour
vendre des poupées, des sucreries et de la gomme à mâcher, ou pour pratiquer la mendicité. Les
Santiagueros étaient bien différents des « Marías » d’origine mazahua qui vendaient des fruits et
de l’artisanat. À certaines occasions ils se partageaient les mêmes locaux, mais les Santiagueros
se différenciaient précisément parce qu’ils préféraient demander l’aumône. Une enquête (Arizpe,
1972 :94) a montré que sur 20 demandeurs d’aumône (hommes et femmes) interviewés, 12
étaient Hñähñü de SM. Outre les occupations préférées et les lieux élus pour résider, les Hñähñü
sont demeurés circonscrits ethniquement à des communautés familiales disséminées au long
d’une vaste zone de la ville qui va de la colonie Roma jusqu’à Tasqueña, Iztapalapa, Coyoacán et
Mixcoac.
Les Santiagueros vivent concentrés dans sept « immeubles » situés dans la Colonie Roma,
Nativitas et Cuauhtemoc. Quelques hommes travaillent à la Ville de Mexico, sont laveurs de pare-
brise, marchands ambulants de sucreries et de chewing-gum alors que les femmes font des
poupées et les vendent dans la Zone Rose de Coyoacan. Elles vendent aussi des sucreries et de
la gomme à mâcher dans les rues Insurgentes et Monterrey. De temps en temps, elles quittent la
ville et restent longtemps à Cuernavaca et à Acapulco pour vendre leurs poupées.
Le processus migratoire engendré par l’épuisement des terres, le manque de productivité rurale et
la fuite de l’activité économique entraîne l’adaptation des indigènes aux grandes villes et les
demandes de ces peuples en terme de services de logement, de santé et d’éducation (Arizpe,
1972). Dans la plupart des cas, ce phénomène d’adaptation des indigènes aux grandes villes est
accompagné de l’émergence des nouvelles communautés, de la création de métiers et de réseaux
de caractère indigène sous lesquels s’amalgament les composants de la culture indigène.
Certains chercheurs (Martínez et De la Peña, 2004) analysent ce processus de changement et
d’adaptation des indigènes à la vie urbaine comme la formation de « communautés morales », qui
se reconstituent à partir d’une ethnicité composée de valeurs et de symboles ethniques, et
formulent la supposition que ce type de cohésion indigène possède un caractère holiste et
corporatif. Une des principales caractéristiques de la migration hñähñü est son mouvement
accentué de retour vers la communauté d’origine, mais elle a encore la particularité de maintenir
les groupes unis par des liens parentaux et divers rites commémoratifs. Depuis plusieurs
décennies, les Santiagueros, incluant ceux qui sont considérés comme habitants de deuxième et
de troisième génération, n’ont pas suivi une ligne fixe de filiation résidentielle. Ils sont plutôt guidés
par cet intense mouvement provoqué par la dispersion familiale et le regroupement en unités
résidentielles non-fixes.