Ch Steinbach - Le DD est-il compatible avec la croissance

Christine Steinbach
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Développement durable, croissance ou décroissance économique,
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empreinte écologique … On en parle beaucoup. De quelle décroissance
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communautaire, M.Hadelin de Beer nous a livré un exposé très
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dynamique et éclairant sur ces idées relativement nouvelles. Le but ici est
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d’essayer de mieux comprendre pour pouvoir s’en faire sa propre idée.
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Edité par les Equipes Populaires
Rue de Gembloux, 48 à 5002 St Servais
081/73.40.86 -- equipes.popul[email protected]
Texte disponible sur le site www.e-p.be
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Aujourd’hui, on met de tout sous le terme
“développement durable” (D.D.). Par exemple,
vous pouvez trouver sur Internet des textes qui
disent que rouler en voiture, ça permet de
construire des voitures, donc d’assurer de
l’emploi. Donc c’est durable ! A l’inverse, vous
pourrez lire aussi que rouler en voiture ça pollue,
donc ce n’est pas bon pour l’environnement et la
santé, donc ce n’est pas durable !
La définition officielle du D.D. est celle-ci :
Répondre aux besoins d’aujourd’hui sans compromettre ceux des générations futures”. De quels
besoins parle-t-on ? Il y a des besoins vitaux : manger, se loger, se chauffer, etc. Mais, au-delà, on peut
évidemment se demander ce qui détermine un besoin. Se déplacer est un besoin, mais se déplacer en
Ferrari, est-ce que cela relève du besoin ? Comme on ne s’est pas mis d’accord sur ce qu’est vraiment un
besoin, on a contourné le problème. On a décidé que quand on parle de besoins, en termes de
développement durable, il s’agit d’abord des besoins des plus démunis. Autrement dit, la Ferrari, c’est
peut-être un besoin... mais on verra cela après.
Le développement durable, un mode de vie respectueux de la “capacité de charge” et solidaire
Il faut remarquer que dans la définition officielle du D.D., on n’y trouve pas le terme «environnement ».
Ca vaut la peine de le noter. En effet, cette notion de D.D. vient de l’ONU. Et l’ONU ne pense pas qu’il y
a un problème en soi avec l’environnement, avec les ressources. Elle estime que la planète est assez
vaste pour suffire aux besoins de tous. Et que le problème se situe au niveau de l’organisation sociale et
des technologies trop polluantes et énergivores.
Prenons un exemple : j’ai besoin d’aller de Bruxelles à Namur. Si l’organisation sociale ne prévoit pas de
transports en commun, me voilà obligé de prendre une voiture. Et si l’industrie automobile ne produit que
des 4X4, je vais consommer beaucoup de carburant et polluer plus. Par contre, un système social bien
conçu aura mis en place des transports publics et privilégié de bonnes techniques (bus hybride, etc.), ce
qui me permettra de répondre à mon besoin de déplacement en consommant peu d’énergie et en
polluant moins.
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Quoique l’on veuille faire, comme individu ou comme acteur politique, il y a une double question à se
poser en matière de développement durable : est-ce que c’est généralisable dans le temps et dans
l’espace ? Autrement dit : ce que je décide est-il tenable à long terme et est ce qu’on peut
l’appliquer partout ?
Prenons encore l’exemple de l’auto. Je décide d’acheter une voiture : mais ce mode de déplacement
peut-il être généralisé partout sur la planète et de génération en génération ?
Hadelin de Beer est président du
service public fédéral de
programmation du développement
durable SPF PDD). Sa première
préoccupation dans cette fonction,
est de faire du développement
durable une question qui traverse
tous les secteurs : ce ne doit pas
être le souci des quelques
fonctionnaires d’un service, mais
une logique qui concerne aussi la
santé, l’énergie, le logement,
l’emploi, etc.
- 3 -
Non, car aujourd’hui déjà, l’énergie nécessaire pour fabriquer et utiliser une voiture représente une
charge trop lourde 1 pour la planète. Or, tout le monde n’a pas encore de voiture. Il y a donc deux
possibilités : soit la voiture devient le privilège d’un petit nombre (mais cela ne va pas dans le sens d’une
réponse aux besoins des plus démunis).
Soit on cherche une alternative. Par exemple le
système de voiture partagée, (système
« Cambio »).
La difficulté c’est que la plupart des alternatives
durables posent la question de l’emploi. Par
exemple, moins de véhicules fabriqués signifie
moins de ventes. Idem dans l’alimentation. Il faut
donc mettre des politiques de transition qui
permettent de développer l’emploi dans d’autres
secteurs (par exemple celui des éoliennes).
Nécessaire, mais pas simple à faire !
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Au niveau international, on a retenu deux indicateurs qui font office de « test de durabilité ». Autrement
dit, ces deux indicateurs doivent servir de guide pour vérifier si les pays prennent le chemin d’un
développement plus durable. L’un est l’indicateur de développement humain (IDH). L’autre est
l’empreinte écologique.
- L’indicateur de développement humain (IDH)
L’IDH s’intéresse à des besoins humains fondamentaux : vivre longtemps, en bonne santé, avec un bon
accès à la formation et un revenu suffisant pour se procurer les choses indispensables. En somme, peut-
être pas le bonheur, mais les conditions pour y arriver. En fait, l’IDH mesure l’espérance de vie, le degré
de formation et le revenu par habitant d’un pays. En fonction de ces critères, il fait un classement des
pays et observe leur progression.
- L’empreinte écologique
Ce second indicateur mesure la surface totale utilisée par une personne pendant un an pour répondre à
ses besoins. Selon les moyens utilisés, elle est plus ou moins grande. Rouler en vélo représente une
quantité de surface plus petite que rouler en Ferrari. On a aussi mesuré la surface disponible par
personne pour conserver un équilibre. Cela représente actuellement 1,8 hectare par personne. Or, nous
sommes en train de dépasser la part annuellement disponible. Par exemple, nous utilisons chaque
année plus d’arbres qu’il n’en pousse. En fait, nous ‘mangeons’ notre capital naturel, les réserves de la
planète.
Le développement durable est en quelque sorte le chemin que les pays doivent parcourir en
articulant un développement humain satisfaisant (mesuré par l’IDH) avec une empreinte
écologique supportable.
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Quand on parle de croissance (ou de décroissance), il s’agit de la croissance économique, et surtout de
l’augmentation annuelle de la richesse, mesurée par le Produit intérieur brut, le PIB.
Notons que ce PIB ne mesure que des flux financiers, c’est-à-dire les sommes d’argent qui circulent et
représentent une valeur ajoutée. Si j’achète une tarte, je donne de l’argent au pâtissier, qui achètera
autre chose avec cette somme, etc. Plus l’argent circule vite, plus il y a de valeur ajoutée.
Dans les discours politiques, croissance et développement durable vont de pair. Mais chez les
économistes, il y a plusieurs sons de cloche. On s’accorde pour dire que l’économie est le récit d’une
amélioration : au cours de leur histoire, les sociétés augmentent leurs richesses tandis que le temps de
travail diminue. A partir de là, les points de vue varient. Ils peuvent se classer
en trois catégories : l’école
des orthodoxes, celle de l’économie écologique et celle qui prône un « alterdéveloppement » (voir
encadré plus loin).
Pour ces derniers (les “décroissants”), il y a un triple enjeu fondamental, du fait que les ressources de la
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Sur l’ensemble de l’énergie nécessaire pour une voiture, 20% sont consommés pour sa production et 80% par l’utilisateur (le
carburant).
Actuellement, il y a environ une voiture pour deux
personnes en Belgique. Dans le système Cambio,
on compte un véhicule pour 30 abonnés. Ce qui
divise par 15 le nombre de voitures en circulation…
et à fabriquer. On constate aussi que ces abonnés
roulent moins, car ils ne louent que lorsqu’ils en ont
vraiment besoin. Ce qui diminue encore le besoin
en énergie et la charge pour la planète. Voilà donc
un système qui mérite d’être soutenu par les
pouvoirs publics.
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planète ne sont pas inépuisables : il faut répartir de façon juste les richesses entre les populations,
respecter l’autodétermination des pays et définir une norme d’autosuffisance qui permet de ne pas
dépasser l’empreinte écologique tenable. Enfin ils plaident pour une société qui privilégierait les liens
plutôt que les biens.
On peut pointer trois faiblesses dans le raisonnement décroissant. La première, c’est qu’il néglige la
question du rapport de forces entre les intérêts des uns et des autres. La deuxième, c’est que leur
argumentation est faible sur la question du financement des politiques publiques, si l’on sort de la
croissance (car la richesse permet aussi d’alimenter les caisses de l’Etat). La troisième, c’est une
certaine forme de religiosité, un côté prédicateur qui pose question.
Cela implique en tout cas un profond changement de société, et qui demande du temps. Beaucoup de
temps.
Trois catégories d’économistes
Le point de vue des économistes « orthodoxes »
Ce sont les plus nombreux. Pour eux, la croissance, c’est la solution. Selon eux, les sociétés humaines
se développent toutes en suivant les mêmes étapes dans leur histoire. Depuis l’époque de la cueillette
jusqu’à la consommation de masse. L’étape suivante sera, disent-ils, celle du développement durable.
On produira toujours en masse, mais avec de meilleures des techniques moins énergivores et moins
polluantes.
Plus une société devient riche, plus elle a accès à des techniques « propres », plus sa population en
profite, et mieux l’Etat fonctionne. Donc il faut poursuivre la croissance pour atteindre un développement
durable, tant sur le plan social qu’environnemental et économique. Oui mais… Pour que cette ère de
bonheur se réalise, il faut que ces sociétés devenues riches investissent, notamment dans la recherche,
pour développer ces technologies. Et dans les mécanismes de redistribution afin que les gens en
profitent. Si les riches ne mettent leur argent que dans les paradis fiscaux ou les voitures de luxe, le
raisonnement ne tient pas la route.
Et il faut aussi que la pollution occasionnée ait un prix à payer, sinon, il n’y a aucun intérêt pour les
riches à réaliser des investissements écologiques.
Le point de vue des économistes « écologiques »
En économie, il y a trois sortes de « capital » : le capital naturel (eaux, forêts, etc.), le capital social
(écoles, réseaux de transport, etc.) et le capital économique (entreprises, bureaux, etc.). Ils les
considèrent comme équivalents. Par exemple, si l’on abat un morceau de forêt pour bâtir une école, on a
tout simplement remplacé un capital par un autre, et donc rien n’est perdu.
Mais imaginons un monde sans eaux et rempli de bureaux ! On a du mal à admettre qu’il n’y aurait pas
de perte. Aussi les économistes écologiques veulent réussir à définir un « seuil critique », le capital
minimum qu’il faut laisser pour ne pas compromettre l’avenir des générations futures. Mais ce seuil est
difficile à fixer (combien de pigeons, de tigres, de bouleaux… ?). Il faut se donner des critères et puis
arriver à les faire respecter. Une théorie qui a du bon sens, donc, mais difficile à appliquer.
Ceux qui remettent en question le développement
A côté de ces deux positions, il y en a d’autres qui remettent en cause le lien entre croissance et
développement, voire la notion même de développement. En effet, peut-on vraiment parler de
développement alors que les échanges entre pays restent inégaux ? Pour certains critiques de la société
de consommation, le développement est devenu un poison qu’il faut se sortir de la tête. A partir de ces
critiques plusieurs courants sont nés qui vont du « développement soutenable » vers la recherche d’un
autre mode de développement.
Pour les « décroissants », cela passe par une « décroissance » économique dans les pays riches. Ils
observent que la croissance du PIB n’apporte pas le bonheur (on consomme de plus en plus
d’antidépresseurs) et ne permet pas une empreinte écologique tenable. Les meilleures technologies,
bien qu’utiles, n’empêchent pas que les ressources sont limitées. Leur critique la plus importante
concerne ce qu’on appelle « l’effet rebond ». Par exemple, nous savons aujourd’hui fabriquer des
voitures moins polluantes, et des lave-vaisselle plus économiques en énergie. Mais comme en même
temps on achète de plus en plus de voitures et de lave-vaisselle, au total, la pollution et la consommation
d’énergie tend à augmenter. Cet effet rebond limite l’efficacité des progrès techniques, évidemment. Les
décroissants constatent aussi que le rythme de travail tend à augmenter, au détriment du bien-être. On
voit même aujourd’hui que la part des salaires diminue dans le PIB : les travailleurs profitent donc de
moins en moins de la richesse produite.
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