Psychiatrie d hier, psychiatrie d aujourd hui : de la maladie au long

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Sommaire
Les névroses
aujourd’hui :
• mythes ou réalité ?
• distinguer
les nouvelles entités
Dépression :
une expérience de soins
en établissement privé
Psychiatrie d’hier,
psychiatrie
d’aujourd’hui :
de la maladie au long
cours au traitement
au long cours
Schizophrénie :
un suivi attentif
et régulier
Adolescence :
dépression danger !
Congrès en psychiatrie :
des nouvelles de l’APA
L
© AP-HP / Photothèque
a “maladie mentale” est, par définition, l’exception confirmant la règle, une maladie au
long cours. Pendant des siècles, aucun traitement actif n’a pu lui être opposé. Rien d’étonnant, de ce fait, à ce que les troubles mentaux
aient acquis, sur une telle durée, une connotation extrêmement péjorative. Rien d’étonnant
non plus à ce que la psychiatrie d’hier, disons
d’avant 1980, ait été bâtie autour de cette
notion. Pour les spécialistes et les autorités, le
résultat fut la loi de 1838, organisant l’assistance aux malades mentaux et la protection de
la société. Pour le public, ce fut un effroi persistant et le déni comme défense préférentielle :
il n’y a de malade que celui déclaré tel par le
psychiatre ; ou encore, il est impossible de se
dire malade, donc d’être soigné, en dehors de la
plus extrême nécessité.
Que peut-on dire des troubles mentaux et de
leur traitement aujourd’hui, au regard de ce qui
s’est passé ces vingt dernières années ?
Tout d’abord, le caractère maladie au long cours
des troubles mentaux est confirmé pour la très
grande majorité d’entre eux : la schizophrénie,
les troubles bipolaires de l’humeur et la dépression récurrente restent classiquement chroniques, ou à rechutes de plus en plus graves ;
le trouble panique avec agoraphobie, le trouble obsessionnel compulsif, la phobie sociale
et l’anxiété généralisée durent aussi une vie
entière ; la dépendance aux substances est
désespérément tenace ; enfin, certains traumatismes, ou d’autres troubles mentaux, peuvent,
si l’on en croit la CIM-10, modifier durablement
la personnalité. Le seul espoir nosographique
réside donc dans la mise en doute de la définition même de certains troubles de la personnalité, dont on se demande s’ils ne sont pas –
seulement ? – des troubles symptomatiques
durables (axe I du DSM-IV).
Toutefois, l’espoir est aussi et surtout thérapeutique. Malgré le pessimisme persistant d’un certain nombre de spécialistes, et celui de certaines
études, sur le pronostic au long cours des
troubles bipolaires de l’humeur par exemple, la
pratique et les études contrôlées engendrent bien
des satisfactions. Les patients schizophrènes qui
ont la chance de voir leur maladie répondre aux
neuroleptiques, qui sont bien traités, et ●●●
17
Psy
●●● qui le restent, mènent une vie normale.
Ceux qui ont moins de chance voient tout de
même leur handicap et leur souffrance considérablement réduits. Les nouveaux neuroleptiques,
probablement un peu plus efficaces, mais surtout
bien mieux tolérés, sont pour beaucoup dans ces
progrès. Les patients bipolaires et déprimés
récurrents, correctement traités, ont un bon pronostic. La plupart des dépressions dites “résistantes” le sont faute d’un traitement suffisant et
les rechutes par arrêt de traitement sont l’occurrence la plus fréquente en pratique. Les traitements médicamenteux ne sont pas les seuls à
devoir être poursuivis au long cours. Dans les
troubles anxieux par exemple, si les patients
rechutent souvent à l’arrêt de leur traitement
antidépresseur spécifique, c’est également le cas
lorsqu’ils arrêtent de s’exposer après un traitement comportemental réussi. En général, les traitements psychothérapiques, bien que cela ne soit
pas démontré, ne voient leur succès pérennisé
que si le sujet peut continuer à mettre en pra-
tique les aptitudes adaptatives acquises, explicitement ou non, au cours de sa psychothérapie ;
en d’autres termes, il doit continuer à se traiter
tout seul sans quoi il prend le risque de rechuter.
La psychiatrie d’aujourd’hui est donc dans le
droit fil de la psychiatrie d’hier. Elle traite toujours des patients atteints, pour la plupart, de
troubles chroniques. La différence, et elle est de
taille, est qu’elle sait, pour beaucoup, les mettre
et les maintenir en état de rémission complète, au
prix de traitements au long cours. Il est vraiment
dommage que cet “état actuel de la science” trouve si peu d’échos dans l’opinion, et qu’il faille
encore se battre contre des préjugés extrêmement tenaces – ceux de la psychiatrie d’hier –
pour que les gens acceptent d’être malades, et par
là même de se soigner et de bénéficier des progrès considérables que la psychiatrie d’aujourd’hui a accomplis.
Pr Jean Tignol
Hôpital Charles-Perrens, Bordeaux
© Revue Psychiatrie
Les névroses aujourd’hui
Mythes ou réalité ?
Le concept de névrose a été créé par Sigmund Freud,
à la fin du siècle dernier, dans une série de textes
permettant de séparer la névrose d’angoisse de la névrose
hystérique. Ces textes dessinaient les contours
d’entités pathologiques issues d’un ensemble relativement
hétérogène de manifestations cliniques.
F
reud distinguait la névrose d’angoisse, la
névrose phobique, la névrose hystérique ainsi
que la névrose obsessionnelle. Articulant ses
considérations issues d’observations cliniques
avec la théorie psychanalytique, il indiquait très
clairement, à l’époque, son souci d’utiliser des
concepts psychanalytiques dans le champ diagnostique et des classifications pathologiques en
santé mentale. Les classifications modernes utilisées depuis les années 50 ont été influencées par
la nosographie américaine, avec l’apparition du
D.S.M. I (Diagnostic and statistical manual of mental discorders) à cette époque, puis du D.S.M. II
18
dans les années 70. Enfin, le D.S.M. III a fait
irruption dans les systèmes diagnostiques dans
les années 80, amenant une petite révolution
théorique. En effet, ce système se veut athéorique, c’est-à-dire non lié à une conception spécifique du fonctionnement psychique ou orientée du fonctionnement mental et se fonde sur un
abord d’épidémiologie descriptive, à l’aide d’outils statistiques des troubles mentaux. Un certain
nombre de concepts diagnostiques freudiens ou
hérités de la théorie psychanalytique, tels que
celui de névrose hystérique ou encore de névrose obsessionnelle, ont disparu du vocabulaire des
l’arrière-plan et ont présidé à la naissance du
D.S.M. Les attaques les plus vives ont été bien
évidemment celles des psychiatres d’inspiration
analytique qui refusent d’envisager le symptôme sous sa simple expression clinique, considérant que ce dernier a un sens et que c’est le sens
qui lui confère sa valeur et son acte de naissance. Malgré tout, le formidable élan du
D.S.M. et sa nouveauté ont entraîné des centaines de psychiatres outre-Atlantique et en
Europe à considérer l’épidémiologie des névroses de manière nouvelle, à l’aide d’entités
fondées sur une critérologie et sur des listes de
symptômes. Les thérapies, chimiothérapies,
mais également psychothérapies, ont été mises
à l’épreuve de ces nouvelles “maladies” et un
grand nombre d’études ont été publiées pour
envisager les meilleures stratégies de traitement
pour une bonne part chimiothérapique de ces
cadres pathologiques nouveau-nés.
psychiatres utilisant ce système de classification
américain. Le mot hystérie n’apparaissait pas
dans le D.S.M. III et dans les versions révisées des
années 90 jusqu’au D.S.M. IV apparu en 1996.
Cette évolution n’est pas purement formelle et ne
peut en aucun cas laisser indifférents les psychiatres qui prennent en charge les patients
névrosés. Car les névrosés existent toujours,
même si on les appelle autrement. En effet, cette
disparition de l’hystérie et la transformation de la
névrose obsessionnelle ont fait place à une explosion de la nébuleuse névrotique en de multiples
sous-entités. Sont ainsi apparues les notions de
phobie simple ou spécifique, d’agoraphobie avec
ou sans trouble panique, de trouble panique
caractérisé, de stress post-traumatique et de
stress aigu, de trouble de l’adaptation avec
humeur anxieuse ou dépressive, enfin de trouble
obsessionnel compulsif (T.O.C.) et enfin de
trouble anxieux généralisé.
© Burger/Phanie
Quelle démarche thérapeutique ?
L’atomisation des névroses
Cette atomisation des grandes névroses freudiennes permet sans doute une meilleure
homogénéité au sein même des groupes diagnostiques mais a compliqué le travail du thérapeute. Celui-ci doit attendre le résultat
d’études nouvelles menées sur ces nouveaux
groupes diagnostiques pour évaluer les nouvelles stratégies thérapeutiques.
Cette classification, qui se veut athéorique, a
longtemps été critiquée, et l’est encore à l’heure
actuelle sur son caractère “pseudo-athéorique”.
En effet, un certain nombre d’auteurs, notamment européens, considèrent que les concepts
du behaviorisme (comportementalisme) et du
cognitivisme, approches centrées sur le symptôme et résolument descriptives, sont présents à
Comment s’y retrouver dans la démarche thérapeutique avec un vocabulaire qui a changé et
une volonté affichée d’objectivité dans un
domaine qui a trait par essence à la subjectivité ?
La disparition du symptôme étant considérée
dès lors comme une “guérison”, des conférences
de consensus rassemblant des experts ont tenté
de définir les meilleures stratégies thérapeutiques pour chacune de ces entités.
Les conséquences sont majeures compte tenu
du fait que ce courant a reçu l’appui de la
psychiatrie officielle aux États-Unis puis en
Europe. On peut donc se demander où sont
passés les patients névrotiques ou névrosés qui,
eux, sont toujours dans une demande à l’égard
des psychiatres et de l’ensemble des soignants
en santé mentale.
Sans réfuter la volonté de mise au point de nouveaux traitements aboutissant, au plan de la chimiothérapie, à la découverte de nouveaux agents
psychotropes, il faut néanmoins s’interroger sur
la pertinence d’une telle démarche. Nul ne peut
impunément considérer le discours du patient
comme une suite de critères. La psychiatrie
française qui a intégré ce système de classification nouveau des névroses a dû emboîter le pas
au D.S.M. comme en témoigne la dixième révision de la classification internationale des maladies de l’O.M.S. (C.I.M.-10) appliquée en France
et en Europe, et qui s’inspire du D.S.M.
Pr C.S. Peretti
(C.H.R.U. de Reims)
Rédacteur en chef de la Revue Psychiatrie
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1999
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Les névroses aujourd’hui
Distinguer
les nouvelles entités
L
a névrose d’angoisse freudienne a éclaté en
trouble panique, pathologie caractérisée par
la répétition d’attaques de panique qui sont des
crises d’angoisse aiguë, limitées dans le temps et
séparées entre elles par des intervalles asymptomatiques. Le démembrement de cette névrose
d’angoisse est constitué par le trouble anxieux
généralisé qui rassemble des patients présentant
des symptômes d’anxiété chronique permanente, l’anxiété post-traumatique étant définie
par le Post Traumatic Stress Disorder (PTSD) qui
apparaît après un stress important, menaçant le
sujet, dont l’importance ne serait pas mesurée
par le sujet lui-même mais par des critères de
gravité spécifiques à l’événement stressant. Par
exemple, un accident dont le sujet serait la victime pourrait être à l’origine du P.T.S.D. si les critères diagnostiques de ce dernier sont présents.
Rien n’est dit d’événements stressants “non
objectivés” mais dont le caractère stressant serait
issu du vécu (ou conféré par celui-ci), propre à
l’individu, y compris d’événements symboliques
de nature traumatisante. Le trouble panique
serait une entité correspondant à une forme
d’anxiété “endogène” biologiquement déterminée, responsable de l’émergence d’attaques de
panique dont la mise en évidence repose sur un
nombre de symptômes et un retentissement
fonctionnel dans la vie quotidienne, c’est-à-dire
un handicap suffisamment patent. L’exemple du
trouble panique est significatif. Il est issu des
descriptions initiales de Donald Klein qui avait
vu disparaître des symptômes anxieux chez des
patients traités par antidépresseurs. Il avait émis
l’hypothèse de l’existence de ce trouble anxieux
autonome, du fait même que ce dernier semblait
accessible à un traitement par antidépresseur tricyclique ou par I.M.A.O. Cette découverte faite
dans les années 60 a donné lieu à de nombreux
travaux qui ont mis en évidence la réalité de
cette pathologie biologiquement déterminée.
Ainsi, des perfusions de lactate de sodium chez
des patients ayant des antécédents d’attaques de
panique provoqueraient la réapparition de ces
attaques, démonstration du caractère biologique
de la vulnérabilité de ces sujets à l’angoisse
endogène. L’agoraphobie serait une entité qui
peut être associée ou non au trouble panique en
ce sens qu’on distinguerait une agoraphobie primaire indépendante du trouble et une agoraphobie secondaire caractérisée par la survenue
d’attaques dans un environnement précis, rapidement associé dans l’esprit du patient à la survenue des attaques et qui conditionnerait ultérieurement celui-ci à manifester la même angoisse en présence du même contexte.
Le trouble anxieux généralisé est décrit comme
un ensemble de manifestations anxieuses permanentes évoluant sur plusieurs mois, voire
davantage. Il est différent, du point de vue descriptif du trouble panique, par le fait qu’il
n’existe pas d’intervalle libre de symptômes
d’absence de cause déclenchante identifiée, le
séparant de la vulgaire anxiété réactionnelle.
Quelles stratégies thérapeutiques ?
Le trouble panique se traite par antidépresseurs
tricycliques (clomipramine ou imipramine), par
I.M.A.O., par alprazolam (benzodiazépine) ou
bien encore par paroxétine (Déroxat®) qui
appartient à la catégorie des inhibiteurs du
recaptage de la sérotonine. Ces traitements sont
préventifs et doivent être administrés pendant
plusieurs mois (six à neuf mois) pour interrompre la survenue des attaques et désamorcer
ainsi les manifestations pathologiques. La difficulté réside dans le sevrage du traitement qui
risque de voir réapparaître, dans certains cas,
les symptômes de ce trouble.
L’association d’une psychothérapie classique de
type psychodynamique ou d’une simple réassurance, ou bien encore d’une psychothérapie de
soutien à la chimiothérapie permet des résultats
significativement supérieurs à l’une ou l’autre
de ces méthodes thérapeutiques utilisées isolément. L’utilisation de thérapies cognitives ou de
certaines thérapies comportementales, également en association à la chimiothérapie, a
démontré aussi son efficacité.
Le traitement du trouble anxieux généralisé
repose de plus en plus sur une chimiothérapie
antidépressive. On sait les problèmes du ●●●
21
Psy
© AP-HP / Photothèque
●●● traitement tranquillisant par benzodiazépines au long cours et de ses effets addictifs, risquant de rendre les patients dépendants de la
prise de ces anxiolytiques. Le terrain est donc
prêt pour que les antidépresseurs à faible posologie (tricycliques ou I.R.S.) soient utilisés dans le
trouble anxieux généralisé, toujours en association avec la psychothérapie.
Dans le P.T.S.D., les tricycliques ou les I.R.S.
ont fait la preuve d’une efficacité certaine,
même si ces derniers font encore l’objet
d’études actuellement. Le traitement du P.T.S.D.
nécessite également un briefing immédiat posttraumatique permettant la verbalisation de
l’éprouvé subjectif et du vécu affectif sans intervention directe du thérapeute autre qu’à visée
d’orientation vers une énumération exhaustive
du vécu psychologique et corporel.
Les thérapies cognitives et
la chimiothérapie antidépressive ont été utilisées
dans les phobies, y compris l’agoraphobie, avec
des résultats relativement
encourageants.
En ce qui concerne le
trouble obsessionnel compulsif (T.O.C.), il a été clairement montré que les tricycliques (clomipramine)
à fortes doses et certains
I.R.S. pouvaient réduire
significativement le niveau
de souffrance de ces patients en association avec
la psychothérapie.
Mais alors pourquoi cette
longue diatribe sur l’arrivée du D.S.M. et ses
conséquences dans les traitements modernes
des troubles névrotiques ? En fait, il s’agit de
rester critique, et de garder un abord et une
écoute du discours du patient qui privilégient le
sens du symptôme. Même si l’approche descriptive permet de catégoriser un trouble, la
prise en charge du patient ne peut en aucun cas
se limiter à des cibles symptomatiques, et la
signification profonde de chaque symptôme
dans le vécu individuel ou existentiel du patient
doit être prise en compte.
L’indispensable psychothérapie
Si l’apport de la “psychiatrie objective du
D.S.M.” a permis d’affiner certaines stratégies
thérapeutiques fondées sur l’utilisation de psychotropes, l’abord psychothérapique est indispensable à la prise en charge de chacune de ces
22
pathologies et surtout de la “dernière”, à savoir
l’hystérie qui a résisté, jusqu’à présent, à tous les
traitements chimiothérapiques. En effet, la symbolique du symptôme et le transfert, véritable
affect inter-subjectif soignant-soigné, restent le
vecteur thérapeutique d’une entité pathologique qu’on ne peut classer autrement que sous
le registre névrose. Nul doute que l’émergence
de ces nouvelles entités résultant de l’implosion
des grandes névroses freudiennes a permis de
progresser dans la mise au point de certaines
stratégies dont les principes ont été énoncés.
Mais n’a pas été réglé, loin s’en faut, le problème de la prise en charge psychothérapique de
la névrose hystérique. Le patient névrosé, toutes
catégories confondues, reste un patient en
demande et cette demande a une signification.
Il faut garder un espace d’écoute pour pouvoir
entendre le désir du névrosé sachant que l’objet
de désir ne sera jamais le bon pour ce dernier
qui en change très souvent. L’objet de désir
(identifié par Lacan comme l’objet “a”) reste au
cœur de la demande de l’hystérique, qui
demeure sourde à la critérologie, répondant par
des passages à l’acte (agis ou corporels) qui
témoignent de l’acuité de sa demande et de la
nécessité d’un transfert avec le thérapeute ou le
soignant. Il n’est pas là question de conduite à
tenir, mais plutôt de conduite à entendre.
Pr C.S. Peretti
La névrose hystérique
existe-t-elle toujours ?
La réponse est évidemment affirmative même si le
syndrome de personnalité multiple ou M.P.D. américain lui enlève une partie de sa substance. Dans ce
trouble, les patients peuvent manifester des personnalités et des tempéraments divers avec amnésie de chaque épisode lors du passage à la personnalité suivante. Le mot ”conversion“ classiquement
utilisé depuis Freud a totalement disparu du D.S.M.
Il n’en demeure pas moins que ces multiples facettes des personnalités (différentes chez un même
individu) ne sont ni plus ni moins que des équivalents de symptômes conversifs d’une névrose hystérique bien vivante. Les chimiothérapies semblent
marquer le pas dans ce cadre pathologique, l’abord
psychothérapique gardant une place de premier
plan, sa valeur et tout son sens, car il s’agit bien évidemment de trouver un sens aux symptômes s’inscrivant dans une biographie et dans un vécu affectif (et traumatique) qu’il faut appréhender.
Dépression
Une expérience de soins
en établissement privé
Chaque patient ayant sa personnalité et son évolution propres,
la difficulté d’une prise en charge réussie réside dans une bonne
coordination des différents intervenants. Un ajustement précis
des thérapeutiques donne au patient le sentiment d’homogénéité
des soins et d’une attention particulière sur sa personne.
C
drome dépressif sur une structure névrotique.
L’hospitalisation de ces patients a été divisée schématiquement en trois temps qui correspondent
à une période de “régression”, une période de
“stimulation” et une période de “confrontation”.
omment ne pas passer à côté d’une prise
en charge réelle avec une approche psychothérapique institutionnelle, quand on dispose
d’un environnement exceptionnel (château et
bâtisses du XIXe siècle dans un parc arboré de
5 ha…) ? L’équipe infirmière de la clinique du
Château à Garches, en région parisienne, a particulièrement réfléchi sur ce qui pouvait être un
handicap, c’est-à-dire la beauté du site qui
pourrait faire croire à une “hospitalisation de
confort”, pour en faire un atout. En prenant
comme appui ce cadre idéal, l’équipe a mené
une réflexion pour la mise en place de schémas
d’actions thérapeutiques par rapport aux pathologies accueillies. Cette réflexion s’est d’abord
appuyée sur le bilan de compétence et de spécificité de cette équipe, puis elle a été “filtrée” au
travers d’une chartre qualité élaborée dans la
clinique. Il s’en est dégagé une stratégie de soins
quant à l’accueil des patients présentant un syn-
© Christa Nemcsok
Période de régression
Durant la période précédant l’hospitalisation, le
patient a généralement beaucoup lutté pour
dissimuler sa maladie à son entourage familiale
et professionnel.
La décision d’hospitalisation est toujours difficile à prendre et intervient dans un contexte où
la souffrance est trop forte. L’hospitalisation représente une rupture dans l’équilibre psychique du
patient et est vécue comme un échec. L’accueil en
institution représente donc un moment crucial et
nécessite, de la part des soignants, du temps passé
et donc une certaine disponibilité. En effet, ces
derniers doivent s’adapter rapidement au nouvel
arrivant afin que s’instaure une relation de
confiance, riche en échanges nécessaires à une
prise en charge personnalisée.
La présence infirmière est importante dès la
première étape, dans la mesure où les premiers
contacts se situent essentiellement dans la
chambre dans laquelle le patient se replie. Les
infirmiers et les médecins y sont alors ses interlocuteurs privilégiés, les autres membres de l’institution intervenant plus tard (psychomothérapeute,
art-thérapeute, thérapeute corporel, etc.). Le rôle
de l’infirmier se limite alors à un rôle d’écoute et
d’observation qui sert à déterminer la structure
et les mécanismes de défense particuliers du
patient. L’écoute du soignant à ce stade doit
être neutre et bien sûr objective. C’est aussi
le moment d’axer les interventions et ●●●
23
Psy
●●● d’aider le patient à se positionner dans
l’établissement.
Le patient doit se sentir autorisé à se “laisser
aller” (diminution des défenses), ce qui est nouveau pour lui et souvent en complète opposition
avec les propos qui ont pu lui être tenus par son
entourage (manque de volonté, faiblesse).
La reconnaissance de la pathologie se fait aussi au
moment des perfusions qui, par le biais de la médicalisation du soin, permet au patient de considérer la dépression comme une maladie. Cette
médicalisation permet aussi une certaine régression qui, en faisant tomber les défenses, favorise
des échanges plus authentiques avec les soignants.
L’effet conjugué du traitement médicamenteux
et de la réassurance infirmière et l’installation
d’un climat de confiance avec le médecin permettent l’élargissement de la prise en charge. Le
patient est prêt à rencontrer d’autres soignants
et à s’intéresser à certaines activités.
Le patient étant en “rupture sociale” lors de
cette phase, un travail important doit se faire
parallèlement auprès des familles.
Période de stimulation
En entrecroisant les informations issues de
l’écoute et de l’observation, médecins et infirmiers
tentent, en tenant compte du rythme propre au
patient, de déterminer le moment opportun à la
re-stimulation des centres d’intérêts. Ils introduisent alors progressivement les activités qui permettent la confrontation à d’autres personnes et le
passage d’une relation duelle à une relation de
groupe. Pour les patients les plus inhibés ou les
plus anxieux, l’accompagnement d’un soignant est
possible. Ceci se révèle en général de courte durée.
Ces activités, initiées dans différents ateliers,
permettent au patient de découvrir puis de se
positionner dans l’institution. Parallèlement à
cette “ouverture” sont renégociés les contacts
avec l’extérieur (téléphone et visites) qui avaient
été suspendus durant la première phase.
C’est également une période durant laquelle
le patient a besoin d’être “renarcissé”. Le soignant
doit alors s’attacher à le revaloriser au travers d’un
renforcement positif et à l’aider à accéder à une vie
sociale et relationnelle dans l’institution.
Lorsque le patient vit de façon harmonieuse et
autonome dans l’institution, l’objectif est alors
de tenter de lui faire faire à l’extérieur ce qu’il
réussit à la clinique.
Période de confrontation
La confrontation est abordée progressivement et
dès la période de stimulation, pendant laquelle le
patient a repris contact avec l’extérieur, dans le
cadre rassurant de la clinique, par l’intermédiaire
du téléphone d’abord, des visites ensuite. De passif, il devient plus actif : c’est lui qui va vers l’extérieur et non plus les gens qui viennent vers lui.
De plus, il doit retrouver une place (ou même
parfois trouver) qu’il a perdue.
Le rôle du soignant est alors de préparer cette première sortie en l’anticipant et en la dédramatisant,
car quand le jour approche, on peut observer la
réapparition d’une certaine tension, voire du syndrome anxieux. Le soignant se doit donc d’être à la
fois rassurant et directif dans la tenue du projet.
Quelques activités de réinsertion dans le groupe :
• La thérapie corporelle
Il s’agit d’une prise en charge individuelle axée sur le corps. C’est un travail à base de massage ou de relaxation
s’adressant aux patients angoissés manifestant des tensions corporelles.
• La sophrologie
Cette technique permet au patient d’acquérir des moyens nécessaires à une meilleure gestion et à un meilleur
contrôle des crises d’angoisse. Elle se pratique par le biais de massages et d’exercices respiratoires.
• L’informatique
C’est une ouverture sur l’extérieur sans l’aspect angoissant de la relation directe à l’autre.
• L’atelier d’écriture
Il s’agit d’une activité de groupe où chaque patient, ayant une carte postale comme support, doit tenter d’écrire
un mini-scénario conçu sous différentes formes, dialogue ou conte, tout ceci étant fait sous un aspect ludique.
A travers des personnages de fiction, sont exprimés des souvenirs, des émotions propres à chacun, amenant
une meilleure connaissance de soi.
• Les ateliers d’art-thérapie, de gym douce et d’expression corporelle
Ces ateliers favorisent les expressions autres que verbales comme la peinture, la sculpture, le modelage, la
danse et autres techniques. L’animateur essaie de re-stimuler les centres d’intérêt artistiques du patient. Cela
peut se faire au travers d’œuvres personnelles ou collectives, ce qui permet aussi d’observer le positionnement
du patient à l’intérieur du groupe.
24
La famille : un maillon essentiel
Tout au long de l’hospitalisation, le soignant doit se préoccuper des familles. Son rôle se situe bien dans la
communication, afin de rassurer et de tranquilliser. L’importance de ces explications se vérifie concrètement et les
retombées directes s’observent de façon journalière car la coopération et l’aide de la famille influencent totalement le bon déroulement du séjour. Bien souvent, l’action des soignants commence par faire accepter et comprendre à l’entourage le besoin de rupture et d’isolement nécessaire au patient pendant la première phase de
l’hospitalisation. La famille doit donc devenir une alliée, ce qui nécessite l’installation d’une relation de confiance
qui doit s’élaborer progressivement par des échanges réguliers dès le début du séjour, l’équipe médicale étant l’intermédiaire puisque les liens directs sont momentanément suspendus. Ce premier contact “équipe soignante/
famille” est très important car il déterminera la qualité du relationnel. La famille, à travers une écoute régulière,
doit sentir que l’équipe s’intéresse aussi à elle. Les nombreux échanges téléphoniques du début de séjour doivent
se poursuivre par une relation directe lors de la visite au patient, car celui-ci est membre d’une microsociété, la
famille, et non pas seulement un individu isolé. La “bonne entente” famille/soignant est nécessaire à la mise en
place des premières permissions de sortie afin que le patient garde comme objectif les buts qu’il s’était fixés lors
de la préparation de cette permission. La famille doit être informée de l’évolution de la maladie et participer au
travail des soignants. Par la suite, l’équipe introduira des notions un peu plus techniques, un peu plus psychiatriques, qui permettront à l’entourage qui n’en n’avait pas la possibilité, de reconnaître son proche défaillant non
pas comme quelqu’un de faible mais comme quelqu’un de véritablement malade. C’est une condition pour aborder le statut et la place du patient dans son environnement. Lorsque les problèmes familiaux sont trop importants,
il est nécessaire de trouver un lieu neutre pour tenter de régler les conflits, afin que ceux-ci n’envahissent pas le
quotidien. C’est ainsi que certains patients et leur famille sont orientés vers des thérapeutes familiaux.
Un travail d’évaluation au retour et de réassurance doit être effectué afin de préserver les bénéfices
de l’hospitalisation. Il se fait à la fois auprès du
patient et de la famille. En effet, la première permission de sortie peut être vécue comme “fatigante” et un certain découragement peut s’ensuivre. D’autres fois, l’inverse peut être constaté :
le plaisir des retrouvailles camoufle les réalités de
l’extérieur. Le soignant, à travers ses différentes
expériences, aide le patient à réévaluer les choses.
Si tout n’est pas toujours simple et facile à appli-
quer, il s’agit de savoir également franchir les
obstacles afin de garantir le bon fonctionnement de l’équipe infirmière et une qualité de
soins sans pour autant trahir une certaine
éthique ou conception du rôle de l’infirmier en
psychiatrie. Celui-ci, formé et diplômé, doit
pouvoir exprimer toutes ses compétences, dans
un domaine où les besoins vont en s’accroissant.
Marie-Laure Robin, infirmière psy
Thierry Colette, cadre infirmier psy
Choisir d’être infirmier psy
Choisir d’être infirmière en psychiatrie, n’est pas innocent, d’autant que le secteur ne jouit pas d’une bonne
image. C’est pourtant celui de Patricia Benrabah. Être infirmier psy est certes différent selon que l’on se trouve
dans une structure hospitalière, où le patient n’entre pas toujours dans une démarche volontaire, ou un centre
de soins ambulatoires. Infirmier DE ou infirmier psy, il n’y a aucune différence face à une personne souffrante.
Mais, en psy, la technique s’appuie essentiellement sur le relationnel, même quand le traitement pharmaceutique est omniprésent. Ainsi le travail de nuit qu’a expérimenté Patricia Benrabah est particulièrement riche pour
le soignant. En psychiatrie, la nuit exacerbe les angoisses et majore les symptômes de malades déjà fragilisés.
Un peu plus de disponibilité, moins de pression, et l’écoute se fait plus grande et s’affine en qualité. Un travail
de préparation à la nuit est d’ailleurs indispensable pour que tout se passe bien. Les conditions d’un travail bien
fait ? Un travail d’équipe qui définit un projet de soins, condition essentielle pour avancer et optimiser les
besoins des patients. Les domaines de satisfaction de Patricia ? “La diversité des gens rencontrés, l’idée que la
personne peut aller mieux. Au-delà de la technique, la grande place de la parole et de la communication en général qui donne à l’individu toute sa dimension. A condition bien sûr de rester très modeste”. Et
depuis 1982, date du choix, et quelque entracte en médecine tropicale en Afrique, un regret ? Aucun.
A.-L. P.
D’après une interview de Patricia Benrabah, infirmière psy au CMP de Paris 4e.
25
Psy
Schizophrénie
Un suivi attentif et régulier
La schizophrénie atteint plus de 300 000 personnes
en France. Trois malades sur quatre sont pris en charge
régulièrement. La régularité du suivi est indispensable
car cette maladie entraîne un grand nombre de suicides,
30 à 40 fois plus élevé que dans la population générale.
«
L
a schizophrénie est une maladie mentale chronique entraînant un véritable handicap social.
Elle touche une population jeune, de 15 à 30 ans
environ. C’est une maladie taboue. Le malade est
atteint de troubles de la pensée et ses comportements bizarres déconcertent et inquiètent l’entourage. Le regard des autres pèse lourdement sur les
familles », explique le Pr Ollié, de l’hôpital
Sainte-Anne à Paris.
Qu’est-ce que la shizophrénie ? Le terme de
schizophrénie a été créé en 1911 par Eugen
Bleuler. Selon l’étymologie, ce concept signifie
littéralement “esprit coupé”, “esprit divisé”.
Cette division intra-psychique fait référence au
syndrome de “dissociation”. La schizophrénie se
traduit par un défaut de cohésion dans les
sphères de la pensée, de l’affectivité et des comportements. Sa principale caractéristique est
donc la transformation profonde et progressive
de la personnalité. Ainsi le jugement intellectuel
est contradictoire, le comportement revêt un
caractère étrange, fantasque, insolite par rapport au système de références et de valeurs
communément admis. Le malade schizophrène
se coupe du monde et ne veut pas communiquer son vécu, à la fois subjectif et illogique, à
autrui. Les perturbations affectives se manifestent par un détachement de la personne, non
par rapport à ses propres expériences mais par
rapport à la réalité. La conscience régresse vers
un monde imaginaire.
Diagnostic précoce
La schizophrénie est une maladie difficile au
niveau du diagnostic, du traitement et du pronostic. Elle peut débuter soit de manière insidieuse et progressive, soit par un épisode psychopathologique aigu. « Un diagnostic précoce
donne de meilleures chances à la thérapeutique.
Souvent, au début, la maladie revêt des aspects trompeurs », souligne le Pr Ollié. Le patient se réfugie
26
dans son négativisme et s’oppose à toutes les
mesures venant de l’extérieur. La famille, de son
côté, a tendance à minimiser et à cacher les
troubles. Toute schizophrénie nécessite une prise
en charge régulière et prolongée associant un
abord psychothérapeutique et un traitement
médicamenteux. Plus que toute autre personne
psychotique, le patient schizophrène, même en
rémission, doit être régulièrement suivi. Il est en
effet important de conserver la relation thérapeutique avec lui, non seulement pour suivre l’évolution de sa maladie, et s’assurer de la prise régulière et de la bonne tolérance du traitement, mais
pour dépister précocement les symptômes d’une
éventuelle rechute.
Observation infirmière
Les médicaments sont certes destinés à lutter
contre la souffrance du malade. Grâce à leurs effets
antipsychotiques et antidélirants, ils peuvent permettre au patient d’accéder à nouveau à un ordre
sociétal où les relations redeviennent possibles.
Lorsque les symptômes ne cèdent pas, les observations infirmières permettent une réévaluation
qualitative et quantitative des traitements, voire
une modification de la stratégie. L’écoute doit aussi
être attentive quant aux effets secondaires qui sont
parfois cause d’arrêt des traitements. Le patient
peut devenir passif et asthénique. L’apparition
d’états dépressifs doit être repérée immédiatement
par les soignants car les patients schizophrènes
peuvent se suicider à ce moment qui est lié au
deuil que le patient fait de son délire. En effet, ce
délire, aussi douloureux soit-il, permet à la personne d’exister et de maintenir un rapport au
monde. Certains effets neurologiques aigus,
comme les dyskinésies, ou chroniques, comme le
syndrome akinéto-hypertonique ou encore les
tremblements des extrémités, la raideur de la
nuque, les impatiences motrices, les démarches
raides et saccadées, etc. sont très gênants pour le
malade. Les effets neurovégétatifs et cardio-vasculaires sont à surveiller également. Ce dont les
patients se plaignent le plus souvent est la prise de
poids liée à l’apparition d’impulsions boulimiques,
certes de moindre importance quand le sujet est
de constitution plutôt mince, ce qui est fréquemment le cas des schizophrènes. De même, chez
l’homme, le risque d’impuissance sexuelle est réel.
La schizophrénie confronte le soignant à l’étrangeté, au non-sens, l’amenant même à faire un travail sur lui-même. Le sujet adhère tellement à
son délire, avec un absolu sentiment de conviction tel que le soignant doit mettre de l’ordre et
de la structure en lui-même pour tenter de comprendre l’univers chaotique du patient.
A-.L. P.
Adolescence
L’adolescence est une phase très délicate. Devenant
hypersensible à tout, oscillant souvent entre une exaltation
(engouement, enthousiasme) parfois démesurée et des phases
de découragement profond et de désespoir réel, l’adolescent
ne s’exprime pas ouvertement. Le risque majeur réside
dans le fait qu’une dépression peut passer inaperçue.
adolescence est inquiétante, tant pour le
jeune lui-même que pour les adultes qui
L’
l’entourent, dont les réactions d’angoisse face à
ce bouleversement témoignent.
Visiblement, tout change : le corps, la voix, l’allure, la stature, mais c’est l’aspect non visible du
changement qui devra attirer plus particulièrement l’attention.
Les relations parents-enfants se modifient. Les
parents cessent d’être les seules valeurs de référence, l’adolescent s’en détache et va chercher
ailleurs d’autres modèles d’identification.
La façon dont l’adulte/parent supportera d’être
destitué de son rôle, acceptera de “lâcher” l’adolescent sans le culpabiliser, tout en lui maintenant
sa confiance, déterminera les attitudes de l’adolescent. Et paradoxalement, cette situation reproduit quelque chose de l’enfance. En effet, l’enfant
ne dissocie pas vie imaginaire et réalité. Il y a
un lien avec l’adolescent qui passe du rêve à la
réalité du monde.
L’adolescent maintient une partie de la sensibilité de l’enfant face à la parole de ses parents
vécue comme toute-puissante et dont il veut se
démarquer.
L’adolescent est dans un processus de construction d’identité et a besoin, comme les enfants,
d’être pris au sérieux.
© Burger/Phanie
Dépression danger !
Dans cette période de restructuration personnelle et sociale, le
sujet est vulnérable : toute remarque dépréciative, toute agression peut le blesser profondément. La confiance est plus essentielle que
jamais, celle qu’on lui accorde surtout. Il est en
révolte contre la loi, toutes ses valeurs semblent
inversées et la violence qu’il est à même de
déployer peut se faire l’écho, la marque du
désordre d’où elle est née. Les excès sont parfois
des réponses inappropriées à une autre violence, celle de la société.
Sa révolte peut rester circonscrite à son entourage ou dégénérer si ceux qui représentent la loi
ne l’assument pas.
L’adolescent, pour se trouver, affabule, ment
parfois, pour mystifier l’autre, ou inventer un
monde meilleur. Souvenons-nous aussi qu’il est
porteur de vérité, car il est à un stade antérieur
aux futures compromissions sociales.
Il est à la recherche d’un “au-moins-un-qui-mecomprenne”. S’il ne le rencontre pas, il risque
d’appréhender le monde de façon hostile et de
se mettre lui-même en danger. Sa recherche
pour être compris – pris avec – peut le conduire à intégrer des bandes qui peuvent être structurantes parfois ou, chez des personnalités fragiles, mener à des dérives dangereuses. ●●●
27
Psy
●●● Le danger réside dans le fait de se faire
manipuler, alors que le but initial visé était une
recherche d’autonomie.
L’adolescent souhaite être reconnu dans le
changement qui le traverse. Il est confronté aux
questions sur la sexualité, l’amour, et doit faire
la part entre l’une et l’autre, construire son
identité sexuelle et s’inscrire dans sa génération.
On doit l’aider à s’extraire de toute confusion
et c’est pour cette raison que
Françoise Dolto disait que
« pour se construire, un jeune a
besoin d’aimer quelqu’un de sa
génération ». Il a besoin de
limites dans le temps et de
limites sur le corps (interdits
incestueux). C’est le temps des
choix parfois trop lourds à porter et des interrogations sur
les risques encourus par l’homme pour vivre et donc pour
s’engager.
Mourir à l’enfance
pour renaître adulte
© Bourreau/Phanie
© Burger/Phanie
L’adolescence, ce serait comme
une autre naissance – la dernière –, c’est la mort d’une époque,
celle de l’enfance. Il faut alors
renoncer à la toute-jouissance
de la jeunesse éternelle.
On peut mentionner l’importance, dans certaines cultures et
religions, des rites d’initiation
symbolique marquant ce passage d’un âge à un autre.
L’adolescent doit mourir à ce
qu’il était pour pouvoir vivre
une vie nouvelle. Il attend des
adultes des paroles vraies sur la
vie, l’amour, la mort, une écoute
à ses interrogations et de pouvoir mettre des mots sur ses
peurs et ses doutes. Les idées de
mort font écho directement au
processus dans lequel il est engagé : la mort de son enfance.
L’idée de suicide peut en être la forme métamorphosée et l’adulte doit l’aider à lui donner des
représentations acceptables de la mort. Il faut
pouvoir penser à sa mort, à la mort du corps,
pour accéder à un autre degré de maturité et
désirer dans la vie. L’adolescent souhaite parler à
quelqu’un qui n’a pas peur de parler de la mort.
Du côté de l’adulte, il faut se sentir soi-même
prêt à aborder ces questions et déléguer à un
28
autre si c’est trop difficile à un moment donné.
Afin de repérer les signes de la dépression, il est
indispensable de décrypter dans les propos de
l’adolescent, dans ses actes les plus minimes, les
plus insignifiants de la vie quotidienne, ce qui
inquiète, même un peu et ce qui semble inhabituel
voire étrange. Il faut tenter de faire la part des
choses dans les questionnements essentiels, liés
aux mouvements d’identification qui animent
l’adolescent surtout quand il s’est engagé dans une
spirale destructrice. La dépression peut revêtir de
multiples facettes. L’adolescent n’a souvent pas de
mots pour dire ses difficultés ou pas les mêmes
codes que l’adulte.
Le corps peut exprimer la souffrance par des
somatisations (douleurs et symptômes physiques divers). Les insomnies, l’apathie, la tristesse, le sentiment de dépréciation de soi, une
mauvaise interprétation de ce qui se passe
autour de lui, comme si tout devenait soudain
étrange, sont des signes d’alarme.
Il faut distinguer, quand un jeune évoque la
mort, un fantasme de toute-puissance sur luimême ou sur les autres du sentiment ou de la
conviction, car il risque de penser qu’il ne manquera à personne s’il disparaît. Il faut repérer
dans les conduites d’autodestruction (alcool,
drogue) si celles-ci s’inscrivent dans une escalade dangereuse ou permettent seulement de se
défendre contre l’angoisse. S’alarmer aussi des
accidents physiques à répétitions particulièrement si le jeune prend des risques dans un
cadre non approprié.
Les variations trop fortes d’humeur et l’attitude
dépressive ne sont jamais à banaliser, d’où la
nécessité d’intervenir rapidement.
Il faut toujours garder en mémoire que l’adolescent n’expose pas ses états d’âme.
Il se confiera peut-être à une personne de
confiance et c’est par cette confiance que pourra se mettre en place un suivi éventuel par quelqu’un de plus spécialisé dans ces problèmes. Il
est essentiel de travailler aussi avec les parents
parfois inconscients de la gravité des choses ou
débordés par les événements.
Il faudra alors tenter de percevoir comment et
pourquoi l’adolescent souffre.
Car l’adolescence est une période de souffrance.
Quoi qu’il en dise, l’adolescent a besoin d’aide
pour traverser ce passage, pour que la réalité ne
lui paraisse pas trop désespérante. Il attend de
l’adulte des actes en accord avec ses mots, afin
qu’il puisse accorder valeur et confiance en la
parole qui fait l’homme.
Florence Reznik
Psychologue, psychanalyste, Paris
Congrès de psychiatrie
Des nouvelles de l’APA
Les 152es Rencontres du Congrès de l’American
Psychiatric Association (APA) se sont déroulées à Washington,
aux États-Unis. Ce congrès regroupe tous les ans l’ensemble
des psychiatres américains et de très nombreux soignants
étrangers. Cette manifestation propose des consensus
sur la clinique et le traitement des pathologies mentales.
e nombreux aspects méthodologiques sur
les essais thérapeutiques, l’importance des
D
outils d’évaluation des maladies, ainsi que les
avancées des neurosciences représentent l’assise
scientifique du congrès.
Actuellement, un mouvement se fait jour concernant l’évolution des thèmes des communications.
Le congrès, cette année, a été exemplaire à cet égard.
En effet, si, jusqu’à une date récente, le congrès de
l’APA était considéré comme le lieu de présentation
de recherches à la fois nosographiques, épidémiologiques, médicamenteuses et psychothérapeutiques
des maladies mentales, il a progressivement évolué
vers l’établissement de données générales concernant le savoir minimal du psychiatre.
Quelques axes nouveaux
pas une mais plusieurs formes de dépression.
Un autre aspect clinique commence à intéresser
aujourd’hui les praticiens outre-Atlantique : il
s’agit du rôle des événements de vie présents
dans l’histoire infantile des patients. En effet, le
passé n’intéresse les chercheurs et les cliniciens
que lorsqu’il constitue un facteur de vulnérabilité ultérieur des événements traumatiques de l’enfance : traumatismes sexuels, violence, abandon,
rendant plus fréquent, sur un mode statistique, le
risque d’apparition des troubles de l’humeur.
Enfin, l’accent est porté sur les aspects médicolégaux qui envahissent la pratique médicale en
général aux États-Unis. Ainsi, certains médicaments ou thérapies pouvant présenter un risque
ne seront pas proposés car ils sont susceptibles
d’entraîner un procès en cas d’échec ou bien tout
simplement parce qu’ils ne sont pas remboursés.
• La dépression
Il est désormais admis que c’est une maladie
chronique dont le taux de rechute est de 50 %
et dont le risque s’étale sur la vie entière.
Quel traitement proposer ? Deux écoles thérapeutiques coexistent et proposent des arguments scientifiques, souvent complémentaires.
L’une d’elles propose de traiter au très long
cours les épisodes de rechute. L’autre suggère
d’introduire rapidement une molécule appelée
thymorégulateur comme le lithium (Tégrétol®,
Dépamide®).
Question majeure : quelle efficacité (équivalence)
de ces traitements face à cette pathologie si l’on
considère que certains antidépresseurs peuvent
favoriser la vulnérabilité à la dépression (argument
défendu par les tenants de la deuxième école) ?
Les deux écoles, qui proposent des réponses en
apparence opposées, ont probablement toutes
deux raison dans la mesure où elles semblent
s’adresser à des formes différentes de dépression.
En effet, on considère aujourd’hui qu’il n’existe
• Les troubles bipolaires
(anciennes psychoses maniaco-dépressives)
Une des avancées thérapeutiques concernant ces
psychoses est l’utilisation de molécules et de
médicaments jusqu’alors rencontrés dans le traitement des troubles neurologiques, tels les antiépileptiques (Dépamide®, Tégrétol®, LamictalTM)
ou bien des pathologies cardiologiques (inhibiteurs calciques). Ce nouvel usage des normothymiques, issu d’une réflexion sur les mécanismes
physiopathologiques des troubles de l’humeur,
permet de proposer des hypothèses, notamment
concernant les différences et les passerelles entre
dépressions unipolaire et bipolaire.
• Les psychoses
L’actualité se concentre aujourd’hui sur la psychose dans la mesure où sont arrivées sur le marché, depuis environ 3 ans, de nouvelles molécules
antipsychotiques (autrement appelées neuroleptiques atypiques). Ces nouvelles molécules ●●●
29
Psy
●●● seraient tout aussi efficaces que les anciennes
sur les symptômes délirants, mais d’une certaine
manière plus performantes sur les symptômes
négatifs, tels le repli, le désintérêt, l’inhibition.
Elles possèdent pour avantage essentiel une
meilleure tolérance (faibles effets neurologiques et
endocriniens).
que ces pathologies relèvent d’un même mécanisme comportemental et biologique : la notion
d’addiction. La tendance actuelle est de stigmatiser autant l’usager d’alcool que celui de l’héroïne ou, à l’inverse, de considérer les deux comme
équivalents en termes de souffrance. Il faut noter
à ce propos que la France est très en retard dans
ce concept.
• La shizophrénie
Elle est également appréhendée comme une maladie du traitement de l’information parallèlement à
une nouvelle compréhension biologique de cette
maladie qui a conduit à de nouveaux médicaments. Les effets recherchés par les traitements
visent ainsi désormais davantage à améliorer les
fonctions cognitives (opérations de la pensée) qu’à
“ nettoyer ” les symptômes de la maladie. On voit
ainsi apparaître un marqueur d’efficacité thérapeutique : l’amélioration des capacités cognitives. Ces
dernières sont considérées comme prioritaires
pour apprécier la capacité du patient à se réintégrer dans la vie sociale.
• La toxicomanie et l’alcool
• La santé publique
et les aspects médico-économiques
Actuellement, l’évaluation du coût global du soin
est un sujet de débat et un argument. D’une part,
l’industrie pharmaceutique veut montrer que
son surcoût médicamenteux est compensé par
un moindre coût sur le long terme. D’autre
part, les instances de régulation sanitaire souhaitent abaisser les coûts de santé et favoriser un
soin médian pour tous, en diminuant les apports financiers sur les secteurs de recherche
de pointe. Aux États-Unis, ces derniers secteurs
dépendent de fondations privées et de bourses
que l’on doit demander auprès d’associations
extérieures au monde médical.
La prise en charge des alcooliques et des usagers
de drogue fait de plus en plus partie d’un processus connu puisque l’on considère désormais
Dr Philippe Nuss
Psychiatre, hôpital Saint-Antoine, Paris
Rédacteur en chef adjoint de Psychiatrie
et l’
ASCISM
Association des cadres et infirmiers en santé mentale
organisent les 15 et 16 juin 2000
au Palais des Congrès à Paris
un colloque européen des soins infirmiers en psychiatrie
Quelles compétences infirmières
en psychiatrie en Europe ?
Objectif : Déterminer une plate-forme commune relative aux niveaux de qualification
et compétences nécessaires pour un exercice infirmier de qualité en psychiatrie
Renseignements et contacts :
• ASCISM, Maison des Sociétés, Boîte 83, Square Grimma, 69500 Bron, France
• CDTM Éditions, Professions Santé Infirmier Infirmière,
62-64, rue Jean-Jaurès, 92800 Puteaux.
Tél. : 01 41 45 80 54. Fax : 01 41 45 80 45. E-mail : [email protected]
• Marc Livet - Tél. : 01 48 87 67 22 - Fax : 01 69 05 97 13
E-mail : [email protected] • Rémi Isnard - Tél. : 04 92 65 51 35
30
Publi-rédactionnel
Atarax® : l’hydroxyzine, une molécule
aux multiples facettes
Le chlorhydrate d’hydroxyzine (Atarax®) a été découvert en 1953 par un chimiste qui
essayait de mettre au point un nouvel antihistaminique de synthèse. Deux grandes
familles ont été ainsi synthétisées à cette époque : les dérivés de la phénothiazine,
dont est issue la chlorpromazine, chef de file d’une classe de neuroleptiques,
et les dérivés de la benzydryl-pipérazine dont est issue l’hydroxyzine, complètement
différents des précédents, qui s’inscrivent dans la classe des anxiolytiques.
omme beaucoup de psychotropes, l’hydroxyzine a
été découverte par hasard et c’est sa propriété neuroC
sédative qui a été à l’origine de son succès. Sa structure
chimique lui confère différentes activités pharmacologiques, aussi bien au niveau du système nerveux central
(SNC) que périphérique.
xyzine exerce une action sur les fonctions cognitives via les
systèmes histaminergiques et cholinergiques.
L’hydroxyzine possède des propriétés liées à l’activité antagoniste histaminergique. Ce qui lui confère une efficacité
dans les manifestations allergiques diverses comme les rhinites spasmodiques périodiques.
Un peu de pharmacodynamie…
Un peu de pharmacocinétique
Le chlorhydrate d’hydroxyzine présente une polyvalence
pharmacodynamique dont la résultante principale se situe
au niveau central. Pendant longtemps, l’action “tranquillisante” puis anxiolytique de l’hydroxyzine a été attribuée
à sa propriété neurosédative via les systèmes histaminergiques. L’histamine ayant été souvent considérée, à tort,
comme essentiellement périphérique est particulièrement
indiquée dans les phénomènes d’inflammation ou d’allergie. Or, de nombreux travaux, notamment ceux réalisés
par Jean-Charles Schwartz et son équipe ont montré que
l’histamine jouait un rôle important, via des récepteurs
(H1, H2 et H3) identifiés, au niveau du SNC.
Une des hypothèses étiopathologiques actuelles concernant l’anxiété laisse penser qu’il existerait un dysfonctionnement des systèmes sérotoninergiques se caractérisant
par un excès de sérotonine (5-HT) dans certaines structures cérébrales.
D’une manière réductionniste, les molécules anxiolytiques
comme les benzodiazépines (BZD), la buspirone (Buspar®),
pourraient exercer leur action anxiolytique centrale en
diminuant directement ou indirectement in fine, la transmission 5-HT, dans certaines structures.
Les systèmes histaminergiques exercent, comme les systèmes gabaergiques, un rôle neuromodulateur. Ils contrôlent en particulier la libération de différents neuromédiateurs comme la sérotonine. Outre son action anxiolytique,
l’hydroxyzine exerce une action inductrice du sommeil et
de contrôle indirect sur le cycle veille/sommeil. Son action
hypnotique est donc différente de celles des barbituriques,
ce qui lui confère une sûreté d’emploi plus importante.
De même, différents travaux expérimentaux réalisés chez
l’animal et chez l’homme, laissent penser que l’hydro-
Le chlohydrate est une molécule hydrosoluble qui diffuse
rapidement dans tous les tissus. Sa concentration maximale est atteinte en moins d’une heure, ce qui présente
l’avantage d’une mise à disposition in situ rapide, d’où un
effet thérapeutique quasi immédiat. Sa métabolisation est
essentiellement hépatique. Plusieurs voies de dégradations interviennent, n’utilisant pas les systèmes enzymatiques de cytochrome P450, ce qui, in vivo, permet d’éviter les interactions médicamenteuses liées à ces systèmes
survenant lors des prescriptions de molécules psychotropes ou non. Son élimination rapide, essentiellement
biliaire et rénale, lui confère une demi-vie d’environ trois
heures, pour une durée d’action de six à huit heures.
Atarax® peut ainsi être prescrit en comprimé sécable dosé
à 25 ou 100 mg, en sirop et sous forme injectable dosée à
100 mg (préférentiellement en IM). Il faut tenir compte de
ses effets atropiniques et sédatifs, en particulier chez les
conducteurs, comme tous les traitements psychotropes.
En bref, l’hydroxyzine (Atarax®) présente de multiples
propriétés pharmacologiques entraînant des effets thérapeutiques variés. Bien que ce soit une molécule ancienne,
son mécanisme d’action est mieux compris au niveau du
SNC, notamment en ce qui concerne son action anxiolytique. Utilisé sous certaines conditions, dans la prise en
charge de patients anxieux, l’hydroxyzine, d’une manière
générale, possède un bon rapport efficacité/tolérance.
En santé mentale, ce type de molécule peut parfaitement
répondre à l’attente des médecins et du personnel soignant, aussi bien dans une approche catégorielle que
dimensionnelle.
Dr Patrick Martin
Hôpital Saint-Antoine
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