S’il fallait dénommer le numéro 105 de Risques, on emploierait sans nul doute le mot d’avenir. Dans
l’ensemble des rubriques de ce numéro, est posée la question fondamentale de ce que sera notre monde
de demain, autant dans une perspective d’espoir que de doute.
L’entretien avec Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, est ainsi
caractéristique de ce souhait que nous avons eu de façonner notre vision de demain. D’une certaine
manière, c’est presque une conception d’une France redynamisée qu’il nous propose, fondée très
largement sur la prise de risques. Cette conception de la politique, nous la retrouvons de façon quasi-
ment symétrique à la fin de ce numéro, lorsque nous nous interrogeons sur ce que doit être le contrat
de travail de demain et ce que pourrait être un contrat intergénérationnel, potentiel pilier de relations
apaisées entre les générations montantes et les seniors. Prenons-en conscience : tout cela est extrêmement
nouveau dans un pays comme la France. Les débats des dernières semaines entre économistes à
propos du projet de loi « travail », visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections
pour les entreprises et les actifs, illustrent à quel point nous avions vu juste lorsque nous avons décidé
de nous interroger en profondeur sur la réforme des contrats de travail.
Encore plus importante est la contribution d’Hélène Xuan sur la jeunesse. Élaborée autour de l’idée
forte selon laquelle un contrat intergénérationnel renouvelé pourrait partiellement se substituer à celui
qui nous lie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, cette présentation propose un dépassement
de notre contrat social actuel qui fige notre protection sociale et notre mode de répartition des revenus,
et empêche toutes velléités de réformes et d’évolution de notre société. Il s’agit ici de permettre les
changements nécessaires dans notre organisation sociale, ce qui passe par la construction d’accords
repensés entre générations sur les problèmes de santé, de retraite, de formation mais aussi et surtout
d’insertion sur le marché du travail. Adieu à Locke et Rousseau et bienvenue aux compromis entre
générations ! Ceux-ci permettraient à notre société ankylosée de se refonder et de donner à la jeunesse,
atout essentiel, la place qu’elle mérite. Prenons un exemple si important pour les assureurs : les retraites.
La jeune génération demeure sceptique sur la pérennité de notre système de retraite et les seniors réalisent
aujourd’hui à quel point ils vont voir leur pension diminuer à l’avenir. Consolidons le système en cons-
truisant un dispositif d’épargne retraite obligatoire. Mais, en contrepartie, modifions nos règles fiscales
de manière à favoriser la transmission du patrimoine non plus de la génération des quatre-vingts ans
vers celle des soixante ans, mais vers ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire ceux de trente ans. Ainsi
pourrait-on imaginer un système qui favorise les femmes et les hommes de cet âge afin qu’ils puissent
acquérir un logement, mais aussi qui encourage le financement de créations d’entreprises.
Par ailleurs, dans le corps de ce numéro, deux nouveaux défis sont traités : celui de l’assurance auto-
mobile d’une part, confrontée aux révolutions technologiques à venir et notamment à l’émergence de
la voiture autonome, et celui du terrorisme d’autre part, phénomène dont chacun voit bien qu’il ne
s’agit pas d’un accident de parcours, mais que nos sociétés doivent pouvoir envisager des solutions de
long terme, tant en matière de sécurité qu’en matière d’assurance.
Rarement la revue Risques n’a abordé de sujets aussi difficiles, délicats et complexes. Sur chacun des
problèmes analysés, nous avons mis en lumière des solutions qui certes n’épuisent pas les sujets, mais
qui permettent de penser de manière prospective et positive. Bien entendu, notre revue, aujourd’hui
comme toujours, ne fait que lancer le débat. Et elle poursuivra sans relâche cette noble mission.
Jean-Hervé Lorenzi
Éditorial