• Les doctrines de développement qui se sont succédé dans le passé sont
marquées par une certaine diversité. Cependant, on constate aujourd’hui
peu de changements substantiels dans le contenu « systémique » du
développement tel qu’il est pratiqué ou proposé à l’échelle mondiale. Il
continue à s’appuyer sur le maintien des privilèges des plus puissants, à la
fois sur le plan politique et sur le plan financier ; sa logique et les objectifs
de son évolution restent ceux du système capitaliste et de ses fondements
essentiels (productivisme, marchandisation généralisée en vue de
l’accumulation et d’une croissance sans limite, prédominance des règles du
profit, de la demande solvable et de la concurrence, dans le cadre d’une
insertion maximale des pays dans l’échange international, et avec des
perspectives de consommation effrénée pour les minorités les plus riches).
Il reste marqué par les inégalités, des formes multiples de pauvreté et
d’exclusion, la non reconnaissance de la dignité des personnes,
l’épuisement ou la dégradation de beaucoup de ressources naturelles et les
menaces du changement climatique, les violences au sein des nations et
entre les nations.
• Les aspects négatifs de ce mode de développement resté dominant font
cependant l’objet d’une critique et d’une prise de conscience accrues ; par
ailleurs, les décennies les plus récentes ont été témoins de changements
progressifs dans les rapports de pouvoirs internationaux, notamment en
raison de l’émergence de nouvelles puissances, mais aussi de mouvements
de masse de la part des populations, en particulier dans les pays arabes.
Mais l’immense majorité des citoyens du monde demeurent dans une
situation de relative impuissance, d’aliénation et de désarroi face aux
perspectives incertaines de leur avenir (ou de leur manque d’avenir), y
compris dans les pays dits « développés ». Et il y a fort peu de débats
politiques en profondeur, dans le monde actuel, sur la re-définition de
l’intérêt général, à la fois dans chaque société et à l’échelle planétaire.
• La maîtrise du progrès dans l’avenir exigera de la prise en compte de
nouveaux objectifs de développement, de nouvelles formes de conscience
citoyenne, de gouvernance politique, de régulation économique et de
rapports sociaux, pour une mise en œuvre plus satisfaisante d’un véritable
intérêt général, tant au niveau mondial qu’à celui des régions, des nations
et des collectivités locales.
Ainsi la période dans laquelle nous entrons sera celle de choix de société difficiles,
mais cruciaux. D’où l’importance d’une réflexion renouvelée sur le développement et le
progrès des sociétés. Au-delà de multiples problèmes sectoriels (ceux de l’alimentation,
de l’eau, de la santé, de l’éducation, de l’énergie, des transports, des villes, de l’emploi,
etc.), les problèmes globaux les plus importants du développement comportent
notamment les deux catégories suivantes ; celui d’une définition nouvelle du contenu du
développement, avec une réflexion sur ses objectifs centraux et sur ses conditions
économiques ; ceux de la répartition du pouvoir et de l’organisation de la gouvernance
et de la régulation.