
Les agents comptables ont accompagné dans leurs métiers (la
finance et la comptabilité) l’évolution des ces établissements
qui sont devenus les agences à la française, allant du public pur
et dur à la quasi-entreprise, de la PME au groupe international,
de l’industrie à la prestation de service, de l’innovation à la
culture.
J’ai personnellement mis en place, en 1996, deux types
d’agences comptables innovantes, dans des domaines
jusqu’ici inexplorés par l’Administration :
– la gestion active de la dette transférée par la Sécurité sociale
à la CADES, qui, avec un statut d’EPA, exerce les métiers d’un
établissement financier spécialisé ;
– la gestion des défaisances avec l’EPFR (Crédit lyonnais) et
l’EPRD (comptoir des entrepreneurs). Ces deux établissements
chargés de défendre les intérêts financiers de l’Etat ont suivi,
financé et reporté sur les cessions d’actifs et la gestion des
passifs.
Contre l’opinion des « sceptiques par vocation », nous avons,
avec le soutien de la DGCP et celui de la Direction du Trésor,
et moyennant quelques dérogations ciblées à la M 9 – 1 et
surtout une réflexion de fonds sur les meilleures pratiques de la
profession, organisé les circuits comptables et financiers sécu-
risés, les reporting correspondant et les comptes.
Quel bon souvenir que la production des états financiers de la
CADES, établis selon le PCEC (plan comptable des établisse-
ments de crédits), à partir d’une organisation « bancaire » : front
office, middle office, back office, comptabilité, cahier des
limites progiciel intégré, comptes certifiés dès l’origine par un
big (3), visés par la COB, produits en français et en anglais.
Exploités par les agences de rating, ils ont servi de support de
communication (dans les road show) et de contrôle (Commis-
sion de surveillance, tutelle de Bercy, contrôle de la rue
Cambon).
Cela a été possible parce que l’opération a été gérée comme
un projet, focalisé sur les attentes du donneur d’ordre, les délais
et les résultats en dépit de quelques combats d’arrière garde
des anciens et des tentatives d’improvisation comptable de
quelques jeunes gens impatients (un fait générateur de recette
ingérable, une nouvelle catégorie d’actif fiscal, des provisions
au feeling, etc.).
La Cour des comptes, informée régulièrement, a procédé aux
contrôles sans formuler de critique majeure.
D’autres expériences ont été réussies ailleurs : la monétique à la
RMN et au Louvre, la pluriannualité des projets à l’ANRU, l’amé-
nagement urbain à l’AFTRP, le service facturier à l’UGAP, le
contrôle interne au CSTB, la certification au CNES, les progiciels
intégrés à l’aéroport de Paris, la gestion des cofinancements au
CNASEA, etc.
A ce jour, je ne perçois aucune impossibilité de faire, sauf dans
trois cas : si les prérequis sont idéologiques (les Monnaies et
médailles, l’AII, RFF) ou que l’entité devient une vraie entreprise,
ce qui est bien différent (Imprimerie nationale, Aéroports de
Paris) ou encore, mais c’est la vie, à cause de conflit de per-
sonne ou de pouvoir.
Une vraie modernité
C’est la force d’une notion ancienne (les années 1960) mais très
en avance sur son temps. La présence d’un agent comptable
apporte en effet à l’organisme :
.
La professionnalisation (expertise et savoir-faire), la finance
ou la comptabilité, c’est un métier. Qui peut prétendre la confier
à des généralistes au moment où on découvre que la fonction
achat, la fonction immobilière, la fonction RH, le contrôle de
gestion, l’audit, la qualité, etc., sont affaires de pros sauf à courir
sinon à la catastrophe, du moins à une forme latente d’incurie.
.
La proximité : elle favorise le travail d’équipe, l’écoute, la
compréhension des problèmes, la rapidité dans l’action et la
recherche de solutions pertinentes.
C’est par cette idée de proximité que j’avais convaincu, à
l’époque (2002), le directeur des affaires financières à l’Intérieur,
d’expérimenter le DCM qui deviendra après réunion avec le
contrôle financier, CBCM (le nom a été inventé par d’autres...) ;
.
La déontologie : ce n’est pas un luxe quand on sait les
dérives d’une fonction comptable « aux ordres ». Merci à Enron,
Vivendi, l’ARC de nous avoir rappelé qu’il n’y a pas de bonne
gouvernance sans une claire séparation des fonctions et des
responsabilités, afin de prévenir les tentatives d’ignorer les règles
du jeu, de tourner les référentiels, de travestir l’image fidèle.
J’ai eu plaisir à expliquer aux auditeurs du FEOGA que les réfé-
rentiels européens étaient parfaitement intégrés et que la pré-
sence d’un agent comptable apporterait le supplément de
sécurité et de transparence attendu par la Commission
européenne.
Qu’aujourd’hui, on constate ici ou là que la sanction qui s’appli-
que au comptable (la responsabilité personnelle) est parfois
disproportionnée, parfois mal évaluée, parfois bloquante, tou-
jours tardive. C’est une autre et vraie question. N’en faisons pas
un de ces débats idéologiques stériles. La rue Cambon, aussi, a
su évoluer et adopte progressivement les meilleures pratiques.
Elle vient de le démontrer brillamment dans la conduite des
travaux de certification.
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L’application des normes reconnues. Après des années
d’ésotérisme (règles spécifiques connues des seuls initiés) et
d’opacité (les tiers ne comprennent pas), l’Etat s’est décidé à
appliquer les normes internationalement reconnues (IFRS, IAS)
grâce à la LOLF qui, par facilité, parle de comptabilité
d’entreprise.
Pour les établissements publics, les instructions M – 9 sont tota-
lement inspirées du PCG avec les adaptations qui sont rendues
nécessaires par les vraies spécificités publiques (recettes para-
fiscales, subventions, cofinancements publics et européens,
interventions, etc.).
Aujourd’hui nous devons apporter les bonnes solutions pour que
les comptes de l’Etat et ceux des opérateurs soient au diapason,
concernant leurs opérations réciproques (CAP, provisions, hors
bilan) sans redondance ni oubli.
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La séparation des fonctions : cette trop fameuse règle de
séparation de l’ordonnateur et du comptable, trop souvent
exploitée comme un alibi à l’immobilisme ou au secret corres-
pond aux principes très actuels de précaution (pour les écolos)
de séparation des fonctions (pour la Commission européenne),
de contrôle interne (pour l’entreprise).
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Le travail en mode matriciel : l’agent comptable dépend
du MINÉFI pour ses référentiels métiers et sa déontologie. Il est à
la disposition du patron d’établissement pour les orientations
stratégiques, les priorités opérationnelles, la mesure des résultats,
la communication financière, la recherche des meilleures pra-
tiques, la mise en place des SI, l’application intelligente d’une
réglementation surabondante et parfois contradictoire, l’élabo-
ration des reporting conformes aux besoins des institutionnels ou
des opérationnels.
C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui dans les groupes
mondiaux, où les fonctions comptables et financières (quel que
soit leur nom) ont le double rattachement à l’opérationnel sur
le terrain, au siège pour les référentiels et la déontologie.
Comment gérer les reporting, ou consolider si chaque établis-
sement réinvente ses règles ? Le double rattachement, c’est
la seule solution qu’on ait trouvé pour garantir l’uniformité des
pratiques (et donc la consolidation et le benchmark) sans
(3) Grand cabinet d’audit. Ils étaient 5, ils sont 4 aujourd’hui. Ils ont découvert que
le secteur public était devenu un client très important. On a besoin d’eux et ils
s’adaptent, concurrencés par d’autres cabinets plus petits ou plus spécialisés.
finances publiques
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o3-4 - Mars-Avril 2008
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