fondements et, affranchie de toute autorité, ne procède qu’avec ses
propres armes, c’est à dire la «raison… pure», ce que nul n’a mieux
énoncé que Descartes avec la position de l’ego cogito en premier prin-
cipe de toute connaissance3. Si le philosophe, par conséquent, ne
doute pas de la vérité et de la sainteté de la théologie révélée, c’est-à-
dire de l’explication de la parole divine, il est toutefois beaucoup
moins clair qu’elle se puisse, avec lui, définir comme une science, au
sens d’une cognitio certa et evidens4; Descartes rappelle d’ailleurs
que la possibilité même de la théologie comme science est surnatu-
relle : pour être théologien il faut «quelque extraordinaire assistance
du ciel5», dépourvu de laquelle le philosophe se doit d’observer une
prudente réserve, et la plus complète soumission à l’autorité divine6.
UN CONTEXTE INTELLECTUEL DIFFICILE
Il faut replacer ces déclarations, aussi précisément définies et
pensées qu’elles sont concises, dans le contexte de l’affaire Galilée;
affaire qui, de 1616 (mise à l’Index de Copernic) au procès inquisito-
rial (1633), avait amené Galilée à reconnaître publiquement que l’hé-
liocentrisme astronomique était contraire à l’enseignement des
Saintes Écritures, et donc à renoncer à une opinion philosophique
décrétée formellement hérétique7. Dans cette affaire difficile, il y a,
outre l’attitude hautaine et provocante de Galilée, une double diffi-
3. Sur l’apparition cartésienne de la «raison pure » : Discours de la Méthode VI,
ATVI, 77, 24-30.
4. Regulae ad directionem ingenii, RègleII, ATX, 362, 5.
5. Discours de la Méthode I, ATVI, 8, 8-17 : «Je révérais notre théologie, et
prétendais, autant qu’aucun autre, à gagner le ciel; mais ayant appris, comme chose
très assurée, que le chemin n’en est pas moins ouvert aux plus ignorants qu’aux plus
doctes, et que les vérités révélées, qui y conduisent, sont au-dessus de notre intelli-
gence, je n’eusse osé les soumettre à la faiblesse de mes raisonnements, et je pensais
que, pour entreprendre de les examiner et y réussir, il était besoin d’avoir quelque
extraordinaire assistance du ciel, et d’être plus qu’homme».
6. Sur la question, voir les analyses de J.-C.BARDOUT et J.-L.MARION, « Philo-
sophie cartésienne et théologie : distinguer pour mieux unir? » dans Philosophie et
théologie à l’époque moderne (Ph. Capelle, dir., Le Cerf, 4 vol. [vol.III], 2010, coor-
donné par J.-C.Bardout), p. 199-217.
7. Sur l’affaire Galilée en France, voir M.-P. LERNER, « La réception de la
condamnation de Galilée en France», dans José Montesinos et Carlos Solis (ed.),
Largo campo di filosofare. Eurosymposium Galileo. La Orotava, Fundacion canaria
Orotava de Historia de la Ciencia, 2001, p.513-547; I.PANTIN, «Premières répercus-
sions de l’affaire Galilée en France», Il Caso Galileo, una rilettura storica, filosofica,
teologica. M.Bucciantini, M.Camerota e F.Giudice (eds) Firenze, Olschki, 2011,
p. 237-257 ; ibid., J.-R. ARMOGATHE, «La condamnation de Galilée : réception et
interprétation contemporaines», p.321-334. Rappelons ici que la version latine de la
célèbre Lettre de Galilée à Christine de Lorraine (avril 1615) a été publiée par les
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