Zibeline n° 75 en PDF

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un gratuit qui se lit
N°75 du 17/06/14 au 16/07/14
En avant
les Festivals ?
Presse régionale,
culture libérale,
intermittents...
Politique culturelle
Entretien avec Monique Pinçon-Charlot
et Michel Pinçon ................................................ 4, 5
Presse et médias régionaux ................................. 6, 7
Culture libérale, la Friche .................................... 8, 9
Trets, Prix littéraire ............................................ 10
Galerie du CG13
et Château d’Avignon .......................................... 11
MuCEM ............................................................ 12 à 14
Critiques
Rue ..............................................................16, 17
Théâtre ........................................................ 18 à 21
Danse ...........................................................22, 23
Musique ....................................................... 24 à 27
Festivals
Théâtre .......................................................28 à 33
Rue ................................................................. 34
Danse ......................................................... 36 à 39
Musique ...................................................... 40 à 55
Cinéma .....................................................56 à 59
Arts visuels
Au programme ..............................................60 à 62
Les Arts éphémères,
la Cité Radieuse ................................................. 64
Saint-Chamas .................................................... 65
Musée Estrine, Mac,
Musée Cantini ..............................................66, 67
CAC Istres,
collection Lambert .............................................68
Livres ............................................................ 70 à 77
Sciences ................................................... 78
Monsieur
Rebsamen,
ne signez pas !
Zibeline n’a jamais préparé son supplément festival avec
autant de tristesse, et de colère. Aurons-nous un été
sans spectacle ? Et, au-delà, des saisons privées de tout
élan créatif à cause des attaques constantes contre ceux
qui nous font rêver, penser, et vivre ? La diminution
des subventions, la casse irraisonnée de la production
artistique, l’abandon des intermittents sans lesquels le
secteur culturel ne peut pas vivre, s’ajoutent aujourd’hui
à des années de disette, de mépris envers ceux qui créent,
d’inconséquence dans le non-traitement du statut des
artistes plasticiens et des auteurs dramatiques, d’abandon
de tous les circuits de fabrique du cinéma d’auteur. À
cela viennent se mêler d’insupportables intrusions dans
les programmations artistiques de la part des politiques :
ainsi, à Aubagne, les œuvres sensibles de Marie Morel et
les machines de Demin sont déclarées indésirables par
la nouvelle municipalité, qui censure l’exposition d’Art
singulier.
L’appréciation du degré de «pornographie» et du bien fondé
d’exposer une œuvre n’appartient pas aux politiques ;
de même l’appréciation du mode de travail des artistes
et techniciens n’appartient pas au Medef, et dépasse
visiblement l’entendement de FO ou de la CFDT. Qui ne
s’occupent que des travailleurs, jamais des chômeurs et
des précaires. La coordination des intermittents travaille
sur la réforme nécessaire de leur statut depuis 10 ans ;
personne ne l’écoute, et le Gouvernement, aveugle, alors
même que ce statut des intermittents pourrait constituer
un modèle pour traiter socialement des nouvelles formes
de travail, s’apprête à signer un texte qui va mettre fin à
la vie artistique française.
Le déficit de l’Unedic n’est pas dû aux intermittents, mais
au chômage. Qui est conséquent de la casse systématique
du travail par le néolibéralisme et la financiarisation de
l’économie. Tuer le secteur culturel, qui représente 3.2%
du PIB français et permet à la France d’être le premier
pays touristique du monde, ne serait pas seulement injuste
pour les artistes et catastrophique pour les publics. Ce
serait aussi une énorme bêtise.
AGNÈS FRESCHEL
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Le conflit des
intermittents est
révélateur de
la soumission de
l’État à la violence
des riches :
un rapport de
la Cour des comptes
a construit un
déficit exorbitant,
monté de toutes
pièces afin
d’attaquer la
protection sociale
de la précarité.
Le commissaire
à la Cour des
comptes en charge
de ce rapport sur
les intermittents
est Michel de
Virville, dirigeant
du Medef, mis en
examen dans une
escroquerie de
plusieurs dizaines de
millions d’euros…
Dans La violence
des riches Monique
Pinçon-Charlot
et Michel Pinçon
identifient cette
violence et les
conflits d’intérêt
entre Hollande et
les milieux d’affaire.
Rencontre.
L’oligarchie
des riches, des médias
et des politiques
Z
ibeline : L’État français devient selon vous «une
société de service pour les dominants». Comment
se fait-il que l’opinion en soit inconsciente,
et que persiste l’idée qu’on s’en prend aux riches ?
Michel Pinçon : Le discours dominant est très fort,
d’une intense duperie idéologique. Pour la réforme
des retraites par exemple, la réalité a été étouffée.
Les gens se sont dit : on vit plus longtemps, il
est donc normal que l’on travaille plus. Alors que
le coût de l’espérance de vie supplémentaire est
largement compensé par les gains de productivité.
Le calcul sur la retraite n’inclut pas la croissance
des richesses produites ! Cette croissance se fait
toujours au profit du capital, jamais du travail,
volontiers considéré comme un coût, une charge.
Monique Pinçon-Charlot : En ce moment, après
les échecs électoraux du Parti socialiste, tous les
gens que j’ai interviewés depuis 15 jours disent la
même chose : le mille-feuille administratif ça coûte
trop cher, il faut simplifier. Alors que la réalité de
la réforme territoriale, c’est la libéralisation des
territoires : il s’agit d’inoculer la notion de compétitivité, qui est une notion issue de l’entreprise,
à tous les échelons de la vie économique
et sociale, y compris géographique. Mais
les gens n’en ont pas conscience, ils ont
intégré l’argument libéral.
Jamais la barbarie financière et économique n’a été aussi forte, jamais aussi
elle n’a été si bien mise à jour aussi ;
comment se fait-il que les contre-vérités
du discours dominant soient pourtant
admises ?
M.P.-C. : C’est quelque chose qui nous
tétanise tous. Cette situation est le
résultat de multiples processus qu’on
décrit dans La violence des riches. La
violence économique, d’abord : on casse
les emplois, on casse le système productif
français ; puis les 5 millions de chômeurs
deviennent une arme de chantage pour le Medef.
Et puis on trafique nos pensées, notre langage.
Tous les patrons du CAC 40 sont propriétaires des
médias, ils achètent même des maisons d’édition :
Denis Kessler vient de s’offrir les Presses Universitaires
de France !
Cette violence si forte devrait conduire à un soulèvement, à un rejet !
M.P.-C. : C’est une violence perverse qui avance
sous le masque de la démocratie, de la liberté, des
droits de l’homme. Ils sont parvenus à se servir
de la défense de la liberté pour dominer ! Nous,
intellectuels de mai 68, en sommes, bien malgré
nous, responsables. Mai 68 a permis d’instaurer
le néolibéralisme dans nos pays, en confondant
liberté et liberté d’échange…
Comment parviennent-ils à mystifier nos esprits ?
Vous décrivez dans votre livre une rencontre avec
Antoine Seillière, qui vous avait en quelque sorte
cloué le bec !
qui a été mis en œuvre par Pinochet, Reagan
puis Thatcher.
C’est une révolution incroyable, que nous
n’avons pas l’impression de vivre. Le
changement s’est fait par la capacité de
la classe des riches à intégrer le marxisme,
c’est-à-dire à intégrer la lutte des classes
pour la renverser en sa faveur. De sorte que
les riches apparaissent comme des créateurs
de richesses, des bienfaiteurs, et non pas
comme des délinquants en col blanc.
M.P. : Et de sorte que les ouvriers apparaissent
comme des coûts et des charges. Avec ce
processus, la classe ouvrière a été coupée de
son histoire, le travail, précaire et parcellisé,
n’est plus perçu comme source de fierté :
«surtout mon fils ne sois pas ouvrier».
Le massacre social n’est pas de la seule
responsabilité anglo-saxonne. Dans votre livre
vous montrez bien la participation active des
dirigeants français à cette financiarisation
néolibérale.
Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon © R.Vlachos
M.P. : On a expérimenté le pouvoir symbolique de ces milieux dirigeants lors de nos
entretiens. On était dans des situations où
nous étions dominés, malgré nos études :
les habitants des beaux quartiers ont une
assurance personnelle fantastique, ils sont
sûrs de la justesse de leur combat, qui est
de s’enrichir, et de faire que ça dure : c’est
légitime, puisqu’ils sont les meilleurs ! La
reproduction de génération en génération
de leur conscience d’appartenir à une élite,
et d’avoir droit à plus que le commun, leur
donne une force inouïe.
M.P.-C. : C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il
n’y a guère d’autres sociologues qui travaillent
sur ce milieu : cette violence symbolique
est difficile à vivre. Les riches en imposent
par leur courtoisie, ils ont de «la classe»,
à savoir que leur seule apparence physique
indique leur appartenance à l’aristocratie de
l’argent. Et ils ne sont pas simplement riches
parce qu’ils ont beaucoup d’argent. Ils sont
riches aussi par leur capital culturel et leur
capital social, c’est-à-dire leurs relations,
leurs réseaux, qui se situent toujours au
sommet de la société.
M.P. : Oui, ce sont des gens qui cumulent
toutes les formes de richesse.
M.P.-C. : Les intellectuels négligent d’analyser
les dominants ; ils s’intéressent aux dominés,
et à leurs très nombreux problèmes. Pourtant
il faut comprendre la cause de ces problèmes.
Quant aux journalistes, nombreux sont ceux
qui ont intérêt à adopter les codes et à se
soumettre à cette classe bourgeoise qu’ils
interrogent.
M.P. : Il y a des financements pour aller voir
la misère sociale, pas pour aller voir chez
les bourgeois comment ça se passe.
On vous a reproché votre proximité avec les
riches que vous étudiiez…
M.P.-C. : Oui, on revendique l’empathie avec
les gens avec lesquels on travaille. Mais on ne
s’est jamais cachés, on a toujours écrit dans
L’Humanité et ceux que nous interrogions
le savaient très bien.
M.P. : Le capital de séduction des riches leur
permet de tout présenter comme naturel.
M.P.-C. : Oui, le système néolibéral est naturel,
comme le soleil. Les déficits publics, le «trou»
de la sécurité sociale, les inégalités, les
paradis fiscaux et l’État sont admis comme
allant de soi. Or ce sont des constructions
sociales de la classe dominante. Parvenir
à casser la machine idéologique qui est
derrière est très difficile.
Naturalisation des inégalités sociales et
discours dominant ou idéologique : tout
ceci n’est pas neuf…
M.P. : Mais avant il y avait un patron dans
l’usine et des ouvriers, ce qui rendait les
rapports de classe visibles ; aujourd’hui ce
sont des fonds de pension qui dépècent les
usines. Alors les entreprises sont devenues
des biens sur lesquelles on spécule.
M.P.-C. : La financiarisation de l’économie,
qui s’appuie sur une révolution technologique avec l’informatique qui a permis
la mondialisation, repose sur un système
théorique mis au point dès les années 40,
par Friedman et Hayek. Ce système néolibéral
M.P.-C. : C’est plus qu’une participation ! Les
politiques, y compris de la gauche socialiste,
les journalistes, sont happés voire intégrés à
l’oligarchie dominante ; c’est une oligarchie
qui est politique, financière, économique et
médiatique. Et c’est ce qui a changé dans
cette révolution : les médias sont au cœur
de l’oligarchie ; ce qui n’était pas encore
le cas en 1986 quand on a commencé à
travailler sur les riches.
La vraie question est celle-là : ces dirigeants
socialistes pouvaient-il faire une politique
de gauche ? Avaient-ils le choix ?
M.P.-C. : Oui
Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ?
M.P.-C. : Les élites du Parti socialiste sortent
de l’ENA, de polytechnique ou de HEC ;
c’est-à-dire de machines qui sont faites pour
réaliser la mayonnaise oligarchique entre les
différents pôles de la classe dominante : la
noblesse, la bourgeoisie et le pôle libertaire.
Bourdieu l’a très bien décrit dans La noblesse
d’État ; et Boltanski dans Le nouvel esprit
du capitalisme. Ces grands bourgeois ont eu
l’intelligence d’intégrer les critiques hédonistes
de Mai 68, à un moment où le capital avait
besoin de toujours plus de libre-échange.
Ce qui s’est traduit par la liberté du capital,
la suppression des frontières et à terme des
nations ; ainsi les multinationales dictent
leur loi.
M.P. : Quand on lit La gauche bouge de
François Hollande coécrit en 1983 avec de
futurs oligarques de ses amis, on voit qu’il
adhère pleinement au néolibéralisme.
Tout choix alternatif au néolibéralisme est
aujourd’hui taxé de populisme.
M.P.-C. : Ces choix ont toujours été violemment attaqués. Nous aussi nous vivons
personnellement cette opération de décrédibilisation ; quand je suis invitée sur un
plateau de télévision on me renvoie l’image
de la sociologue engagée, militante, alors
qu’en face de moi j’ai trois militants, mais
à fond, du néolibéralisme ! Mais pour eux
c’est naturel, ce n’est pas du militantisme.
S’agit-il, comme le décrit Foucault lorsqu’il
parle de la reproduction de la délinquance,
d’une stratégie sans stratège ?
M.P.-C. : Notre travail décortique la bourgeoisie en tant que classe sociale au sens
marxiste du terme, une classe en soi, avec
des positions dans la société relativement
proches, et une classe pour soi, consciente
d’elle-même. C’est-à-dire consciente de ses
intérêts. Sa mobilisation est intense sur
le front économique, mais aussi culturel
et social.
Terminons sur le score du Front national aux
dernières élections européennes…
M.P. : Le Front national tient un discours
au plus près des aspirations du peuple mais
dans un mensonge terrible…
M.P.-C. : Une véritable imposture ! Le Front
national est mis en place par la classe dominante pour éliminer la gauche radicale.
Regardez le temps de parole entre le Front
de Gauche et le Front national dans les
médias : c’est un rapport de un à vingt !
Les statistiques du CSA sont accablantes.
Comment en est-il arrivé là ?
M.P.-C. : Le Front national est largement une
création des socialistes, notamment depuis
Mitterrand ; et la politique au service du
Medef de François Hollande n’a rien arrangé.
L’intérêt des socialistes consiste à faire monter
le Front national pour ensuite le diaboliser
dans une stratégie de front républicain.
Leur ennemi n’est pas le Front national, qui
compte beaucoup de bourgeois comme eux ;
on en a même parmi nos interviewés. Leur
ennemi c’est la gauche radicale.
Situation désespérante alors !
M.P.-C. : Il y a des solutions, comme celle
de rendre le vote obligatoire avec comptabilisation des votes blancs. De nombreux
électeurs ne votent plus parce qu’ils ne se
sentent pas représentés, qu’ils ne veulent
plus voter PS ou UMP. Le vote obligatoire
avec comptabilisation des votes blancs est
une réformette facile à mettre en place.
Pourquoi les socialistes ne le font pas ? Parce
que c’est une mesure démocratique, mais
qui détruirait leur système de domination
politique aujourd’hui illégitime.
Entretien réalisé par RÉGIS VLACHOS
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La presse
et les médias
régionaux
sont tous
en difficulté
croissante,
et en mutation.
Un danger pour
la démocratie
de proximité ?
Le redécoupage hâtif des régions
françaises en 14 blocs territoriaux
épargnera donc la région PACA.
Mais l’indispensable contre-pouvoir
de la presse pourra-t-il continuer
de s’y exercer ? Les citoyens sont
aujourd’hui peu susceptibles
d’accéder à une information
de qualité fabriquée en région.
Faute de moyens, ou par choix
managériaux, les journalistes de
la PQR1 sont amenés à enquêter
succinctement sur des zones de
plus en plus vastes, à reproduire
des clichés, ou à chercher l’info qui
fait vendre. On l’a vu pendant la
campagne électorale marseillaise :
un candidat sorti du chapeau, mais
médiatique, a attiré l’attention
de tous les médias, y compris
parisiens : Pape Diouf, ça faisait
événement ! En quelques jours
il a occulté les enjeux pourtant
tragiques de la campagne, et
empli toutes les colonnes, de
La Provence à Libération… puis
a disparu du paysage, laissant les
électeurs dans le désarroi, mais
ayant fait flamber les ventes.
Ainsi la presse fabrique l’info, non
par incurie des journalistes, mais
parce qu’elle est aux abois ; soutenue par l’État dans sa diffusion
et sa modernisation, mais non
dans sa fabrication quotidienne,
elle vend nettement moins, et
voit ses recettes publicitaires
décroître pour cause de crise.
Son avenir, qu’on lui promettait
mutant et numérique, s’évanouit
comme un mirage : les sites de
presse ne sont pas rentables, la publicité et les
abonnements ne suffisant pas à les financer. Aucun
média numérique national, en dehors de Mediapart,
ne parvient à l’équilibre, qu’il s’agisse de pure
players ou de versions numériques de quotidiens
papier. Quant aux sites de presse régionaux, qui
s’adressent à des publics par nature plus restreints,
l’investissement forcé dans le numérique -l’État
a poussé les journaux à cette «mutation»- est
un gouffre de plus, qui fait baisser les ventes, et
n’apporte que de très faibles recettes.
Dans ces conditions la presse régionale, garantie de
démocratie si les journalistes ont les mains libres et
les moyens d’enquêter, n’est plus qu’une caricature
de contre-pouvoir. La baisse des moyens ne concerne
pas que la presse papier, les antennes régionales de
France 3 ou de Radio France ont vu également leur
dotation diminuer. Elles aussi regroupent des zones
géographiques trop vastes pour que la démocratie
locale puisse y trouver des tribunes, des critiques
informées, ou même des débats plateau de qualité :
du coup les régionaux y passent pour des ploucs,
ce qui entérine la centralisation hiérarchisée à la
Française.
Notre quotidien régional…
Il est un quotidien régional, historique, de référence
depuis la fusion du Provençal avec le Méridional, son
ennemi intime. La Provence, aujourd’hui entièrement
aux mains de Bernard Tapie2, subit un gigantesque
nettoyage de journalistes, et redécoupage des
zones : dans les éditions locales, les journalistes ne
sont souvent que deux pour couvrir la moitié d’un
département, c’est-à-dire écrire, chaque jour sauf
le premier mai, au moins deux pages. Car quarante
journalistes, soit près du quart des effectifs des
rédacteurs, viennent de quitter le navire, faisant
jouer la clause de cession. Des départs que le chef
d’entreprise n’a pas l’intention de remplacer : il
vient d’injecter 6 millions dans La Provence, et
doit payer des indemnités équivalentes à celles de
licenciements… Comment la rédaction de La Provence,
déjà en forte diminution durant les années Hersant,
va-t-elle pouvoir continuer de faire du journalisme,
c’est-à-dire d’enquêter, d’interroger, d’analyser, de
faire surgir, avec si peu de journalistes ? D’autant
que d’autres veulent partir après cette première
salve, et peuvent encore légalement, durant deux
ans, faire jouer la clause de cession, qui ressemble
à une clause de conscience3, mais est plus facile à
faire valoir : tous les journalistes interrogés nous
ont garanti que Bernard Tapie ne cherchait pas à
infléchir la teneur de leurs articles, mais qu’il leur
donnait des postes inadéquats, regroupant des
missions impossibles à tenir, sabordant le travail en
prenant des décisions contraires aux intérêts d’un
quotidien papier, persuadé de fait que le numérique
et la web télé sont l’avenir du journalisme.
Le problème relève donc de choix culturels : on ne
produit pas un journal comme un savon, même à
Marseille, parce qu’il est un produit de l’esprit, et
parce que le citoyen possède un droit inaliénable à
l’information. Or, gérés comme des industries même
© Tonk&You
Presse, région, démocratie,
s’ils dépendent du ministère de la Culture et de la
Communication, les journaux ne parviennent plus
à remplir la mission de service public qui justifie
pourtant les aides d’État. La Provence est notre bien
commun, et sa disparition aurait des conséquences
plus dramatiques encore que la fermeture d’une
entreprise, dont Tapie est familier. Ici il y aurait
certes un coût pour les salariés, mais aussi pour
les citoyens.
…et ses alternatives
Heureusement dans la région d’autres médias
d’information politique et générale tentent de
proposer des alternatives. Le site Marsactu, qui
cherche et trouve souvent le scoop, mais dont le
financement reste mystérieux4; Le Ravi, mensuel
satirique impertinent, mais aux moyens trop réduits
pour que ses enquêtes souvent révélatrices aient un
véritable poids ; et La Marseillaise, journal historique
lié au Parti Communiste mais ouvert à toutes les
gauches de progrès et ne dépendant d’aucun groupe
de presse, qui réussit grâce au militantisme de ses
journalistes très mal payés à produire un quotidien
souvent inégal, mais comportant parfois des pages
exceptionnelles.
Comme celles de Philippe Pujol par exemple, qui
vient de remporter le prix Albert Londres, pour une
série de reportages en forme de feuilleton parus
en 20135 : indésirable dans les locaux de la police
où les faits-diversiers vont généralement chercher
leurs infos, le journaliste est reparti s’informer
comme chacun devrait avoir le temps de le faire :
à la source, dans les Quartiers Shit qui défrayaient
tant, et si mal, les médias nationaux en mal d’idées
toutes faites.
Mais toutes les pages de toutes les éditions de La
Marseillaise pourraient-elles avoir, chaque jour, cette
qualité-là ? Le manque de moyens chronique ne
le permet pas, et la survie jour après jour du petit
quotidien régional, qui refuse des capitalisations
qui remettraient en cause son indépendance, est un
culture
miracle, fondé sur le dévouement des journalistes et le militantisme
des abonnés. Il ne pourra perdurer que si la qualité rédactionnelle
reste au rendez-vous régulièrement, et si le modèle d’une presse
citoyenne retrouve de l’allant. Question de culture !
AGNÈS FRESCHEL
1 Presse quotidienne régionale
2 Depuis janvier 2014 le Groupe Bernard Tapie est devenu majoritaire,
détenant 80% du capital de La Provence. Nice Matin reste détenu par
le groupe Philippe Hersant,
3 La clause de conscience s’exerce lorsqu’un journaliste n’est pas en accord
avec la ligne éditoriale de son journal. La clause de cession, lorsqu’un journal
change de propriétaire.
4 Plus de 200 000 euros de déficit en 2012. Ce journal numérique ne dispose
d’aucune recette identifiable
5 Voir notre entretien www.journalzibeline.fr/programme/lentretien-de-lasemaine-avec-philippe-pujol
Tribulations
d’un média local
Ils ont eu un coup de chaud, les salariés de La Chaîne Marseillaise
(LCM), télévision locale rattachée au groupe Médias du Sud depuis
2011. Leur employeur, basé dans l’Hérault, a vu soudainement
l’un de ses partenaires institutionnels, le Conseil Régional Languedoc-Roussillon, se désengager financièrement à hauteur de
750 000 euros. Une somme qui jusque là était consacrée à l’achat
d’espaces publicitaires ou de prestations, et qui correspondait à
environ 15% du chiffre d’affaire de la structure. De quoi mettre
en péril la survie des médias du groupe, qui compte, outre LCM,
TV Sud-Montpellier, TV Sud Camargue-Cévennes et TV Sud Pyrénées
Orientales. Christophe Musset, le directeur, a rapidement tenté
de «faire évoluer la position du Président de Région, Christian
Bourquin, en le rencontrant directement». Fin mai, cette démarche
a porté ses fruits : l’élu a «montré son intérêt pour Médias du Sud,
et sa volonté de trouver des solutions». Notamment à travers une
campagne publicitaire pour la marque Sud de France, prévue de
juin à août, qui rapportera au groupe 340 000 euros et devrait
être renouvelable. Suffisamment pour assurer l’avenir de ses 80
salariés ? On l’espère. Christophe Musset est de toute façon dans
une «démarche de désengagement progressif». Son objectif est
d’atteindre les 5% seulement de participation de la Région au
budget de sa structure, dès 2016, via une diversification des
ressources et une augmentation de fonds propres. «Les prises
de contact sont bien avancées. Nous aurons besoin de capitaux
pour couvrir Perpignan dans de bonnes conditions, et poursuivre le
développement digital».
Dans un contexte houleux de redécoupage de la carte administrative
des Régions, il se montre optimiste : «Cela nous est plutôt favorable.
Nous avons toujours cru aux médias à l’échelle régionale». Chez
un homme qui, pour avoir perdu le soutien de la collectivité, se
disait prêt à mettre la clef sous la porte dix jours plus tôt, un
tel détachement étonne. Mais l’optimisme est certainement une
prédisposition utile, en ces temps hasardeux.
GAËLLE CLOAREC
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L’an dernier à la même époque, Zibeline publiait
un article qui s’échangea beaucoup sur le
web1. On y faisait le constat d’une aberration
nouvelle : alors que la capitale culturelle
avait permis la construction d’équipements
nécessaires, rien n’était prévu pour perpétuer
l’élan créatif, en particulier les budgets pour
faire fonctionner ces équipements. Ainsi festivals, saisons des théâtres, propositions des
musées… se sont élaborés au cours de la saison
2013-2014 avec le moins d’artistes possible.
Le minimum de comédiens, de danseurs et de
musiciens sur les plateaux, des reprises de
propositions antérieures, des one man show
qui tournent, de la musique ou des images
enregistrées, numérisées, des machines,
des artifices. Quant aux musées, plus aucun
ne programme de spectacle vivant, hormis
le MuCEM, qui n’est pas voué aux grandes
formes. La Villa Méditerranée a renoncé à toute
programmation artistique, le FRAC vivote à
peine et commande très peu, les nouveaux
musées d’histoire ou de civilisation n’ont pas
besoin d’artistes.
Même au niveau des arts plastiques, les
musées ont cette année exploité et ré-exploité leurs fonds et le patrimoine, sans
commander d’œuvres… tout comme aucun
théâtre n’a produit de spectacles nouveaux
(produit au sens propre, c’est-à-dire financer
majoritairement une production). Pourquoi ?
Si les politiques et les entreprises qui nous
gouvernent se sont rendu compte que la
culture rapportait2, ils ont aussi compris
qu’il suffisait pour rassembler les foules de
quelques propositions spectaculaires bien
menées. Les artistes, et leur subversion, et
leurs tourments, ne sont que peu nécessaires
à l’élaboration raisonnée de produits culturels
qui vont faire marcher les commerces. Les
productions, les créations coûtent cher, et
ne sont pas nécessaires : nous consommons
donc depuis quelques temps, uniquement,
de la culture en conserve. Des rediffusions…
Saisons sans production
La saison 2014-2015 s’annonce pire encore. Si
l’on fait le tour des théâtres, il n’y a AUCUNE
production véritable de compagnies de la
région : la Criée coproduit timidement un
spectacle dans sa petite salle, la Minoterie
coproduit, accueille et suit plusieurs artistes
en résidence mais à la mesure de moyens qui
ne sont pas ceux d’un centre dramatique ou
d’une scène nationale. Celles-ci, justement,
ont cessé de soutenir la création : plus d’artistes en résidence ni à Gap ni à Martigues
ni à Cavaillon ! Ces trois pôles régionaux
essentiels, qui jusque-là permettaient aux
compagnies de créer des œuvres, affichent
timidement quelques coproductions, peu
nombreuses, et consacrent une partie de leurs
moyens à l’achat de spectacles racoleurs. Car
les programmateurs sont exhortés à remplir
les salles, donc à préférer le consensus au
risque. Ils justifient de dépenser l’argent public
La culture
sans artistes,
un
idéal
libéral
(bis, et pire encore)
Drôle de paysage en ce début d’été.
Alors que les festivals s’annulent, les saisons
s’annoncent, plus tristes que jamais
avec Julien Doré ou Nana Mouskouri, ou des
comiques télé y compris bas de gamme, en
disant qu’ils font venir un public nouveau au
théâtre. Mais à force de concessions à ce que
l’on suppose du goût commun, on satisfait
aux plus régressifs désirs de divertissement,
au lieu de proposer aux esprits de s’élever
au-delà de leurs appétences… ce que suppose
le terme même de «culture». Mais les directeurs
fraîchement nommés dans les théâtres de la
région n’ont plus les moyens de résister aux
pressions politiques locales…
Quoi qu’il en soit, la responsabilité de cet
état de fait n’est pas la leur : à Toulon les
frères Berling vont même jusqu’à renoncer
à leurs productions propres pour pouvoir
coproduire, à hauteur conséquente, plusieurs
compagnies. Le Gymnase/Jeu de Paume essaie
de conserver des coproductions, plutôt jeune
public, plutôt pas chères… Tous tentent,
d’une manière ou d’une autre, de conserver
des spectacles de qualité, innovants ou non,
mais au moins stimulants pour l’esprit. Mais
tous sont en recul !
Il faut dire que l’attentisme est de règle. La
Friche aura sans doute les moyens d’aider à la
production de propositions régionales, mais
quand, combien, et à quelle hauteur ? Le
Théâtre Liberté attendra-t-il encore longtemps
de savoir si il aura un financement de l’État ?
Combien de temps sera-t-il condamné, alors
que sa programmation irréprochable (presque,
on pardonnera Nana) rassemble un public
enthousiaste autour de propositions souvent
courageuses, à programmer en-deçà de ses
ambitions ? La direction de la scène nationale
du Merlan, dans un arrondissement gagné part
le Front national, restera-t-elle longtemps
vacante ? Nathalie Marteau, sa directrice,
s’en va en juin, son adjoint également, et
personne n’est prévu pour prendre le relais,
l’appel à recrutement n’a pas été lancé… la
procédure étant longue, est-ce un signe pour
ce théâtre si délicat, dans les quartiers les plus
pauvres de la ville la plus pauvre de France,
du désintérêt de l’État ? Plus loin, le théâtre
Durance va changer de direction, Théâtres en
Dracénie vivote, le Théâtre de Grasse semble
renoncer à son ambition créative, le Gyptis
est devenu un cinéma, les Bernardines vont
bientôt changer de mains… Que vont devenir
les artistes qui ne dirigent pas un lieu ? De
quoi imagine-t-on qu’ils vivent ?
Pauvres intermittents
Car cette diminution des volets de production
des théâtres se double encore d’une stagnation,
ou d’une diminution, des subventions directes
aux compagnies. La réforme du régime des
intermittents, vécue comme un coup de couteau
dans le dos de la part du gouvernement, serait
pour les artistes un troisième choc, sans doute
fatal. Cette fois-ci ce ne sont pas seulement
les moyens de créer qu’on leur enlève, mais
les moyens de vivre. On sait à quel point
cette refonte du régime des intermittents
est non seulement injuste3, mais absurde
et contre-productive, d’une part parce que
le déficit prétendu n’en est pas un (on ne
comptabilise pas pour parler de l’équilibre
d’un secteur économique ses seuls chômeurs,
et le secteur culturel, si on prend en compte
ses permanents, est bénéficiaire….), d’autre
part parce que les quelques «abus» du régime
des intermittents viennent du secteur de
l’audiovisuel public et des boîtes de production,
Comment survivre ?
Aujourd’hui se pose une fois de plus le problème
délicat des moyens de la lutte. Comme en 2003,
mais cette fois face à un gouvernement socialiste,
les intermittents vont bloquer les festivals, pour
faire sentir leur poids économique, et cesser
de passer pour des parasites. Mais comme en
2003 nombre de compagnies vont en mourir :
annuler le Printemps des comédiens de Montpellier,
ou le Festival d’Avignon, revient à tuer dans
l’œuf nombre de spectacles que les artistes
avaient besoin de créer, que le public et les
programmateurs ne verront pas, alors même que
les conditions de production sont devenues si
difficiles. Ce n’est pas de gaîté de cœur que les
artistes et techniciens s’apprêtent à le faire dans
les festivals les plus fragiles, c’est-à-dire ceux
où ils travaillent librement : lorsqu’ils bloquent
l’opéra Bastille, ou se mettent en grève pour
Plus Belle la vie, les pressions des directions ne
se font pas attendre : une des caractéristiques
des intermittents est qu’ils ont des contrats
de travail précaire, et un «droit» de grève par
conséquent très compromis. Ils n’ont souvent
d’autre choix que de se sacrifier eux-mêmes sur
l’autel de l’annulation de leurs propres spectacles.
Il reste quelques jours pour espérer que le gouvernement renoncera à son alliance absurde avec
le MEDEF, qui demandera toujours plus. François
Rebsamen se renie et s’apprête à signer un accord
qu’il dénonçait hier. Les rares maires socialistes
de la région, à Montpellier et Avignon, risquent
fort de ne jamais s’en remettre. Par ailleurs il est
indigne de signer un accord injuste par «calcul
politique». Expression qui ne devrait pas être
un pléonasme, mais un oxymore : il n’est pas
de république sans vertu, écrivait en son temps
un certain Montesquieu. Notre gouvernement de
gauche ferait bien de s’en souvenir.
AGNÈS FRESCHEL
1 www.journalzibeline.fr/la-culture-sans-artiste-unideal-liberal
2 www.journalzibeline.fr/la-culture-question-de-pib
3 www.journalzibeline.fr/intermittence-pour-en-finiravec-les-mensonges
Lorsque l’été vient à Marseille, les rues se désertent et la nourriture
culturelle devient rare… Le MuCEM (voir p 12 et 13) et La Friche
ont décidé de pallier la carence, et de peupler nos journées, nos
nuits, nos week-ends, entre deux escapades vers des festivals moins
urbains… Ça commence en 48h chrono : l’an dernier la première
édition, 2013 oblige, avait rassemblé de nombreux spectateurs
promeneurs couche-tard et noctambules, des familles aussi, sur
les transats, l’après midi. Cette année l’édition se concentre sur la
danse, à voir, à pratiquer sous toutes ses formes en ateliers doux
ou hard, en bal ludiques ou tangos…
Toutes les forces chorégraphiques de la Friche se sont donné pour
tâche de concocter un programme non stop, avec Marseille Objectif
Danse comme initiateur (voir p 36), mais aussi Sextant et plus qui
invite Arnaud Maguet et Philippe Robert, Radio Grenouille qui mixe
pour danser et dormir, Massalia qui prévoit sieste et surprise-partie
pour les petits et spectacle pour les grands (Mathieu Hocquemiller),
Georges Appaix qui fête les trente ans de sa compagnie la Liseuse
et fait danser Colline, le Cabaret Aléatoire qui fait venir DJ Cam
et propose une Psyché extérieur Nuit (Pierre Guéry et Nathalie
Démaretz), l’AMI qui sort de son MIMI pour faire du hip hop crochet…
Mais de nombreux non Frichistes se joignent aussi à l’aventure ! Le
Ballet National de Marseille qui va habiter sa très belle exposition
(voir Zib 74), Mathilde Monfreux et ses surprenantes explorations
organiques, Christine Corday pour le bal de clôture, le Festival
de Marseille qui prête la Cie Kyle Abraham, Klap qui accueille en
ses murs une proposition décentrée (Souleymane Ladju Koné et
Maman Sani Moussa), une Banda Mundo Latino en concert cubain,
L’Officina qui invite à danser aux côtés de la Cie MK, et Christophe
Haleb, qui cherche Eurydice et Dalida !
Toutes ces propositions se succèdent, laissant à peine le temps de
dormir, du 27 au 29 juin, gratuitement à l’exception de l’ouverture,
proposée par Tino Sehgal. Deux jours de danse pendant lesquels
Mauvais œil en profite pour proposer un salon du Fanzinat (voir p 70).
Et la Friche ne prendra pas non plus de pause estivale : sur son
magnifique toit terrasse, tous les vendredis et samedis de 19h à
23h elle dispensera ses DJ sets, et des films tout public le dimanche
soir ; ses expos resteront également ouvertes du mardi au dimanche
(nocturne le vendredi).
Vous prenez vos vacances à Marseille ?
A.F.
Bal Moderne © X-D.R
qui emploient des «permittents» corvéables,
sans contrats définitifs, pointant au chômage
mais travaillant de fait de façon permanente.
La réforme du MEDEF ne remet pas en cause ces
abus, mais appauvrit encore les plus pauvres des
artistes et des techniciens, en augmentant le
délai de carence (sans paiement) entre chaque
contrat, et en augmentant la surcotisation sociale
(les intermittents se payent leur régime en
cotisant beaucoup plus que les autres salariés
au chômage, et à la retraite).
La lutte des intermittents est donc juste, et
c’est celle du désespoir. Peut-on demander à
une profession de travailler plus pour atteindre
les seuils du chômage indemnisé, et dans le
même temps lui couper tous les moyens de
production ? La concordance de ces attaques
fait craindre une volonté concertée de mettre
au pas la vie artistique, au risque de la tuer…
Danser au
temps chaud
La Friche
04 95 04 95 95
www.lafriche.org
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Flou artistique
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Zibeline : Pour la première fois vous ne recevez
pas cet été l’orchestre du Pays d’Aix. Est-ce
un signe ?
Maryse Cuiffardi : il ne s’agit que d’un
contretemps ; avec les élections les dates
se sont bousculées, et lorsque nous avons
émis la demande, les délais étaient passés.
Qu’il y ait encore un adjoint à la culture dans
une petite ville est encourageant, souvent
ce poste est oublié !
Être adjoint à la culture est toujours inconfortable, on s’inscrit souvent contre tous
les autres. La culture ne leur semble jamais
essentielle et pourtant c’est ce qui nous
constitue. Mon rôle n’est pas un rôle de pouvoir
mais d’influence.
Quel est le budget de la culture à Trets ?
Je ne peux pas vous donner une fourchette
précise, seulement qu’il est dérisoire et en
baisse comme tous les budgets.
Quelles implications induit la perspective de
Le Château de Trets © Maryvonne Colombani
Au lendemain des élections,
avec la perspective de
la Métropole marseillaise,
on peut se demander quel
sort est réservé à la culture
dans les petites villes.
Zibeline s’est rendue dans
10 le pays d’Aix et a interviewé
l’adjointe à la culture de
P Trets, Maryse Cuiffardi
la métropole sur la vie culturelle de Trets ?
Rien n’est fait, et ce n’est pas dit qu’elle se
mette en place ! 109 maires sur 119 ont voté
contre. Pour le moment on ne sait rien. La
métropole c’est une nébuleuse, on ne peut
parler que d’impressions, celle par exemple
que l’on va perdre l’identité du village et
qu’aucun avantage ne va en découler. Mais
nous ne disposons d’aucune information.
Quels sont les axes de la vie culturelle dans
une ville située en pays d’Aix ?
Il y a un projet culturel global de la ville, avec
un point fort, le château, élément essentiel
du patrimoine trétsois. Nous souhaitons le
rendre à tous, en faire un lieu de rencontres.
D’abord, une seule grande exposition sur
plusieurs mois, avec un artiste de la taille
de Briata, puis une période serait proposée
aux créateurs de Trets et des alentours, dans
une grande exposition collective. Avec le
FRAC, depuis deux ans, on a aussi instauré la
«classe au château» : pendant une semaine
les enfants d’une classe viennent étudier,
entourés d’œuvres contemporaines qu’ils
apprennent aussi à décrypter. Trois classes en
bénéficient. Nous avons commencé à mettre
en place des résidences d’artistes avec Levon
Minassian. Le rêve serait de monter un festival
de musiques du monde.
Pour l’initiation à l’art vous avez souvent
reçu les expositions d’Artesens qui apportent
beaucoup aux enfants.
L’inspecteur d’académie, M. Blache, n’y est
pas favorable et le considère comme une
perte de temps, et pense que les enfants
n’en retirent pas grand-chose.
C’est surprenant ! Et le festival de BD ou la
journée des écrivains ?
Bien sûr ils perdurent.
Vous ne parlez pas des Nuits de Trets, de leur
financement…
Là, je pose mon joker. C’est du domaine des
festivités et non de la culture, je n’y ai aucun
regard.
Entretien réalisé par MARYVONNE COLOMBANI
Des mots et des images...
Réalisation du lycée Aristide Briand de Gap © Chris Bourgue
Pour la 10e édition de son Prix littéraire des
lycéens et des apprentis, la Région PACA et
L’ARL (Agence Régionale du Livre) ont initié
une nouvelle formule, avec un vote des jeunes
pour désigner les meilleures performances et
travaux plastiques qu’ils ont réalisés tout
au long de l’année, autour des livres de la
sélection. Le travail du lycée Aristide Briand
de Gap présentait des émotions mises sous
cloche d’une grande originalité ; le lycée Jean
Perrin de Marseille a réalisé une prestation
théâtrale d’une belle énergie, en imaginant
le procès du singe de Hartlepool (voir plus
bas) dans une courte pièce en costumes
portée par des acteurs en herbe excellents ;
enfin, c’est le lycée Rouvière de Toulon qui
a été primé pour une vidéo, avec des textes
de slam inspirés des 6 BD en lice.
Les auteurs-lauréats ont été désignés en
présence de Christine Mirauchaux, conseillère
régionale déléguée à la culture. Pour les
romans, Marie Neuser est récompensée
pour Un petit jouet mécanique (éd. L’Écailler,
voir Zib’54) dont l’atmosphère troublante a
marqué les lycéens. Pour la BD c’est le duo
d’un événement dont on ne sait s’il est réel
ou imaginaire tant il a imprégné la vie des
habitants d’un petit village sur la côte anglaise.
On raconte que n’ayant jamais vu de français
et les haïssant allègrement depuis les guerres
napoléoniennes, les villageois ont condamné
à la pendaison un pauvre singe, seul rescapé
d’un naufrage ! Cela en dit long sur le degré
de bêtise ignorante et le racisme latent de
certains... W. Lupano raconte d’ailleurs qu’il a
écrit son scénario en plein débat sur l’identité
nationale, mais qu’il a voulu y mettre de
l’humour. Quant à Jérémie c’est la première
fois qu’il travaillait avec un scénariste et il
a cherché un dessin «corrosif» qui colle à
ce récit assez noir. Chaque auteur a reçu un
chèque de 3000 euro et le groupe musical
Kabbalah, toujours énergique, a clôturé la
journée en fanfare !
CHRIS BOURGUE
Wilfrid Lupano (scénario) et le tout jeune
Jérémie Moreau (dessin), pour le Singe de
Hartlepool (éd. Delcourt). L’histoire s’inspire
Cette manifestation a eu lieu au Docks des Suds,
Marseille, le 22 mai
Chronique de deux
morts annoncées
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Domaine du Château d’Avignon © Claude Lorin
C’est officiel : le Conseil général des Bouchesdu-Rhône vient d’envoyer son «invitation au
vernissage ultime à la Galerie d’art d’Aix-enProvence le jeudi 19 juin à partir de 18h30».
Après 19 ans d’existence atypique -ni musée,
ni centre d’art, ni galerie-, l’Hôtel de Castillon
tirera définitivement le rideau à l’issue de son
exposition estivale L’œuvre photographiée :
les ateliers d’artiste de Picasso à Warhol. Une
décision difficile à comprendre au regard du
chiffre de fréquentation annuelle (100 000
visiteurs), de la diversité des commissariats
conçus par Michel Bepoix qui reçut, entre
autres, Pierre Soulages himself, et de l’exigence
de la politique curatoriale de Véronique
Traquandi qui fit appel aux meilleurs conseillers scientifiques, historiques et artistiques
(Agnès de Gouvion Saint-Cyr, Éric Mezil, Gilles
Mora…) à l’occasion de quatre expositions
par an en moyenne. Sans compter le choix
éditorial d’accompagner les expositions d’un
catalogue. Il est également nécessaire de
rappeler que depuis 2005, le Conseil général
invitait tous les deux ans en résidence un
artiste de renom dont le travail était en lien
avec une spécificité territoriale : la notion
de désert pour Raymond Depardon, les objets
des religions et des superstitions pour Bernard
Plossu ou les Bouches du Rhône pour Agnès
Varda. Résidences suivies d’une exposition de
trois mois à Aix-en-Provence et d’une tournée
dans le département pendant deux ans.
Cette liquidation annoncerait-elle d’autres
mauvaises nouvelles, comme la fermeture
en 2016 du Château d’Avignon qui a su allier
depuis 2005 arts visuels contemporains et
public familial ? Qui a su associer commandes
aux artistes vivants, emprunts aux collections publiques et privées, conservation et
valorisation d’un patrimoine exceptionnel né
à l’aube du XXe siècle. En guise d’épilogue,
Le domaine des murmures #1 (2014) et #2
(2015) proposera aux visiteurs une immersion
visuelle, sonore et sensorielle en interaction
avec la nature et les dépendances du château…
«Ici la culture est partout !» scande le logo du
Conseil général jusque sur son «invitation au
vernissage ultime». Vraiment ? La disparition
programmée de ces deux fleurons dans le
domaine des arts visuels laisse perplexe quand
la situation des artistes plasticiens est plus
que précaire : au mieux ils sont inscrits à
la Maison des artistes, au pire au RSA ! Un
seul Jeff Koons ne doit pas faire oublier les
milliers d’anonymes. Elle soulève également
de nombreuses questions : le Conseil général
a-t-il encore les moyens d’entretenir «les
joyaux de sa couronne» ? Les économies
espérées seront-elles redéployées dans le
spectacle vivant, le cinéma ou la lecture ?
Permettront-elles d’éviter que les associations culturelles coulent à pic avec la baisse
drastique de leurs subventions ? Il ne semble
pas… Autant de questions sans réponse, nos
tentatives nombreuses de joindre le cabinet
de M. Guérini étant restées lettre morte !
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
L’œuvre photographiée : les ateliers d’artiste
de Picasso à Warhol
du 20 juin au 20 septembre
Galerie du Conseil général
des Bouches-du-Rhône, Aix-en-Provence
04 13 31 50 70
www.culture-13.fr
Le domaine des murmures #1
du 10 juillet au 10 octobre
Week-end d’ouverture gratuit
Domaine départemental du Château
d’Avignon, Saintes-Maries-de-la-Mer
04 13 31 94 54
www.culture-13.fr
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Le 6 juin, le MuCEM a fêté
son premier anniversaire,
12 et la fête était à la mesure
M du succès incessant
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C depuis l’ouverture !
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Un flot continu de visiteurs a envahi la galerie
de la Méditerranée, le Temps des loisirs, et les
nouvelles expositions temporaires… Certains de
ces promeneurs qui passent sur le site mais ne
franchissent pas les portes payantes des expos
ont ce jour-là passé le cap, et découvert les lieux
gratuitement, comme tous les premiers dimanches
du mois. Pourtant, à 5 ou 8 euros pour toutes les
expos, le passage est habituellement peu couteux !
Surtout si on le compare à celui de quatre heures
de parking Vinci en-dessous…
Le bilan après un an est exceptionnel : plus de
2,6 millions de visiteurs, dont un tiers ont fréquenté les expos, 30 000 personnes ont assisté
à la programmation des 446 concerts, spectacles
et projections, et 15 000 spectateurs pour les
manifestations jeune public ! La fréquentation
n’a pas baissé après l’année capitale, et continue
d’augmenter chaque mois. Dans le détail on peut
noter que 80% du public est français, et qu’un
visiteur sur deux vient de PACA. On peut cependant
regretter que le MuCEM n’intéresse pas davantage
les étrangers du pourtour Méditerranéen (la plupart
des 16% de touristes étrangers viennent d’Europe du
Nord) et que les populations marseillaises d’origine
étrangère ne soient pas plus nombreuses que dans
les musées qui ne s’intéressent pas à leur histoire.
Question d’habitude sans doute, et d’un travail de
médiation nécessaire, loin du top down pratiqué
dans les musées d’État.
La fête !
Mais pour cette soirée d’anniversaire le seul petit
bémol provenait de l’ampleur du succès ! Tous n’ont
pas pu entrer dans les expos à temps, les passerelles
ont frôlé l’embouteillage, et d’interminables queues
s’enroulaient devant les carrioles variées et multiples
qui proposaient une restauration bon enfant et
goûteuse, tandis que les tables de la cafétéria et
du restaurant ne désemplissaient pas… Il faut dire
qu’il faisait doux, et que le concert de Sylvie Paz,
qui inaugurait le soir, était à la fois chaleureux et
chaloupant. Il aurait pourtant été dommage de
ne pas quitter la douceur de l’esplanade, partir
d’abord écouter les propositions électroacoustiques
d’EriKm, désorientants sons d’artifices sans images,
puis descendre dans le hall écouter la performance
d’Arnaud Saury, épluchant avec malice un sondage
sur les pratiques et préférences sexuelles. Juste
après, Jean Marc Montera faisait dialoguer les
I am a love result, Arnaud Saury © Luis Castilla
Un an, des concerts,
et la civilisation
errements impulsifs de sa guitare bruitiste avec les
mélodies sensuelles du violon de Fanny Paccoud,
histoire de nous plonger dans le son juste avant
de remonter sur l’esplanade enchanteresse, où les
corps commençaient à bouger aux rythmes électro
de Mekanik Kantatik, alternant avec les fioritures
gymnopédantes de Nicolas Cante et son piano
préparé… La nuit tombée, calme, sur la mer, les
groupes se défaisaient dans une plénitude palpable.
Un an de pensée
Avant les oreilles et les corps, les esprits étaient
convoqués à exercer leur sens critique, avec la fin du
cycle Barbarie et civilisation, pensées du monde
concocté tout au long de l’année par Thierry Fabre
et Tzvetan Todorov (voir Zib précédents). Le 5 juin,
Achille Mbembé était venu brillamment clore le tour
du monde par une conférence pas si africaine, qui
affirma notamment que la transformation de l’humain
en marchandise, caractéristique de l’esclavage, était
aujourd’hui à l’œuvre partout, mondialisation du
capitalisme aidant : le capitalisme financier instaure
une nouvelle barbarie se présentant sous les traits
de la seule civilisation possible, et ressemblant
étonnamment à la traite négrière : l’humain n’y a
pas d’importance, son travail n’est pas nécessaire,
seule sa soumission, et sa valeur d’échange.
Le lendemain Tzvetan Todorov tenait la dernière
conférence, venant résumer et clôturer le cycle :
animateur de toutes les rencontres, il a défini la
problématique, posé tout au long de l’année des
questions pertinentes, relayé les pensées, éclairci les
difficultés, affiné les affirmations. Son intervention
en forme de clausule était très attendue, dans un
auditorium débordant. Il parla, avec toute son
humanité, de la véritable civilisation. Celle de
Nelson Mandela, qui a su pratiquer la réconciliation,
ne pas en vouloir à ses bourreaux, et reconstruire
son pays en abandonnant la violence, devenue
inutile, qu’il avait pratiquée avant ses longues
années d’emprisonnement.
Si la générosité du point de vue
fait chaud au cœur, certaines
lacunes du constat étonnent. On
sait que les inégalités sociales en
Afrique du Sud n’ont presque pas
diminué depuis la fin de l’Apartheid, et que la différence entre
pauvres (noirs) et riches (blancs)
y reste une des plus grandes du
monde. Et que dire quand Todorov
affirme que dans les situations de
conflits aucun groupe n’a tout à
fait tort ou tout à fait raison ?
Quid des Juifs face aux Nazis ? Les
conférences qu’il avait animées
avaient pourtant su articuler
l’antagonisme civilisation/barbarie
avec celui de dominant/ dominé,
ou victime/bourreau…
Il n’en reste pas moins que ce tour
du monde des barbaries fut un
des temps les plus passionnants
du MuCEM, affirmant haut et fort
qu’un musée n’est pas qu’un lieu
de conservation, mais de fabrique
et de recherche.
Il reste à espérer que le nouveau président, dont on attend
la désignation par le ministère
après le départ imminent de Bruno
Suzzarelli, saura aussi bien que lui
articuler conservation, expositions,
recherche et cité culturelle. En
ouvrant un peu plus la porte aux
publics issus des civilisations
méditerranéennes ?
AGNÈS FRESCHEL
L’été est intense au MuCEM Pot de yaourt
et mauvaise
mayonnaise
Forabandit © Thomas Dorn
Devenu le lieu culturel incontournable à
Marseille après un an d’existence, le MuCEM
multiplie sa programmation durant la période
estivale avec les Intensités de l’été : 11
soirées exceptionnelles au Fort Saint-Jean,
à savourer en plein air, sous les étoiles. Le
coup d’envoi de l’événement sera donné les 27
et 28 juin avec notamment La Nuit des Idées
le 27 juin à partir de 18h30. Au programme,
débats autour du thème L’autre parmi nous…
Entre Atlantique et Méditerranée et concert du
groupe Forabandit. Le 28 juin, les chansons
et immigration en Méditerranée seront mises
à l’honneur avec des conférences et tables
rondes dès 18h.
Du 2 au 12 juillet, les festivals de la région
s’inviteront au MuCEM. Le lieu accueillera le
FIDMarseille, Festival International de Cinéma
durant la période du 2 au 7 juillet. Une soirée
autour du Festival d’Avignon sera organisée
le 4 juillet avec la retransmission en direct
de la soirée d’ouverture. Un honneur auquel
aura aussi droit le Festival International d’Art
Lyrique d’Aix-en-Provence avec la diffusion
de l’Opéra de Haendel, Ariodante, le 12 juillet.
Les Intensités de l’été feront également la
part belle au cinéma avec la programmation
de French cancan de Jean Renoir le 10 juillet,
Chat noir, chat blanc d’Emir Kusturica le 19
et Latcho Drom de Tony Gatlif le 26.
La musique ne sera pas non plus en reste avec
le concert commenté d’Oracion le 16 juillet
ainsi qu’un double concert de Christophe Leloil
et Dhafer Youssef & Nils Petter Molvaer le
lendemain. Le 18, Kirika sera à son tour sur
scène avant d’accueillir les Chansons Enjazzées
de la Compagnie Lubat le 25.
Les rencontres et débats tiendront aussi une
place importante avec une soirée hommage
à René Char le 11 juillet dès 19h, durant
laquelle son œuvre et son parcours seront
évoqués. Enfin, la manifestation se terminera
les 29 et 30 août avec deux soirées sur le
thème Chroniques de Mars II - Conscience
hip-hop à Marseille et en Méditerranée. Pour
cette deuxième édition, le MuCEM accueillera
DJ Rebel le 29 août, suivi d’une table ronde
autour de l’histoire de la culture hip-hop,
avant de finir avec les représentations du
groupe marocain Shayfeen et de l’artiste
marseillais MOH & CO. Le 30 août, le hip
hop se déclinera à travers le clip vidéo et les
multimédias autour d’une table ronde avant
une performance à quatre mains de DJ Rebel
et Dj Djel. Une dernière table ronde intitulée
La culture hip hop, une question de valeurs…
marquera la fin de ce week-end exceptionnel.
ESTELLE BARLOT
Intensités de l’été
du 27 juin au 31 août
MuCEM, Marseille
04 84 35 13 13
www.mucem.org
Qui ne connaît pas la Fiat 500, communément surnommée en France «pot
de yaourt» ? Elle est à l’automobile ce
que le Vespa est au scooter : un mythe
roulant qui a traversé les temps. On était
donc en droit d’attendre beaucoup de
la conférence sur la Fiat 500 organisée
par le MuCEM, dans le cadre du cycle
Le Temps des archives. Placée dès son
introduction sous l’égide du philosophe
Roland Barthes, qui comparait la Citroën DS
à une «cathédrale des temps modernes»,
elle promettait d’explorer les mythologies
propres à la plus célèbre des productions
industrielles italiennes. Las, l’échange
part dans tous les sens. Engagé entre
l’historien Mathieu Flonneau et l’artiste
Alain Bublex, il traverse à trop vive allure
les champs du politique, de l’économie,
de la sociologie et de la communication
appelés par le destin hors norme de cette
voiture, créée pour motoriser l’Italie à
moindre coût et réincarnée en produit
international de luxe. On frôle même la
sortie de route avec les projets artistico-utopistes développés par Alain Bublex
à partir de la Fiat… 126 ! Et lorsque la
parole vient à la salle, Thierry Fabre,
responsable du développement culturel
du musée, a beau tenter de remettre la
question du mythe en débat, rien n’y
fait. Tous les ingrédients étaient pourtant
à portée de main pour concocter une
conférence riche et passionnante. Mais la
mayonnaise ne prend malheureusement
pas. Pire, elle tombe à plat.
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LAURENCE PEREZ
Cette conférence sur la Fiat 500 s’est tenue
le 26 mai au MuCEM à Marseille
RetrouveZ sur notre site toutes les annonces, nos chroniques
Et venez
écouter des entretiens,
des débats, et des chroniques
sur notre webradio
et tous nos articles
Journalzibeline.fr
Autour de l’exposition Des artistes dans la cité, le MuCEM a programmé
Paroles dans la cité, un Temps Fort autour de la création marocaine
Rev’illusion en lettres d’or
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ALICE LAY
Hommage à Ahmed Bouanani, écrivain,
cinéaste et dessinateur a eu lieu au MuCEM
le 22 mai
Depuis son solo Aaleff, le chorégraphe marocain
Taoufiq Izeddiou inscrit sa présence, sa
perméabilité au monde, sur les plateaux d’Aix
et de Marseille. On se réjouit de Rev’Illusion,
une création qui gagne à chaque étape en
maturité, puissance et densité. En résonance
au Printemps arabe, Rev’Illusion fait entendre
une colère sourde, des poings levés, des chuchotements. Dans une pénombre qui jamais ne
s’illumine. Une fille et trois garçons s’épuisent
dans des tours de scène accélérés, enfermés
dans quatre espaces hermétiques, pris d’un
tremblement de main irrépressible, pathologique. Il y a chez Taoufiq Izeddiou comme une
urgence dans la danse qui saisit l’interprète
et le spectateur, une mise en tension qui ne
À voix haute
Groupe Maurice Vinçon © X.D.-R
14
Un hommage à Ahmed Bouanani, écrivain,
cinéaste et dessinateur, a mis l’accent sur
un artiste majeur méconnu, récemment
redécouvert grâce à la réédition de son
récit L’Hôpital. L’œuvre générale reste
encore à paraître, mais sa fille Touda
Bouanani, également cinéaste, a veillé
à la conserver, et à la partager avec le
cinéaste Ali Essafi et l’écrivain Arno
Bertina.
Le court métrage 6 et 12 présente, sur
diverses musiques de jazz, la ville de
Casablanca de six heures à midi : des
lieux clos tels des bars ou des bus, des
immeubles aux fenêtres fermées, des
gens marchant en masse dans la rue,
images entrecoupées de plans simples
comme une plage. Sans logique et sans
prétention poétique, l’œuvre abstraite
décrit le quotidien de la ville, avec un
sens du montage et du rythme qui en
fait toute la force.
Mirage, seul long métrage de Ahmed
Bouanani, raconte quant à lui une histoire : celle de Mohamed Ben Mohamed,
vivant au Maroc en 1947 à la période
du protectorat français. Alors que les
autorités locales distribuent des sacs de
farine dans une petite bourgade, Mohamed
découvre des billets de banque dans le
sien. Il part alors pour la ville, pensant y
trouver une vie meilleure, mais passe de
désillusions en désillusions. Sa rencontre
avec l’excentrique Ali Ben Ali, artiste et
poète isolé sur un château en ruines près
de la mer, lui permet toutefois de sourire,
et de comprendre que l’argent corrompt.
Mais dans ce contexte politique, aucune
issue heureuse ne semble possible : la ville
est dominée par des préjugés religieux,
et Mohamed Ben Mohamed passe pour
un mécréant. Le film prend des allures
de conte philosophique, distillant des
énigmes pleines de sens…
Aujourd’hui, l’œuvre multiple d’Ahmed
Bouanani est encore en cours d’édition
et devient sujet de recherche, mais peu
de Marocains le connaissent. Une autre de
ses œuvres, Mémoire 14 aurait également
pu être un long métrage si elle n’avait
pas subi la censure de l’époque. Et si
l’homme est encore à découvrir, ce que
l’on sait de lui aujourd’hui montre que
le cinéaste apportait un regard neuf et
talentueux !
© Thibault Gregoire
Découvrir Mirage
Au fort Saint-Jean, les assauts du vent qui
balayait la place de la Commande, l’aire de
Battage et la place d’Armes n’ont pas refroidi
l’ardeur des comédiens amateurs français et
marocains. En petits groupes, ils ont offert
en partage des textes littéraires et poétiques,
contemporains et traditionnels, dans leurs
langues originelles ou traduites. Certaines
mises en voix étaient scénarisées, comme la
lecture chorale de Des chaussures sans talons
de Latifa Baka dirigée par Anny Perrot ou les
lectures polyphoniques et les chants dirigés
lâche jamais prise et
secoue les corps tout
autant que les esprits.
Mais l’hystérie n’est
pas le seul moteur
du combat, la fuite
non plus, et dans
une sorte d’énergie
du désespoir des instants de stupéfaction
heureuse surgissent.
Tapi dans l’obscurité,
le chorégraphe veille
en vigie avant de se
lancer dans l’arène
avec une Barbie tropicale qui ondule des
hanches. Utopie de
carte postale ! La béatitude n’a qu’un temps et
explose en plein vol : sur le sol blanc scindé
en deux par une ligne d’or, la diagonale est
une ligne de fuite, une route initiatique, une
trace éphémère, une ligne de démarcation,
une passerelle, un trait d’union. Tout cela
à la fois quand les danseurs, imprégnés de
poussière d’or, laissent place au chant de
Taoufiq Izeddiou, imploration d’une force
incroyable née du cœur et des tripes. Quand
son corps disparaît sous le long ruban d’or,
scotché, ligoté, anéanti, entravé…
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Rev’Illusion a été donné au MuCEM le 23 mai
par Frédérique Fuzibet, dont un extrait Du
jardinier de l’âme d’Abdellatif Laâbi porté
jusqu’au cœur du public. Dans une version plus
sobre, Maurice Vinçon proposa un florilège
de textes de Tahar Ben Jelloun, Mohammed
Berrada, Zahra El Basri, Badia Hadj Nasser et
Abdallah Zrika, tous formidablement introduits
par les comédiens-lecteurs. Une fois plongé
dans la musique des mots qui évoquaient la
chaleur du thé ou la couleur du henné, la
générosité ou l’hospitalité, la variation des
sentiments ou les actes de résistance, se
laisser bercer par le chant de l’arabe, cette
langue inconnue offerte aux embruns par
la troupe marocaine Comédrama d’Oudja,
devint comme une évidence…
M.G.-G.
Paroles du Maroc au fort Saint-Jean s’est déroulé le
23 mai, co-organisé par le Comité départemental
13 de la Fédération nationale des compagnies de
théâtre amateur et le MuCEM
En petite forme
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Tel le phœnix...
L’Homme du Dehors, Cie de l’Ambre © Cie de l’Ambre
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Depuis une quinzaine d’années, Lieux Publics
organise à Aubagne un festival de théâtre de
rue, rebaptisé Chaud Dehors depuis l’année
dernière, qui programme des artistes de la
scène artistique régionale. Cette édition mettait
en avant beaucoup de petites formes, mais
en oubliant parfois que jouer dehors n’est
pas la seule composante du théâtre dit de
rue. Transformer la rue en scène implique de
donner une valeur à l’espace public, d’en faire un
véritable élément du spectacle. Cette dimension
était hélas souvent absente…
Parmi la dizaine de spectacles à l’affiche, Rivages,
de la compagnie La Folie kilomètre, s’annonçait
comme étant le plus original. Présenté comme
une «préfiguration», il demande en effet quelques
améliorations. Le principe est séduisant : les
spectateurs, installés dans leur voiture, circulent
dans la zone industrielle d’Aubagne, guidés par
une fréquence sur l’autoradio. Quelques scènes,
animées d’étranges créatures, surgissent au
bord de la route. Mais le cadre insolite ne
suffit pas. Les images et le scenario, trop peu
élaborés, n’exploitent pas cette bonne idée
qui mérite d’être creusée.
Igor Hagard, de Pierre Sauvageot, est lui un
voyage sonore. Il invite ses passagers, casque
sur les oreilles, à écouter les mots de Cendrars,
entremêlés de sons de trains, de gares, qui
rejouent les notes du Sacre du Printemps de
Stravinsky. Une expérience auditive intéressante,
même si l’on peut regretter que le cadre naturel
des voies ferrées ne soit pas plus utilisé.
Le théâtre dans la rue trouve toute son expression
quand l’environnement devient plus qu’un décor.
Quand le chant des oiseaux semble réglé pour
faire corps avec le spectacle. La Cie de l’Ambre,
avec L’homme du dehors, deuxième volet du
Grand Ordinaire, a atteint ce registre. Le texte de
Claudine Pellé projette les spectateurs dans
un univers sombre, fait de viol, de prostitution,
de meurtres. Une toute petite vieille, avec fichu
et pantoufles usées, apparaît aux côtés d’un
homme écorché, son fils, d’un trompettiste et
d’un peintre, pour livrer ce récit troublant. La
déambulation dans les ruelles du vieux quartier
accompagne et amplifie l’atmosphère pesante,
rare pour un spectacle de rue.
Des éclats d’émotion que l’on aurait aimé
retrouver plus souvent !
Espace essentiel à la création, le festival semble
voué à un bel avenir, la nouvelle municipalité
d’Aubagne semblant prête à lui maintenir son
soutien. Rendez-vous donc en 2015 !
La dernière Sirène de la saison a permis d’apprécier le talent du jeune Tony Thich dans
une démonstration de parkour (PK pour les
initiés). Juché sur un échafaudage de métal
noir, il se livre à des déplacements rapides et
précis, saute dans le vide, tourneboule au sol
et repart obstinément, défiant les obstacles.
Un esprit fort dans un corps fort, selon ce mot
de la langue du Zaïre, «yamakasi» qui veut dire
«fort», et désigne cette pratique et ses adeptes.
Yann Lheureux a chorégraphié la prestation qui
appartient au triptyque Flag, mêlant performance
acrobatique et mouvement plus intériorisé.
L’exploit physique impressionne, certes, mais
on est touché par ce qui s’y cache : amour de
la vie, obstination pour renaître plus fort, paré
d’ailes rouges. CHRIS BOURGUE
Flagrant délire s’est donné sur le parvis de
l’Opéra de Marseille le 4 juin à midi net
Le triptyque sera présenté pour la 1re fois dans
le cadre du Festival Montpellier Danse
les 6, 7 et 8 juillet
© Vincent Lucas
JAN CYRIL SALEMI
Le festival Chaud Dehors s’est déroulé à
Aubagne les 30, 31 mai et 1er juin
Sous le signe des intermittents
Le festival C’est Sud emplit le
centre d’Aix-en-Provence d’une belle
effervescence : près de 40 manifestations gratuites, réparties sur
quinze lieux. Le public des enfants
est particulièrement choyé, que ce
soit à la bibliothèque Méjanes, où le
loup avec ses légendes occupe les
lieux, s’expose, quelles mâchoires !
On rencontre aussi des livres originaux comme Les (vraies) histoires de
l’art, avec son scénariste, Sylvain
Coissard qui, en deux images,
(Alexis Lemoine) donne des explications bien peu conformistes aux
tableaux les plus célèbres. On rit, on
rêve, on réfléchit avec les lectures
intimes de la Cie Fragments avec
Nous nous sommes tant aimés, la
tendresse du songe dansé pour
les tout petits Tu rêves ou quOi ?
de la Cie Hélène Demaris, le
conte du Laos à la scénographie
délicieusement inventive, La Fille
La Terre, animation Emmanuelle Van Helst, Espanade Mozart © Maryvonne Colombani
du roi des éléphants par le Théâtre
des ateliers (Lectures plus), les
superbes marionnettes d’Aladin
et la lampe merveilleuse par le
Théâtre de la Main Verte, ou le
conte initiatique, Djamil, le crocodile
qui perdit ses dents, par Théâtre
et chansons… Classe ado, ou
pré-ado, le beau spectacle de la
Cie Sennag’a, Ouasmok, évoque
avec une sensibilité bourrue les
premières amours. Le Groupe
Bernard Menaut réorchestre
l’espace de la place de l’Hôtel
de ville, le Guid enchante l’esplanade Mozart, l’éblouissante
Cie Grenade transporte le haut
du cours Mirabeau. On dessine,
sur le mode coloré et vibratoire
des aborigènes d’Australie, motifs
floraux, silhouettes d’enfant… la
terre se remodèle. On copie Lucien
Clergue dont les photographie
s’exposent à la Méjanes et au
musée des Tapisseries, statuaire
des corps, travail de surimpression…
on regarde des courts métrages,
on écoute différentes formations
musicales… quel vivier d’artistes !
quelle qualité ! et pourtant plane,
insupportable, rappelée à chaque
spectacle, la menace sur le statut des intermittents. Comment
accepter de rayer pour des motifs
économiques faux (le budget de
l’État pour la culture ne représente
même pas 1% !), le vivier de toutes
ces compagnies qui savent avec
justesse aiguiser notre regard sur
le monde ?
MARYVONNE COLOMBANI
C’est Sud a eu lieu les 6, 7, 8 juin
à Aix-en-Provence
Rictus, Christophe Lafargue © Gaelle Cloarec
Sentiers débattus
Tous dehors (enfin) ! Oui, tous dehors,
malgré la pluie qui menaçait les premières
heures de ce deuxième festival des
arts de la rue, orchestré par la scène
Nationale de la Passerelle à Gap. Une
légère bruine n’a rien ôté au fabuleux
spectacle de la Cie Carabosse, ses
Installations de feu dans le parc de la
Pépinière n’en prenant que plus de
force, soulignées par le ballet des
parapluies. Un spectacle flamboyant
mais tamisé, qui réussit à poétiser ce
lieu familier aux habitants, et rassembler
des milliers d’yeux ébahis, doucement,
créant subtilement des espaces comme
neufs sans la fureur des artifices. Dans
un autre genre Contre-nature, du collectif
Tricyclique Dol, proposait une longue
promenade dans la forêt de Charance
discrètement transformée, où les arbres
s’agitaient, les ruches se déplaçaient,
les horloges de bois peuplaient les
branches, tandis qu’au lointain parmi
des crissements artificiels un éléphant
barrissait… Une façon facétieuse de
rendre le randonneur attentif !
Dans la vallée, le soleil de retour éclairait
le pavé gapençais, où l’on pouvait suivre
le «scripteur de sable» de Gijs Van Bon,
une machine déposant lentement un filet
de lettres dans son sillage, les enfants y
plongeant le doigt, dans l’espoir que la
citation pulvérulente ait goût de sucre...
Autrement plus coriace, Sébastien
Barrier le bonimenteur, capable de
noyer son auditoire sous un flot de
paroles, qualifiait son propre humour de
«succession de câlins et de claques», et
demandait à son public : «Alors, qui voté
FN ici ? Il y en a forcément un sur trois
parmi les votants !». Politique aussi, et
bouleversant, le texte de Jehan Rictus,
Soliloques du pauvre. Le poète prolétaire
a écrit en 1897 des pages d’une force
rare, livrées dans la rue par Christophe
Lafargue, un comédien exceptionnel
traînant sa misère et son chariot de fer
comme un SDF ordinaire, invectivant les
puissants, les riches, dans une série de
diatribes qui touchent au cœur, font vibrer
les âmes, laissent le public pantois et
pleurant comme rarement un spectacle
de rue. Parce que cette misère qui a
plus d’un siècle est aussi la nôtre, celle
qui aujourd’hui à nouveau envahit les
trottoirs de laissés pour compte dont
on oublie trop vite l’humanité, et les
souffrances.
Deux spectacles de cirque confirmaient
la tendance actuelle à inventer des agrès
inédits, porteurs de formes nouvelles.
C’était un plaisir de frémir en voyant
Julot escalader son mât de 9 mètres,
souple et pliant savamment sous son
poids ; un vrai champion du hula hoop
ne craint pas l’altitude, ni la flexibilité
des appuis… Puis, dans les prés retrouvés du Domaine de Charance, trois
petites formes de Yoann Bourgeois.
Une simple fugue à balles blanches, le
bruit d’un métronome, la perfection d’un
geste cent fois revisité... Et le silence
s’installe, prêt à accueillir La Balance
de Lévité, structure à contrepoids sur
laquelle s’arrime Marie Fonte, jeune
femme en apesanteur, tandis que chante
dans un castillan envoûtant la harpiste
Laure Brisa. Yoann Bourgeois est un
artiste généreux, capable de réunir
une vingtaine de personnes après le
spectacle, pour leur faire toucher du
doigt la notion de suspension qui lui
est chère… Un festival de rue d’une
grande qualité, qui réunit les foules, et
sait aussi nourrir leurs esprits.
GAËLLE CLOAREC et AGNÈS FRESCHEL
Tous dehors (enfin) ! a eu lieu
du 30 mai au 1er juin à Gap
Théâtre capital
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Ceux qui avaient vu Notre Terreur à La Criée
s’y sont précipités, avec l’espoir que cette
jeune troupe y tienne les promesses de leur
forme si inventive, et de leur propos si actuel
et si documenté… La promesse est tenue, et
au-delà. Ce Capital ne ressemble à rien que
nous voyons habituellement sur nos scènes. Par
sa dimension d’abord : 20 comédiens, 10 mois
de répétitions précédés d’autant de recherche
et d’écriture. Par son dispositif aussi, bi-frontal
parce que le public est convié à participer au
débat autour de la table, non pour y prendre
la parole, mais pour s’en imprégner comme
des convives de pensée. Car les propos s’y
échangent, s’y chevauchent, s’y reprennent et
s’y interrompent, comme dans une conversation
animée, dans un dialogue naturel fait pourtant
de textes écrits, de citations empruntées aux
personnages représentés (Blanqui, Raspail,
Engels, Louis Blanc…), de propos comme improvisés en commun, l’alcool aidant, et la révolte.
Du Capital proprement dit il n’est pas question,
sinon qu’il est là sans cesse, dans ce moment
historique, 1848, donc 20 ans avant la publication
de l’essai économique fondateur de Marx. Les
personnages parlent, dessinent, mangent,
font des plans pour pénétrer l’assemblée élue
mais bourgeoise, et explicitent peu à peu les
rapports économiques, la plus-value faite sur
le travail, la marchandisation des hommes, les
marges, l’enrichissement de ceux qui possèdent
les outils de production voire, anachronisme
bienvenu, la financiarisation spéculative. Ces
notions, ardues, s’énoncent comme de tirades
romantiques, dans un amour du jeu qui les rend
© X-D.R
lisibles… Car ces comédiens sont fantastiques !
Le prologue, morceau de bravoure, réinvente
la trinité, Freud, Brecht et Foucault habitant
le même corps virtuose… et la fin, procès des
révolutionnaires de juin, invente une forme de
comédie d’invectives improvisées, à la fois
potaches et tragiques, nous rappelant que tous
ces révolutionnaires étaient jeunes, comme
ces comédiens qui aiment encore le théâtre…
Siffler
n’est pas
jouer
AGNÈS FRESCHEL
priori pas majeure : la comédie décline une fois
encore les stades assassins de la naissance de
l’amour dans des cœurs libres, soumis davantage
à leurs propres contradictions qu’à la volonté
de pères plutôt débonnaires. L’originalité de la
pièce vient de là : ces «enfants» à marier sont
privés de mère, et manipulés par une suivante
abusive et son amant intéressé. Christophe
Rauck met en scène le texte sans le desservir,
mais sans véritable souffle (fin de tournée ? de
saison ?). Les comédiens, inégaux, semblent
un peu livrés à leurs envies, et tombent dans la
caricature de leur rôle sans parvenir au comique :
la suivante est bégueule, son coquin coquin,
les pères balourds… les trois jeunes gens s’en
sortent mieux : la jeune sœur est mutine et
délicieuse, l’amoureux tout à fait passionné, et
la fille à marier (Cécile Garcia-Fogel) revêche,
révoltée et… dépassée par son propre désir.
C’est là tout l’intérêt de la pièce, et il est certain
qu’il transparaît !
Ils nous avaient prévenus : on allait
voir une sortie de résidence, c’està-dire un travail à peine commencé,
d’écriture en cours, de mise en
scène ébauchée. Jérémy Beschon
et son collectif Manifeste rien se
sont lancés dans un projet réellement théâtral, non plus une mise
en espace de textes sociologiques
ou historiques, mais une pièce,
avec des personnages, des comédiens, une histoire, des dialogues.
Sans renoncer du tout au théâtre
documentaire et politique, Jérémy
Beschon s’appuie sur des faits
divers qu’il relie : La Marseillaise
sifflée au Stade de France lors du
match France-Algérie, et en 1881,
à Marseille, la chasse à l’immigré
qui fit trois morts italiens, parce
que certains avaient sifflé un défilé
militaire sur la rue de la République.
Mettant en parallèle les propos
nationalistes des journaux, introduisant le tout par une tirade d’une
candidate à l’immigration coincée
à Ceuta, l’histoire se concentre sur
un couple de beaufs ordinairement
racistes, «réinitialisés» par des
plongées mémorielles… Le tout
reste à retravailler, dans l’écriture
et la mise en œuvre, mais le propos
se tient !
A.F.
A.F.
Le Capital, Karl Marx, de Sylvain Creuzevault
et sa troupe, a été joué du 21 au 24 mai
à la Friche, Marseille, dans le cadre
de la programmation de la Criée
Marivaux plan plan
© Anne Nordmann
Aller voir, dans le cocon à l’italienne du Gymnase,
un Marivaux qui tourne partout depuis 2013, a
de quoi faire envie. Celui-ci est classique, mis
en scène en costumes XVIIIe allégés et teintés
d’une touche de jeans contemporains, avec des
rideaux, des tapis et des meubles qui font théâtre
sans faire décor, et des comédiens qui ont les
âges des rôles : des pères vieux, des jeunes
jeunes. Tout cela au service d’une œuvre de
Marivaux, Les Serments Indiscrets, qui n’est a
Les Serments indiscrets ont été joués
au Gymnase, Marseille,
du 20 au 23 mai
La Marseillaise et caetera a été
montré au Théâtre de Lenche,
Marseille, le 23 mai
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«Madame, madame, c’est quoi, un forgeron ?»
Sylvie Delom répond avec un sourire amusé
à la fillette qui lui pose cette question de jeune
citadine. La conteuse vient d’achever le deuxième épisode de son Dit des dames en péril,
récits gigognes en temps de peste médiévale,
à la manière du Décaméron de Boccace. En
quelques accords de guimbarde, elle a attiré sur
la terrasse de La Baleine qui dit «Vagues»
adultes et enfants, fascinés par ces histoires
de poissons géants, seigneurs normands et
demoiselles, dragons, chevaliers et vœux de
chasteté. Il en faut, du talent, pour captiver
ainsi un public distrait par les bagarres prêtes
à se déclencher entre les «zonards» alcoolisés
du Cours Julien, les trottinettes qui filent, les
scooters vrombissant et les joueurs de ballon.
Dans ce contexte difficile, Sylvie Delom donne
une prestation généreuse, pleine d’humour
et de panache, rendant au début de soirée
sur cette place publique une dimension de
partage qui se fait trop rare. On apprend que
c’est la DRAC PACA qui a financé sa résidence,
lui permettant de transmettre un patrimoine
précieux, en retraçant les aventures d’un moine
Sylvie Delom © Gaelle Cloarec
Ce que disent les femmes
du VIe siècle, Brendan... et l’on se dit que tant
que de telles initiatives peuvent encore voir le
jour, tant que les petites filles peuvent découvrir
ce qu’est un forgeron, sur la place d’une grande
ville à l’heure de l’apéro, tout n’est pas perdu.
GAËLLE CLOAREC
Le Dit des dames en péril a été conté dans le cadre
des Oralies, du 9 au 15 juin sur le Cours Julien,
Marseille
Poétiques fontaines
Instalation des étudiants de l’Esart TPM © Maryvonne Colombani
«L’écriture est plus souple que les autres Beauxarts, il n’est pas besoin d’un matériel énorme…
je l’emporte avec moi.» Katy Remy sourit,
mutine, à Yann Nicol qui anime un débat
littéraire avec trois poètes sur les huit invités
lors des Eauditives de Brignoles organisées
pour la 6e année consécutive par la ZIP de
Barjols. Katy Remy, Franck Smith, Ritta
Baddoura, viennent de publier leur dernier
ouvrage aux éditions Plaine Page. Pendant
deux jours, les rues, les places, les fontaines,
le Centre d’Art du Pôle Culturel des Comtes
de Provence voient performances, lectures,
déambulations rimées par une météo tonnante,
installations des étudiants (de l’Esart TPM)
de Patrick Sirot, dont une machine à écrire
musicale… Ritta Baddoura souligne à quel
point il est différent de lire et de dire aux gens.
Le rythme change : l’énergie vient du public.
C’est ainsi que les mots l’emportent et qu’elle
«surfe sur la trace du soleil». Pour Katy Remy,
l’écrivant laisse des traces dont il n’est pas
sûr. Quelle distance existe entre le ressenti
de l’écrivain et la réception du texte ? Y. Nicol
souligne le point commun des ouvrages dans
leur questionnement du rapport au réel. F.
Smith s’insurge : «Ce qui m’énerve c’est dire
que la poésie dit l’indicible. On ne peut pas dire
ce qui nous échappe. Je suis ma langue, mon
monde est ma langue, si je veux augmenter
mon monde je dois augmenter ma langue. Rien
ne peut exister si ce n’est avec les mots que
l’on dit.» La richesse de ces rencontres laisse
une trace qui permet un regard renouvelé sur
monde. La poésie ? Un bain de jouvence.
MARYVONNE COLOMBANI
La 6 édition des Eauditives s’est tenue à
Brignoles les 30 et 31 mai
e
Coulée
Verte
«J’ai vu ce matin une jolie rue dont
j’ai oublié le nom / Neuve et propre
du soleil elle était le clairon» chante
Guillaume Apollinaire non sans
fraîcheur ; il en est une à Marseille
dont le nom claque et que l’on n’oublie
pas : la rue de l’Arc, en plein quartier
Noailles, a rompu avec la poubelle
crevée et le rat affolé pour accueillir
ficus, jasmin, plantes en pots, café
associatif au numéro 5, réparateur
de motos de collection, logement
social pour dames de plus de 35 ans
et artistes de tous âges ; en dehors
de ces catégories, tout le monde est
bienvenu aussi ! C’est justement dans
le cadre d’une résidence / partenariat
entre le théâtre des Bernardines
et Habitat Alternatif Social (la
maison Claire Lacombe du nom de
l’actrice partie de Marseille rejoindre
les Enragés à Paris en 1789) que le
poète / auteur dramatique Lazare
a présenté une partie de ses petits
contes de cruauté et d’obscurité,
suivis de quelques bonnes pages des
injustement nommés Illisibles chez
les Demoiselles du Cinq, le 6 juin.
Que de monde, que de monde dans
cette rue si joliment végétalisée ! Les
personnages créés par Lazare -et
l’auteur lui-même sorti tout droit de sa
propre fiction- semblent y avoir trouvé
naturellement place, tellement leurs
paroles foisonnent, bourgeonnent et
fleurissent ; écriture d’enfance au
sens noble où se pressent Marie,
Quelqu’un, Jérôme, Vladimir, vivants
ou mor ts peu impor te, gentils,
méchants, avec ou sans qualités mais
tous exclamatifs, rapides, efficaces
«ciel, mon mari à la triste figure !» ou
«saute dans ton transformer / traverse
la forêt / n’aie pas peur». Entre rêve
et mensonge, jeu et extrême lucidité,
une langue colorée d’oralité charrie
un monde à toute vitesse, enfante et
enjambe les césures dans une course
contre l’émotion facile, qui ne touche
pas moins profond. La lecture d’Anne
Baudoux, entre autre actrice-complice
des débuts de l’aventure, croise et
distribue les voix avec une facilité
confondante ; de quoi mettre l’eau à
la bouche pour ce spectacle qui sera
présenté à la Minoterie-Joliette cet
automne !
MARIE JO DHO
Sortie de résidence de Lazare / lecture
proposée le 6 juin par les Bernardines
chez les Demoiselles du Cinq,
Marseille
Par tous les sens
Entremets Entremots © Emmanuel Valette
C’est la troisième version d’Entremets
entremots, spectacle évolutif des Nono,
fondé sur le partage, autour d’une table,
de nourritures terrestres et littéraires. De
grands chefs sont mis à contribution pour
fournir les mets de bouche, savamment : il
faut que les neuf plats déclinent leurs saveurs
au gré des mots, et dans les temps, sans
refroidir ou réchauffer, servis à point pour
que l’ingestion se fasse, minutant l’attente…
Le ballet des quatre serveurs comédiens
complète leur performance : ils servent
et desservent en rythme, remplissent les
verres, guettent les carafes vides, ne loupent
pas un regard des 70 convives, tout en
ponctuant le repas de leurs interventions
shakespeariennes ou comiques, chantées
ou mimées, toujours pince-sans-rire. À table
quatre autres comédiens jouent d’autres
textes, plus conséquents. Serge Noyelle
incarne un convive paranoïaque persuadé
d’être au centre des regards réprobateurs,
déglutissant avec peine, blême, des bouchées
forcément fatales ; Marion Coutris, labile,
interpelle les convives, raconte l’histoire peu
glorieuse de ses amis présents, comme une
hôtesse trop empressée finissant par être
cruelle ; Noël Vergès joue au désabusé dada,
au terme d’une séquence de percussions
vocales ; et Marc Siemiatycki dispense
le plus beau des récits, ashkénaze, hilarant,
sur la quête d’une carpe dans les rues de
Paris… Car toutes les interventions parlent
de nourriture, de sa fabrication à sa digestion, et des réminiscences intimes qu’elle
provoque. Si bien que tous les sens sont
ensemble éveillés, puis endormis peu à peu
par la torpeur prandiale, en une partition
polyphonique minutée.
On peut regretter que le repas spectacle
soit si onéreux (70 euros), ou se dire que
si bien manger, et boire, les vaut bien. Car
le premier soir chacune des nombreuses
bouchées, concoctées par le Comptoir des
épices, était un délice. Les performances
culinaires suivantes gagent d’être d’aussi
bon goût ! AGNÈS FRESCHEL
À Venir
Entremets entremots,
jusqu’au 28 juin
Théâtre Nono, Marseille
04 91 75 64 59
www.theatre.nono.com
Jango,
clown
presque
sage
Pour certains, Jango Edwards restera à jamais
cet invité incontrôlable de plateaux télévisés
des années 90, où toute interview dégénérait
en bataille générale de plume ou de bière. Pour
d’autres, Django est d’abord un clown pervers
et obsédé qui ne peut finir sa prestation sans
se retrouver dans le plus simple appareil. À 65
ans, le provocateur s’est assagi mais en tient
toujours une bonne couche. Surtout, il sait
s’entourer sur scène de plus déjanté que lui.
Pour la tournée des 40 ans de carrière, et son
unique date en France, le fou a présenté sa reine,
l’imposante Cristi Garbo. Pin-up catalane aux
formes plus que généreuses, décomplexée à
l’extrême, qui apporte le piment nécessaire au
spectacle. Tantôt duo tantôt duel, le tandem fait
des étincelles. Séductrice ou vipère, matrone
ou SM, Cristi chante, se trémousse et conquiert
la salle avec ses grimaces comme avec ses
tenues déconcertantes. Jango, lui, est fidèle à
son registre burlesque voire absurde, la plupart
du temps sans parole. Un pot-pourri de ses
meilleurs numéros orchestré à la manière d’une
soirée cabaret. Des gestes grivois, des allusions
pas franchement fines et pourtant l’humoriste
hirsute n’est jamais outrancier. Baba anar, il
y va même de ses messages prônant la paix,
l’amour et le sourire permanent. Pour son final,
il invite l’ensemble des spectateurs à monter
sur scène et, comme pour ne pas décevoir ceux
qui ne l’avaient vu qu’à la télé, Jango troquera
sa tenue de clown contre celle d’Adam.
THOMAS DALICANTE
Pas si folles
«Déraisonnables, démentes, détraquées,
absurdes et drôles, les Sea Girls sont restées fidèles à elles-mêmes […] en pire» Du
moins c’est ce qu’elles affichent ! Il est sûr
qu’elles sont pleines d’humour et fidèles à
la tradition du cabaret, et qu’elles explorent
tous les styles du théâtre musical : fanfare,
chansons, musiquettes… et même des
mini-sketchs, partagés avec les musiciens
ou avec le public tantôt intimidé, tantôt
enthousiaste, invité à participer au spectacle.
Malheureusement cela ne suffit pas à faire
rebondir l’élan du départ, et le spectacle se
transforme en divertissement gentillet où les
tours de magie volontairement maladroits
s’enchaînent ainsi que les plaisanteries
devenues communes sur les femmes, qui
Jango Edwards s’est produit le 18 mai
au théâtre Nono, à Marseille,
en clôture du festival Tendance clown
Jango et Cristi Garbo © X-D.R
se consolent sans les hommes, défectueux.
La politique est abordée trop vaguement,
puisqu’il faut voter pour des «cons», donc
continuer à vivre. Le propos subversif de
départ, qui était de fêter la fin de monde,
laisse place à une franche et saine rigolade :
il aurait été idiot de s’en priver car les Sea
Girls nous amusent, à coups de clins d’œil
au western, voire à Lucky Luke et ses Dalton,
de régressions enfantines rappelant que leur
carrière aurait commencé à la maternelle.
Même si la folie reste une demi-mesure !
ALICE LAY
Les Sea Girls fêtent la fin du monde a été joué
au Théâtre du Gymnase, Marseille,
du 3 au 7 juin
21
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Voie lactée
Continu-Alternatif, Georges Appaix © Agnès Mellon
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Sortie d’usine
De bon augure, cette soirée d’ouverture en bleu
de travail et bon enfant, le discours du patron
Jean Charles Gil indissociable désormais du
Ballet d’Europe : l’usine d’électricité d’Allauch
réaffectée en Transformateur, lieu de création
et d’accueil de compagnies va garder désormais
«la clé sur la porte», formule témoignant de
la générosité du projet ; «aller de l’avant…
favoriser les rencontres… aider chacun à trouver
sa place», les mots sont simples et chaleureux,
comme le sont les deux propositions -cadeaux
de la soirée. Le chorégraphe Samir El Yamni
d’abord, en duo avec Laura Boudou, fait
tournoyer lentement les corps, silhouettes
sombres dans une quasi-pénombre qui brassent
et dessinent l’espace au-dessus du plateau lui
très éclairé ; un son, un seul, se déploie le temps
de cette Révolution des Corps et soutient la
ligne d’écriture ; le travail «in progress» semble
osciller encore entre élégance de bon aloi et
Médusant ?
Difficile à cerner, à appréhender et même à
décrire, ce spectacle (peu à voir), cette performance (un moment réitéré à l’infini) ou plus
simplement cette trouée (Percée ?) de l’espace
scénique que présente Rémy Héritier laisse
dans les yeux plus de points d’interrogation que
d’étoiles ! La durée (brièveté des 50 minutes
et peut-être la moitié du temps à essayer de
trouver l’entrée) est très précisément scandée
en trois moments inégaux : un jeu de lumières
mobiles projetées en silence sur une scène
matérialisée par trois côtés de rideaux / une
chorégraphie sobre, taillée dans une épaisseur
pressentie mais peu identifiable, sinon celle
que produit la guitare saturée d’Yves Yvelin
/ un texte de et dit par Marcelline Delbecq
qui fait naître à rebours des images ou donne
des indices sur ce que l’on vient de voir. Fixer
le regard (et les yeux du danseur pointent
parfois sur le public comme pour le rappeler
fermement à son devoir) semble être le moteur
caractère plus marqué. Pas d’hésitation en
revanche pour «l’historique» Georges Appaix
et ses trois jeunes invités qui «improdansent»
vivement, investissent goulûment l’espace
avec leurs objets à jouer (banc debout, chaise
haute, table basse, barres parallèles et ballon
rond), leurs histoires muettes à raconter, leur
pot commun de références gestuelles et leurs
recherches plus personnelles ; une vraie bande
en «bricolade», en déséquilibre stimulant d’où
émerge l’énergie de la puissante Mélanie
Venino ; inutile de dire que le courant passe et
que ce «un pour tous» réjouit tout le monde ; les
sièges –instables, il faut le reconnaître- frétillent
de plaisir. Voilà un beau Transfo de briques, de
pierres et de fer qui se met en mouvement !
MARIE JO DHO
La soirée d’ouverture du Transformateur
a eu lieu à Allauch le 5 juin
Nicolas Le Riche compose avec
Itinérances un «projet de cœur»
qui lui permet de partager avec le
public et des danseurs qu’il aime
un florilège de cinq chorégraphies.
Ainsi, les spectateurs du GTP avaient
le privilège d’applaudir son Odyssée,
superbe pas de deux qu’il joue avec
Clairemarie Osta. Fluidité, délicatesse de cette marche ondoyante
basée sur le pas du Boléro de Béjart ;
le temps de la danse est celui de la
vie, le couple avance, uni, indéfectible,
se sépare, se heurte, se retrouve,
vague inlassable et puissante dans
le clair-obscur des peintres flamands
rythmé par la musique d’Arvo Pärt.
Lui répond le solitaire Shift de Russell
Maliphant. Le corps se découvre
dans sa respiration première, avec
un travail en épure où le personnage
se multiplie dans la symétrie de ses
ombres. Puissance, finesse, sérénité des gestes du Tai-Chi, sur des
musiques de Shirley Thompson,
comme une réflexion rêveuse sur
l’essence même de la danse. Russell
Maliphant interprète sa deuxième
chorégraphie, Critical Mass, aux côtés
de Nicolas Le Riche. Jeu athlétique,
réglé au cordeau, tango ludique et
aérien où les gestes s’orchestrent en
une émulation souple. Deux étoiles
pour l’Annonciation de Preljocaj,
Clairemarie Osta et Isabelle Ciaravola, évoquant l’archange Gabriel et
la Vierge Marie, précédent Le jeune
homme et la mort de Roland Petit.
Nicolas Le Riche retrouve sa partenaire d’Odyssée dans cette œuvre qui
contraste avec le dépouillement des
autres pièces. Quel que soit le style
abordé, l’interprétation est brillante
sans clinquant, pertinente et sensible.
Un enchantement.
MARYVONNE COLOMBANI
et la raison d’être de chaque geste. Rémy Héritier
porte de grosses chaussures et une chemise à
carreaux ; c’est une personne, un homme qui
apparaît puis disparaît, fait face à une lumière
de derrière le rideau, ouvre la bouche, fait
tourner sa jambe, pirouette ou met le genou
au menton ; cette séquence se répète comme
le geste du guitariste qui branche et débranche
sa guitare ; figures spiralées, rosaces ; tout un
univers auquel on finit par «s’attacher», désert
fertile, révélé par l’arrondi du mouvement, sa
fermeté aussi et sa détermination ; la référence
au héros mythologique Persée, vainqueur du
regard pétrifiant de la Méduse invite aussi à la
rêverie mais n’aide pas à penser en quoi tout
cela consiste. M.J.D.
Percée Persée a été présenté au petit plateau de
la Friche, Marseille, les 12 et 13 juin dans la
programmation de Marseille Objectif Danse
Itinérances a été dansé les 20 et 21
mai au GTP, Aix-en-Provence
Nicolas Le Riche © X-D.R
Aux limites
de la déraison
Ivo Dimchev ne lâche rien. Et le public est son miroir. Le
chorégraphe-acteur-chanteur-musicien bulgare se livre
à une performance autiste, regard perdu dans le vague,
inquiétant, et toujours borderline ! Difficile dans cette
mise en abîme de «soi» de ne pas laisser le spectateur
errer entre les jeux de rôles et de perruques, les parties
chantées, les répétitions en boucle d’un texte anglais
débité à la mitraillette, les gestes absurdes comme
de caresser son chat en porcelaine ou de boutonner
et déboutonner sans cesse sa chemise… D’où une
interrogation légitime sur cet objet étrange, indéfinissable
qui détourne continuellement voix, objets, corps et
sons : qu’est-ce qui est en jeu ici ? Peut-on parler de
performance bouffe comme de l’opéra bouffe et prêter
à Ivo Dimchev un penchant prononcé pour le comique
et la légèreté ? Sauf que les thèmes qui traversent
Som Faves n’incitent pas à la plaisanterie, tels la figure
de la mère, la mort, la nourriture, l’art et le sang dont
il se soutire du bras l’équivalent d’une seringue avant
de s’en asperger le visage. Ivo Dimchev avait pourtant
prévenu l’assistance, lui lâchant face to face un «Relax»
suspicieux et inefficace… On reconnaîtra cependant
à l’artiste, installé à Bruxelles où il dirige son propre
espace de performance, le Volksroom, un sens habile
de la composition et du rythme, enchaînement à flux
tendu épisodes planants, débordements hystériques,
gaucheries ridicules mais drôles, ruptures intempestives.
Mais être un bon artisan de la performance suffit-il à
renouveler le genre ou, tout du moins, à apporter sa
pierre à l’édifice ?
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Som Faves a été donné le 24 mai
au CNCDC Châteauvallon, Ollioules
Som Faves © Ivo Dimchev
Élégance burlesque
M
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© Claire Besse
24
La Cie Les Brigands butine dans le
répertoire les partitions tombées dans
l’oubli. Avec le joyeux dytique Croquefer
et Tulipan, la compagnie s’attache à
deux opéras bouffe d’Offenbach, dans
une mise en scène aussi économe que
déjantée de Jean-Philippe Salério. La
partition d’Offenbach, enjouée, est emplie
de pastiches, de clins d’œil, Meyerbeer,
Donizetti, Halévy… Pour Croquefer, un
miroir incliné conçu par Thibaut Fack
permet un traitement de marionnette
des personnages, qui peuvent jouer soit
étendus à même le sol, donnant l’illusion
de la verticalité lorsque l’on regarde le
reflet, soit debout, se dédoublant dans
une esthétique qui souligne l’illusion. On
se retrouve dans la parodie des Matamores
avec le preux chevalier Croquefer qui se
défend contre son ennemi juré Mousseà-Mort dont il retient la fille prisonnière,
la délicieuse Fleur-de-Soufre qui séduit
Ramasse-ta-Tête, neveu de son ravisseur…
Trahisons, empoisonnements, quintette à
boire désopilant… Les Monty Python ne
renieraient pas le spectacle, pas plus que
L’île de Tulipatan où les quiproquos, les
situations cocasses s’enchevêtrent dans
un rythme réglé aux petits oignons. Les
noms des personnages sont aussi délirants,
que ce soit le duc de Cacatois XXII ou le
grand sénéchal Romboïdal. Le grand miroir
est ici dressé face au public qui est ainsi
intégré à la pièce. Le jeu des apparences
et des dévoilements s’emballe dans une
irrésistible escalade comique. Les chanteurs
(excellents) sont aussi comédiens. La salle
hilare en redemande. Légèreté, élégance
et grotesque se conjuguent ici avec brio.
MARYVONNE COLOMBANI
Croquefer et Tulipan ont été joué du 21 au 24
mai au Jeu de Paume, Aix-en-Provence
Revival ou fac-similé ?
La Face cachée de la lune est la reprise
fidèle, bruit à bruit, de l’album culte des
Pink Floyd, simplement agrémenté de
passages électroacoustiques entre les
plages, et donné à voir dans ses effets :
on visualise comment les musiciens se sont
amusés à caler leur caisse enregistreuse,
un papier déchiré, des sons concrets, une
horloge, dans Money ou The Dark side of
the moon, et on mesure combien ce rock-là
était musicalement inventif, dans ses sons
et sa liberté formelle. Pourtant l’idée de
ce revival surprend. Pourquoi reprendre
cette musique à la lettre, forcément moins
bien parce que le chanteur n’a pas le
grain de voix, parce que le bassiste rate
quelques solos, parce que la batterie est
agressive ? Cela donne à voir les effets,
ce qui permet de mieux les entendre ;
cela fait entendre aussi une musique plus
contemporaine et abstraite qui fait liaison ;
surtout, cela interroge sur la légitimité de
ce que l’on reproduit en concert : pourquoi
rejoue-t-on Mozart, et pas Pink Floyd ?
une série de réponses est possible ; la
musique de Mozart contient en elle une
possibilité d’interprétations infinies (et
pas Pink Floyd) ; ou bien : The Dark Side
of the moon est un album enregistré, donc
fixé, et pas une partition qui nécessite
une (autre) lecture ; ou bien : il existe
une musique populaire faite de standards
ou de chansons qui, contrairement à la
musique écrite classique, se réinterprète
en variant, et non à l’identique. Arguments
tous discutables… Le Fac-similé, ovationné
par le public partout où il passe, a pour le
moins la qualité de poser des questions !
AGNÈS FRESCHEL
La Face cachée de la lune a été joué au
Merlan, Marseille, les 22 et 23 mai
Bulgar Unplugged © J.F
Visages de
la cornemuse
© Patrick Berger
La cornemuse est un instrument étonnant dont
la genèse s’avère très ancienne, antique voire
égyptienne, et à la répartition géographique
vaste puisqu’on l’utilise dans de nombreuses
cultures : européennes, maghrébines, caucasiennes, perses, indiennes... Si le principe est
commun à toutes ces origines (adjonctions
d’un réservoir d’air à un «hautbois», permettant un souffle continu, ou d’autres tuyaux
pour réaliser une polyphonie en «bourdon»),
l’instrument se présente sous des formes très
diverses. Autrefois pastorale, conçue pour le
plein air, la cornemuse possède un répertoire
abondant dans les domaines des musiques
de cour ou les fastes militaires. Aujourd’hui
il lui arrive même de flirter avec l’électro ou
le jazz ! Ce sont ses différents visages que
l’on a pu découvrir à Marseille lors du festival
que la Cité de la musique lui a consacré.
On sent encore la «bête» dans l’instrument
utilisé par le jeune groupe Bulgar Unplugged.
L’outre dans laquelle on souffle, à pleine
bouche, se gonfle telle une peau animalière
qui semble encore respirer. Les doigts s’agitent
sur les quelques trous percés dans une flûte
de bois que l’on change selon les tonalités.
Et ça vibre et trille sur un réservoir de notes,
certes minimal, mais sans pour autant que
cela provoque une quelconque frustration.
Rehaussées de l’accordéon et d’une percussion
à double face (tapan), ce sont des musiques
de danses ou des mélopées contemplatives
magyares qu’on a découvertes au concert
d’ouverture.
C’est ensuite en Irlande que nous a conduit
Triskells. Accompagné d’une harpe et d’un
tambour (bodhran), leur «piper» est un virtuose
qui joue sur un instrument ultra-performant !
«Formule 1» de sa catégorie, il figure à lui seul
un mini-orchestre alliant la basse (bourdon),
une mélodie supérieure sous laquelle se glisse
un surprenant accompagnement harmonique
issu d’on ne sait quelle anche !
Au bout d’une semaine, la manifestation s’est
achevée en «balèti» (bal traditionnel). On
se souviendra avoir festoyé dans le luxueux
hall de la Villa Magalone, aux rythmes des
scottish, gigues, bourrées... et aux sonorités
entêtantes des instruments conduits par Eric
Montbel !
JACQUES FRESCHEL
Le festival de la cornemuse s’est tenu du 20 au 25
mai à la Cité de la Musique, Marseille
D’étroits désirs
Faut-il couvrir -et par conséquent en
© X-D.R
faire une certaine promotion- le nouveau
groupe de Bertrand Cantat lorsque l’on
s’affirme comme un journal ouvertement
féministe ? La question s’est posée.
La réponse n’a pas tardé. Comment
justifier journalistiquement de faire
l’impasse sur la résurrection musicale
et artistique de celui qui a écrit l’une
des plus belles pages de l’histoire
du rock français de ces 25 dernières
années ? Il y a d’ailleurs une atmosphère particulière, ce soir-là, dans la
salle bondée du Moulin. Difficile de faire le tri
entre les fans éclairés et la frange du public qui oscille entre la curiosité
et le voyeurisme. À l’exception de quelques titres de l’album Horizon
(Ma muse, Le creux de ta main, Ange de désolation, Droit dans le soleil,
Sa majesté), coécrit avec Pascal Humbert, Détroit fait du Noir Désir.
Des visages et des figures, À ton étoile, Lazy, Le vent l’emportera, Fin
de siècle, Tostaky. Tout y passe ou presque. Du Noir Désir revisité avec
sobriété, aux arrangements soignés. Un rock toujours aussi ténébreux et
tourmenté, passant de la troublante ballade mélancolique à l’exultation
électrique. Une voix identifiable entre mille, qui a gagné encore en
profondeur. Au fil du concert, Cantat sourit, se détend, plaisante sur
l’OM. Et si Détroit apparaît parfois comme un prétexte à donner une
nouvelle vie à des morceaux d’anthologie, il s’en dégage une écriture
pure et l’envie de ne pas transiger sur la sincérité. Peut-être la seule
raison qui les conduit à jouer. On n’est pas à l’aise mais on applaudit
des artistes qui, finalement, ne cherchent qu’à faire leur métier.
Climats
des origines
Charlie Free nous a concocté une surprise et aussi une
découverte en invitant la chanteuse et pianiste Macha
Gharibian. Dès les premières notes du concert, le public est
embarqué dans une aventure sonore inhabituelle. Le quartet,
réuni par la pianiste, a produit un enregistrement en 2013,
Mars, sous le label Bee Jazz. Atmosphères changeantes,
truffées d’arrangements et de sons électroniques produits
par une guitare véritablement méconnaissable, qui tournent
comme un orage au-dessus de nos têtes. Le piano tisse des
mélodies aux couleurs lancinantes, provenant d’Arménie
ou du fond du cœur. Elles se colorent de tonalités plus
ouvertes au jazz et au rock. Toutes les nuances de climats
se chevauchent, de la douceur à la transe. Le groupe Bratsch
résonne au lointain, on ne renie jamais ses origines ! La
contrebasse de Théo Girard, fascinant, est là, en appui, en
parfaite osmose avec l’excellent batteur Ariel Tessier qui
démontre, encore une fois, que le son se découpe, se claque,
hurle, dialogue enfin, de sa voix singulière, avec le quartet.
Les quatre notes obstinées de Ritual Prayer annoncent un
chant mystérieux, une incantation adressée aux cieux ; notre
sang se glace, la guitare de David Potaux-Razel, vraiment
très inventif, crache un son saturé venu des nébuleuses. Une
recherche d’originalité qui refuse l’enfermement musical,
voilà ce que le quartet de Macha Gharibian a voulu nous
faire entendre.
DAN WARZY
THOMAS DALICANTE
Detroit s’est produit le 21 mai au Moulin, à Marseille
Ce concert a été donné au Moulin à Jazz de Vitrolles le 24 mai
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Opus
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Natalie Dessay © Simon Fowler
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Pas encore très bien rodé le Rio Paris au
départ de Marseille le 18 mai ! Non pas
que les quatre hôtesses d’un soir, ayant
guidés le public de l’Opéra au cœur de
la musique brésilienne, aient manqué
d’atouts et d’attraits, mais la première
représentation de leur spectacle en tournée
a parfois souffert d’un défaut d’huile dans
les transitions... et ce malgré le verbe
«cool» d’Agnès Jaoui et sa vertu à meubler
les temps morts par quelque pirouette
artificiellement naïve... à laquelle les
autochtones ont bien voulu sourire. La
comédienne, du reste douée d’une belle
voix sombre d’alto, s’est volontiers complu
dans l’incarnation tragique d’une diva
de fado larmoyant sa «saudade», tandis
qu’Helena Noguerra faisait swinguer
ses racines portugaises. Cette dernière
est une belle plante d’actrice... mais son
timbre vocal n’est pas à la hauteur de sa
plastique ! La Dessay quant à elle a occupé
la scène et le registre aigu, monopolisant
les regards et l’oreille. C’est pour le moins
une «vraie» chanteuse : ça s’entend... et
c’est juste !
Reste une superbe guitariste ! Liat Cohen
a bâti un programme séduisant qu’elle a
porté de ses six cordes, à fleur de doigts :
ce furent Baden Powell ou Carlos Jobim
faisant danser les mots de Vinicius de
Moraes, la mélancolie sensuelle d’une
vocalise (Bachianas Brasilieras n°5) de Villa
Lobos, les standards Manha de carnaval ou
Desafinado et de superbes arrangements
à trois voix (Rafi Kadishson) de mélodies
connues sous nos latitudes grâce à Moustaki
(Les eaux de mars) ou Nougaro (Bidonville),
qu’on a goûtés au rythme bien balancé
du charmant quatuor féminin.
JACQUES FRESCHEL
Le concert Rio Paris a été donné
le 16 mai à l’Opéra de Marseille
Diptyque tragique...
...dans l’idyllique cadre de la Sicile et de
l’Italie du sud, lieux propices au déchaînement des passions où les sentiments
sont poussés à leur paroxysme. L’amour,
la jalousie, la mort cohabitent dans ces
deux «tranches de vie» dépeintes par
Mascagni et Leoncavallo : Turridu tombera sous les coups de couteaux du mari
bafoué dans Cavaleria Rusticana, la belle
Nedda subira le même sort, poignardée
par Pagliacci. Dans le sang est lavé l’honneur de l’être trahi, humilié. La violence
est abrupte, directe, ramassée dans un
temps bref chez le premier, elle est autre
chez Leoncavallo, progressive, sourde,
terriblement efficace. Ces deux œuvres
sont servies par un plateau de chanteurs
admirables, d’une grande homogénéité,
tant par les rôles féminins, Santuzza en
tête, Nino Surguladze, exceptionnelle en
femme blessée, épaulée par la superbe
Svetlana Lifar, Mamma Lucia, tout en
contraste avec la légèreté de Lola, et
Virginie Verrez, à la voix un peu tendre,
que par les deux protagonistes masculins,
avec une double casquette, Turridu et
Canio pour Jean-Pierre Furlan, ténor
habité par le(s) rôle(s), complètement
investi dans ces tragédies, et le très bon
baryton corréen, Seng Hyoun Ko, Alfio,
le mari vengeur, et l’ignoble Tonio dans
Pagliacci. Conquis par la mise en scène de
Jean-Claude Auvray dans Pagliacci, moins
convaincus pour Cavaleria ; enchantés
par la voix de Silvio, Armando Noguera
toujours aussi talentueux, entouré de
Léonardo Cortellazzi, Jean-François
Baron et Patrice Laulan très bons dans
leurs rôles respectifs ; un peu déçus par
le manque de puissance dans les aigus de
Nedda, Brigitta kele, avec par contre des
médiums très chaleureux... ce diptyque fut
de très belle facture et enthousiasma le
public de l’Opéra d’Avignon. À la direction
de ces maîtres véristes, Luciano Acocella :
l’Italie jusqu’à la pointe de la baguette...
CHRISTOPHE FLOQUET
Cavaleria Rusticana et Pagliacci ont été donné
le 18 mai à l’Opéra d’Avignon
d’aujourd’hui...
«classiques»
demain ?
On a retrouvé, le 3 juin dans la salle de concert
de la rue Grignan à Marseille, l’ensemble
vocal Musicatreize dans sa formation la plus
traditionnelle, celle qui avait inspiré son nom
au groupe fondé par Roland Hayrabedian
en 1987 : soit douze chanteurs et leur chef
(12 + 1) faisant de la «musique à treize».
Ce sont deux compositeurs d’aujourd’hui,
Alexandros Markeas et Zad Moultaka, parmi
les plus doués de leur génération (nés respectivement en 1965 et 1967), qui ont été
chantés dans un programme d’opus pour le
coup «contemporains» puisque écrits entre
2007 et 2013. Issus du bassin méditerranéen,
tous deux structurent leur langage à partir
d’une dialectique artistique moderne, tout
en puisant à la source de leur bain culturel
grec et libanais.
Si Alexandros Markeas revisite la forme d’une
berceuse chantée par une mère grecque, où
la figure mythologique de Bacchus, c’est
pour évoquer l’endormissement des masses
à la suite de la lourde crise économique
qu’a subie son pays (Wall Street Lullaby), ou
questionner notre «société du divertissement»
dans ce qu’elle a de tragique (Dionysos, le
vin, le sang).
Quand Zad Moultaka empile ses feuillets
chorals en Cadavres exquis musicaux, c’est
pour envisager ce qui dans le «jeu» surréaliste met en «je» la mémoire et l’obsédante
volonté humaine de donner du sens au pur
hasard, et quand il dessine un clair-obscur
sonore à partir de tableaux de Raoul Ubac
et Nicolas de Staël, le musicien convoque
aussi la langue et la philosophie classique
arabes. Serait-ce pour proposer à l’auditeur
un «point de vue» non conventionnel sur la
disparition du sujet ?
C’est en tous cas avec une grande maîtrise
expressive et technique que les chanteurs,
accompagnés parfois d’un dispositif électroacoustique mis en œuvre par le GMEM- CNCM
Marseille, ont livré des opus qui constitueront
à n’en pas douter un patrimoine pour demain !
J.F.
© J.F
Destination Brésil !
Pauline Viardot (1821-1910) est,
avec sa sœur aînée la Malibran
(morte à 30 ans d’un accident
d’équitation), l’une des grandes
artistes lyriques du XIXe siècle. De
la génération de Clara Schumann,
comme elle compositrice (et
pianiste), issue d’une famille de
musiciens (fille du ténor espagnol
Manuel Garcia), elle incarne avec
elle (et aussi Fanny Mendelssohn,
Cécile Chaminade, Louise Farrenc
ou plus tard Alma Mahler) une
grande figure féminine du monde
musical d’alors, «pré carré» réservé
aux hommes. Douée d’une voix hors
normes, alliant les tessitures d’alto
et de soprano, Pauline Viardot a
triomphé dans l’Europe entière,
en particulier dans les rôles de
Rossini.
Dans Viardot, la liberté, spectacle
conçu en 2013 au Festival d’Aix
par l’Académie Européenne de
Musique, et repris pour Aix-enjuin en 2014 au Jeu de Paume,
© Patrick Berger
«Viardot, la liberté»
on découvre la cantatrice dans
les années 1840, au moment
où elle fut contrainte de faire
carrière à l’étranger du fait d’idées
républicaines peu compatibles avec
la Monarchie de juillet. C’est au
regard de sa correspondance avec
sa compère George Sand, mais
aussi «Chip Chop» (Chopin) et son
ami-amoureux Ivan Tourgueniev,
qu’on suit ses succès à Vienne,
Berlin, Londres, Saint-Pétersbourg,
dans une mise en scène subtile
et gentiment burlesque (Côme
de Belliscize).
Les trois jeunes femmes sont
belles à voir et pleines de talents.
Catherine Trottmann possède
un magnifique timbre de mezzo
et chante, à côté d’airs célèbres
et périlleux de Rossini (Rosine,
Desdémone, Stabat mater), Bellini
(«Casta Diva»), Haendel («Lascia
ch’io pianga») des mélodies peu
connues de Viardot et des extraits
de son opéra Cendrillon (composé bien plus tard en 1904). La
comédienne Violaine Schwartz
lit, tout en jouant les situations
proposées avec habileté et mesure,
des lettres pleines d’humour et
de tendresse, tandis qu’Edwige
Herchenroder leur rend la pareille
au piano. Une heure d’un spectacle
fin et enrichissant !
JACQUES FRESCHEL
Viardot, la liberté a été donné
le 7 juin au Jeu de Paume, Aix,
dans le cadre du Festival
d’Aix-en-juin
«Quand vais-je
y voir clair ?»
Une échelle
de choix !
La Flûte enchantée est un
«Singspiel» qui, sur le ton de la
fable, fait alterner des dialogues
parlés et chantés accompagnés
d’instruments. Pour faire court,
on en fait un «opéra», ce qu’il
est... au plus haut point ! «Opéra
des opéras» sûrement, car il laisse
ouvert, plus qu’aucun autre, le
champ des lectures possibles !
Il est probable que, lors de la
création dans un théâtre populaire
viennois en 1791, le chef-d’œuvre
de Mozart ne fut pas joué dans un
mutisme respectueux du monument
qu’on en fait aujourd’hui. Aussi
n’a-t-on pas été surpris d’entendre
une partie du public marseillais
(beaucoup d’enfants, mais pas
que...), le 13 juin à la Maison de
la Région, réagir, haranguer les
artistes, voire les houspiller, rire
et battre des mains sans retenue
au gré de l’«enquête» aux vertus
«pédagos» initiée par la metteuse
en scène Sybille Wilson. On ne
sait si on y a vu plus «clair» après
cette expérience didactique dans
les méandres d’un opus où il est
tant question de Lumière, mais
gageons que certains spectateurs
de la petite salle de la Canebière
auront envie de se rendre à la
Sans ténor du barreau, ou chanteurs de classe mondiale,
de jeunes artistes de l’académie ont embrasé le Jeu
de Paume.
Le joli théâtre aixois, très feutré, d’ordinaire très tranquille, s’est fait envahir par une troupe de chanteurs
enthousiastes et fantasques, déclinant vocalises infernales
et autres airs dantesques en se barbouillant de crème
chantilly, dégoulinant sous des gerbes de champagne et
des nuages de plumes d’édredons éventrés ! Le facétieux
Rossini se serait délecté de cette mise en scène délirante
de Côme de Bellescize, où un serviteur en salopette
croise un monsieur très bien en tenue de super héros
franchouillard tout droit sorti du générique de Papy
fait de la résistance ! Et quel plaisir de voir ces artistes
se faire plaisir, et donner sans demi-mesure de la joie
à un public enthousiaste. Giulia, Anna Maria Sarra et
Germano, Mark Diamond, sans vouloir faire offense
aux autres chanteurs tous très investis dans leur rôle
et au talent certain, ont marqué de leur empreinte
cette farce savoureuse. L’amant, Nikhil Navkal, futur
grand ténor rossinien, et Philippe Estèphe, le mari
promis, au jeu de scène excellent, ainsi que le duo
formé de l’électrique Lucilla, Ilektra Platiopoulou, et
du placide Dormont, Patrick Kabongo Mubenga, ont
complété cette distribution de haute volée dirigée de
main de maître par Francesco Pasqualetti. Le piano de
Benjamin Laurent, alerte et gracile, porta ces chanteurs
au sommet de l’Echelle de soie.
projection publique de la production aixoise prévue au Théâtre
Sylvain le 9 juillet !
Au demeurant, grâce aux atouts
des deux jeunes chanteurs Sophie
Junker (soprano) et Guillaume
Paire (baryton), passant allègrement (et vocalement !) de
Pamina et Papageno aux autres
protagonistes, au jeu solaire du
pianiste Vincent Leterme (malgré
un clavier médiocre), on a pu voir
s’éclairer ci et là certains pans
du mystère. Et on s’est amusé
lorsque le public, placé dans une
situation de «metteur en scène»
a désiré voir (événement unique
dans l’histoire de l’opéra !) Pamina
tuer le sage Sarastro !
Enfin, si l’on considère que La
Flûte enchantée est fondamentalement un opéra populaire et
initiatique, l’entreprise conduite
à Marseille a fait mouche, d’une
façon inattendue certes... mais
instructive ! J.F.
Quand vais-je y voir clair ?
a été joué du 9 au 13 juin
à Aix, Marseille et Gardanne
pour Aix-en-Juin
CHRISTOPHE FLOQUET
La Scala di Seta a été donnée au Jeu de Paume, Aix,
le 13 juin dans le cadre du festival Aix-en-Juin
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Les spectres planent sur le IN
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Cela fait des mois qu’à Avignon la coordination des
intermittents s’organise et multiplie les interventions
pour alerter sur le caractère inacceptable de la
réforme de leur régime d’indemnisation, et les
risques de voir resurgir le spectre du Festival
2003. Aujourd’hui la machine s’emballe (lire p. 8).
Le 10 juin, conscients de la menace qui pèse sur
l’édition 2014, la maire d’Avignon Cécile Helle
(et vice-présidente de la culture en région paca)
et Olivier Py (qui s’est officiellement engagé
dans la défense des intermittents et a réclamé
auprès du Premier ministre un moratoire sur
l’accord du 22 mars et une réouverture des
négociations) rencontraient les syndicats. Le
soir-même, en Assemblée générale, les techniciens, artistes, régisseurs du In annonçaient
se réserver le droit de se mettre en grève dès le
4 juillet, si le protocole d’accord de l’assurance
chômage du 22 mars était agréé par le ministre
du Travail François Rebsamen, en publiant un
communiqué explicite : «Une réforme oui mais
une réforme juste !». Les leçons de l’annulation
du In en 2003 ne sauraient-elles être tirées ?
Rappelons que les retombées économiques
du festival sont estimées à 25 millions d’euros
pour la ville…
Vitrioli © Marilena Stafylidou
Agora des contestations ?
Olivier Py, pour son premier Festival, a beaucoup
insisté sur le rôle social et «l’expérience politique et collective» de celui-ci. Nous y sommes
pleinement ! Et si en ce mois de juillet Avignon
devient l’agora des revendications et des mouvements contestataires, il reste à espérer que
le public -« qui fait la réussite du festival» selon
Vilar- soit solidaire et au rendez-vous pour saisir
non seulement l’interprétation du monde que
proposent les artistes sur scène, mais aussi,
urgemment, celui qu’ils vivent au quotidien, loin
des projecteurs. Que cette «communauté d’esprit
qui se réunit pour apprendre à être politique,
pour comprendre par l’œuvre des artistes et des
poètes comment être au monde» selon Olivier
Py, soutienne ses artistes, quoi qu’il arrive. Les
Ateliers de la pensée, ouverts de 11h à 19h sur
le site Louis Pasteur de l’Université, prévus pour
accueillir des rencontres et «tous les débats qui
ont agité la France dans l’année», deviendront
en ce sens l’épicentre du Festival de théâtre.
Les poètes au cœur de la cité
Car si le Festival est un lieu d’engagement et
d’ouverture au monde, plongeant la ville dans
un état d’«ébullition intellectuelle», il s’agit,
aussi, d’un festival de théâtre indisciplinaire. Et
la programmation de cette 68e édition mérite
une attention particulière, avec 36 spectacles
qui ouvrent un dialogue Nord-Sud en invitant des
poètes venus de Grèce, de France, des mondes
persans ou arabes. Olivier Py, qui présentera trois
pièces dont la création Orlando ou l’impatience,
a organisé une édition tournée vers la jeunesse,
avec des tarifs réduits «pour endiguer les principes
d’exclusion», et un lieu dédié au jeune public,
les Pénitents Blancs, qui accueillera Falstafe de
Novarina monté par Lazare Herson-Macarel.
Don Giovanni. Letzte Party © Armin Smailovic
L’émergence sera également un fer de lance :
25 artistes ne sont jamais venus à Avignon et
près de la moitié a moins de 35 ans : le plasticien
Alexandre Singh dans The Humans, Antônio
Araujo pour une déambulation autour du thème
de la crise économique dans le bien-nommé Hôtel
des Monnaies, Emma Dante avec Les sœurs
Macaluso, Marie-José Malis, les chorégraphes
Arkadi Zaides, Thomas Lebrun ou Julie
Nioche. Et puis aussi Antu Romero Nunes,
Josse de Pauw & Kris Defoort, Ivo Van Hove,
Marco Layera, le néo-zélandais Lemi Ponifaso,
la roumaine Gianina Carbunariu, le belge Fabrice
Murgia, le grec Dimitris Karantzas. Présenté
déjà à Marseille (voir Zib’ 73) et à certains collégiens
d’Avignon, Othello, variation
pour trois acteurs de Garraud
et Saccomano sera itinérant.
2014 comme possible (un titre
prémonitoire ?) de Didier Ruiz
sera créé avec des adolescents
de la ville.
On retrouvera Claude Régy,
Alain Platel, Michel Raskine,
Robyn Orlin, Thomas Ostermeier dans Le Mariage de Maria
Braun de Fassbinder, Denis
Guénoun, quatre œuvres de
Lydie Dattas dont La Chaste vie
de Jean Genet lue à la Cour par
Guillaume Gallienne, et les Têtes
Raides avec Jeanne Moreau
dans Corps de mots. Et pour
réveiller les fantômes du Festival
et offrir des moments de théâtre
inoubliables, Mai, juin, juillet de
Schiaretti, Mahabharata par
Satoshi Miyagi, Le Prince de
Hombourg revu par Giorgio
Barberio Corsetti, et l’intégrale
d’Henry VI de Shakespeare
monté par Thomas Jolly en
18h. Et toujours les Sujets à
vifs, le Cycle des Musiques
Sacrées, les Territoires Cinématographiques, les Fictions
de France Culture…
Une édition qu’il serait vraiment
douloureux de voir partir en
fumée !
DELPHINE MICHELANGELI
Festival d’Avignon
du 4 au 27 juillet
04 90 14 14 14
www.festival-avignon.com
Les enfants ont leur festival
L’homme qui plantait des arbres © Brigitte Pougeoise
À la Maison du théâtre pour enfants,
tous les mois de juillet, l’Éveil Artistique
des Jeunes Publics met les bouchées
doubles pour offrir aux familles en général,
et aux enfants en particulier, le cadre idéal
à la découverte du spectacle vivant. La
32e édition du Festival Théâtr’enfants ne
déroge pas à la règle en proposant 17
jours de théâtre, de danse et de conte,
des espaces de détente, des ateliers de
pratique artistique et des apéros-sirops à
la sortie des spectacles, dans un espace
privilégié à 200 mètres des Remparts. Non
seulement un emplacement en périphérie
d’Avignon exemplaire, lieux que le président
du Off Greg Germain appelle par ailleurs
de ces vœux à s’élargir, mais également
le plus grand évènement jeune public, et
de qualité, du Off.
14 rendez-vous sont au menu de 9h45 à
16h30. Cela débute à l’attention de tout-petits
avec un voyage musical et tactile dans
Métamorpf’os, suivi de Flûtt, du théâtre
dansé doucement émancipateur de la Cie
marseillaise Piccola Velocita joué deux fois
par jour (voir Zib’74). Pour les plus grands,
le Théâtre du Phare et Olivier Letellier
(Molière du spectacle jeune public en 2010
Marche ou rêve, les marionnettes de la Cie
Arketal dans l’Homme qui plantait des
arbres adapté de l’œuvre remarquable de
Jean Giono, le thème du vagabondage
abordé par la Cie Agora Theater dans
Bagatelle. Également des pièces aux titres
évocateurs : Non ! de Praline Gay Para sur
la notion d’opposition, Le Journal de Grosse
Patate sur la différence, Timide et la peur du
regard de l’autre ; et de la créativité et des
émotions à revendre dans Rêves de sable
créé par l’illustrateur Borja González. Côté
musique, de belles productions avec Jeu à 3
mains du Teatro All’improvviso (qui expose
également la Forêt bleue), inspiré de la pièce
pour piano Pour les enfants de Bartok, ou
Les petits doigts qui touchent avec Gérard
Baraton à l’accordéon. Lamine Diagne,
conteur multi-instrumentiste de la Cie de
l’Enelle rassemblera toutes les disciplines
dans sa création Tout petit homme.
DE.M.
avec la pièce Oh Boy !, voir Zib 73) abordent
la force du lien fraternel dans Vénavi ou
pourquoi ma sœur ne va pas bien. Il y aura
aussi du conte circassien et initiatique avec
L’âge de raison
Organisé par Arts Vivants en Vaucluse, la
manifestation avignonnaise d’avant-festival
fête, déjà, sa 7e édition. Une belle maturité
donc pour le festival Vaucluse en Scène qui
continue de mettre à l’honneur les artistes
du département dans le charmant cadre de
la Cour Saint Charles. Ces rendez-vous
gratuits se peaufinent et offrent aujourd’hui
une diversité et une qualité indéniables.
L’Orchestre régional Avignon Provence,
dirigé par Samuel Jean, donnera le coup
d’envoi avec une soirée Mozart pour une
nuit d’été. Au programme, l’Ouverture de
Don Giovanni et la Symphonie Haffner,
entrecoupées par le concerto n°20 pour piano
et orchestre, interprété par le jeune pianiste
Rémi Geniet. La compagnie itinérante
Éclats de Scène pose son théâtre avec
une création jeune public sur la tragédie des
enfants soldats (à partir de 12 ans) : Le Bruit
des eaux qui craquent de Suzanne Lebeau.
Olympides © Erick Priano
Deux percussionnistes-bruitistes, Guigou
Chenevier et Loïc Guénin, s’emparent
du film expressionniste muet Le Cabinet
du Dr Caligari, pour un ciné-concert aussi
délicieusement extravagant que cette histoire
de somnambule du cinéaste allemand Robert
Wiene. Onirisme encore avec Les Fantaisies
oenolyriques de Waf Waf Production, où
l’évocation du vin est prétexte à savourer
un répertoire déroulé de Verdi à Offenbach.
Retour au théâtre avec la comédie citoyenne
Les Olympides (chapitre 3) de la Cie Art.27
(que l’on retrouvera pendant le Off au théâtre
des Halles sur un texte de Catherine Monin,
voir p. 30), qui questionne la problématique
de l’eau avec pertinence et humour. Moukam
Fonkam ouvrira Une Fenêtre entre danse
contemporaine et parole, créant des liens
entre culture, politique et réalité du quotidien.
Dans Bleu Horizon, pour clore le festival, les
lettres de poilus seront mises à l’honneur,
et en lecture théâtralisée, par la compagnie
La Naïve.
Les rendez-vous ont lieu à 20h30 ou 21h45,
il est prudent de réserver.
DE.M.
Vaucluse en Scène
du 27 juin au 3 juillet
Cour Saint Charles, Avignon
06 07 50 94 84
www.artsvivants84.fr
Festival Théâtr’enfants et tout public
du 8 au 26 juillet (relâches les 13 et 20)
Avignon
04 90 85 59 55
www.festivaltheatrenfants.com
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Plein le OFF !
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Chaque année c’est pareil : malgré une hausse
constante des spectacles et les réponses, toujours
évasives, sur la charte déontologique censée
réguler l’expansion des locations de salles parfois
honteuses, chacun finira par se plonger à corps
perdu dans ce «festival de tous les superlatifs»,
espérant découvrir ses pièces de petit bonheur
indélébile. Et il y en a, fort heureusement, qui
lui feront oublier la difficulté de choisir parmi
les 1307 spectacles (1258 en 2013), dispensés dans 132 lieux. À une exception près ce
mois de juillet… les intermittents du spectacle
-ceux-là même qui créent et font vivre Avignon
une bonne partie de l’année, qui engagent des
frais considérables pour se produire durant trois
semaines, sans jamais avoir l’assurance qu’une
tournée suivra- pourraient faire mentir les chiffres
en choisissant, indépendamment, de ne pas
jouer pour défendre leurs droits, et ceux de
tous les précaires, chômeurs, intérimaires... Un
choix radical, voire paradoxal, mais individuel et
respectable.
Rappelons que le Off est un festival autofinancé,
avec des lieux et des compagnies qui adhèrent
à l’association Avignon Festival et Cies (un
prestataire de service), pour être répertoriés
dans le catalogue, et «repérés» par le public.
En 2014, sur 1083 compagnies, l’État
apporte 400 000 euros d’aides, d’après Greg
Germain, président d’AF&C, estimant les flux
financiers dégagés par le off de 103 millions
d’euros. Compagnies qui sont de plus en
plus nombreuses à faire appel au financement
participatif, soutenues cette année par le Off
dans une vaste opération de communication.
Une centaine d’entre elles avait choisi en 2003,
suite à l’annulation du In, de suivre la lutte des
intermittents. 11 ans plus tard, le climat social
s’est empiré, la perte pour les artistes, et les lieux
d’accueil, pourra être fatale. AF&C, le 12 juin,
se disait solidaire du mouvement protestataire
grandissant, en rappelant très vite que le «Off
est le premier et le seul marché du théâtre dans
notre pays». Mais si les intermittents n’ont plus les
moyens d’être créateurs, comment pourront-ils
l’alimenter ? Et les programmateurs s’y servir ?
Et le public s’en nourrir ?
Les lieux permanents
Les théâtres permanents, une fois la saison
close, accueillent une programmation pertinente.
C’est le cas pour les Scènes d’Avignon, qui
affichent chacune la hauteur de leurs ambitions.
Au Chêne Noir, 12 spectacles dont les titres à
eux-seuls sont un poème : la création maison
de Gérard Gélas, Le Tartuffe Nouveau, avec
une reprise de rôle détonante de Jean-Marc
Catella, La Chute de Camus, L’homme qui rit de
Hugo, La Fuite de Gao Xingjian, Promenade de
santé (de mais sans Nicolas Bedos), Trahisons
de Harold Pinter (par et avec Daniel Mesguich),
et Denis Lavant dans un montage issu de la
correspondance de Céline. Aux Halles, trois
pièces d’Alain Timar : Le Roi se meurt de Ionesco
la performance rétro-futuriste
promise par Le System Failure.
La Condition des Soies,
Les Hauts Plateaux, La
Manufacture, le Girasole, le
théâtre de l’Oulle, la liste ne
peut être exhaustive, offrent des
programmes sérieux également,
et pas uniquement mercantiles.
À la croisée du In et du Off, la
Maison Jean Vilar accueille
un passionnant programme
d’expositions, rencontres et
spectacles, notamment avec la
pièce Code-barres de l’ancien
directeur du In Bernard Faivre
d’Arcier, qui décrypte les rites et
mœurs du rendez-vous estival.
Hors les murs
Le photographe Guy Delahaye exposera ses clichés dans le hall du
théâtre du Balcon pendant le Off © Guy Delahaye
créé à Shanghai, Le temps suspendu de Thuram
créé en Guadeloupe, et le très recommandable
Ô vous frères humains de Cohen (voir zib’73).
La Cie Art27 y crée À Titre provisoire, une pièce
fantasque et initiatique sur l’existence, écrite
par Catherine Monin et mise en scène par
Thierry Otin.
Chez Golovine, beaucoup de mouvements, à
commencer par la reprise de la création maison de
Yourik Golovine Shadowrama, et les cies Difé
Kako, Gilschamber, Bakhus. Au Chien qui
Fume, reprise également avec Moi, Dian Fossey
par Gérard Vantaggioli, mais aussi Dracula le
Pacte de Jeanne Béziers, Clémentine Célarié
dans la Danse Immobile et deux chorégraphies
de Marie-Claude Pietragalla. Au Petit Chien,
Tom Novembre et Béatrice Agenin, Ivan
Romeuf dans Karl Marx, le retour. Aux Carmes,
du Benedetto avec L’acteur loup adapté par
Michel Bruzat, du Prévert dans les Enfants
du Paradis par la Cie Philippe Person et du
Modiano dans Ronde de nuit par Jean-François
Matignon. Au Balcon, Serge Barbuscia reprend
les textes et chansons de Bertolt Brecht dans
Chants d’Exil (voir zib’72), on y croisera aussi
Régis Vlachos et Christophe Alévêque dans la
création Little Boy ou la pièce burlesque d’Alain
Riou et Stéphane Boulan Les Joyeux de la
Couronne… Au théâtre des Doms, 9 spectacles
nourrissants venus de Belgique, dont Blackbird
de David Harrower, les Argonautes ou des
spectacles de marionnettes, volantes avec la
Cie Alula, vieillissantes dans Silence. À noter,
«Sortir des murs» du centre
ville engorgé vers l’extra muros
délaissé, une volonté affichée
d’AF&C, c’est depuis longtemps
déjà possible en allant à L’Entrepôt, à la Fabrik’théâtre
(Le Kronope y présente Les
Misérables et le Groupe
Manifeste Les Bonnes), ou
à la MPT Champfleury avec
un concert de bonne humeur,
Le Voyage Animé de Pim et
Yellow. Et sous chapiteaux,
sur l’Ile Piot, une dizaine de
compagnies circassiennes sont
regroupées et soutenues par
leur région : Midi Pyrénées fait
son cirque à Avignon.
«Faire Avignon peut faire toute
la différence», rappelait Greg
Germain. Faites la différence !
DELPHINE MICHELANGELI
Festival Off, Avignon
du 5 au 27 juillet
www.avignonleoff.com
Du côté de Villeneuve
Le Festival Villeneuve en Scène, qui fête sa
11e édition dédiée aux théâtres en itinérance,
continue de faire face, de l’autre côté du
Rhône, «à la profusion du In et du Off»
dans un esprit «plus marginal, frémissant
et libre».
Pendant 21 jours, 19 compagnies distilleront
leurs 21 spectacles sous chapiteaux et dans
les prés de Villeneuve-lès-Avignon. Et
au-delà, puisque deux spectacles jeune
public sont accueillis en tournée dans les
communes du Grand Avignon et du Gard
Rhodanien (sensibilisation à la lecture avec
Tu m’en liras tant ! du big band cosmopolite
Life Is Not A Picnic, également présent
dans Welt, et Blanche-Neige par la Cie
suisse T-âtre d’Isabelle Bonillo). Frédéric
Poty, directeur artistique de la manifestation
désormais gérée en régie interne par la ville,
a recentré sa programmation «sur la famille
et le partage» ; il ne boude pas son plaisir :
«Il y a peu d’exemples de manifestations
comme celle-ci portée par une commune
de 12 000 habitants et qui a atteint notre
notoriété.»
Le Théâtre Exobus délivrera, pour les
enfants dès 3 ans, sa poésie -et ses marionnettes- dans J’ai planté mon lit dans le pré.
Antigone sera servie en musique sous la
houlette de René Pareja, et la Cie Doré
jouera Entre ciel et terre, avec un clown aux
idées loufoques, baigné aussi de mythologie
grecque. Pirandello sera visité par la Cie
Provisoire dans Ce soir on improvise, le
Collectif Kloche donnera une conférence
sur le bonheur, tandis qu’une sieste musicale
le Chant des sirènes sera proposée par la
Cie Mécanique vivante et que les clowns
des Nouveaux Nez présenteront avec
le Duo Bonito des Chansons à risques.
L’Art mobile présentera une variation sur
la grande guerre dans Mutin ! d’après Luc
Tartar, et les 26 000 couverts donneront
leur version délirante d’un cabaret dans
L’Idéal Club. Les tout-petits apprécieront
Le Carrousel des moutons, «burlesque,
muet et plein de sacrés tours de cirque»,
et les plus grands Kanikuly, spectacle de
clowns russes coproduit par le festival, ou
encore Une petite flamme dans la nuit de
Droit de réponse de Sud Culture 84
Le cynisme du tiroir-caisse
Nous, Avignonnais, assistons
depuis plus de vingt ans
au naufrage du Festival Off,
gangréné, année après année,
par les logiques financières, la
mise en concurrence de tous
contre tous. Nous sommes tout
de même stupéfaits de lire le
Communiqué de Presse du 12
Juin 2014 d’AF&C (Avignon,
Festival & Compagnies) en
réponse aux possibles perturbations qu’entraînerait en
juillet prochain, l’agrément par
François Rebsamen, ministre du
Travail, de la Convention Unedic
(Assurance-Chômage).
En effet, passé un soutien de
façade minimal à la lutte des
intermittents, ce Communiqué
exprime uniquement la grande
inquiétude des Thénardiers du
Off par rapport à leur tiroir-caisse.
Les mots parlent d’eux-mêmes :
«Avignon est le premier et le seul
marché du théâtre dans notre
pays», «les programmateurs
nous interrogent (…) face à
l’impossibilité devant laquelle
ils se trouveraient pour remplir
leurs missions d’achat de
spectacles»...
Contrairement à plus de 100
députés du PS, à 150 réalisateurs du cinéma français, à la
quasi totalité des professionnels
du secteur culturel, le Off ne
demande pas à Rebsamen de
ne pas signer son agrément à
la Convention Unedic !
En revanche, AF&C pense bon
de rappeler qu’en 2003, 87,4%
des Compagnies présentes à
Avignon continuèrent à jouer malgré la grève... Une telle précision
est d’un cynisme déroutant. Pas
le moindre sentiment humain,
pas le moindre intérêt pour la
forte précarisation que subiront
artistes et techniciens si l’agrément de cette convention est
donné par le ministre du Travail.
Tout cela est sans importance.
L’important est de prospérer
sur le dos des précaires, des
centaines de compagnies et
d’artistes prêts à hypothéquer
leurs biens personnels pour venir
jouer à Avignon... comme l’ultime
recours face à leur situation
économique de plus en plus
difficile. […].
Avignon le 13 Juin 2014
Sud Culture 84
La Bonne âme du Se-Tchouan © Jean-Luc Van Den Broucke
François David, qui raconte la vie dans
les camps de concentration, conçu comme
un jeu de l’oie.
Il faudra aussi compter sur des classiques
revisités : L’échange de Claudel par la Cie
Divine Comédie, deux pièces inspirées
de Voyage au bout de la nuit de Céline
par ABCD productions, Soie de Barrico
par Triptyik théâtre, ou encore La bonne
âme du Se-Tchouan par Les Baladins
du Miroir. DE.M
Festival Villeneuve en Scène
du 3 au 23 juillet
Villeneuve-lès-Avignon
04 32 75 15 95
www.villeneuve-en-scene.com
Culture et patrimoine
Lieu de créations et de
résidences, la Chartreuse
programme chaque année
des Rencontres d’été,
dont le partenariat avec le
Festival d’Avignon se voit
cette année renforcé par sa
nouvelle directrice Catherine
dan, concrétisé par l’accueil
de quatre spectacles : Othello,
Archive, An Old Monk et 2014
comme possible (voir p 28).
Parmi les grands moments qui
rythmeront les Rencontres, celui
qui réunira durant 3 jours Laure
Adler et ses invités autour de
l’œuvre de Marguerite Duras :
avec les écrivains Edouard
Louis, Christophe Honoré
et Christine Angot pour des
lectures-rencontres, et la mise
en scène de la pièce Le Square
par Didier Bezace (du 10 au
12 juillet). À noter aussi, La
Mousson d’été en Chartreuse
qui se tient en prémisse à la
20e édition de la manifestation,
dirigée par Michel Didym, prévue fin août en région Lorraine :
pendant 3 jours (du 17 au 19
juillet) publics et professionnels
lisent, écoutent, réfléchissent,
débattent autour du théâtre.
Les Rencontres de la Chartreuse
sont aussi l’occasion de découvrir ses «dessous cachés» lors
de Visites déguidées (du 5 au
13 juillet), moments privilégiés
où poésie et théâtre permettent
de révéler d’autres facettes du
monument avec le comédien
Bertrand Bossard, et par le
biais de la spectaculaire table
tactile (tout juste inaugurée),
un dispositif qui permet une
vision élargie du monument et
une découverte instructive et
ludique de son passé.
Enfin, il sera beaucoup question
de la jeunesse lors de cette
41e édition, notamment avec
le lancement de La Belle saison, initiée par la ministre de
la Culture Aurélie Filippetti,
une série de rendez-vous et
de manifestations prévus de
l’été 2014 à la fin 2015 pour
découvrir toutes les richesses
de la création contemporaine
pour l’enfance et la jeunesse
(à ce titre, la création théâtrale
de Didier Ruiz, 2014 comme
possible, aura été répétée
alternativement à la FabricA
et à la Chartreuse avec des
adolescents avignonnais). Do.M.
Rencontres d’été de la
Chartreuse
du 5 au 27 juillet
04 90 15 24 25
www.chartreuse.org
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Dans le Vaucluse, il n’y a pas que le
Festival d’Avignon… il y a aussi, depuis
1965, le Festival des Nuits de l’Enclave. La
manifestation accueille deux rendez-vous
importants : l’exposition Résonnances de
Bruno Durieux et François Bruetschy
(du 4 juillet au 17 août) et le festival de
théâtre (du 8 au 31 juillet), avec l’accueil de
jeunes compagnies, de conservatoires et de
centres dramatiques dans les communes
de l’Enclave des Papes, mais également
des spectacles de rue, des rencontres,
des débats, des cabarets, des répétitions
publiques… Fondé sur un projet de territoire développé à l’année et des valeurs
d’éducation populaires, le festival met, cette
année, l’accent sur la comédie. Gilbert
Barba, directeur artistique du festival depuis
deux ans, met en scène Petit boulot pour
vieux clown de Matéi Visniec, Christian
Schiaretti présente avec les Tréteaux
de France La Leçon de Ionesco, Patrick
Pelloquet reprend Georges Feydeau, et
Roland Peyron et Jean-François Piccardi
s’accordent sur les Exercices de style de
Raymond Queneau : 28 pièces et un thème
musical joué de 28 manières à l’accordéon.
Traductrice et metteure en scène, Myriam
Tanant monte, avec les élèves comédiens
du conservatoire du Grand Avignon, les
Amoureux de Carlo Goldoni, un drame
joyeux pour 10 personnages. Il y aura aussi
le succulent Avare de Molière d’Alexis
Moati et la Cie Vol Plané, Trois ruptures de
et avec Rémi De Vos, un diptyque reliant
Marivaux et Musset par un ancien élève de
l’Ensatt, Antoine Amblard, et La curiosité
des anges de François Cervantes, une
pièce pour deux clowns créée il y a 15 ans
qui n’a pas pris une ride.
La Curiosité des Anges, François Cervantes © X-D.R
L’Enclave fait son festival
Des lectures auront lieu également en
compagnie de Michel Azama (auteur en
résidence qui présentera un atelier autour de
Beckett), Matéi Visniec, Philippe Altier,
Jean-Louis Debard et Serge Pauthe (qui
rendra par ailleurs un Hommage à Patrice
Chéreau), et la remise du Prix Godot qui
sensibilise les élèves du Vaucluse à l’écriture
théâtrale contemporaine.
Festival des Nuits de l’Enclave
du 8 au 31 juillet
Valréas, Grillon, Richerenches, Visan
04 90 28 12 51
www.nuits-enclave.com
DE.M.
Théâtre à ciel ouvert
Depuis 23 ans, les Soirées d’été en
Luberon offrent un théâtre d’auteurs à
ciel ouvert dans quatre des communes
rurales de ce vaste territoire. «Entre équilibre
et vertige», thème de cette édition, les
spectacles se tiendront, sous les étoiles,
à Gargas, Goult, Roussillon et Apt.
Michel Richard, responsable artistique
du festival, n’a de cesse, avec son équipe
de passionnés, de créer des liens entre les
habitants et les artistes, en défendant un
théâtre qui mêle comédiens professionnels
et amateurs.
Parmi les propositions, deux esquisses
théâtrales : Le Père, de l’auteur Guy Régis
junior (lauréat du Prix Beaumarchais SACD
– ETC Caraïbes et Gens de la Caraïbe),
avec Jean-Erns Marie-Louise dans le
rôle-titre, pièce dans laquelle une famille
haïtienne apprend l’annonce de la mort
du père, parti faire fortune aux États-Unis
(le 3 juillet au moulin de Goult) ; Hamster
Blues, de Pascale Maestu, habitante d’Apt
et dont c’est la troisième invitation par le
festival, traite du suicide (le 8 juillet sur la
place du marché d’Apt).
Autre spectacle, en ouverture, la mise
en scène de Ruy-Blas d’après Victor
Hugo, projet conduit par Michel Richard
avec le Conservatoire à Rayonnement
Intercommunal du Pays d’Apt et Pont
Julien, l’école primaire de Gargas, l’école
de cirque Ska-Barré et l’atelier de création
des Soirées d’été en Luberon, enchantera
les Gargassiens (le 1er juillet sur le parking
du stade). Enfin, le 5 juillet, Michel Richard,
accompagnée de la contrebassiste Agnès
Doherty, jouera ses Traversées, un récit
autobiographique qui est aussi un voyage
à travers l’Europe, les Caraïbes et l’Afrique
(à Roussillon place C. Mathieu).
Do.M.
23e Soirées d’été en Luberon
les 1er, 3, 5 et 8 juillet
Gargas, Goult, Roussillon, Apt
04 90 04 52 15
www.soireesdeteenluberon.fr
C’est déjà la 25e édition du
Festival Théâtre Côté Cour,
premier des grands temps forts
qui rythmeront l’été salonnais.
Cette année c’est l’éclectisme
qui semble être à l’honneur,
avec une programmation qui
permettra «à chacun de trouver
un spectacle à son goût» comme
le souhaite sa présidente Marie
Lemarchand. De fait, le répertoire ouvre largement l’éventail
des choix, proposant comédies
classiques, contemporaines,
romantiques, et comédie musicale. Ce sont quatre spectacles
qui trouveront, dans l’écrin raffiné
des Cours du Château de
l’Emperi, un écho particulier…
Avec Les Femmes savantes,
Jean-Philippe Daguerre met
en scène l’avant-dernière pièce
de théâtre de Molière, comédie
classique d’une grande modernité qui témoigne de la place de
la femme dans le couple, de
ses aspirations à la culture, à
l’émancipation et à la liberté. Une
Les Femmes savantes © Isabelle Henry
Le théâtre fait la cour
«civilisation des mœurs» que la
Cie Le Grenier de Babouchka
porte avec jubilation. Changement de ton, et de style, avec
Dau et Catella qui interprètent
Sacco et Vanzetti, deux immigrés
italiens accusés d’un crime qu’ils
n’ont pas commis. Mêlant gravité
et burlesque, la mise en scène
de François Bourcier nous fait
Love Letters
revivre, avec justesse et sobriété,
un des grands moments de
révolte de l’histoire américaine.
Que nous ne quittons pas d’ailleurs, avec un Brodway enchanté
qui nous plonge dans l’âge d’or
de la comédie musicale sur les
rythmes de Mary Poppins, West
Side Story, Singing in the rain, My
Fair lady… Un spectacle dans
Roses
lequel Isabelle Georges fait des
claquettes, joue la comédie et
chante, accompagnée par quatre
talentueux musiciens ! Enfin,
c’est sur le texte magnifique de
Stefan Zweig que prendra fin le
Festival. Lettre d’une inconnue
est mis en scène par Christophe
Lindon, avec Sarah Biasini
et Frédéric Andrau dans
les rôles-titres, qui dresse le
portrait d’une femme plongée
dans un amour obsessionnel
pour un romancier de renom.
Le metteur en scène prend le
parti de resserrer l’action autour
de ces deux personnages, et
de montrer la lente et tragique
descente aux enfers que vit
cette femme.
Do.M.
Festival Théâtre Côté Cour
les 5, 7, 9 et 11 juillet
Château de l’Emperi, Salon-deProvence
04 90 56 00 82
www.theatre-cote-cour.fr
Opening Night
© Jérome Blin
© Rodolphe Martin
© X-D.R
Après Jacques Weber en 2013, le théâtre Silvain
accueille, pour l’unique représentation hors
de Paris, la pièce Love Letters avec Francis
Huster et Christiana Réali dans les rôles
titres. Tout au long de leur vie Melissa et Andy
se sont aimés de loin, par correspondance,
sans jamais pouvoir être ensemble. Le destin,
la vie, les rencontres les ont rapprochés puis
éloignés. Jamais ils n’ont cessé de s’écrire.
Cet échange épistolaire imaginé par Albert
Gurney conte l’amitié taquine de l’enfance, les
passions de l’adolescence, la complexité des
sentiments mêlée aux espoirs et désillusions
de l’âge adulte. Benoît Lavigne met en scène
cette histoire drôle, tendre et bouleversante.
le 2 juillet
Théâtre Silvain, Marseille
04 91 14 54 10
www.capsur2013.fr
Pour Nathalie Béasse, il ne s’agit pas de
trouver le héros de Shakespeare, mais de s’en
amuser, questionner ce qui l’entoure. Richard
III incarne le pouvoir tyrannique dans toute sa
cruauté. La table sera le champ de bataille de
cette histoire. Entrer dans l’intimité, l’histoire
macabre de cette famille, c’est démontrer la
dramaturgie à travers une narration utilisant
parfois le langage du corps. Des silences, des
espaces vides aideront à ouvrir les portes d’un
autre Richard III en s’emparant du répertoire
dramatique classique pour le rendre plus vivant
que jamais.
Atelier Autour de la table avec Shakespeare
le 27 juin de 10h à 12h
Répétition publique
le 3 juillet à 15h
3bisf, Aix-en-Provence
04 42 16 17 75
www.3bisf.com
Dans la tradition du vaudeville américain, Opening
Night raconte l’histoire de deux showmen :
le routier vieillissant, Mark Tompkins, et
son jeune protégé, Mathieu Grenier. Bien
qu’abordant les thèmes de la vie, l’amour ou
la mort, Opening Night évoque aussi le déclin
dû à l’âge et le besoin de la transmission pour
continuer le show. Dans une scénographie
permettant de voir la scène et l’envers du
décor, les deux personnages s’amusent, dans
une succession de numéros, à se disputer
gentiment le premier rôle en menant de bout
en bout le show musical et théâtral.
le 20 juin
Châteauvallon, Ollioules
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
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Le Peuple
de l’herbe
Aux petits oignons, Cie Kitschnette © Vincentc@ctus Vanhecke
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La mer qu’on voit danser
Lancés par le Citron Jaune, le Centre
National des Arts de la Rue, en partenariat avec la Ville de Port-Saint-Louisdu-Rhône en 2009, Les Mercredis
du Port sont devenus l’événement
incontournable de l’été de la Camargue
orientale. Chaque mercredi durant quatre
semaines, trois ou quatre spectacles
-cirque, théâtre, musique- se succèderont à partir de 19h, variés pour le plaisir
et les goûts différents des spectateurs.
La Cie de l’Arpette, avec Mazarine,
son hôtesse d’accueil ou maîtresse de
cérémonie selon son humeur, animera
les soirées ; puis les Sœurs Goudron
joueront aux Dames de France, précédées par l’école de cirque Pitreries
et de la fanfare Lady Gaga et les sax
toys ce même jour d’ouverture (le 9
juillet). Le mercredi 16, la Cie Kitschnette préparera sa recherche du grand
amour Aux Petits oignons, avec un
public complice, comme c’est souvent
le cas lors de cette manifestation, après
l’épatant numéro de cirque mené par
Julot et son Hula Hoopla (voir p 17),
et avant les sons électro acoustique du
groupe Noroc. Le 23, on entendra Le
siffleur, un concert littéralement sifflé,
on assistera aux incroyables acrobaties
poétiques de la Cie D’irque & Fien dans
Le carrousel des moutons, ainsi qu’au
rock festif et métissé des Barbeaux. Le
mercredi de clôture (le 30) présentera
La route, spectacle de rue tout terrain,
et la Cie Mauvais Coton sa dernière
création, un numéro de cirque écrit avec
le mât Culbuto. Le point final sera donné
par la Cie Lucamoros, qui métissera
le cirque et les arts plastiques vivants
pour faire briller Quatre soleils dans la
dernière nuit camarguaise.
Sans oublier les moments privilégiés
autour d’un verre ou d’une assiette de
produits de la mer, sur une des longues
tables dressées sur le port !
ALICE LAY
Les Mercredis du Port
les 9, 16, 23 et 30 juillet
Port Saint-Louis-du-Rhône
www.lecitronjaune.com
Les années passent mais la formule ne
change pas. Car pour la 11e édition du
Festival Caressez le potager, Jean-Louis
Favier, son directeur, propose toujours une
programmation diversifiée et de qualité, à
déguster «le cul dans l’herbe et la tête dans
les étoiles». Dans le Parc de la Mirabelle se
succèderont spectacles, ateliers, cinéma,
installations d’arts plastiques, concerts... le
tout dans un esprit éco-citoyen de respect de
l’environnement. Si le potager bio élevé en pot
par des centaines de familles de la vallée de
l’Huveaune perdure, vient s’ajouter au cahier des
charges la production d’énergie renouvelable à
l’aide d’éoliennes, panneaux solaires et même
vélo-dynamo, mise au service de créations
de spectacles conçus spécialement. C’est
notamment le cas de Icy-plage de la Cie
Kartoffeln, qui détourne là les rituels, les
postures et les règles de bienséance qui ont
lieu sur la plage ; avec la conférence-performance de la Cie «Hélas!...», Nature Morte,
qui explique les dérives de l’écologie moderne
à grands renforts de projections illustrées ;
avec Dieux Gloûtons enfin, soap opéra de la
Cie Les Faiseurs de pluie où il est question
de la planète, des énergies renouvelables
et du vaudou... Au programme également :
Bon Débarras, le conte burlesque de la Cie
Champs Libres qui aborde le thème de
l’obsolescence programmée ; les contes
tziganes des Diseuses de Bellaventür par la
Cie Après la pluie... et de la musique avec
le blues des Black Brothers, les mélodies
celtes, afro-latines ou orientales du Trio
Phoebuzz. Et puis l’installation permanente
de la plasticienne Lise Couzinier, la Ville
Fantôme, une conférence sur l’agriculture
paysanne, et de quoi se restaurer sur place
avec des plats maison... et bio !
Do.M.
Caressez le potager
du 9 au 11 juillet
Parc de la Mirabelle, Marseille
06 83 85 44 03
www.caressezlepotager.net
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Retrou
et tous nos articles
Et venez
écouter des entretiens,
des débats, et des chroniques
sur notre webradio
Journalzibeline.fr
Résister à Marseille !
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Le Festival de Marseille devrait commencer, on l’espère !, et lancer la saison
estivale dans la région, si le mouvement des
intermittents parvient à se faire entendre
avant le 19 juin. Le programme est beau,
engagé, international, faisant venir à Marseille
des formes nouvelles et des résistants de
pays en lutte. Les spectacles, plus que jamais
agrémentés d’ateliers et de projections,
commencent au Silo, avec la venue de la
compagnie exceptionnelle de Noa Wertheim
les 19 et 20 juin. Depuis quelques années
déjà la danse Israélienne parait dotée d’une
force explosive, musculeuse, précise. Arme
de résistance ou de propagande d’un état à
la politique plus que discutable ? Le Vertigo
de la chorégraphe compile des créations
qui expriment tout sauf le repli !
Une autre résistance sera portée par le
duo d’Eric Languet Attention Fragile.
Wilson Payet, en fauteuil roulant, y évolue
avec Marriyya Evrard, balayant par sa
maîtrise du mouvement les a priori sur le
handicap. Leur succèdera Robyn Orlin,
dont la présence est plus habituelle, mais
toujours aussi tapageuse et décalée. La
chorégraphe sud africaine traque la beauté
des papillons survivant à la chute (les 23 et
24 juin à 19 et 21h, la Minoterie).
Un Israélien réside à Istres… Emanuel
Gat fera danser la formation Coline, tandis
qu’un groupe de jeunes gens de Bogota,
le Collectif Carretel, viendra danser une
autre urgence (Klap, le 25 juin). Au Silo les
25 et 26 juin c’est Saburo Teshigawara,
héritier du Butô, accompagné de 5 danseurs,
qui cherchera la puissance du souffle dans
Vertigo Dance Company, Vertigo © Gadi Dagon
la solitude dématérialisée des technologies
de pointe.
Nettement plus low tech, mais tout aussi
virtuoses, les marionnettes géantes ou à
mains, projections, acteurs et illusions de
William Kentridge, qui revisite Ubu à l’aune
de l’Apartheid et de la commission Vérité et
Réconciliation de Mandela. Un spectacle
qui a fait événement à sa création, repris
ici à la Minoterie du 28 au 30 juin.
La collaboration entre KVS et les danseurs palestiniens a 8 ans. Fruit d’une
contamination de longue haleine Badke,
reprenant et détournant le Dabke, danse
populaire Libanaise, pour en faire un hymne
de groupe à la vie (le 30 juin et 1er juillet,
studio du BNM). KVS que l’on retrouvera
pour le monologue Raymond (Goethals)
de Thomas Gunzig, porté par Josse de
Pauw (les 2 et 3 juillet à la Minoterie).
Et puis il y aura la sublime danse afro-américaine de Kyle Abraham (les 3 et 4 juillet
au BNM), le Nederland dans theater 2
au Silo le 4 juillet, la reprise de la création
de Nathalie Negro les 5 et 6 juillet à la
Minoterie, une création de Richard Siegal
par le BNM (le 8 juillet au Silo), une pièce
iconoclaste de Tino Fernandez au Théâtre
du Lacydon du 9 au 11 juillet, avant la
clôture flamenca de Rocio Molina le 12
juillet au Silo. Une véritable fête de la danse
en créations !
AGNÈS FRESCHEL
Festival de Marseille
du 19 juin au 12 juillet
04 91 99 02 50
www.festivaldemarseille.com
Let’s dance !
Hep garçon © Guida Bastos
Marseille Objectif DansE
fait feu de tout bois en ce
début d’été en installant ses
propositions à la Friche…
Le Festival de Marseille lui
offre une carte blanche, avec,
notamment, une soirée dédiée
à l’artiste sud-africain William
Kentridge : certains de ses films
seront projetés à L’Alhambra
le 22 juin à 21h, dont Ubu Tells
the truth (1996-97), dans lequel
on retrouve certaines images
de son spectacle Ubu and the
truth commission accueilli au
Théâtre Joliette-Minoterie (du 28
au 30 juin, voir ci-dessus), mais
aussi Shadow Procession (1999)
et 10 Drawings for projection
(1989-2011).
MOD est aussi l’initiateur de
la 3e édition des 48h chrono
qui se déroulent à la Friche ou
dans les rues alentours (voir
p 9) : Tino Sehgal inaugure la
manifestation avec Sans titre,
une pièce créée il y a 13 ans qui
expose théâtralement la danse
scénique du XXe siècle, un solo
qu’interprète Frank Willens (les
27 et 28 juin) ; La Cie Geneviève
Sorin prend la suite et propose
Les Singulières, qui regroupe
Hep ! Garçon !, une chorégraphie
de Geneviève Sorin qui situe
l’action dans l’espace public, là
où l’intimité avec l’autre s’invente
dans l’instant, et Empreinte,
sur une chorégraphie de Marjorie d’Amora, un court solo
qui questionne le statut de la
femme, l’enfermement, la dualité
(les 28 et 29 juin)… Enfin, le 28
juin, c’est au Bal Tango Argentin
que nous convie MOD, avec
la plasticienne et comédienne
argentine Silvia Ceriani, reine
du Nuevo Tango. Sans oublier les
nombreux ateliers auxquels vous
êtes conviés, danse orientale,
tango, taï-chi…
Do.M.
Marseille Objectif DansE
04 95 04 96 42
www.marseille-objectif-danse.org
L’été aux Hivernales
De la Belgique à l’Espagne en passant par
les régions françaises (ou ce qu’il en reste !),
le CDC Les Hivernales nous promet un
bel été dansant. Du 10 au 20 juillet, sept
spectacles seront accueillis au théâtre de
la rue Guillaume Puy ; puis, du 22 au 27,
Pom Bessot et Philippe Lefait donneront
une lecture (à 11h) de leur bouleversant
livre sur leur fille : Et tu danses, Lou… Mais
avant cela, rentrons dans le bal avec deux
artistes de la région Paca : Siwa de Michel
Kelemenis ouvrira la journée avec une
pièce poétique, au sous-titre évocateur, La
persistance rétinienne d’un Eden fantasmé.
Créée pour Marseille-Provence 2013 par
le directeur de Klap, cette pièce sur la
minéralité, délivrée par quatre danseurs, est
accompagnée par une partition musicale
d’Yves Chauris à partir du quatuor à cordes
de Debussy. Christian Ubl poursuivra
avec Zoll, entremêlant deux pièces qui
interrogent le folklore autrichien, sa nationalité, et l’identité européenne. Us-Band,
un quatuor sur l’intimité masculine inspiré
du film de Cassavetes, et créé il y a 10 ans
par Samuel Mathieu, sera repris avec les
mêmes interprètes. Le jeune public sera
invité, avec Dorothy d’Anthony Egéa,
à plonger dans le Magicien d’Oz avec
la danseuse hip hop Vanessa Petit. La
Cie KulbiK, un jeune collectif catalan de
danse urbaine prometteur, éprouvera dans
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Christian Ubl, Zoll © Fabienne Gras
Cube la fusion hip hop, électro, blues,
jazz, funk et reggae. Brahim Bouchelaghem, un artiste issu du hip hop, virtuose
et sensible, qui nous a impressionnés aux
Hivernales de mars avec un solo inspiré
par les calligraphies de Carolyn Carlson,
présentera Sillons. Il sera entouré de cinq
danseurs et l’on peut s’attendre à une
dose d’énergie contaminante. Pour finir, en
partenariat avec le théâtre des Doms, un
spectacle performatif venu de Belgique :
Mas-Sacre de Maria Clara Villa Lobos,
qui s’attaque aux dérives de la société
de consommation, en revisitant le Sacre
du Printemps. Les chorégraphes seront
présents aux rencontres RESO@DANSE à
la Maison Jean Vilar (les 14, 19 et 20 juillet).
DELPHINE MICHELANGELI
L’été particulièrement danse au CDC
du 10 au 27 juillet (relâche le 15)
CDC les Hivernales, Avignon
04 90 82 33 12
www.hivernales-avignon.com
Vaison et le monde
Beyond © Andy Phillipson
L’introduction à la 19e édition du Festival
Vaison Danses a des allures de discours
spartiate : «et si ?» «anaphorisent» Philippe
Noël et Gérard Reynaud, respectivement
Directeur et Président du Festival. Les mots
s’inclinent devant l’universalité du geste,
dansé, circassien, passant de la création
à la reprise de mouvements traditionnels
revisités avec passion.
C’est ainsi que l’on pourra baigner dans
l’atmosphère de la Milonga avec la création
de Sidi Larbi Cherkaoui, m¡longa (les 11
et 12 juillet). Le chorégraphe se démarque
des clichés, joue sur les imprévus, des
combinaisons nouvelles, le «dialogue hypnotique des corps», unissant sur scène
dix danseurs de tango de Buenos aires,
deux danseurs contemporains et une
formation de cinq musiciens. L’association
Tango-Paty se joint à la fête avec film,
conférence, apéro-tango… Ne m’oublie
pas (Forget me not) de Philippe Genty
et Marie Underwood, que l’on a déjà
eu le bonheur d’applaudir au Toursky
(Zib’ 60), nous happe dans son univers
poétique et onirique (le 15 juillet). L’être
humain dessine une relation poétique
Homme, machine, électronique… une
nouvelle appréhension de l’humanité !
(le 18 juillet). Le cirque contemporain
d’Australie Circa invite dans Beyond (le
22 juillet) à franchir la frontière entre la
logique et le rêve. Le spectacle à la fois
virtuose et poétique sait mettre à notre
portée une belle galerie de paysages
émotionnels. L’art du tango se glisse
dans la pulsion du travail équestre,
le monde de Bartabas rejoint celui
d’Andrés Marín pour Golgota, dans une
composition imprégnée de la mystique des
œuvres du polyphoniste espagnol de la
Renaissance, Tomas Luis de Victoria. Le
festival s’échappe au Nymphée (Romo
de Anuang’a), offre des expositions, des
stages de danse (Cie Murcia). Une qualité
irréprochable dans un cadre exceptionnel !
MARYVONNE COLOMBANI
et cocasse avec le robot Nao (le robot
humanoïde le plus utilisé dans le monde
de la recherche) dans la chorégraphie
signée Blanca Li, qui élabore dans
Robot ! trois propositions qui explorent
trois formes de rapport au monde.
Vaison Danses
du 11 au 27 juillet
Vaison-la-Romaine
04 90 28 74 74
www.vaison-danses.com
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le 24 juin
KLAP, Marseille
04 96 11 11 20
www.kelemenis.fr
Ou pas
Découvertes
dansées
Le Pavillon Noir développe un programme
d’invitation aux artistes africains. Juste après
leurs premières à Aix-en-Provence (voir Zib’ 74),
deux danseurs-chorégraphes se présentent à
Klap. Avec Lego de l’égo, Souleymane Ladji
Koné, venu du Burkina Faso, pose une réflexion
sur la nature humaine et traite du mécanisme
destructeur et insidieux des forces de l’ego. Dans
une recherche sur la métamorphose, Maman
Sani Moussa, venu du Niger, entreprend un
voyage autour de la pensée, la conscience
et l’inconscience. Il interroge avec Troubles
la limite de ce que l’individu peut contrôler.
Entrée gratuite sur réservation.
Lego de l’égo / Troubles
le 27 juin
KLAP, Marseille
04 96 11 11 20
www.kelemenis.fr
le 8 juillet
Le Silo, Marseille
04 91 199 30 80
www.silo-marseille.fr
Tamago © N. Vandenbussche
© Ex Nihilo
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le 24 juin
KLAP, Marseille
04 96 11 11 20
www.kelemenis.fr
Marseille, le Ballet National investit la salle
du Silo. Dans ce programme inédit, les danseurs du BNM font dialoguer la danse ciselée
de l’Américain Richard Siegal (ex-soliste de
William Forsythe) avec celle du chorégraphe
et interprète japonais Yasuyuki Endo et les
tambours (taiko) de son complice le musicien
Leonard Eto.
Mouvinsitu
L’image en mouvement pour le mouvement
du corps, le dispositif cinématographique à la
recherche d’un horizon poétique, l’effeuillage
du modèle fictionnel pour interroger l’identité,
tels sont les enjeux que proposent Boris Gibé
et Florent Hamon avec leur projet Mouvinsitu.
En effet, durant leur résidence au 3bisf, les
deux artistes présenteront une étape de travail
dans laquelle ils s’emploieront à brouiller les
frontières du réel au moyen de la technique
et du geste chorégraphié pour les confronter
à l’univers des songes et ainsi s’ouvrir avec le
spectateur à des espaces inconnus.
Présentation d’une étape de travail
le 21 juin à 19h
Atelier de pratique autour du projet
les 11 et 18 juin de 10h à 12h
3bisf, Aix-en-Provence
04 42 16 17 75
www.3bisf.com
Lego de l’égo © X-D.R
Qu’il flotte sans danseur pour le porter ou qu’il
entrave ou aide le mouvement, le costume a
souvent été un élément constitutif de la pratique
de Christian Rizzo. À l’occasion du Printemps du
Ballet National de Marseille, le chorégraphe
et sa complice Caty Olive, pour qui la lumière
est écriture scénographique, imaginent une
installation vivante à partir des 3500 pièces
qui, dès Roland Petit, ont habillé les étoiles de
la Compagnie. Dans l’installation Ou Pas, les
danseurs sont conviés à un abandon réflexif
porté par la rencontre énigmatique entre des
costumes chargés d’Histoire et leur propre
présence contemporaine.
jusqu’au 29 juin
La Friche, Marseille
04 95 04 95 95
www.lafriche.org
© X-D.R
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Dans ce spectacle, le chorégraphe Michel
Kelemenis revient sur sa découverte de l’oasis
de Siwa en 1993 et décide aujourd’hui de
retranscrire son émotion sur scène. Le quatuor
Tana, sur la musique de Claude Debussy, et la
création musicale «en miroir» Paysage emprunté
de Yves Chauris, accompagnent ici une danse
d’hommes sur le chemin d’une méditation sur
l’éternité, devant un horizon à la puissance
originelle. C’est de la danse que viennent les
fulgurances, les éloquences et les tensions.
Siegal
et Eto et Endo
Le 8 juillet, dans le cadre du Festival de
© Marc Domage
38
et met Le Nom du lieu sous la pression des
spectateurs. La performance dansée remet
en jeu les souvenirs de voyages du collectif
Ex Nihilo entre 2009 et 2012, autour du projet
Apparemment ce qui ne se voit pas : Séoul, Le
Caire, Copenhague, Casablanca, Durban, Tunis…
Aux murs, aux porches, dans les interstices
d’une rue ou d’un quartier se superposent les
images projetées, les corps des danseurs et
les sons joués en direct. Hors du quotidien, ce
nouveau décor crée des brèches et des liens
entre la ville d’ici et celles de là-bas, autour
du dénominateur commun qu’est la présence
des danseurs.
© Agnes Mellon
Le
Nom du lieu
Siwa
Entre chien et loup, Ex Nihilo investit la rue
fantastique et érotique des Mille et Une Nuits
dans une danse flamboyante et empreinte
du mystère et de la fascination que produit
encore l’Orient dans l’inconscient collectif.
Au centre, la figure de Shéhérazade qui,
par le verbe, la culture et l’intelligence, se
dresse comme un rempart à la barbarie, et
nous questionne sur la place de la femme
dans nos sociétés Avec l’aide d’Azzedine
Alaïa pour les costumes, le chorégraphe
va au plus près du mystère d’un Orient rêvé
où les corps se feraient signes, comme une
calligraphie des affects et des humeurs.
les 4 et 5 juillet
Châteauvallon, Ollioules
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com/
© Shin Yamagata4
Hiroaki Umeda
Les
nuits
Angelin Preljocaj déploie la dimension
Golgota
© Nabil Boutros
L’artiste japonais présente un diptyque sensoriel où le corps et l’image interrogent le rôle de
la perception visuelle. Imprégné de la culture
numérique de son pays, il fait réapparaître,
dans les deux solis qu’il interprète, l’humain
sous la masse des innovations technologiques.
Mêlant à la danse l’image et le son, Hiroaki
Umeda convie le spectateur à voir autrement
le monde qui nous entoure.
While going to condition / Adapting for distorsion
le 4 juillet
Châteauvallon, Ollioules
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com/
Doubaley (Le Miroir)
Le chorégraphe Salia Sanou s’associe à
la violoniste Takumi Fukushima dans une
création qui renvoie au sens existentiel de
l’artiste. À travers la métaphore du miroir,
il invite le spectateur à participer à une
fable de l’antagonisme associée au réel et
à l’imaginaire -le figé et le mobile, l’impalpable
et le concret-, bercée au rythme du corps,
des images et du son pour que de leurs
interactions se projettent un travail visuel
renvoyant au visible et à l’invisible.
du 15 au 19 juillet
Châteauvallon, Ollioules
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com/
© X-D.R
Châteauvallon accueille en ses murs la dernière
création de Bartabas, Golgota, pour laquelle
il partage la scène avec Andrés Marin, l’un
des plus talentueux danseurs du flamenco
contemporain. Accompagné de quatre chevaux
et d’un âne, sur des œuvres liturgiques de
Tomas Luis de Victoria, ils offrent l’expérience
d’un théâtre équestre en quête d’une musique
sonore silencieuse.
le 4 juillet
Châteauvallon, Ollioules
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com/
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C’est la 15e édition du Festival Jazz des cinq continents, et
pour fêter cet anniversaire, l’équipe de Bernard Souroque, son
directeur artistique, a concocté un programme exceptionnel. Qui
commencera sur l’esplanade du J4 le 17 juillet, avec un concert
gratuit en deux parties : le trompettiste Christophe LeLoil, puis
Dhafer Youssef, oudiste tunisien. Le lendemain, le festival retourne
sur son fief historique, les pelouses du Palais Longchamp, pour
accueillir Cécile McLorin Salvant, chanteuse talentueuse, et
le pianiste de légende Ahmad Jamal. Les 19 et 20 juillet, on
pourra écouter successivement l’Electro Deluxe Big Band,
Trombone Shorty (relève du jazz à la Nouvelle Orléans), Sergio
Mendes venu tout droit du Brésil, et George Clinton, l’un des
«pères fondateurs de la musique funk», pour une affiche des plus
colorées. Une petite pause de 24h, et le festival repartira de plus
belle avec ceux que l’on ne présente plus : Herbie Hancock
(piano) et Wayne Shorter (saxophone) ouvriront la soirée du
22 juillet, avant de laisser la scène à Roberto Fonseca et
Fatoumata Diawara. Ensuite, se succéderont, le 23, un autre
trompettiste, Christian Scott, le Gregory Porter Group (qui
a remporté l’an passé le Grammy Award du meilleur album de
jazz vocal avec Liquid Spirit), puis le 24 Jacky Terrasson en
quartet, et Al di Meola dans une rencontre avec deux artistes
cubains : Gonzalo Rubalcaba et Orlando «Valle» Maraca. Le
25, carte blanche est donnée à Ibrahim Maalouf, réunissant
en une soirée ébouriffante Vincent Ségal, Asa, Michel Portal,
Thomas Dutronc, et autres prestigieux invités. Enfin, puisqu’il
faut bien finir un jour, ce sera en beauté le 26 juillet, au son du
blues de Lucky Peterson, et de la guitare de Jeff Beck.
Pour les noctambules invétérés, pas d’inquiétude : il sera possible
après presque chaque concert de prolonger sa soirée au Radisson Blu Hôtel sur le Vieux-Port, lors d’un Jazz Club réunissant
musiciens marseillais et certains des artistes au programme.
Les tempéraments ludiques se réjouiront de pouvoir associer
jazz et jeu de boules avec des billets couplés pour Le Mondial
La Marseillaise à Pétanque et le FJ5C. Autour du festival, on ne
manquera pas non plus les rencontres et expositions prévues
tant au MuCEM qu’à l’Alcazar, dans le parc de Maison Blanche
et de nombreux autres lieux. Renseignements et programmation
complète figurent sur le site de la manifestation.
GAËLLE CLOAREC
Ibrahim Maalouf © X-D.R
Festival Jazz des cinq continents
du 17 au 26 juillet
Marseille
04 95 09 32 57
www.fj5c.com
Médéric Collignon © Alexandre Lacombe
Jazz attitude
Trois jours de
Jazz à Vitrolles
Sur le domaine verdoyant de Fontblanche, au milieu des
platanes tricentenaires, chaque année depuis 1998 l’association Charlie Jazz organise son festival éco-responsable
et solidaire, rassemblant des figures emblématiques et la
jeune création contemporaine. Trois jours pour se plonger
dans le meilleur du jazz avec une déambulation de la fanfare
La Complet’ Mandingue pour démarrer de bon pied
(le 4 juillet à 19h), un orchestre de balafons à l’énergie
communicative. Sur la joliment nommée Scène des Platanes, le jeune trompettiste Antoine Berjeaut prendra
le relais pour un quintet réuni autour de son lumineux
projet WasteLand, suivi par Médéric Collignon, zébulon
trompettiste aux onomatopées uniques, accompagné par
un philharmonique de poche (11 musiciens) pour revisiter
le répertoire de King Crimson. Le lendemain, l’altiste Théo
Ceccaldi démarrera la soirée (à 18h) pour un trio à cordes
au sommet, entrecoupé d’une déambulation de Radio
Kaizman, puis de la création du groupe 3 Chevaux de
Front (David Rueff, Nadine Esteve et Guillaume Saurel)
et la chanteuse Emilie Lesbros en invitée. À 21h45, le «maître
enchanteur de l’oud» Anouar Brahem clôturera la journée
en quartet : un grand moment de musique universelle.
Dernière journée, et pas des moindres, le 6 juillet avec
Boson Septet, un jeune groupe émergent à découvrir
à 18h sur la Scène du Moulin. Le brass band marseillais
Big Butt Foundation offrira la dernière déambulation du
festival, puis le trio luxembourgeois Reis Demuth Wiltgen
et Joshua Redman Quartet se relaieront pour compléter
de leurs talents une programmation passionnante.
DE.M.
Charlie Jazz Festival
du 4 au 6 juillet
Domaine de Fontblanche, Vitrolles
04 42 79 63 60
www.charliejazzfestival.com
Jazz en tête
Reis Demuth Wiltgen, le collectif ARFI
dans Lettres à des amis lointains, Théo
Ceccaldi Trio, Pulcinella, Hildegard
Lernt Fliegen, un concert visuel autour
de la cornemuse Quelques morceaux en
formes de poires par Désirs Chroniques
Quartet, la musique généreuse et sensuelle
de Rhizottome, Pascal Schumacher &
Jef Neve, le projet Kind of Pink de Philippe
Laloy. Des spectacles musicaux originaux
également, avec un photo-concert inspiré
par Guy le Querrec Regards de Breizh
par l’Ensemble Nautilis, ou le projet de
Pierre-Jean Peters à partir de Camus :
l’Etranger-Réminiscences. Des propositions
persuasives qui ne nous laisseront pas
étrangers !
DE.M.
Festival Têtes de Jazz
du 6 au 16 juillet
AJMI, Avignon
04 90 86 08 61
www.jazzaljajmi.com
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Rhizottome © Mathieu Vladimir Alliard
2e édition du Festival Têtes de Jazz
organisé par l’AJMI, avec de nombreux
partenaires et coproducteurs (Théâtre des
Doms, Association Mitoa, cinémas Utopia,
AJC-AFIJMA, Jazz Migration, Nemomusic…). Au cœur du foisonnant rendez-vous
théâtral avignonnais, ce «village» de jazz et
musiques improvisées unique en son genre,
installé dans le quartier de la Manutention
-décidément très productif-, offre une
vitrine incontournable de la fine fleur du
jazz européen. Alors que jeunes pousses
et grands noms se relaieront, il sera aussi
possible d’assister à des projections de
documentaires, des tables rondes et des
rencontres professionnelles, ou d’admirer
l’exposition Riverside (collection de JeanPaul Ricard).
Au programme, parmi 43 concerts d’exception : le contrebassiste Renaud Garcia-Fons en solo, Dominique Pifarély, les
belges du LABtrio (gagnants du Tremplin
Jazz d’Avignon 2011), le trio rafraichissant
De Beren Gieren, ou avant-gardiste
Une nuit d’étoiles pour Ray Charles
Hommage Ray Charles, Parfum de Jazz © Jazz Rhônes-Alpes.com
Une seule date, précieuse comme un long
soir d’été, en amont de la 7e édition du
Festival Jazz à Saint Rémy, de septembre
(du 18 au 21). Dans la nuit étoilée de Saint
Rémy de Provence, ce 18 juillet, Tribute
to Ray Charles déroulera un hommage au
père de la soul music et à ses musiciens,
les Realets. Cette balade festive au cœur
des succès universels du pianiste à la voix
inoubliable, Georgia on my mind, I got a
woman ou bien sûr What’d I say, sera
offerte par une réunion d’artistes confirmés :
le pianiste Philippe Khoury, les solistes
Claude Brisset et Frédérique Brun,
le saxophoniste Laurent Alex, Michel
Chionchini à la batterie et les choristes du
groupe Vocal in Vienne. Et pour ceux qui
n’assisteront pas au concert dans la Salle
de l’Alpilium, une retransmission sur écran
extérieur est prévue pour ne rien perdre
de la musique du Genius et swinguer sous
les étoiles.
DE.M.
Jazz sous les étoiles
Tribute to Ray Charles
le 18 juillet
Salle de l’Alpilium, Saint Rémy de Provence
06 83 47 50 65
www.jazzasaintremy.free.fr
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Afrique en Fête
«Le monde s’arrange. Venez souffler.» Optimiste, ou adepte du
second degré, le graphiste du Festival Mimi a doté ses affiches
d’un visage vert ressemblant furieusement à Vladimir Poutine,
affublé, grâce à un traitement électronique, de couettes oranges
du plus bel effet. C’est donc par un éclat de rire que l’on aborde
cette édition 2014, la 29e. Ouverture le 2 juillet avec un concert
à l’U-PERCUT : entre l’electro tirant sur le punk de Sugarcraft,
et les curiosités sonores de Postcoïtum, cela ne devrait pas
être triste. Le lendemain, au Grand Plateau de La Friche, un
représentant fameux de la musique diwane algérienne, Camel
Zekri, sera accompagné du batteur Ahmad Compaoré. En
deuxième partie de soirée, l’américaine Josephine Foster
présentera son folk atypique.
À partir de là, on prendra le large pour se retrouver trois soirs
durant au Frioul, en compagnie de la DJette Pépé, qui assurera
au coucher du soleil la montée en douceur de cette ambiance
exotique. Le 4 juillet, c’est un duo venu d’Égypte et du Liban,
Maryam Saleh & Zeid Hamdan, qui est invité. Puis le groupe
Dakha Brakha prouvera que l’Ukraine n’est pas seulement le
terrain de jeu des grands de ce monde. Le 5, lassé de tant de
bonne humeur, on pourra se laisser gagner par la délicieuse
mélancolie de la musique traditionnelle de Bosnie Herzégovine
(Sevdah mon amour), avant de songer carrément au Suicide
(formation d’Alan Vega et Martin Rev). Pas question pourtant
de se laisser abattre, ce serait un coup à rater le bouquet final le
6 juillet, avec AIE (batterie/harpe électrique), puis le duo Richard
Pinhas et Etienne Jaumet. Amateurs de «longues plages
musicales cosmiques» bienvenus.
Attention ! Ceux pour qui les préliminaires sont essentiels pourront
préparer le festival en assistant aux rencontres-débats avec certains
des artistes invités, organisées à l’Alcazar et à la Bibliothèque
du Merlan les 1er et 2 juillet. Quant aux amoureux du site du
Frioul, ils ne rateront pas les balades naturalistes prévues par
l’association Calanques buissonnières lors des deux dernières
soirées, vers 19h. Durant le week-end, l’île accueillera également
les rencontres annuelles des abonnés de Médiapart. L’occasion
de débattre de la sauvegarde des biens communs avec la rédaction
du pure player et ses invités, dont le psychanalyste Roland Gori.
Concerts, rencontres, ciné, village associatif, la programmation
de l’Africa Fête Marseille s’annonce riche et prometteuse.
Cette dixième édition marseillaise posera ses valises autour
du cours Julien. Du 26 au 28 juin, les propositions éclectiques
animeront le quartier. Ce rendez-vous devenu incontournable
fera la part belle à la musique, avec trois soirées de concerts
et d’afters au Café et à l’Espace Julien.
En ouverture, rencontre entre l’Occitanie et la Casamance
au programme : Adama Sambou, du groupe sénégalais
Kéloumake, et Arnaud Fromont, chanteur de la formation
marseillaise D’Aqui Dub, collaborent depuis 2012. La fusion
de ces deux influences musicales, nommée Ebaloum
di Capià, sera présentée au Café Julien, accompagnée
des textes en provençal de l’écrivain Laurent Pécout. La
soirée se poursuivra avec le Trio Teriba. Ces trois sœurs,
qui forment le premier groupe féminin du Bénin, écument
les scènes d’Afrique et d’Europe depuis 2002. Elles feront
découvrir au public leur dernier opus, Akpé, où les chants
a capella, en yoruba ou en français, s’accompagnent de
percussions douces (gongs, clochettes, calebasses...).
Le 27 juin, ce sont d’abord Les Tambours de Brazza qui
se produiront à l’Espace Julien. En vingt ans d’existence,
les percussionnistes congolais ont fait découvrir au monde
l’énergie et les rythmes des ethnies de leur pays, désormais
agrémentés de sons de basses ou de guitare. Leur prestation
sera suivie de Debademba, fruit de la rencontre entre le
guitariste burkinabé Abdoulaye Traoré et le griot malien
Mohamed Diaby. Leur premier album commun explore
des univers variés, du blues à l’afro-funk.
La journée du 28 juin sera d’abord consacrée au village
associatif, dressé sur le cours Julien. Artistes et militants
proposeront des ateliers, des expos ou des rencontres, tandis
que l’Equitable Café accueillera des projections-débats
de courts métrages. La soirée s’ouvrira avec le concert
à l’Espace Julien de Mamar Kassey, groupe emblématique du renouveau de la culture nigérienne. Le festival se
conclura avec le quintet du guinéen Moh ! Kouyaté, aux
rythmes mandingues mêlés d’influence jazz, blues et rock.
Enfin, chaque soir à l’issue des concerts, un collectif de DJ
marseillais animera les afters au Café Julien.
GAËLLE CLOAREC
Festival Mimi
du 2 au 6 juillet
Divers lieux, Marseille
04 95 04 95 50
www.amicentre.biz
Africa Fête Marseille
du 26 au 28 juin
Cours Julien, Marseille
04 95 04 96 36
www.africafete.com
Mariam Saleh & Zeid Hamdan © Ali Saadi
À noter : le Festival Mimi fait partie des six manifestations
participant au dispositif carte Flux, donnant accès chacune
à un spectacle, pour 45 euros
JAN CYRIL SALEMI
Les Tambours de Brazza © X-D.R
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C’est Mimi
Abstraxion © X-D.R
Sous le soleil
de Vitrolles
Le 17 juillet, escale au parc
Saint-Exupéry, avec au programme, fanfares, batucadas,
théâtre de rue, animations et un
grand banquet pour finir.
Le 18 juillet, première soirée payante
à Fontblanche, avec notamment,
l’urban griot marseillais Toko Blaze,
le son électro-cumbia des Péruviens
de Dengue Dengue Dengue ou la
voix envoûtante et métissée d’Ayo.
Le 19 juillet, place d’abord aux
apéros du Papet J. Une platine, un
micro, et le chanteur du Massilia
Sound System avec ses invités
envoient une tournée de sons et
de soleil. La soirée se poursuivra
avec, entre autres, la french touch
à la marseillaise de Superfunk, ou
l’une des légendes jamaïcaines du
reggae, Ken Boothe.
Et si jamais cela ne suffisait pas, le
20 juillet, les platines de Comparses
et Sons feront groover les pelouses
de Fontblanche pour un after, gratuit,
prometteur. Oui, vous aurez envie
de venir à Vitrolles, cet été...
JAN CYRIL SALEMI
Vitrolles Sun Festival
du 16 au 20 juillet
Domaine de Fontblanche, Vitrolles
www.vitrolles-sunfestival.com
Ntjam Rosie © Lenny Oosterwijk
En cette rude période pour les
fêtes populaires (Belle Fête de
Mai annulée au dernier moment,
Fête du Panier arrêtée), le Vitrolles
Sun Festival sera l’une des rares
exceptions de l’été. À se demander
si la Fête du Panier ne s’est pas
déplacée à Vitrolles cette année.
Certes, la manifestation vitrollaise
n’est pas 100% gratuite (mais
abordable, 20 euros le pass pour
les deux soirées payantes des 18
et 19) et ce n’est pas non plus une
véritable fête de quartier. Mais c’est
un festival populaire, sans aucun
doute. Et le programme de cette
édition a tout pour donner «envie
de venir à Vitrolles», comme le
revendique l’association Massilia
Cosmopolitaine.
Créée à Marseille il y a une quinzaine
d’années, elle s’installe à Vitrolles
en 2004 et y crée la Fête de la Paix.
Devenue Cosmopolizen Festival
en 2011, la fête est de nouveau
renommée cette année et retrouve
le domaine de Fontblanche pour
l’essentiel de sa programmation.
Dans cet écrin de verdure la
démarche éco-citoyenne, indissociable du festival, accompagnera
les concerts et l’ensemble des
animations.
Du 16 au 20 juillet, les valeurs
sûres et les découvertes musicales animeront l’immense parc
vitrollais. En ouverture, la journée
du 16 juillet sera dédiée aux plus
jeunes. Le matin, ateliers, jeux ou
spectacles seront proposés aux
2-6 ans, et l’après-midi, les plus de
7 ans pourront s’initier au graff ou
aux percussions brésiliennes. Le
soir, scène ouverte pour découvrir
de jeunes talents, avant le concert
des Marseillais de Drunksouls.
Suds à Arles :
un tour du monde
des poings levés
Découvertes et têtes d’affiche,
concerts frénétiques ou
spectacles intimistes, stages
44 et projections, le festival fait
toujours événement
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Les Suds
Arles
du 14 au 20 juillet
04 90 96 06 27
www.suds-arles.com
par les épatantes Mahotella Queens que
le festival a déjà présentées en 2001. À
ne pas manquer également cette année :
Calexico, Susheela Raman, Winston
Mcanuff & Fixi, David Krakauer, Magic
Malik et nos coups de cœur de la Région :
Dupain et Ahamada Smis (récent prix de
l’Académie Charles Cros).
DakhaBrakha © Maxime Shumilin
THOMAS DALICANTE
Nuits Métis,
populaire et solidaire
Trois jours de fête en musique et d’arts
pluridisciplinaires, accessibles à tous. C’est
ce que propose pour la 21e édition Nuits
Métis, sur les berges du plan d’eau de
Saint Suspi à Miramas. Avec comme
feuille de route une appropriation de la
diversité culturelle et la connaissance des
cultures d’ailleurs. Car au-delà d’offrir un
plateau d’artistes non formatés régionaux
et internationaux, la marque de fabrique
de l’association est de mener tout au long
de l’année un travail d’éducation populaire
et de lien social en direction des publics
du territoire, notamment jeunes, ainsi que
des actions de coopération internationale.
En haut de l’affiche, les Toulousains de
Zebda, relancés en 2011 après huit ans de
pause, repartent en tournée pour dévoiler
quelques titres d’un nouvel album attendu au
mois d’août. Sur scène, la bande à Magyd,
Mouss et Hakim a le don de transmettre
son envie de lutter pour une société plus
juste assumant son identité plurielle. Autre
David Walters © C. Boyer
Poétique et politique. Ce sont les deux
qualificatifs employés par la directrice des
Suds à Arles, Marie-José Justamond,
pour définir l’ambition de cette 19e édition.
Avec comme mots d’ordre deux concepts
chers à Edgar Morin : résistance et reliance.
La première face à «l’uniformisation des
musiques, des cultures, de la pensée» ainsi
qu’à «la substitution du pouvoir politique
par le pouvoir financier». La seconde parce
que la semaine arlésienne veut «ouvrir une
fenêtre qui parle au monde et du monde
avec le désir de partager avec tous d’autres
manières d’être présents au monde, sans
peurs.» Le festival de musique du monde ne
va pas convoquer pour autant des meetings
dans l’enceinte du théâtre antique mais les
artistes accueillis reflèteront inévitablement
l’actualité et les problématiques des pays
dont ils sont originaires. C’est particulièrement vrai pour Dakhabrakha, cet
«ethno-chaos band» de Kiev, en Ukraine.
Un quartet lumineux aux voix puissantes,
accompagnées par des instruments indien,
arabe, africain, russe et même australien,
qui crée une véritable performance entre
chants sacrés et néo-folk. Loin de la guerre
civile, le Syrien Omar Souleyman (chroniqué
lors de son concert d’ouverture de la Villa
Méditerranée à Marseille) est passé du statut
d’ambianceur de mariage à celui d’icône
du son alternatif arabisant. Renouvelant
le traditionnel dakbé en l’électrifiant, il a
créé une techno-syrienne qui a franchi les
frontières jusqu’à intriguer l’exploratrice de
sons Bjork qui a convié le crooner à remixer
son titre Crystalline. La voix de la Palestine
s’exprimera à travers Tamer Abu Ghazaleh,
figure talentueuse de la nouvelle scène arabe,
pour la première fois en France. Oudiste
multi-instrumentiste, ce songwriter s’inspire
aussi bien des grands poètes arabes que
des aspirations de son peuple, souvent avec
humour. On entendra aussi des artistes de
Tunisie (Nadia Khaless Trio), d’Iran et de
Turquie (Kayhan Kalhor, Erdal Erzincan,
Cigdem Aslan) ou encore de Cuba (Chucho
Valdès). Six mois après la disparition de
Nelson Mandela, il était difficile de ne pas
inviter à la fête la lutte contre l’Apartheid
en Afrique du Sud. Et quel musicien plus
emblématique que Johnny Clegg pour
cela ? Il sera précédé en première partie
groupe phare de la programmation, les
numéros 1 du reggae «made in France» :
Dub Inc. Le collectif stéphanois connait
un écho planétaire grâce à une rythmique
massive et à la force de frappe d’un duo de
MC’s aguerris au flow dance-hall caribéen.
Pour certains, Dub Inc serait tout simplement
comme la meilleure formation de reggae
en français de la décennie.
Alchimiste de la musique afro, électro,
pop et hip hop, David Walters présentera Run, son nouveau projet musical et
de projection vidéo, prolongement des
explorations effectuées ces deux dernières
années aux quatre coins de la planète. Un
voyage qui nous mènera de cérémonies
Vaudou de Brooklyn, au Bailé Funk de
Rio en passant par les rythmes du Gwoka
dans les Caraibes et la K-Pop de Séoul.
Créée pour Marseille-Provence 2013, la
session Watt de Wilaya 49 reprendra corps
à Miramas. Une rencontre cosmopolite
entre les Marseillais du Watcha Clan, le
rappeur algérien Banis de T.O.X et un de
ses plus éminents homologues américains
Raashan Ahmad.
À noter également Wayaz, Lëk Sen,
Macadam Bazar, Violons Barbares,
Naïas et Zyf. T.D.
Festival Nuits Métis
du 19 au 21 juin
Plan d’eau de Saint Suspi, Miramas
www.nuits-metis.wix.com/nuits-metis
Festival d’Aix-en-Provence
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La prestigieuse manifestation, dirigée par Bernard
Foccroulle, se tient depuis tant de lustres dans
la cité provençale qu’on a même cessé de les
compter ! Peu à peu, celui qui avait pris la suite de
Stéphane Lissner, en 2007, dans le périlleux rôle
d’ordonnancier de l’un des grands rendez-vous
mondiaux de la musique classique, et de l’art
lyrique en particulier, a imposé sa pâte, son style,
tout en suivant des sillons tracés. Peut-être moins
«tapageur» que son prédécesseur, musicien
lui-même, Bernard Foccroulle est davantage
tourné vers le monde baroque. Il revendique
un ancrage plus solide dans la région, ses
structures, ses talents, ses publics et acteurs
de demain, s’appuie sur le travail en constant
développement de l’Académie Européenne de
Musique, formidable vivier de jeunes artistes... Le
préambule, «Aix en juin» (voir page 27) est une
réussite et s’articule de mieux en mieux avec la
programmation de juillet. C’est une installation
sonore, moderne et surprenante de Benjamin
Dupé Fantôme (…), un «concert-spectacle en
immersion», qui sert de charnière, durant dix
jours, aux deux volets du Festival (voir Zib’52).
Mozart toujours
à l’honneur
On respecte la tradition aixoise en honorant Mozart,
et en particulier son opéra chef-d’œuvre : La Flûte
enchantée (1791). Cette fable rare, possède de
nombreux axes de lecture : de la féerie enfantine,
à la philosophie des Lumières, de la sagesse,
du pouvoir et des relations homme-femme, de
la condition humaine, du couple et du triomphe
possible de l’Amour, de la pulsion et du désir, de
la raison et des épreuves... C’est un monument
auquel s’attaque Simon McBurney avec une mise
en scène retrouvant «la magie des féeries théâtrales
à travers son utilisation toujours poétique de la
technologie et sa lecture approfondie d’un livret
qui touche à l’universalité par son hétérogénéité
même». Au Grand-Théâtre de Provence, Pablo
Heras-Casado dirige les instruments anciens
du Freiburger Barockorchester, un beau plateau
de chanteurs comprenant le ténor Stanislas
de Barbeyrac (Tamino) ainsi que la soprano
Mari Eriksmoen (Pamina), «ancienne» artiste
de l’Académie Européenne de Musique.
Haendel et Rossini
Deux autres opéras «classiques» sont annoncés
au Théâtre de l’Archevêché, ou plus exactement
l’un «baroque» avec Ariodante (1735) et l’autre
quasi «romantique» : Il Turco in Italia (1814). Le
maestro Andrea Marcon est entouré de quelques
divas rompues aux œuvres du XVIIIe siècle (Sarah
Connolly, Patricia Petibon, Sandrine Piau...)
qui chantent un livret chevaleresque, lunaire et
amoureux, tiré de l’Arioste (Orlando furioso).
Une perfection musicale mise en scène par
Richard Jones !
La Flûte enchantée, De Nederlandse Opera © Clarchen & Matthias Baus
On fait aussi appel à Marc Minkowski et aux
Musiciens du Louvre Grenoble pour assurer
la verve orientaliste de Rossini. Christopher
Alden met en scène son opéra-bouffe empreint
de folies et de vocalises en guirlandes lancées
par la soprano Olga Peretyatko.
Schubert et Bach
Le baryton Matthias Goerne chante le cycle Die
Winterreise (Le voyage d’hiver), triomphe intime
et profond du romantisme germanique sur des
poèmes de Heine. Au nouveau Conservatoire
Darius Milhaud, William Kentridge imagine une
scénographie autour des célèbres vingt-quatre
Lieder. Ce sont aussi Katie Mitchell (mise en
scène) et Raphaël Pichon (direction musicale)
qui imaginent, au Théâtre du Jeu de Paume,
en partenariat avec l’Académie Européenne de
Musique, un spectacle autour de la théâtralité
des Cantates de Bach : Trauernacht.
Des concerts...
Autour des productions lyriques s’articulent une
vingtaine de concerts dont le premier est donné
en hommage à Patrice Chéreau par l’Orchestre
de Paris et la grande mezzo-soprano Waltraud
Meier dirigés par Paavo Järvi (5 juillet). On entend
ensuite des formations et musiciens de haut-vol,
la «cheville» symphonique du festival 2014 le
Freiburger Barockorchester, Jean-Guihen
Queyras au violoncelle, Alexandre Tharaud
au piano... L’ensemble Modern interprète des
opus de Manfred Trojahn créés sur des poèmes
de René Char et chantés par la soprano Sabine
Devieilhe (13 juillet). Une grande soirée présente,
pour l’année Rameau, sa tragédie lyrique Les
Boréades (créée à Aix en 1982) en version de
concert, avec Julie Fuchs et les
Musiciens du Louvre Grenoble
dirigés par Marc Minkowski
(18 juillet). Le festival s’achève
avec un beau programme de
l’Orchestre des Jeunes de la
Méditerranée dirigé par Alain
Altinoglu (24 juillet).
JACQUES FRESCHEL
Festival d’Aix
du 2 au 24 juillet
Aix-en-Provence
Aix en juin (voir Zib’74)
0820 922 923
www.festival-aix.com
Chorégies d’Orange
Aller à Orange, c’est aimer la pierre du
théâtre romain qui grimpe en degrés et
s’assombrit dans la lumière rougeoyante
du coucher du soleil, à l’heure chaude où
les voix prennent miraculeusement des
résonances insoupçonnées, transpercent
l’air de plus en plus clairement au fur et à
mesure que l’obscurité se fait...
Aller à Orange, c’est vibrer aux premières
harmonies de l’ouverture d’un opéra, lancé
à baguette tournoyante du maestro, c’est
avoir peur que l’orchestre ne mange le coffre
fragile des solistes tant il sonne en exergue,
au centre de l’édifice, et fait naturellement
écran entre la scène démesurée, au pied de
l’abrupt mur de fond, et les impressionnants
gradins garnis de milliers d’âmes qui lui
font face...
Aller à Orange, c’est jubiler lorsque, justement, l’exceptionnel se produit, que le
chanteur parvient à franchir l’obstacle, se
fraye un chemin dans la masse symphonique en direction de chacun. C’est aimer
l’émotion partagée, cette communion à l’art
qui nous transporte auprès d’une troupe
d’esclaves chantant sa libération ou dans
la folle intimité d’un Maure dévoré par la
jalousie...
Aller à Orange, c’est avoir les yeux qui
brillent devant les scènes de foules et ses
ballets, les oreilles qui vibrent au volume
d’un grand chœur, le souffle qui halète à
la faveur du son aérien d’une soprano...
Aller à Orange en 2014, c’est doublement
célébrer Verdi !
Son célèbre «va pensiero» composé à
47
© Philippe Gromelle Orange
l’heure du Risorgimento, est mis en scène
par Jean-Paul Scarpita avec l’Orchestre
National de Montpellier dirigé par Pinchas
Steinberg, les voix de Martina Serafin,
Karine Deshayes ou Georges Gagnidze
(Nabucco, les 9 et 12 juillet).
Et son chef-d’œuvre tiré de Shakespeare
affiche un plateau de stars : Inva Mula,
Roberto Alagna, Seng-Hyoun Ko...
dirigés par Myung Whun Chung à la tête
de l’Orchestre de Radio-France dans
une mise en scène de Nadine Duffaut
(Otello, les 2 et 5 août).
C’est aussi prendre en pleine face l’«O
fortuna» néo-païen initial, obsédant, de la
cantate scénique Carmina Burana de Carl
Orff dirigée par Michel Plasson, avec
l’Orchestre National de Bordeaux, le
Chœur de l’Orféon Pamplonés et la
Maîtrise des Bouches du Rhône (le
17 juillet).
Deux concerts lyriques encadrent enfin les
Chorégies cet été : celui des Révélations
classiques de l’Adami (le 9 juillet à 18h, Cour
Saint-Louis) et du duo Patrizia Ciofi &
Daniela Barcellona dans un programme
annonçant du pur bel canto (le 4 août).
JACQUES FRESCHEL
Les Chorégies d’Orange
du 9 juillet au 5 août
04 90 34 24 24
www.choregies.fr
Musiques Interdites
Interdits... les juifs dans le film muet La
ville sans juifs, tourné en 1924 par Hans
Karl Breslauer à partir du roman éponyme
d’Hugo Bettauer, écrivain juif autrichien
assassiné par un militant nazi ! Sa satire
de l’antisémitisme et de ses conséquences
possibles dérangeait... On découvre ce long
métrage d’anticipation politique projeté sur
le toit-terrasse de la Friche de la Belle de
mai, son style expressionniste rehaussé
d’un accompagnement musical électro
mixé par Pierre Avia (2 juillet).
Interné... au Camp des Milles le musicien
juif Jan Meyerowitz ! Il fut sauvé par le réseau
Varian Fry et vécu dans la clandestinité
des réseaux résistants... On a découvert,
lors du Festival 2013, son bel opéra The
Barrier. Michel Pastore réunit, autour de
cette re-création, des interviews à propos
de sa présence dans le midi de la France.
En regard, Claudia Sorokina (soprano)
et Frédéric Leroy (baryton) chantent des
extraits de son opéra et un cycle inédit de
mélodies accompagnées au piano par
Vladik Polionov (5 juillet, La Friche).
«Dégénéré»... Arnold Schoenberg !
Cumulant avant-gardisme et judéité, le compositeur a fui l’Allemagne nazie en 1933...
Son chef-d’œuvre, le Pierrot lunaire (1912),
demeure un geste lyrique fondamental pour
la lecture de l’art moderne. La soprano
Brigitte Peyré et l’Ensemble Télémaque
donnent vie aux poèmes symbolistes d’Albert
Giraud. Raoul Lay crée également un
opus de Philippe Hersant Qui rapportera
ces paroles ?, composé d’après la pièce
de Charlotte Delbos, «une tragédie qui se
passe dans un camp de concentration».
Des lycéens récitants, formés en partenariat
avec l’ERAC, le plasticien Philippe Adrien,
le peintre performeur Dominique Pichou
et la formidable basse Nicolas Cavallier
participent à l’événement (6 juillet, La Friche).
Exilé... Erich Wolfgang Korngold. Son
ultime opéra Die Kathrin, dont la création avait
été annulée à Vienne par les nazis en 1938
(et l’an dernier au festival), est joué dans une
adaptation condensée, mise en espace et
actualisée... Une partie de l’action se passe
à Marseille dans les années 30 et traite
d’une histoire d’amour franco-allemande. Le
plateau de chanteurs qui exhume l’œuvre est
secondé par l’Orchestre symphonique de
la Garde Républicaine dirigé par Sébastien
Billard (8 juillet, Cour de la Préfecture
des B.d.R).
J.F.
9e festival Musiques Interdites
du 2 au 8 juillet
Marseille
www.musiques-interdites.eu
Réservations
www.lafriche.org (04 95 04 95 95)
www.espaceculture.net (04 96 11 04 61)
www.fnac.com
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34e Festival de La Roque d’Anthéron
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hauts-gradins, ou sur la dizaine
de scènes alternatives, du temple
historique de Lourmarin au
Grand-Théâtre de Provence,
des magnifiques Terrasses minérales de Gordes aux berges de
l’Étang des Aulnes ou sur le
Parvis de l’église de Lambesc,
procurent à tous d’inoubliables
émotions.
C’est une expérience à vivre
et revivre que le rituel des
concerts, celui du voyage sur
les routes d’accès, du plein air
et ses nuits d’été, à l’heure où,
entre chien et loup, les cigales
interrompent leur chant pour
laisser place au marteaux feutrés,
à leur maître ! Il faut connaître
l’électricité des fins de récital,
ses bis en série livrés par des
musiciens généreux atteignant
leur point d’épuisement... des
retours nocturnes et des phares
en guirlande, à la queue-leu-leu,
la tête pleine de notes enrobées
de rêves à venir!
Ivresse pianistique
L’amateur, même novice,
s’y rend au hasard : il n’est
jamais déçu ! Mais les yeux du
Duo Jatekok © Christophe Gremiot
festivalier assidu s’éclairent à
la lecture des noms scintillant
aux programmes : des géants
russes Berezovsky, Lugansky,
Sokolov, Pletnev... ou Nelson
Freire et Nicholas Angelich
dans les Concertos de Liszt,
Marc-André Hamelin, Anne
Queffélec, Claire-Marie le
Guay, Jean-François Heisser, Vanessa Wagner, Claire
Désert dans les concertos
de Martinu et Schoenberg...
et Abdel Rahman El Bacha
avec sa «Nuit» de Préludes,
Chamayou chantant Schubert, Laloum bécotant Mozart,
Pennetier tissant son Chopin,
Jude déroulant ses Nocturnes...
À s’enivrer !
JACQUES FRESCHEL
Festival International de piano
du 18 juillet au 17 août
La Roque d’Anthéron
04 42 50 51 15
www.festival-piano.com
Festival de Chaillol
«Préférant une logique de pollinisation à la
concentration de sa programmation sur un
seul site», le Festival de Chaillol «propose
une itinérance qui invite à la découverte
du patrimoine naturel haut-alpin, de ses
petites églises, à la rencontre d’un pays
et de ses habitants». Voilà bientôt vingt
ans que l’équipe réunie autour de son
directeur artistique Michaël Dian, a semé
de précieuses graines dans la vallée du
Champsaur et les reliefs du pays gapençais ! Ces passionnés, militant pour un
développement culturel du territoire, ont
établi un rapport intime avec ce dernier,
y puisant même une source d’inspiration
dans le domaine de la création musicale.
C’est ainsi qu’en 2013 une partition de
Georges Boeuf a été composée sur le
récit de Jean Giono L’homme qui plantait
des arbres. C’est une œuvre emblématique
d’une programmation qui toute l’année,
en dehors du même du festival de l’été,
concilie l’exigence artistique et la valorisation
du pays des montagnes ! À Chaillol, à
l’image du berger Elzéard, on sème avec
obstination, devoir et patience, chaque
saison... Aujourd’hui les pousses ont grandi...
et on augure une belle forêt pour demain !
Dans le même esprit, la création 2014,
Remy Yulzari & Nadav Lev © Arthur Moeller
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Lorsque la chaleur monte,
au cœur de l’été, du coté de
La Roque d’Anthéron et ses
scènes satellites, les claviers
ne sont guère tempérés. On y
joue sur tous les tons : du jazz
échevelé sous les platanes et du
clavecin baroque à l’abbaye, du
piano virtuose à enflammer les
gradins aux dialogues subtils de
la musique de chambre... On y
dessine, en noir et blanc, sur les
touches dentelées de machines
de concerts qui happeraient
d’une seule bouchée, telles des
bêtes impitoyables, le moindre
apprenti-musicien, de grandes
pages de la vie festivalière de
l’été provençal.
Le Festival International de
piano de La Roque d’Anthéron est l’un des plus grands
du monde : ne s’y présentent
que des pointures singulières,
exceptionnelles, renversantes...
Les artistes qui se succèdent
à l’affiche des quelques 70
concerts, un mois durant,
prennent place sous la grande
conque acoustique du Parc du
Château de Florans, poumon
de la manifestation avec ses
Le grand tomple, est un opéra de poche
radiophonique qu’Ivan Solano écrit sur
un livret de Catherine Peillon s’inspirant
du récit de l’émigration des Haut-Alpins
en Amérique.
Alors cet été, prenons de la hauteur en
investissant les églises et châteaux du Buëch
Dévoluy, de l’Avance et du Valgaudemar ou
de la vallée de Tallard-Barcillonnette, pour
butiner dans la floraison de propositions ! 24
concerts courent des dernières créations
(commandes du festival) de Georges Bœuf et
Alexandre Markeas (Ensemble CBarré) au
jazz solitaire (Franck Tortiller, vibraphone)
ou en band (Nicolas Dary Septet), voire
métissé (Jasmim), du beat-box (Ange B)
mêlé de chant occitan (Manu Théron) au
galoubet-tambourin (Belouga Quartet),
du quatuor à cordes (Quatuor Bela) au
piano (Simon Zaoui), du duo contrebasse
& guitare (Rémy Yulzari & Nadav Lev) au
clavecin baroque (Jean-Marc Aymes)...
J.F.
18e Festival de Chaillol
du 17 juillet au 12 août
04 92 50 13 90
www.festivaldechaillol.com
Festival Estival de Toulon et sa Région
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Pleiades © Agathe Poupeney
Elle a du chien l’affiche du Festival Estival de Toulon et sa Région en 2014,
concoctée par l’équipe d’Alain Guérin,
administrateur délégué à la programmation
artistique ayant succédé à Daniel Bizien.
Cinq grands rendez-vous musicaux de juillet
sont donnés dans les lieux habituels de la
manifestation : la Tour Royale à Toulon et
la Collégiale Saint-Pierre à Six-Fours.
En préambule, on entend les Percussions
de Strasbourg dans un spectacle chorégraphique conçu sur la musique Pléiades
de Iannis Xenakis à Châteauvallon (24
juin), ainsi qu’Odyssée Ensemble & cie,
spectacle familial de théâtre musical au
Théâtre de Verdure du Faron (28 juin).
C’est ensuite Pierre Hantaï, formidable
claveciniste, qui joue la «Génération 1685»,
soit trois compositeurs baroques nés cette
année-là : Haendel, Bach et Scarlatti (2
juillet, Collégiale).
Le pianiste Georges Pludermacher
interprète la Sonate n°7 de Beethoven,
Kreisleriana de Schumann, la Suite bergamasque de Debussy et Gaspard de la
nuit de Ravel («Le piano jusqu’à l’irréel»,
3 juillet, Tour Royale).
L’un des plus grands trios avec piano
actuels, le Trio Wanderer, joue le Trio
n°43 en ut majeur de Haydn, le Trio n°1
en ré mineur de Schumann et le Trio en la
mineur de Ravel («La preuve parfaite par
trois», 7 juillet, Tour Royale).
«Opéra pour la paix-Fête de Rameau»
célèbre le 250e anniversaire de la disparition
du musicien français baroque. Jérôme
Correas dirige Les Paladins, la soprano
Isabelle Poulenard et le ténor Marcel
Beekman dans des extraits de Zoroastre,
Les Indes Galantes, Pygmalion... (10 juillet,
Collégiale).
Ce sont enfin les prestigieuses «Seize cordes
de Bohème» du Quatuor Prazak qui vibrent
sur la butte de Six-Fours, pour interpréter
La chasse de Mozart, les Quatuors op.61
de Dvorak et n°1 «de ma vie» de Smetana
(11 juillet, Collégiale).
JACQUES FRESCHEL
Festival Estival de Toulon et sa Région
du 24 juin au 11 juillet
04 94 18 53 07
www.festivalmusiquetoulon.com
«Une septième édition toujours sous le
signe de l’authenticité, de la rencontre
inattendue entre la campagne et la musique
classique» déclare Jérémie Honnoré.
C’est de Musique à la Ferme dont il est
question, un festival original de musique
de chambre situé à Lançon-Provence et
dont le pianiste assure la direction artistique. Atypique, il est vrai ce festival, par
le lieu-même des concerts situé dans une
grange, une chèvrerie, certes aménagée
pour la circonstance, mais dont la rusticité d’origine se marie volontiers avec les
programmes proposés ! Six concerts en
2014 réunissent 22 interprètes de hautvol, à la réputation établie ou en devenir,
dans des formations qui s’articulent du
duo au quintette. Les clarinettiste Florent
Héau, Florent Charpentier, le Quatuor
Voce, les pianistes Marion Liotard, Hervé
Billaud, Guillaume Coppola, Emmanuel Christien, les violonistes Samika
Honda, Guillaume Fontanarosa, le Trio
Atanassov, l’alto de Sylvain Durantel ou
Emmanuel Gross, les violoncellistes Julien
Lazignac, Sarah Sultan et Alexandre
Lacour, Stéphane Coutable au basson et
Armel Descotte au hautbois y jouent des
œuvres classiques de Mozart, Schubert,
Brahms, Franck, Smetana, Dvorak, Fauré,
Chausson, Ravel, Poulenc…
Mais cet été la création est à l’honneur : le
compositeur Lionel Ginoux, bien connu
dans notre région, dont on a entendu la
récente création à l’Opéra de Marseille de
son Concerto pour violon interprété avec
fougue par Nemanja Radulovic, est invité
en résidence aux portes du Vaucluse. En
formidable clin d’œil, il créé spécialement
pour le festival, une commande oportune :
La chèvre de Monsieur Seguin, un conte
musical pour récitant (François Castang)
et piano (par le maître des lieux Jérémie
Honnoré) d’après le célèbre texte d’Alphonse
Daudet. L’opus est présenté lors de deux
concerts «en famille» à la médiathèque du
Roulage. Autre commande du festival au
compositeur avignonnais : une pièce pour
alto et piano intitulée Isonata... À découvrir !
J.F.
Festival Musique à la Ferme
du 16 au 26 juillet
Lançon-Provence
www.musiquealaferme.com
04 90 42 74 76 (Chèvrerie)
04 90 42 98 30 (Roulage)
Quatuor Voce © Sophie Pawlak
Musique à la Ferme
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Cello Fan
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Coudon
Quatuor Bela © X-D.R
Romberg laisse place à l’exécution
d’œuvres de Krystof Maratka (1972-)
(joué par François Slaque) ou Mathieu
Névéol (1981-). Bartók, Tchaïkovski,
Boccherini, Mozart, Beethoven sont
à la fête. Pique-nique convivial, master
class et un parfum d’Afrique pour finir…
Le violoncelle ? International assurément !
MARYVONNE COLOMBANI
Festival Cello Fan
du 27 juin au 2 juillet
Callian
04 94 47 75 77
www.callian.fr
Festival de guitare
de Lambesc
43° 39’ 6.24’’ N 5° 14’ 22.59 E. Rares
sont les lieux de spectacle indiqués de
cette manière, vous en conviendrez. Cela
donne déjà un parfum de dépaysement,
d’aventure… on est à deux doigts de
prendre une boussole ! Rassurez-vous,
personne ne se perd vraiment dans la
quête du Château Pontet Bagatelle (D.15
route de Pélissanne) qui ouvre son parc au
Festival international de guitare de Lambesc,
concocté avec discernement et amour
tout au long de l’année par l’Association
Aguira. Des guitaristes venus d’Amérique
latine (et oui, il n’y en a pas que pour la
coupe du monde !), d’Espagne, d’Italie, de
France présenteront des œuvres savantes ou
populaires, de l’époque baroque à nos jours
ainsi que leurs propres compositions. On
aura le privilège d’entendre Jérémy Jouve,
le duo Themis, Giovani Grano (Italie),
Ruben Parejo (Espagne), Jorge Cardoso
(Argentine), Sylvie Dagnac, l’orchestre
d’enfants Guitarles Académie, Luz Maria
Bobadilla (Paraguay). Particularité de cette
édition : l’Octet Vocal Aguira interprètera
dans la transcription de J. Cardoso pour huit
voix, deux guitares et percussion, le Canto
General de Pablo
Neruda mis en
musique par
Mikis Théodorakis. Cette formation réduite
permettra
de rendre
hommage
au poète et
à une œuvre
qui est l’un
des symboles de l’Amérique
Latine. Parallèlement une exposition ainsi
qu’une tombola avec une guitare en jeu
ajoutent à l’atmosphère bon-enfant de
cette manifestation originale et d’une
remarquable qualité.
Jérémy Jouve
© X-D.R
50
Le violoncelle est roi au village médiéval
de Callian situé dans le pays de Fayence.
Pour la 14e édition du festival Cello Fan,
une trentaine de musiciens se donnent
rendez-vous. Aux violoncelles, violons,
altos, piano, accordéons, mêlent leurs
voix ainsi que la soprano Helen Kearns,
premier prix et prix du public au concours
international de chant Klassic-Mania.
Éclectique, le programme parcourt les
univers de la musique classique, baroque
et contemporaine. On entendra ainsi le
Concerto pour deux violoncelles de Paul
Tortelier qui aurait eu cent ans cette année,
des pièces de Pablo Casals. Marcel
Bardon et Dominique de Williencourt
rendront hommage à Jean-Louis Florentz (1947-2004) avec entre autres le
Second chant de Nyandarua pour douze
violoncelles. L’acrobatique Sonate pour
violoncelle seul, opus 8 de Kodaly sera
interprétée par le virtuose Ormezowski ;
l’instrument devient cymbalum, tambour,
harpe, cornemuse... Curiosité, la Sonate
Arpeggione (instrument entre la guitare
et le violon) de Schubert. Compositeurs
classiques, baroques, contemporains sont
abordés avec un égal bonheur par ces
passionnés de classe internationale. La
musique de salon autour de Bernhard
Les Nuits du
M.C.
14e Festival international de guitare
de Lambesc
du 29 juin au 5 juillet
Château Pontet Bagatelle, Lambesc
04 42 92 44 51
www.festivalguitare-lambesc.com
Deux soirées de concerts pour la
dixième édition des Nuits du Coudon,
organisées par la ville de La Valette.
Le Domaine du Coudon offre un écrin
de choix à ce festival classique. Le
Chœur Régional PACA, créé en 1989
par Michel Piquemal, et dont la qualité
n’a rien à envier aux professionnels,
s’attache à faire découvrir des œuvres
peu connues tout autant qu’à servir
les grands classiques du répertoire.
Ainsi sera interprété Indianas du compositeur argentin Carlos Guastavino
(1912-2000), au romantisme luxuriant
qui s’inspire de la musique populaire,
puis, dans cet ambitieux programme
pour chœur et piano, la Messe en ré
d’Anton Dvorak. Le lendemain, une
formation plus réduite certes, mais
d’un immense talent, le groupe Les
Voix animées nous entraînent dans
l’Europe de la Renaissance pour un
superbe spectacle FOLIA ou éloge
de la folie. Érasme n’est pas loin !
Josquin, Lassus, mais aussi une
création de Dimitri Tchesnokov,
jeune artiste contemporain qui a déjà
vu certaines de ses compositions
interprétées par cet ensemble. Il est
d’ailleurs réjouissant de voir que le
répertoire ne se cantonne pas à une
époque précise, mais s’ouvre aux
richesses actuelles avec la même
passion et la même verve que pour
les plus anciennes. Les six voix a
capella sous la direction précise et
sensible de Luc Coadou savent
transcrire les divers registres des
œuvres interprétées, de la poésie
rêveuse à la distanciation ironique. Il
est rare d’avoir la possibilité d’assister
à des concerts d’une telle tenue pour
un prix aussi modique (5 euros). Raison
de plus pour se hâter aux pieds du
Coudon !
M.C.
Les Nuits du Coudon
les 6 et 7 juillet
Domaine du Coudon, La Valette-du-Var
04 94 23 62 06
[email protected]
© Choeur régional
Flavia Coelho © Roch Armando
On s’échappe ?
«Escapade (n.f.) : action d’échapper un certain temps aux
obligations de la vie quotidienne». Que voici une définition
affriolante, pour attirer le festivalier en mal de détente ! Dès le
début de l’été, le Théâtre Durance lui assurera un moment
d’évasion dans deux communes des Alpes de Haute-Provence. Cela commencera Place de la République à Peyruis,
avec Le rêve d’Erika le 3 juillet : du cirque chorégraphié,
magnifié par la voix d’une chanteuse lyrique, Pauline
Larivière. Le lendemain, c’est à la ferme de Font-Robert
(Château-Arnoux) que l’on pourra onduler au son de la
rumba congolaise de Black Bazar, après avoir rêvé un peu
sur les textes de James Fontaine, mis en musique par le
groupe Juste Avant Que Les Mots Sonnent. Enfin le 5
juillet, l’exotisme le plus brûlant sera au rendez-vous dans
cette même ferme, avec deux destinations de choix : l’île de
la Réunion, et le Brésil. Du chanteur Tiloun, on dit qu’il est
le Léo Ferré de l’océan indien, le roi du maloya, un grand
défenseur de l’identité créole. Quant à Flavia Coelho,
révélation dans la catégorie musique des Femmes en or
2013, elle est réputée pour sa présence scénique et son
exubérance, forgée par des années de cabaret.
Les parenthèses enchantées sont censées être brèves,
mais trois jours, cela n’est déjà pas si mal, surtout lorsque
le plaisir ne vous coûte pas trop cher... et ces escapades-là
sont entièrement gratuites.
GAËLLE CLOAREC
Les Escapades
du 3 au 5 juillet
Peyruis, Château-Arnoux/Saint-Auban
04 92 64 27 34
www.theatredurance.fr
Fête de la musique
Mus’iterranée
MARSEILLE. Le 21 juin. Alcazar
Entrée libre dans la limite des places disponibles
www.bmvr-marseille.fr
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Les six chanteurs reprennent à Toulon (après
l’Abbaye du Thoronet) le troisième volet de
leur cycle «Entre pierre et mer». On entend, a
cappella, de la «Musique sacrée à Rome» de
deux compositeurs qui se sont croisés dans la
cité papale à la Renaissance, un programme
de musique traitant de la Nativité : la Messe O
magnum mysterium de Palestrina et des Motets
de Lassus (22 juin à 17h30, Temple de Toulon).
Et en clôture du cycle de concerts, on retourne
à l’abbaye cistercienne. «Entre le lion et le lys»
décline de la Musique sacrée des Pays-Bas de
Josquin, Ockeghem, Obrecht, Lassus et une
création de Dimitri Tchesnokov (6 juillet à
18h45, Abbaye du Thoronet).
Au début juillet, le festival qu’organise Guy
Laurent avec son ensemble de musiques patrimoniales est consacré à André Campra l’Aixois.
Dans la chapelle fraîche de la rue La Cépède,
Les Festes d’Orphée déclinent quatre concert
et deux conférences (gratuites les 3 et 5 juillet
à 18h), afin d’embrasser l’art du compositeur
baroque aixois le plus célèbre aujourd’hui,
que la postérité privilégie parmi la pléiade de
musiciens qui ont œuvré à Saint-Sauveur. C’est
Campra et le théâtre, l’église et la chambre
que l’on revisite avec la première audition en
recréation des Muses rassemblées par l’Amour
Idille mise en musique par M.Campra (6 et 7
juillet), sa musique religieuse (9 juillet) ou ses
Cantates (11 juillet).
AIX. Du 3 au 11 juillet. Chapelle du Sacré-Cœur
18e Festival de Musiques Patrimoniales
Aix en baroque
04 42 99 37 11
www.orphee.org
Un voyage à travers des musiques du monde
afin, selon les mots de Leopold Sedar Senghor,
de «vivre le particularisme jusqu’au bout pour y
trouver l’aurore de l’universel» ! On file au large
de l’Arménie (Levon Minassian-Doudouk) et
du Portugal (Carina Salvado-Fado), puis vers
l’Espagne (Trio Fernandez -Flamenco), la Perse
en passant par le Maghreb et le Moyen-Orient
(Trio Yamm-Chant, oud, zarb).
AIX. Les 25 et 26 juin. Cloître des Oblats
06 09 31 81 39
www.laboiteamus.com
TOULON, LE THORONET
06 51 63 51 65
www.lesvoixanimees.com
Dernier week-end
de Chaillol
Les Festes d’Orphée © X-D.R
Festival de Robion
Orchestre
Philharmonique
du Pays d’Aix
Sa tournée d’été affiche 10 concerts gratuits
dans les communes du Pays d’Aix. Les musiciens interprètent sous la direction de Jacques
Chalmeau Il était une fois l’Amérique avec la
Suite Symphonique Star Wars de John Williams
(à Bouc-Bel-Air le 24 juin et Mimet le 26 juin),
puis Mozart for ever : sa Petite musique de nuit,
sa Symphonie concertante pour violon (Roland
Muller) et alto (Jean-Baptiste Brunier) et sa
25e symphonie en sol mineur (au Tholonet le
29 juin, Peyrolles le 4 juillet, Vauvenargues
le 5, Coudoux le 6, Peynier le 9, Vitrolles
le 10, Jouques le 11, Saint Estève Janson
le 12 juillet).
PAYS D’AIX. Concerts à 21h
www.lestheatres.net
www.orchestre-philharmonique-aix.com
L’association du Festival de Robion organise, en
2014, la 18e édition du Festival de Musique du
Monde. Le Festival est issu d’une dynamique
associative villageoise qui s’est développée autour
d’un beau Théâtre de la Verdure. Il invite à un
«voyage endiablé, de Buenos Aires à Beyrouth,
en passant par Kinshasa, Berlin, Toulouse et Rio,
un détour par la Jamaïque et le Cap Vert, pour
finir au pied de l’Atlas avec Titi Robin».
ROBION. Du 10 au 19 juillet (Vaucluse)
04 90 05 84 31
www.festivalderobion.com
Armelle Ita © Clement Puig
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Les Voix animées
Chantal Santon Jeffrey © C.H. Jeffery
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Aix en baroque
Levon Minassian © X-D.R
La musique de film envahit l’Alcazar ! Un jeune
orchestre d’harmonie de près de quarante
musiciens, l’Ensemble musical du Sud, fait
résonner cuivres et bois entre les rayons de
livres et les coursives étagées. Tout commence
à 15h30 par une prestation place René Sarvil
(arrière de la BMVR), se poursuit Cours Belsunce à 16h, avant le concert dans la Salle de
conférence à 17h.
Jacques Chalmeau © Agnès Mellon
Un projet atypique, autour de la soprano Chantal
Santon Jeffrey, «work in progress» faisant
référence au Recital for Cathy de Luciano Berio
et aux errances d’Ariane abandonnée sur l’île
de Naxos ! Elle est accompagnée par Bruno
Helstroffer (guitares, théorbe) pour quatre
concerts à Ancelle, Montmaur, Montgardin
et La Chapelle en Valgaudemar (05).
Récital A du 26 au 29 juin
06 82 81 87 42
www.festivaldechaillol.com
Musique en vacances
Tout un programme organisé par l’A.M.E.I. (Association Méditerranéenne
d’Échanges Internationaux) à La Ciotat ! On entend des opus classiques
comme le Stabat mater de Pergolèse ou Les quatre saisons de Vivaldi,
une relecture originale de Carmen «in swing», de la musique ancienne
ou des gospels, un opéra «de poche» de Hasse, un autre «de chambre»
d’après la correspondance de Clara et Robert Schumann, des duos
classiques et divers ou des reprises des Beatles, du piano et des «petits
chanteurs»... Soit une vingtaine de concerts dont un bon nombre
gratuits (sur réservation).
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LA CIOTAT. Du 11 au 27 juillet
19e festival Musique en vacances
www.tourisme-laciotat.com/festivals/festival-musique-en-vacances
Les Violons de France © X-D.R
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MARSEILLE. Le 27 juin. La Maison Hantée
Léda Atomica Musique
04 96 12 09 80
http://ledatomica.mus.free.fr
Pour la fête de la musique, la Caisse d’Épargne
PACA, avec le soutien du magazine étudiant
Magma, lance un concours aux talents du
territoire : Pulse with Music. Vous êtes un musicien
ou un groupe (amateur) de la région PACA,
Corse, Martinique, Réunion ou Guadeloupe ?
Vous jouez du rock, du jazz, de l’électro ou du
baroque, et vous produirez sur scène le jour
de la fête de la musique ? Tentez votre chance
(inscriptions jusqu’au 20 juin) et récoltez, à
l’issue du concours, des chèques de 2000
euros (premier prix) ou 1000 euros pour le
second. Et pour les votants (du 21 juin au 31
juillet), un tirage au sort permettra aussi de
remporter des lots.
Pulse with Music
www.facebook.com/planete.caisse.epargne
Pour fêter l’arrivée de l’été en musique,
Montévidéo, le GRIM et Diphtong Cie ont tout
prévu. Et c’est autour de l’invité d’honneur
joyeusement dadaïste, l’Allemand Félix Kubin,
considéré comme la figure majeure de la
musique électronique déviante, qui oscille
dans des registres allant de la pop futuriste
à la musique de chambre, en passant par du
théâtre et des pièces radiophoniques, que la
soirée s’organisera. Avant son concert décoiffant
(à 22h), des déhanchements musicaux pour
échauffer les oreilles seront l’occasion, dès
19h, de se dégourdir les jambes avec un Dj
set composé par les musiciens de Montévidéo,
du GRIM, d’Actoral et Diphong Cie. À 23h30,
Marseille Manhattan prendra le relais pour
un Dj set Vecteur Vitesse d’envergure, où tous
les styles seront mixés pour finir la soirée dans
une fête musicale décapante : new-wave, disco,
hip hop, rockabilly, chachacha, twist et électric
funk… La capacité d’accueil étant limitée, il est
vivement conseillé d’arriver dans les premiers…
Le 4 juillet, la Mesón se déplace hors les murs,
au Parc Maison Blanche, pour la poursuite
de la 4e édition du Flamenco Extramural !
Spectacles flamenco, tablao, bals sévillans
seront au rendez-vous (gratuit). Así Fue, Así Será
vous plongera dans l’histoire d’une rencontre
à l’image du flamenco, ardente, festive et
sensuelle, Antonio El Titi fera résonner sa
guitare entre le duende fiévreux du flamenco,
musique latine et improvisations jazz et Elodie
Tenant une hisoitre contée par des mots, des
musiques et des danses. Toujours dans le cadre
de Musiques au jardin, le 3 juillet, Kabbalah,
Lil’Butt et le Dj set de Suprem Clem et Big
Buddha, auront réchauffer la scène de leurs
rythmes yiddish, soul ou hip hop.
MARSEILLE. Les 3 et 4 juillet.
Parc de la Maison Blanche
04 91 50 11 61
www.lameson.com
MARSEILLE. Le 21 juin. Montévidéo
04 91 37 97 35
www.montevideo-marseille.com
www.grim-marseille.com
www.diphtong.com
Felix Kubin © Sönke Held
Trip-hop à la sauce marseillaise ? Post-rock
climatique ? Fruit de la collaboration entre Phil
Spectrum et Clis Gaul pour rapporter l’histoire
du bandit de grands chemins Jerry Trigger, ce
récit en chanson sera en concert à la Maison
Hantée le 27 juin. Une électro sombre et
sensuelle qui devrait séduire les amateurs du
Velvet, de Nick Cave ou de cold wave.
Pulse with Music !
Flamenco Extramural Fête de la musique
à Montévidéo
Así Fue, Así Será © Alexandra Rivet
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Yes baby !
Phil Spectrum et Clis Gaul © X-D.R
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Regards sur
le Cinéma Israélien
Je t’ai dans la peau
Le cinéma César à Marseille accueille du
18 au 24 Juin, les 15e Regards sur le Cinéma
Israélien. Le 19 juin à 20h30, Le procès de
Viviane Amsallem de Ronit et Shlomi Elkabetz,
en présence du parrain du festival Pascal
Elbé, présenté par Xavier Nataf. Dernier volet
de la trilogie dont seront aussi programmés
Prendre femme (2005) et Les sept jours (2008).
Le 24 juin à 20h30, The Green Prince, troisième volet d’une trilogie documentaire sur
l’espionnage de Nadav Schirman, primé au
dernier festival de Sundance.
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Cinéma César, Marseille
09 75 83 53 19
www.cinemetroart.com
www.judaicine.fr
Polygone Étoilé, Marseille
04 91 91 58 23
www.polygone-etoile.com
L’ex de ma vie
Le 19 juin à 20h30, au cinéma Le Prado à
Marseille, projection en avant-première du
dernier film de Dorothée Sebbagh, L’ex de
ma vie, en présence de la réalisatrice et de
la comédienne Géraldine Nakache. Ariane
(Géraldine Nakache) une jeune violoniste,
accepte la demande en mariage enflammée
de Christen (Pascal Demolon), un irrésistible
chef d’orchestre. Seul hic : la jeune femme
n’est pas vraiment disponible puisqu’elle
est encore mariée à un instituteur italien
(Kim Rossi Stuart) qu’elle n’a pas vu depuis
deux ans…
Cinéma le Prado, Marseille
04 91 37 66 83
www.cinema-leprado.fr
Perdus entre deux rives
Perdus entre deux rives de Rachid Oujdi © Comic Strip production
Le 27 juin à 20h, au cinéma Les Variétés,
projection en avant-première de Perdus
entre deux rives, Les Chibanis oubliés, un
documentaire de Rachid Oujdi, en présence
de l’équipe du film. Venus d’Algérie, entre 1951
et 1971, seuls, pour travailler en France, ils
prévoyaient, un jour, de repartir au Pays. Les
années se sont écoulées, ils sont maintenant
retraités. Et sont toujours là…
Cinéma Les Variétés, Marseille
04 96 11 61 61
www.cinemetroart.com
Le 28 juin à 20h30 au Polygone Étoilé,
sortie du numéro 3 de la collection de livre/
DVD Cinéma Hors capital(e) : Je t’ai dans
la peau de Jean-Pierre Thorn. Rencontre
avec Jean-Pierre Thorn et Achille Chiappe,
réalisateur d’un film consacré au tournage
marseillais. Film flamme prolonge son travail
de révélation du cinéma à Marseille. Textes
inédits et films en mastérisation originale.
Je t’ai dans la peau, inspiré par un fait divers
-le suicide d’une syndicaliste de 52 ans- a
été tourné à Marseille. «Le livre consacré
à Je t’ai dans la peau veut établir à la fois,
l’histoire inouïe de la réalisation du film et
celle de sa résurrection où enfin il rencontre
un public.»
Méditerranéennes…
Le 29 juin à 18h, le CMCA propose à la Villa
Méditerranée le documentaire Méditerranéennes, mille et un combats réalisé par
Serge Moati, en collaboration avec Clément
Lebateux et coécrit avec Hind Meddeb.
Un voyage en Méditerranée, du côté des
femmes, à la rencontre des «Méditerranéennes». Dans les révolutions en Tunisie
comme en Égypte, des femmes ont été en
première ligne pour manifester leur soif
de démocratie et de liberté tout comme
d’autres femmes en Espagne, en Israël
mais aussi en Italie ou au Maroc ! Artistes,
juristes, journalistes ou femmes citoyennes
et militantes, elles disent non à la dictature
et à l’injustice sociale, au harcèlement sexuel
et à l’instrumentalisation de leur corps. Non
aux lois qui les emprisonnent.
CMCA-Centre Méditerranéen de la
Communication Audiovisuelle, Marseille
04 91 42 03 02
http://primed.tv/le-cmca
Classiques de l’été
Comme chaque été, l’Institut de l’image
à Aix propose de revisiter les classiques
avec, cette année, un focus sur l’œuvre de
Samuel Fuller en cinq films, dont Dressé
pour tuer d’après Chien Blanc de Romain Gary,
Le Port de la drogue, La Maison de bambou,
Shock Corridor et The Naked Kiss. Christophe
Honoré, invité par les Écritures croisées
aura une Carte Blanche et présentera les
25 et 27 juin Dans Paris, Les Bien-aimés ainsi
que Prénom Carmen de Jean-Luc Godard.
En hommage à Patrice Chéreau, récemment
disparu, l’Institut de l’Image propose début
juillet trois films et deux mises en scène
d’opéras : Elektra le 7 juillet à 18h, présenté
par Waltraud Meier et Vincent Huguet et De
la maison des morts, en collaboration avec le
Festival d’Aix. Le 12 juillet à 20h, Dominique
Blanc et Charles Berling présenteront Ceux
qui m’aiment prendront le train.
Institut de l’Image, Aix-en-Provence
04 42 26 81 82
www.institut-image.org
Images Contre Nature
Lame de fond de Perrine Michel © En rouge dans la marge
Du 2 au 5 juillet, au théâtre des Chartreux,
aura lieu Images Contre Nature, festival
international de vidéo expérimentale #14.
En ouverture, le 2 juillet, Les Rêveurs d’Emmanuel Vigier et Séverine Mathieu, suivi
de Lame de fond de Perrine Michel, primé
à Clermont-Ferrand et à Créteil. En clôture,
le 5 juillet, focus sur Franssou Prenant,
actrice avec Albertine, le souvenir parfumé
de Marie-Rose (1972) de Jacques Kebadian
et réalisatrice avec I’m too sexy for my body,
for my bo-o-o-dy (2012).
Association P’Silo
Théâtre des Chartreux, Marseille
04 91 50 18 90
www.p-silo.org
La Bella Gente
Le 29 juin à 18h30 à l’Eden-Théâtre de
La Ciotat, Art et Essai Lumière propose
La Bella Gente (Les Gens bien) d’Ivano de
Matteo. Alfredo, architecte et Suzanna,
psychologue, cinquantenaires à l’allure
juvénile et au regard intelligent, vivent à
Rome mais passent leur week-end et leur
été dans leur maison de campagne. Après
avoir vu une jeune prostituée humiliée et
frappée par un homme au bord de la route,
Suzanna décide de sauver cette jeune fille…
Après la projection, débat animé par Maurizio
Longano de l’association DANTE.
Art et Essai Lumière, La Ciotat
04 42 83 20 57
www.artetessailumiere.fr
Cinéma Renoir
En juin, le cinéma Renoir, à Martigues,
accueille deux soirées. Le 19 à 18h, en
partenariat avec la FSU, RESF et la LDH,
La Cour de Babel : pendant un an, Julie
Bertuccelli a filmé les échanges, les conflits
et les joies d’un groupe de collégiens de
toutes nationalités, âgés de 11 à 15 ans,
réunis dans une même classe d’accueil
pour apprendre le français. Puis, le 26 juin
à 18h, soirée «musique et cinéma» : un
récital de Robin Bertoncini (trompette) et
Emmanuel-Laurent Culcasi (piano), suivi de
la projection de Thirty two short films about
Glenn Gould de François Girard. Empruntant
la structure des Variations Goldberg de Bach,
le réalisateur tente de cerner en 32 fragments
le pianiste virtuose Glenn Gould.
Cinéma Renoir, Martigues
cinemajeanrenoir.blogspot.com
Sous le signe de Marguerite
La Vie matérielle, La douleur, Les Yeux verts,
cela vous parle ? Oui, Marguerite, dit-elle.
Eh bien, vous avez deviné : si le FID 2013 a
été pasolinien, l’édition 2014 sera durassienne ! C’est en effet sous le signe de
l’écrivaine-cinéaste que se déroulera, du
1er au 7 juillet, la 25e édition de ce festival
«exigeant, qui propose le meilleur pour tous»
comme l’a rappelé son Délégué général,
Jean-Pierre Rehm.
Écrans parallèles
Quatre des écrans hors compétition présenteront des films inédits ou rares et permettront
de revoir 14 films de Marguerite Duras, de
Détruire, dit-elle (1969) à Son Nom de Venise
dans Calcutta désert en passant par Les
Enfants (1985) ou Le Navire Night. La Java de
la source (composée par Jean-Christophe
Marti) est un écran dédié au son : on y verra,
outre India Song, dix films qui feront voyager
d’Inde au Japon, de Turquie en Espagne
et on pourra, au théâtre Silvain entendre
Pink Floyd, live at Pompéii d’Adrian Maben.
Les Yeux Verts, titre d’un numéro spécial des
Cahiers du cinéma, est l’écran des Sentiers,
en partenariat avec Fotokino, une sélection
de 6 courts destinée aux plus jeunes.
Deux autres écrans parallèles : El Futuro,
consacré au cinéma espagnol contemporain,
propose des films qui pensent politiquement
tout en renouvelant les formes cinématographiques, comme El Futuro de Luis Lopez
Carrasco ou Stella cadente de Lluís Minarro,
en partenariat avec CineHorizontes. Et The
Exile, un hommage à Oscar Micheaux, pionnier
du cinéma afro-américain.
Films en compétition
Tsai Ming Liang dont Voyage en occident sera
présenté en partenariat avec la région PACA,
préside le Jury de la compétition internationale : 15 films, en première internationale
ou mondiale, venant de 12 pays dont la Syrie
ou la Croatie. Deux films belges : Before we
go de Jorge León et I comme Iran où Sanaz
Azari, la réalisatrice, apprend à lire et écrire
le persan, sa langue maternelle.
En ouverture, le 1er juillet au Silo, Das
Grosse Museum de l’Autrichien Johannes
Holzhausen trace le portrait du Kunsthistorisches Museum Wien.
Valérie Massadian présidera le Jury de la
compétition française, dix films dont un
portrait du cinéaste chilien Patrizio Guzman
par Boris Nicot ou Tourisme international,
voyage en Corée du Nord, de Marie Voignier,
une «habituée du FID». Ou encore Ce qu’il reste
de la folie de Joris Lachaise, une plongée
dans l’hôpital psychiatrique de Thiaroye, une
banlieue de Dakar, où la cinéaste et poète
Khady Sylla avait été internée.
Le plus difficile sera d’arriver à gérer sa
frustration car avec 134 films projetés
de 28 pays parmi les 2300 films reçus, le
choix ne sera pas aisé. Il faudra se déplacer
du MuCEM ou de la Villa Méditerranée
au cinéma les Variétés, à l’Alcazar, à la
Maison de la région. On aura peut-être
aussi envie d’entendre les 10 candidats du
FIDLAB présenter leurs projets ou voir les
réalisations des 11 étudiants d’écoles de
cinéma et d’art qui participent au FID campus
avec la monteuse Dominique Auvray et les
cinéastes Valérie Jouve et Ghassan Salhab
qui donnera une Masterclass, comme Tsai
Ming Liang.
Bref, il y en a pour tous les goûts et on pourra
tous se retrouver pour la séance de clôture
qui aura lieu le 7 juillet sur l’esplanade du
Fort Saint-Jean.
ANNIE GAVA
FID Festival International de Cinéma
04 95 04 44 90
www.fidmarseille.org
La Nuit cannoise
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Alors que se déroulait la cérémonie de clôture
du 67e Festival de Cannes, 300 enseignants et
étudiants vivaient leur marathon des 27 heures
de cinéma dans la salle du Miramar, ayant pris la
suite des spectateurs de la Semaine de la Critique.
Pour cette 32e édition de Cinécole, fruit d’une
collaboration entre l’Académie de Nice, Cannes
Cinéma et la ville de Cannes, quatre des sélections avaient proposé leurs choix de films à une
commission d’enseignants de l’académie de Nice
qui ont retenu 11 longs métrages et deux courts.
Une programmation inégale et un peu décevante :
seuls deux films de la compétition internationale
dont le dernier film de Ken Loach, Jimmy’s hall,
qui raconte l’histoire (vraie) de Jimmy Gralton,
un communiste irlandais, exilé pendant dix ans
en Amérique après la guerre civile, qui revient en
1932 dans son village irlandais, pour s’occuper de
la ferme maternelle. Les jeunes lui demandent de
rouvrir le Jimmy’s Hall, un lieu où l’on joue du jazz,
où l’on danse, où l’on discute. Un lieu «subversif»
qui renaît, provoquant la colère de l’évêque et
des propriétaires terriens. La lutte sera rude...
«Ensemble nous luttons pour mieux comprendre nos
vies !» Quand Jimmy Gralton harangue la foule, il
est clair qu’il est le porte-parole du cinéaste et de
tous les opprimés. Un film généreux, aux décors,
costumes et casting soignés, sans originalité
formelle, certes, mais qui fait du bien en ces
jours sombres.
Deuxième film, plein de grâce, Still the water de
la Japonaise Naomi Kawase, qui parle de la vie,
de la mort et de l’amour. «Pourquoi faut-il que les
gens naissent et puis, ensuite, qu’ils meurent ? Je ne
comprends pas» demande une des protagonistes
du film, la jeune et belle Kyoko (Jun Yoshinaga)
dont la mère (bouleversante Miyuki Matsuda) va
mourir, sereine, face au banian, entourée de sa
famille qui interprète la «danse d’août», manière
d’accompagner, sur l’île d’Amami, les partants
vers la mort. La séquence est bouleversante. La
caméra semble caresser les visages, mettant le
spectateur au plus près de leurs émotions. Coup
de cœur de Cinécole, tout comme le premier long
métrage du jeune cinéaste américain Damien
Chazelle, Whiplash, sélectionné à la Quinzaine
des Réalisateurs, qui suit le difficile parcours
d’Andrew (Miles Teller) qui rêve de devenir l’un des
meilleurs batteurs de sa génération. Humiliations
cruelles, tortures psychologiques sont les méthodes
«pédagogiques» de son maître, Terence Fletcher
(J.K. Simmons), qui s’appuie sur la légende selon
laquelle Charlie Parker serait devenu Bird après
une humiliation publique et qui répète sadiquement
«Ce n’est pas mon rythme !». La confrontation
sera terrible entre Andrew et Terence. Whiplash a
d’abord été un court métrage ; peut-être quelques
séquences sont-elles de trop mais le film est
brillamment écrit et monté, comme une partition
musicale, les gros plans nous mettant au cœur
du jazz et de la souffrance, et le dernier solo de
batterie est sublime.
Autre film très réussi, sélection aussi de la Quinzaine,
At li layla, premier long métrage de l’Israélien Asaf
Korman, l’histoire de Chelly (Liron Ben-Shlush),
Whiplash de Damien Chazelle © Ad Vitam
Still the water de Naomi Kawase © Haut et Court
surveillante dans un lycée, qui s’occupe de sa sœur
Gabby (formidable Dana Ivgy), handicapée mentale,
s’interdisant toute vie personnelle. Leur relation
d’étroite dépendance, leur quotidien ritualisé vont
être perturbés par l’arrivée de Zohar, un professeur
de gymnastique qui travaille avec Chelly. La force
du film vient de la mise en espace de ce drame
qui se déroule essentiellement dans leur petit
appartement et c’est dans ce huis clos étouffant
que l’on prend conscience du lien fusionnel, plein
d’amour et de haine qui unit les deux sœurs. La
scène du bain où Chelly plonge à plusieurs reprises
la tête de Gabby et la maintient quelques secondes
sous l’eau en est un exemple évident. Un film sur
l’enfermement familial plein d’émotion…
On pourrait citer aussi un autre film israélien,
original, de la Semaine de la critique, Boreg de
Shira Geffen qui met en scène de chaque côté
du mur une artiste israélienne et une ouvrière
palestinienne ainsi que Le Challat de Tunis de
Kaouther Ben Hania, soutenu par
l’Acid, qui évoque un fait divers
devenu une légende urbaine ;
un film qui fait s’interroger le
spectateur sur la frontière entre
fiction et documentaire.
Et si «les films avancent comme
des trains, tu comprends, comme
des trains dans la nuit», les
«Cinécoliens» n’ont pas quitté
le train et c’est pleins d’images
et d’émotions qu’ils sont rentrés
chez eux après ce long voyage
en cinéma.
ANNIE GAVA
La 32e édition de Cinécole a eu lieu
les 24 et 25 mai à Cannes
Salle comble et comblée ce 27 mai à l’Alhambra qui pour la 10e fois proposait la
reprise de treize des films de la Quinzaine
des réalisateurs, trois jours après le palmarès cannois, en présence d’Edouard
Waintrop, délégué général de la sélection
et de Céline Sciamma venue présenter
Bande de filles, son troisième opus, qui met
brillamment en scène quatre actrices non
professionnelles, épatantes de justesse.
Marieme (Karidjia Touré) a seize ans, vit
en région parisienne entre un frère brutal
et macho, deux petites soeurs, une mère
fatiguée par les ménages. Elle devient Vic
en rejoignant une bande de trois loubardes
blacks qui se rêvent «ladies», ne craignent
personne, se battent comme des mecs,
volent un peu, parlent, rient beaucoup et
trop fort, s’inventent femmes, loin du regard
des garçons, soudées par leur refus de se
couler dans le moule offert par l’école et
leur famille. D’une certaine façon, le film
joue aussi sur un refus, celui de verser
dans un cinéma de banlieue. Pas de rap,
pas de caméra à l’épaule tressautante, pas
de flics, pas de discours sociologique sur
les problèmes des zones sensibles, de la
Bande de filles de Céline Sciamma © Pyramide Films
Quatre à la Treizaine
59
tension mais pas de haine. La réalisatrice
suit l’éducation sentimentale d’une jeune
fille qui aurait pu, en un autre temps, être
héroïne de Jane Austen. Elle la détache,
dès le début, du groupe de footballeuses
qui se délite peu à peu du stade à la cité, la
serre dans le cadre, saisit les corps dans
des travellings millimétrés ou dans des
plans séquences élaborés comme celui,
déjà fameux, de la danse des filles à l’hôtel
sur Diamonds de Rihanna. Marieme naît
à l’image dans le rythme d’une partition
électro-pop-soul, dans les vibrations des
Dernier combat
C’est en présence de la réalisatrice Mika
Gianotti accompagnée d’Augustin Giovannoni philosophe et de Colette Giacomi,
présidente de la section Marseille-Centre
de la Ligue des Droits de l’Homme, que
le cinéma César a proposé le 5 juin une
séance débat modérée par J-.F. Nesplaz,
autour du documentaire Liberté chérie.
La vieillesse devrait être une récompense
pas la punition qu’elle devient lorsque la
personne «chosifiée» perd autonomie,
jugement, libre arbitre. Le film ne montre
pas cette détresse qui reste hors champ,
mais dont l’idée redoutable est au premier
plan La question se pose en amont à
chacun des huit protagonistes d’un cercle
restreint, jeunes et vieux mêlés, et dont la
réalisatrice fait partie : «Quand est-ce que
cela deviendra insupportable pour moi ?»
Quand je ne pourrais plus dire non, suggère
l’un. Quand on décidera à ma place, répond
l’autre. Quand je n’aurai plus de plaisir, dit
celle-là. La cinéaste, quant à elle, aimerait
«mourir comme un chien» puisqu’on abrège
les souffrances d’un animal mais pas
celles des êtres humains. Le documentaire
autobiographique et subjectif prend la
forme d’un collage : photos (évocation d’une
insouciante jeunesse qui «s’imagine k’ça
va, k’ça va durer toujours...»), extraits de
films, tableaux, dessins de Piem (si vieux
et si drôle !) interviews, conversations
autour d’une table, dans un salon, ou
chez un vétérinaire, lectures, rappel des
grandes lois du siècle dernier en faveur de
la dignité humaine (abolition de la peine
rouges et des bleus, déjà présentes dans
Tomboy. On sent l’énergie positive du non
qui fonde sa liberté tout comme la force
et la vulnérabilité de sa jeunesse. La fin
reste ouverte. Marieme quitte le cadre
pour un combat bien incertain.
ELISE PADOVANI
Le film sort en salles le 22 octobre
Écoutez aussi l’interview de Celine Sciamma sur
la Webradio Zibeline
de mort, légalisation de l’avortement),
et plaidoiries en faveur d’une législation
sur le droit de mourir. Car, là comme
ailleurs, il y a inégalité. Les plus fortunés
ou les plus avertis ont des réseaux, partent
en Suisse comme on allait autrefois en
Belgique interrompre une grossesse non
désirée. Le ton reste léger mais l’horrible
marionnette qui se glisse d’une séquence
à l’autre, semble ricaner devant cette
liberté qu’on chérit sans savoir si on nous
la laissera jusqu’au bout.
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Le documentaire Liberté chérie de Mika
Gianotti a été projeté au cinéma César à
Marseille le 5 juin
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sur
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Retrou
et tous nos articles
Et venez
écouter des entretiens,
des débats, et des chroniques
sur notre webradio
Journalzibeline.fr
Caroline Le Méhauté
La galerie de la Fondation Vacances Bleues où elle a résidé
trois mois a été une véritable source d’inspiration pour Caroline
Le Méhauté qui n’a pas hésité à «se faire peur». Et nous avec !
Dès le seuil Suspensio agit comme un punching-ball par sa
monumentalité fragile, son équilibre précaire, sa structure
invisible, sa chaleur organique. L’intrigue est telle qu’on n’imagine
même pas se glisser dessous pour voir ses entrailles… En
contrepoint, l’artiste a punaisé un bel ensemble de dessins
laissant poindre des objets flottants et des zones colorées. M.G.-G.
Suspensio
jusqu’au 4 juillet
Fondation Vacances Bleues, Marseille 6e
04 91 00 96 83
www.fondation-vacancesbleues.com
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Caroline Le Mehauté, Fondation Vacances Bleues, Négociation 70 Suspensio © Cloé Defossez
Marc Étienne/Marc Étienne
Une exposition à double entrée, et à double titre, qui déploie sculptures, vidéos
et dessins. Une exposition en miroir conçue comme «un projet d’écriture d’opéra
schizophrénique» où cohabitent un plasticien et un fan de musique (le même ou
l’autre ?), des créations personnelles et des productions de fabricateurs d’objets.
Sans oublier les objets de sa -ou de leur- fascination.
Vous avez dit schizophrénique ? M.G.-G.
Marc Étienne/Marc Étienne
jusqu’au 12 juillet
Galerie du Château de Servières, Marseille 4e
04 91 85 42 78
www.chateaudeservieres.org
Cézanne et la modernité
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Le musée Granet accueillera la
collection de l’homme d’affaires
américain Henry Pearlman (18951974) composée principalement
d’œuvres d’artistes européens dont
24 Cézanne et impressionnistes,
post-impressionnistes, réalistes et
modernes de la première heure. 50
peintures, aquarelles et sculptures
entre-autres de Courbet, Degas, Gauguin,
Lipchitz, Manet, Modigliani, Kokoschka,
Renoir, Soutine, Van-Gogh... C.L.
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Exposition Marc Étienne, galerie Château de Servières, 2014 © X-D.R
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Chefs-d’œuvre de la collection Pearlman
du 12 juillet au 5 octobre
Musée Granet, Aix-en-Provence
04 42 52 88 32
www.museegranet-aixenprovence.fr
Oskar Kokoschka , Henry Pearlman, 1948 (huile sur toile, 101,6 x 76,2 cm)
Fondation Henry et Rose Pearlman – Prêts de longue durée au Princeton
University Art Museum
© Adrian Schiess, FRAC Marseille, 2014
Adrian Schiess
L’artiste suisse allemand a vécu 20 ans à Mouans-Sartoux
avant de s’installer dans le Jura suisse… rien d’étonnant
s’il a laissé des traces à Six-Fours, dans le Var, où il a
notamment réalisé 22 vitraux pour la Collégiale SaintPierre-aux-Liens ! Mais pour la première fois, il signe une
«exposition d’auteur» au FRAC et le résultat est bluffant,
l’artiste ayant réussi le mariage parfait entre ses peintures
et l’espace : des œuvres comme des traces éphémères, des
notes chromatiques, les cailloux du Petit Poucet… M.G.-G.
Peinture
jusqu’au 31 août
FRAC, Marseille 2e
04 91 91 30 47
www.fracpaca.org
Jannis Kounellis, Untitled, 1988, verre, plomb, alcool, 569 x 407 cm © Hôtel de Gallifet, 2014
Materia prima
L’Arte Povera et le Minimal Art ont participé exemplairement à l’avènement
de l’art contemporain. Sept œuvres représentatives de ces deux esthétiques,
parfois confondues, appartenant au très discret collectionneur aixois
Francis Solet sont accueillies dans les salons XVIIIe de l’Hôtel de Gallifet,
dont celles de Carl André et Bruce Nauman présentées au public pour
la première fois aux côtés de Jannis Kounellis et Mario Merz. C.L.
L’énergie des matériaux : Arte Povera et Minimal Art
du 1 juillet au 31 août
Hôtel de Gallifet, Aix-en-Provence
09 53 84 37 61
www.hoteldegallifet.com
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Le domaine des murmures #1
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Douze plasticiens et créateurs sonores, tous «poètes»,
s’emparent du parc et des dépendances du Château
d’Avignon pour créer, en interaction avec le domaine, des
parcours inédits. Leurs œuvres donnent à voir ou à entendre,
éveillent les sens, mettent le promeneur-auditeur en
alerte, créent l’illusion, invitent au voyage… Un programme
exclusif de concerts et de performances sera proposé le
week-end d’ouverture : que la fête commence ! M.G.-G.
Le domaine des murmures #1
du 19 juillet au 19 octobre
Château d’Avignon, Saintes-Maries-de-la-Mer
04 13 31 94 54
www.chateaudavignon.fr
Le placard de sa mère, , détail © Jean-Christophe Lett
© ADAGP Cassière - Autoportrait au Schizophone, Pierre-Laurent Cassière, 2006
Jean-Jacques Surian
L’univers onirique et fantasmagorique de Jean-Jacques Surian trouve sa juste place
dans la maison de l’artiste Edgar Mélik. Là, entre les murs voutés, l’atelier et la
chapelle, ses personnages grotesques et aimables, ses scènes inspirées, ses histoires
échevelées, ses figures iconiques (Cézanne, Dante, Van Gogh, aujourd’hui Alice et
Shéhérazade) se teintent de plus de mystère encore. D’une saisissante densité. M.G.-G.
En Alice et Shéhérazade
jusqu’au 29 septembre
Musée Edgar Mélik, Cabriès
04 42 22 42 81
www.musee-melik.fr
© Kimiko Yosida, 2014, a-part Japon
a-part en guerre
Cent ans après la der des der, la 5e édition du festival a-part
part en guerre contre la guerre, avec un ensemble d’œuvres
contemporaines installées dans la place forte des Baux-deProvence en écho aux gravures de Goya, Les désastres de la guerre,
présentées en parallèle à l’Hôtel de Manville. Sur d’autres champs
des Alpilles, il faudra partir à la levée des drapeaux réalisés
spécialement par les artistes invités des précédentes éditions. C.L.
5e festival a-part
du 4 juillet au 31 août
Les Baux-de-Provence et Alpilles
www.festival-apart.org
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L’été, la nuit
Les dispositifs de Delphine Gigoux-Martin incitent à
s’interroger sur l’écart nature/culture avec ce qui ressort
du réel comme de l’imaginaire. Son installation conçue
spécifiquement pour le Cairn combine d’immenses wall
drawings au fusain suggérant des forêts avec des renards
taxidermisés, projections d’images mouvantes d’animaux
marins, photos documentaires retravaillées à la pointe sèche.
Un livre d’artiste est édité à 200 ex. numérotés et signés. C.L.
Lorsque l’été lorsque la nuit
jusqu’au 21 septembre
Musée Gassendi/Cairn centre d’art, Digne
04 92 31 45 29
www.musee-gassendi.org
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© Delphine Gigoux-Martin, CAIRN Centre d’art, Digne-les-Bains, 2014
Une sculpture monumentale de Nicolas Sanhes, Fondation Pierre et Poppy Salinger, 2014 © Nicolas Sanhes Studio
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Nicolas Sanhes
... Quatre grands principes stylistiques : le vide comme force / la
ligne comme tension / le temps comme pulsation / l’espace comme
respiration qui s’articulent autour de 2 principes : le principe
d’analogie et le principe de résonance... c’est ainsi que Nicolas
Sanhes décrit les fondements de ses sculptures monumentales.
La fondation Pierre et Poppy Salinger lui ont offert une
carte blanche totale pour fêter ses dix ans d’activité. C.L.
Sculptures monumentales
jusqu’au 15 octobre
Fondation Pierre et Poppy Salinger, Le Thor
04 90 02 14 33
www.pierresalinger.org
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Carole Solvay & Alexandre Hollan
L’écomusée l’Olivier donne carte blanche à deux artistes pour
s’emparer de cet arbre mythique, sa puissance, sa symbolique…
Le résultat ? L’installation Rêve d’Olivier de Carole Solvay qui marie
plumes et branches pour donner un nouveau souffle à un olivier
mort ; les dessins Oliviers hors du temps sur le papier sans cesse
retravaillés par Alexandre Hollan qui capte nœuds et tensions de
l’arbre, jusqu’à saturation. La confrontation de leurs minutieux
regards vaut que l’on s’attarde à l’ombre de l’olivier. M.G.-G.
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Installation de Carole Solvay, Olivier mort et pennes de plumes,
Écomusée l’Olivier 2014 © X-D.R
Rêve d’olivier
Carole Solvay
Oliviers hors du temps
Alexandre Hollan
jusqu’au 4 novembre
Écomusée l’Olivier, Volx
04 92 72 66 91
www.ecomusee-olivier.com
Marbre gravé, série réalisée pour la vente Leclere, 2014 © Luc Dubost
Hannibal
Explorer les limites de l’œuvre d’art ? En poussant, par
exemple, un éléphant aménagé grandeur nature, de
200 kg par les sentiers de Larche (Alpes de Haute-Provence)
à Cuneo (Italie) avec l’aide éventuelle rencontrée lors
de ce périple/performance. Artiste-marcheur, Luc Dubost
aura besoin de tous les soutiens avant et après son départ
le 15 août. Une série de pièces uniques gravées dans le marbre
sera mise en vente chez Damien Leclere le 17 juin. C.L.
Not for highway use/le syndrome Hannibal
http://lucdubost.wix.com/not-highway-hannibal
www.leclere-mdv.com
Soupirs d’Alice
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Le Festival des arts éphémères a connu
une 6e édition moins éclatante que celle
de l’an passé (voir Zib’64), laquelle était
particulièrement réussie. C’est peut-être
la thématique, pourtant joliment intitulée
«L’heure des rêveurs» et inspirée de l’œuvre
de Lewis Carroll, qui n’a pas déclenché
l’émulation espérée par les deux commissaires
d’exposition, Erika Negrel et Lydie Marchi.
Malgré une impression d’ensemble plutôt
inégale, on retiendra le travail de Wilfrid
Almendra, qui déposait sur les pelouses
de Maison Blanche une aile de deltaplane
faite de tuiles, opposant avec délicatesse
le poids du matériau et l’esprit de l’envol.
Pénétrer dans L’édifice persistant de Sandra
Lorenzi déclenchait une profonde réflexion
sur le passage du temps, le vieillissement
contre lequel il n’est nul refuge. Sur un îlot
de l’étang, l’œuvre de Benjamin Marianne
intitulée Malay in Wonder Island emmenait
en douceur le visiteur vers des sentiers
imaginaires, dans l’ombre d’une grotte jonchée
de coquilles. Œufs de dinosaures, éclosion de
nymphes ? Peut-être pas d’évocation directe
du parcours d’Alice au pays des merveilles,
mais une poésie certaine, et un sens assuré
de l’imprégnation du public.
On est resté beaucoup plus froid devant certains projets reliés très -trop ?- littéralement
Malay in Wonder Island, Benjamin Marianne © Gaëlle Cloarec
à l’univers carrollien. Ainsi en était-il des
Lapunks de Denis Brun, hybridation criarde
«d’un corps de nounours et d’une tête de lièvre»,
lapins que l’on n’aurait pas l’impulsion de
suivre... D’autres installations laissaient
étrangement perplexe, comme Le Passage de
Manu Li Wanzxu : on saisissait bien l’idée d’un
chemin ou d’un marchepied vers les nuages,
mais la dégradation rapide du matériau
(un torchis d’argile et de paille) dans ces
conditions d’exposition à l’air libre finissait
par desservir l’œuvre au lieu de la souligner.
GAËLLE CLOAREC
Le Festival des arts éphémères a eu lieu du 22 mai
au 7 juin dans le parc et les salons de Maison
Blanche à Marseille
Codétenue avec Claude Lévêque !
Monter au 5e étage de la Cité
Radieuse Le Corbusier pour partager un moment d’intimité avec
Claude Lévêque et la propriétaire du lieu, Audrey Koulinsky,
directrice de la galerie parisienne
Coullaud & Koulinsky, est une
expérience qui ne se refuse pas.
D’abord parce que l’invitation est
inédite, ensuite parce s’immerger
dans la Cellule516 revisitée par
l’artiste réserve de beaux dialogues avec l’espace et l’horizon,
enfin parce que l’hôte-galeriste
prend le temps de converser sur
l’art et l’architecture contemporains. Sur la vie quotidienne
aussi, mesurant objectivement
la qualité de l’appartement et
ses limites. Cette expérience,
Claude Lévêque l’a vécue à trois
reprises pour sa carte blanche
exceptionnelle : libre à lui de
déplacer le mobilier, de vider les
étagères, de dormir à son aise,
de déjeuner face à la mer… bref,
d’interroger les possibilités de
la Cellule516 pour qu’elle reste
vivable tout en étant l’objet de
son imaginaire créatif ! Dans ce
logis «monument historique»,
restauré mais préservé dans
son jus, meublé à l’identique
Claude Lévêque, Sans titre, 1991-2014, Ligne de couverts inox suspendus par le manche à hauteur des
yeux, Parcours in situ être plus fou que celui dans face, Cellule 516, Cité Radieuse Le Corbusier, Marseille ©
ADAGP Claude Lévêque. Courtesy the artist and kamel mennour, Paris
ou presque, l’artiste a eu à cœur
«de comprendre ses fonctions et
le quotidien des habitants» avant
de décider «d’installer des pièces
existantes ou jamais montrées», ou
encore «de ressusciter d’anciennes
œuvres sous de nouvelles formes
ou dispositifs». Réfléchissant sur
l’ambivalence de l’architecture
utopique du Corbusier qui est,
selon lui, «un lieu d’aliénation
car la vie y est autonomique voire
autarcique», son intervention
repose sur un jeu d’objets : «Un
choix de pièces à vivre, c’est une
collection d’objets, de situations
qui se prêtent au lieu, à l’espace,
à l’histoire de la cellule.» D’où
cette combinaison originale
d’œuvres au vocabulaire qui a
fait sa réputation (comme cette
inscription en néon «être plus fou
que celui d’en face» tirée d’un
article de Libération, lumineux
clin d’œil à l’immeuble du Fada),
d’installation autobiographique
(«il n’y a rien de plus beau qu’une
tente à l’intérieur» à propos de la
tente plantée dans le parquet de
la chambre à coucher parentale)
et de pièces inspirées directement
de sa relation particulière au
paysage : «On est ici en suspens,
l’apaisement fait qu’on n’a plus
envie de sortir.» De là à confectionner une suspension de cuillères
et de fourchettes qui tintent au
vent…
Aussi, à peine la porte refermée,
on regrette déjà de ne pas rester
plus longtemps entre terre et
ciel ! Heureusement, Audrey
Koulinsky a invité en résidence
l’auteure Chantal Thomas qui, par
la fiction ou le récit, racontera sa
propre conscience du lieu dans
un texte à paraître l’an prochain.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
À voir
Être plus fou que celui d’en face
jusqu’au 30 août
sur rendez-vous, accès gratuit,
durée 45 minutes
Cellule516, Le Corbusier,
Marseille 8e
www.cellule516.com
À lire
Absalon
Cellule516, zone d’art habitée
Éd. Dilecta, collection Les actes de
la cellule516, 20 euros
Brooklin/Marseille/Saint-Chamas
Dans l’ancienne poudrerie
royale de Saint-Chamas,
Look&Listen, un nouvel
espace d’exposition allume
la mèche de l’art contemporain
Brooklin/Marseille/Saint-Chamas... un axe
pour l’art contemporain auquel on ne s’attendait pas tant l’année 2013 avait monopolisé
les esprits vers la capitale de la culture. Si
Marseille est reconnue pour la vitalité de son
réseau associatif en faveur de l’art contemporain (l’exposition actuelle s’est ouverte
avec le Printemps de l’Art Contemporain), ce
dernier trouve aussi ses supporters hors
métropole provençale. L’artiste Yifat Gat vit
et travaille depuis plusieurs années dans
ce village à l’écart des grands événements.
Les activités se multipliant et son atelier
devenant trop exigu, ainsi que la rencontre
avec Rob de Oude à New York, ont été à
l’origine de Look&Listen sur Saint-Chamas
et de ce premier échange entre artistes, suivi
d’une présentation new-yorkaise en retour.
Sur environ cent mètres carrés -mais le
bâtiment offre bien plus-, cet espace consacré
à l’art réunit un atelier d’artiste, une galerie
et salle d’exposition, un espace pédagogique
d’un lieu historique et
patrimonial comme
d’un environnement
naturel préservé.
L’opportunité d’une
nouvelle équipe
municipale attentive aux différentes
formes de la culture
en est un autre. On
attend donc avec
grand intérêt la
programmation à
venir.
L’exposition d’inauguration présente les
œuvres de Andrew
Zarou, Carleen
De gauche à droite, Didier Petit, Yifat Gat, Michel Barjol, Claire Coli-Collin © C. Lorin/Zibeline
Zimbalatti, Claire
Colin-Collin, Clinton
pour les publics avec des ateliers réguliers
le samedi. Pour Yifat Gat, en charge de la King, Didier Petit, Jérémie Delhome, Meg
direction artistique : «Il s’agit de mettre en avant Lipke et Michel Barjol.
le processus artistique et moins le résultat. CLAUDE LORIN
Mais nous avons l’intention aussi de réaliser
Brooklyn/Marseille
des projets spécifiques où différentes formes
depuis le 24 mai
d’expression pourront se rassembler.» Un
Look&Listen
accueil pour des résidences d’artistes est
Ancienne Poudrerie, Saint-Chamas
d’ores et déjà prévu. Dans cette perspective,
06 19 01 53 97
le site de l’ancienne poudrerie royale est
www.looklisten.com
un atout unique dans le village, bénéficiant
Soleil pour tous
À Saint-Rémy-de-Provence
le musée Estrine récemment
rénové et agrandi fait sa
réouverture avec une
exposition monographique
consacrée à Eduardo Arroyo
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Dans le jardin suspendu, Instant IX, acier peint de Stéphane Guiran © C. Lorin_Zibeline
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Situé à la marge entre des villes de culture
plus renommées, Saint-Rémy-de-Provence
n’en poursuit pas moins le renforcement
de ses équipements et offres culturels à
destination de ses habitants et visiteurs. Ainsi,
dernièrement, avec la réouverture attendue
du musée Estrine. Le projet mûrissait depuis
longtemps dans les cartons de l’association
Présence Van Gogh en charge de ce bel hôtel
du XVIIIe abritant une collection réputée.
L’installation au siècle dernier du peintre
cubiste Albert Gleizes et d’autres créateurs
en région saint-rémoise est à l’origine d’un
ensemble s’enrichissant progressivement de
nombreuses signatures: Prassinos, Leroy,
Marchand, Rebeyrolle, Zadkine, Alessandri,
Bioulès, Pincemin, Lapie...
La mise aux normes muséographiques et
d’accueil conformes à son label Musée de
France (partagé avec le musée des Alpilles),
comme son agrandissement, étaient donc
devenus nécessaires. La difficulté principale -enchâssement dans un centre urbain
complexe exigu- se ressent quelque peu
à l’intérieur, ou dans le jardin suspendu,
mais a permis cependant le doublement
des espaces d’exposition qui gagnent en
fluidité. L’architecte, Corrado De Guili
Morghen1 a suivi une ligne tout en retenue
Eduardo Arroyo, Madrid-Paris-Madrid, 1985, huile sur toile, 250x200cm.
Collection particulière © Eduardo Arroyo
compréhensible pour le bâti existant même
si on aurait apprécié une signature plus
affirmée de l’extension et du jardin contrastant
avec l’immeuble ancien, avec plafonds à
la française et gypseries décoratives. Le
dispositif du Centre d’interprétation Van
Gogh a été complètement réactualisé pour
offrir une interface plus attractive et interactive. Celui-ci vient renforcer la fonction
pédagogique avec des ateliers agrandis
dont les actions constituent un axe majeur
du musée, affirmait encore le président
Philippe Latourelle lors de l’inauguration.
La nouvelle programmation a vu le jour
avec une nuit espagnole (titre emprunté
à une œuvre de Francis Picabia), sélection
d’œuvres du peintre iconoclaste Eduardo
Arroyo. Pour la commissaire Elisa Farran
son œuvre narrative et polémique s’inscrit
parmi les artistes explorant les questions de
la figuration déjà présents dans la collection
permanente. L’événement se dédouble sur
la même période avec un Mano a mano
Arroyo/Matieu à la Chapelle Saint Laurent-Le
Capitole d’Arles. Suivront Les Chemins du
silence de Jean Martin-Roch en septembre.
CLAUDE LORIN
Eduardo Arroyo, La nuit espagnole
jusqu’au 7 septembre
Musée Estrine, Saint-Rémy-de-Provence
04 90 92 34 72
www.musee-estrine.fr
Agence Fabrica traceorum, Marseille/Budget
ville St-Rémy : 1 548 811 euros HT, Conseil général
des Bouches du Rhône :1 078 569 euros, Conseil
régional PACA : 179 761euros et mécénats Crédit
Agricole, Lyon’s Club, Fondation Vacances Bleues,
Monsieur Pierre Bergé
1
20 ans, un
départ ?
Si les résultats de l’étude de faisabilité
du déménagement du Musée d’art
contemporain de Marseille en lieu et
place du Centre de la Vieille Charité,
attendus pour la fin de l’année, entérinent
les vœux de Jean-Claude Gaudin, la ville
y perdra-t-elle un musée ? À moins de
travaux importants et délogements
conséquents des habitants actuels, au
vu de la monumentalité de certaines
œuvres des collections et des exhibitions
du [mac], et de l’absence de réserves
de la Vieille charité, le regroupement
du musée d’art contemporain avec
les arts océaniens et ce qui reste du
musée d’archéologie semble peu
réaliste, surtout si l’on veut continuer
à programmer à la Vieille Charité
de grandes expositions temporaires
comme Visages… Mais il est question
également de rouvrir le J1 pour y loger
l’art contemporain ? Sur l’emplacement
actuel du [mac] il est prévu d’installer
une bibliothèque nouvelle génération.
Pourquoi ce déménagement ? Son éloignement du centre ville amputerait la
fréquentation du musée… raison qui
oublie que, lorsqu’il était correctement
doté par la Ville, le [mac] s’était fait une
réputation et un public ! Pour l’heure, il regarde justement dans
le rétroviseur son beau passé, et puise
dans ses collections et celles du FRAC
pour fêter dignement ses 20 ans. Le
maitre de cérémonie Thierry Ollat, qui
a succédé en 2006 à Nathalie Ergino
Paul Delvaux,
cet illustre oublié…
à sa direction, a souhaité un anniversaire
festif et performatif en confiant les clefs
du vernissage à André Fortino, Katarina
Christl, John Deneuve & Doudouboy. Du
point de vue muséal, l’exposition est avant
tout historique (structuration chronologique
autour des trois périodes fondatrices) et
pédagogique (l’accrochage guide le regard du
spectateur et favorise le dialogue entre les
œuvres et les courants d’art). Elle est bien sûr
un hommage à ses pairs fondateurs Bernard
Blistène et Philippe Vergne qui ont signé et
entraîné dans leur sillage quelques-unes des
plus prestigieuses expositions de Marseille.
C’est donc en choisissant de mettre l’accent
sur la collection qui a fait vivre le musée
au niveau national et international que son
actuel directeur rend compréhensibles les
choix de ses prédécesseurs : «Ce panorama
permet de rendre compte de tout le travail
de transmission, d’études, de recherches,
d’expériences et de diffusion accompli par
le musée». Aujourd’hui, la partie visible de
l’iceberg est une circulation foisonnante
d’images, de couleurs, d’idées et de formes.
Un héritage à retrouver, en espérant qu’il
redevienne facteur d’avenir.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI et AGNÈS FRESCHEL
Le [mac] a 20 ans
jusqu’au 28 septembre
[mac] musée d’art contemporain,
Marseille
04 91 25 01 07
www.marseille.fr
Vue de l’exposition Le MAC a 20 ans © MGG/Zibeline
nouveau
À la marge des Surréalistes, le peintre
belge Paul Delvaux (18897-1994) a
disparu depuis longtemps des écrans
radars. À tel point qu’une seule œuvre
figure dans les collections d’un musée
français : L’Acropole, au Musée national
d’art moderne de Paris ! À tel point encore
que, cette dernière décennie en France,
seul Le Bellevue à Biarritz a éclairé la
genèse de son œuvre, tandis que le musée
Cantini embrasse toutes les périodes
pour en souligner les méandres, les
obsessions, les particularismes. Une
œuvre surréaliste à tendance classique
dans le sillage d’Ingres et de Poussin
dont il était un profond admirateur. On
peut hypothéquer que cette amnésie a
pris sa source dans le schisme entre les
Surréalistes et l’artiste, ce dernier s’étant
toujours tenu à l’écart de leurs activités
par volonté de garder son indépendance
de pensée. D’où, peut-être, sa présence
en demi-teinte dans nombre d’expositions sur le mouvement. À moins que
ce ne soit la fantasmagorie développée
autour de la figure féminine qui l’ait rendu
hermétique, infréquentable, incompris ?
Car, à observer minutieusement ce que
Laura Neve nomme «L’énigme féminine»
dans le catalogue de l’exposition, une
analyse freudienne de sa peinture serait
bienvenue… Des années 20 à sa mort, la
femme a été l’un de ses leitmotiv avec
les paysages, les gares, le squelette,
l’antiquité, le couple, thèmes à priori
dissociés et périodiques que Paul
Delvaux a réussi parfois à assembler.
Comme dans Les Courtisanes qui met
en perspective des femmes caryatides,
un paysage désertique, une architecture
gréco-romaine… La femme donc, à la
manière expressionniste dans les années
30 sous l’influence de James Ensor, la
femme squelette, la femme mystérieuse,
tentatrice (La Vénus endormie ! au cœur
d’une fête foraine), la femme convoitée
(Tam, inaccessible dans sa jeunesse
pour cause d’interdiction de mariage
par sa mère, avant d’être sa seconde
épouse et modèle), la femme énigmatique,
courtisane, martelant de ses chairs nues
jusque son inconscient (deux femmes,
l’une endormie, l’autre en lévitation barrent
l’espace du Rêve). Femmes diaphanes
et archétypales dans Le Dialogue qui
marie froideur chromatique et décor
surthéâtralisé. Comme si, en passant de
la représentation à la désincarnation, il
les délestait de leur humanité : «objets»
parmi les objets de son panthéon.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
À voir
jusqu’au 21 septembre
Musée Cantini, Marseille 6e
04 91 54 77 75
À lire
Paul Delvaux, le rêveur éveillé
Textes Georges Banu, Olivier Cousinou, Laura
névé, Régine Rémon, Baldine Saint Girons,
Gaëtane Warzée
Édition Snoeck, 30 euros
Le Rêve, 1935, Huile sur panneau, 151 x 176 cm, Collection privée en dépôt au Musée d’Ixelles, Bruxelles
© Fondation Paul Delvaux, St Idesbald, Belgique, ADAGP, Paris 2014 © Vincent Everarts, Bruxelles
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Dissection des apparences
La Vague des Sentiments
progresse au CAC d’Istres
avec l’artiste berlinoise Heidi
Sill. Son œuvre s’en prend
aux signes, codes et idéaux
du féminin sans concession
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L’apprentissage traditionnel de la sculpture
ou du dessin nécessite la connaissance de la
morphologie interne du corps afin d’en mieux
représenter l’enveloppe externe. Dans ses
dessins de grand format qui évoquent des
planches anatomiques, Heidi Sill retourne
cette enveloppe des apparences et dans même
mouvement symbolique, par un geste précis
réitéré, étrille la conception usuelle idéelle
du beau. Ses portraits de visages de pseudos
écorchés en sont fascinants : déjà du fait
qu’ils sont aveugles, ensuite par ce que leur
face se découvre en leur intérieur de chair
complexe de plis en replis, de nodosités et
circonvolutions qui contaminent jusqu’à la
chevelure, provoquent des protubérances,
des imperfections. De l’imperfection presque
pure. Notons que ces portraits sont tous de
nature féminine, in-identifiables (autoportrait
ou une autre ?). De même dans ses photos
grand format froissées et maculées de
rouge. Encore une fois l’intégrité du corps
est affectée, au niveau du visage ou plus
bas où se déclarent les menstrues. Heidi
Sill s’en prend encore à l’identité féminine
réduite jusqu’à sa disparition dans deux
installations successives. Des rideaux/voiles/
traînes opalescents semblent surveillés par
un miroir à pilosité sombre ; dans We refuse
your desire, un mannequin sexy perruqué sur
corbeille et longue traîne bleu-nuit partage
une absence avec la série de collages Cut :
tous ont perdu la face. Dans une autre vidéo,
l’artiste s’en prend jusqu’au du bout des ongles
aux signes et rites sociaux du féminin jusqu’à
l’absurde. Au sein de l’exposition depuis le
10 juin, une autre artiste, Clara Scherrer,
a posé un jalon de son exposition à venir
avec une installation/vidéo Loups, Hiboux,
Cailloux, Voyous, «vision symbolique de la
forêt comme lieu d’abandon et de projections
des terreurs enfantines». Femme et enfant
sont-ils si proches?
Heidi Sill, We refuse your desir, installation au CAC Istres, 2014
© C. Lorin/Zibeline
La tentation du défaut
jusqu’au 26 juillet
Centre d’art contemporain intercommunal,
Istres
04 42 55 17 10
www.ouestprovence.fr
CLAUDE LORIN
Lambert au cachot
À la prison Sainte-Anne,
au pied du Palais des Papes,
La disparition des Lucioles
s’éprouve entre fascination
et contrainte
Les travaux d’agrandissement de la collection
Lambert en Avignon, rue Violette, ont aussi
ceci de bien : déplacer des œuvres de la
galerie ou du musée dans des lieux chargés
d’histoire et de mémoire nous amène à
ré-appréhender les rapports entre l’œuvre
d’art et le lieu, le rôle de l’art et de ses
acteurs dans le corps social. L’exposition
fleuve conçue par Eric Mézil -plus de 200
oeuvres- qui emprunte son titre au texte de
Pasolini déplorant la disparition progressive
de la culture populaire et non moins savante,
laisse un sentiment étrange.
Promenade de santé
La rencontre (généralement pré-supposée
positive) avec des œuvres d’art ne peut être
ici anodine.
Signalé par de grandes thématiques, le
cheminement s’impose peu à peu en parcours
quasi christique. En sauts de puce, d’une
cellule à l’autre, décrépie et conservée en
l’état, le visiteur/ voyeur (des œuvres visibles
par les œilletons) pourrait se fondre avec
un de ces internés disparus ou une espèce
de maton de l’art. L’overdose (prévoir deux
bonnes heures voire plus et de l’eau) guette,
proche du syndrome de Florence. Libre et
captif aussi de cette profusion qui mène à
zapper les œuvres. Comment demander
Mircéa Cantor, Another message (VISA), 2000. CNAP, Coll. Lambert © C.Lorin/Zibeline 2014
de rester six heures pour la seule vidéo de
Mounir Fatmi ? Les Electric Chair de Warhol
dans ce contexte idéal perdent curieusement
de leur force, tandis que Monument Odessa
de Boltanski amplifie le sens. D’autres
pièces introduisent de la poésie vivante et
étrange chez Massimo Bartolini, Miroslav
Balka, d’autres rappellent les questions
fondamentales d’identité avec Roni Horn
ou du temps pour Hans-Peter Feldmann,
Henrik Hakansson... De cette expérience
particulière émerge un sentiment confus
entre l’art et la vie, affirmant et démentant
le postulat de Robert Filliou «l’art c’est ce
qui rend la vie plus intéressante que l’art».
Dans un registre similaire, en septembre,
l’artiste chinois dissident assigné en résidence
dans son propre pays, Ai Weiwei investira
la prison désaffectée d’Alcatraz. Aller en
prison se fait parfois librement, pour les
plus chanceux.
C.L.
La disparition des lucioles
jusqu’au 25 novembre
Ancienne prison Sainte-Anne, Avignon
04 90 16 56 20
www.collectionlambert.fr
L’éco
déconne
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Salon Vendetta
à la Friche
Les 28 et 29 juin, Vendetta, salon de la micro-édition et du multiple, est de retour pour une seconde
édition. Cette année encore, l’événement installé
au sein de la Friche de la Belle de Mai, dans le
cadre de 48 heures Chrono (voir p.9), va mettre
en avant des productions issues de la culture
DIY, du fanzinat et de l’édition indépendante :
artistes et éditeurs présenteront livres et éditions
limitées souvent réalisées à la main et diffusées
par leurs propres moyens. Au programme, deux
projections du documentaire Undergronde de
Francis Vadillo, suivi d’une discussion avec le
réalisateur, le samedi de 15 à 17h et le dimanche
de 17 à 19h au Transistor. Le public pourra
également assister au 10’CHRONO, des performances, concerts solo et lectures toutes les heures
pendant dix minutes de 13h à 18h ; participer à
l’APERO COMIX avec la fabrication d’un fanzine
collectif en sérigraphie ; ou admirer l’atelier du
photographe Alphonse Alt. Plusieurs expositions
d’œuvres d’artistes seront aussi organisées : Igor
Hofbauer de 13h à 19h avec un vernissage le
samedi à 18h, Nadia Valentine de 11h à 19h,
Yokogaga, Viktor Dvunkel ainsi qu’un vernissage
de planches de bande-dessinée de Craoman
le vendredi à 18h, suivi des concerts de Don
Vito et Daïkiri. Les concerts seront d’ailleurs
nombreux tout au long du festival à l’occasion
du VENDETATATATATA !!! à l’Embobineuse.
À voir, les performances de Black Metal For
My Funeral, Le Singe Blanc, Warsawwasraw,
Frite, Badaboum, Kaumwald, Plein Soleil,
ZU ! et DJ Reck Tom. Entrée gratuite.
ESTELLE BARLOT
Salon Vendetta
les 28 et 29 juin
Friche la Belle de Mai, Marseille
http://mauvaisoeil2013.free.fr/vendetta.html
Christophe Honoré © Raphaël Neal
Littérature et cinéma
Les Écritures Croisées, en collaboration avec
l’Institut de l’Image et l’Agence Régionale de
livre, mettent à l’honneur, du 25 au 27 juin,
Christophe Honoré, écrivain, réalisateur,
scénariste, dramaturge, et metteur en scène.
Une carte blanche qui lui permet d’avoir à ses
côtés l’auteure Marie Desplechin, la comédienne
Ludivine Sagnier, Bernard Foccroulle, directeur
du Festival International d’art lyrique d’Aix,
ainsi que les journalistes Laurent Rigoulet et
Gérard Meudal.
Le programme mêle aux projections de quelquesuns de ses films (La Belle personne, Les biens-aimés,
17 fois Cécile Cassard, Dans Paris, Prénom carmen),
des rencontres-débats qui permettent d’approcher
les différents champs créatifs de l’artiste : le 25
juin à 18h, il sera question de la place de l’acteur
dans son cinéma, le 26 juin de 14h à 16h30
il rencontrera les bibliothécaires, libraires et
enseignants pour parler de la littérature jeunesse,
puis à 18h débutera un temps de lectures ; le
27 juin à 19h, enfin, cinéma et opéra seront au
cœur de la rencontre avec Bernard Foccroulle.
Do.M.
À la rencontre de Christophe Honoré
du 25 au 27 juin
Cité du Livre, Aix-en-Provence
04 42 26 16 85
www.citedulivre-aix.com
© Igor Hofbauer
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Non, la pensée économique n’est pas
à sens unique ! Pour leur deuxième
édition, Les Rencontres Déconnomiques
sont à nouveau prêtes à contrer le très
sélect Cercle des Économistes sur son
propre terrain estival, la bourgeoise
Aix-en-Provence. La municipalité leur
ayant refusé l’espace du Parc Jourdan,
qui les avait accueillis en 2012, les
invités se déploieront dans divers
lieux du centre ville. Avec humour
et impertinence, ils envisagent même
de demander «l’asile politique» lors
du cocktail de clôture des Rencontres
Économiques, au Pavillon de Vendôme.
Parmi eux figurent des auteurs à la
pensée combative, qui trouveront
peut-être là une occasion de confronter en direct leurs théories à celles
de leurs confrères archi-libéraux.
On s’intéressera par exemple à ce
que pourra dire Jean-Pierre Berlan,
spécialisé dans la «nécro-technologie»
(à opposer aux bio-technologies) lors
de son exposé, ou bien Hervé Kempf,
intervenant sur l’avenir matériel de
l’Occident, Renaud Lambert sur
le Grand marché transatlantique,
et Bertrand Rothé, qui se demandera pourquoi le PS a trahi la classe
ouvrière. Clou des festivités, la cocasse
remise des prix réservés aux économistes les plus orthodoxes, «pour
leur immense travail d’enfumage dans
l’espace médiatique». Notre pronostic ?
Bien que la concurrence soit rude,
Pascal Lamy, avec «son idée de mini
jobs rémunérés en dessous du SMIC»
pourrait parfaitement l’emporter.
Un seul regret, mais de taille :
l’absence quasi-totale de femmes
au programme. Hétérodoxes ou pas,
les économistes restent entre mâles.
GAËLLE CLOAREC
Les Rencontres Déconnomiques
du 4 au 6 juillet
Aix-en-Provence
06 42 37 78 55
www.deconnomistes.org
Eh oui. S’il n’était pas mort en août 1997, William
Seward Burroughs aurait cent ans cette année.
Le laboratoire d’écritures et de médias Alphabetville (créé en 1999 et implanté depuis 2006
à La Friche) a tenu à fêter le centenaire de cet
artiste américain hors-normes, proche de la Beat
Generation, auteur d’une imposante et éclectique
production (romans, essais, lettres, poèmes,
enregistrements sonores, films...), infatigable
pourfendeur des systèmes de contrôle de toutes
sortes. Un hommage en deux temps et le moins
didactique possible, histoire de ne pas offenser
l’esprit frondeur et marginal de l’inventeur du
cut-up. Le premier volet du diptyque s’intitule
Parages de W.S Burroughs. Quelques jours en
juin pour s’approcher par la bande d’une œuvre
étonnante, souvent dérangeante et prémonitoire,
qui a inspiré et inspire encore de nombreux
artistes, musiciens et réalisateurs. En témoigne
l’installation qu’on peut voir jusqu’au 21 juin
dans la librairie La salle des machines (Friche
Belle de Mai). Réalisée par Franck Ancel, She
loves control offre un écho visuel à la chanson
de Joy Division créée pour le centenaire. La
première rencontre littéraire s’est déroulée à la
librairie L’Odeur du temps en compagnie de
F.J. Ossang, «créateur tous azimuts» et grand
admirateur de WSB depuis l’adolescence. Tout
de sombre vêtu, la brosse grise mais drue, le
dandy punk a chaussé ses lunettes noires pour
lire quelques pages du «livre très libre» qu’il a
consacré à William Burroughs, un texte dense,
truffé de citations. Auxquelles il a eu la bonne
idée d’ajouter trois passages de son anthologie
personnelle (figurant à la fin de l’ouvrage). Trois
extraits qui ont permis de mesurer l’humour
corrosif de WSB et son insoumission viscérale.
D’autres rencontres, littéraires, cinématographiques, radiophoniques et musicales, auront
lieu jusqu’au 11 juin. Quant au second volet,
prévu pour novembre, Colette Tron l’a voulu
plus politique : tables rondes et conférences s’y
dérouleront autour de La révolution selon W.S
Burroughs. À suivre donc…
Tanger
William S. Burro
ughs, self portr
ait,
W.S.B aurait 100 ans
À lire
W. Burroughs vs Formule-Mort
éditions Jean-Michel Place, 11 euros
FRED ROBERT
Parages de W.S Burroughs a eu lieu du 3 au 11 juin,
F.J. Ossang était invité à la librairie
l’Odeur du temps le 3 juin
www.alphabetville.org
Le mythe américain
à multiples facettes
Marseille Objectif Danse, le cipM et le Black Mountain College, c’est
une histoire à plusieurs épisodes. En juin 2012, un premier colloque
réunissait Patrick Bouchain, Martin Richet, Rachel Stella, Christian
Tartaing, Frédéric Valabrègue, Joëlle Zask, Eszter Salamon. Et Jean-Pierre
Cometti, philosophe, traducteur, éditeur, co-auteur avec Éric Giraud
du livre collectif Black Moutain College. Art, démocratie, utopie publié
aux éditions PUR-Réseau des universités Ouest Atlantique. Ouvrage
qui a fait l’objet d’une présentation au cipM suivie d’une performance
de Joëlle Léandre, improvisatrice et compositrice qui a joué avec
l’Ensemble Intercontemporain de Pierre Boulez et travaillé avec Merce
Cunningham et John Cage… deux artistes qui ont fréquenté le Black
Mountain College. Moment intense qui vit la contrebassiste entrer dans
la performance par le son, le texte, la musique avec fougue et envie.
Pour ce deuxième chapitre, MOD et le cipM ont convié les auteurs à
éclairer l’histoire de cette «université» fondée en 1933 par John Andrew
Rice et Theodore Dreier. Deux interventions complémentaires, la
première sur la dimension politique du BMC, la seconde sur sa genèse
et son exemplarité. Jean-Pierre Cometti présenta le contenu original
de ce premier livre écrit en français qui ne prétend pas à l’exhaustivité
mais croise des points de vue : abondamment illustré de photographies
d’époque -de 1933 à la fermeture du BMC en 1957-, il retrace les différentes
périodes de construction et d’évolution du projet «de créer un collège
pour former des démocrates à travers des enseignements diversifiés, dans une
période difficile mais pleine de vitalité que fut l’après-récession aux ÉtatsUnis». Il offre également une plongée in vivo dans le quotidien grâce à
la publication d’extraits de la correspondance du poète et auteur Charles
Olson qui fut «la figure majeure de la dernière partie de l’histoire du Black
Mountain college (1948-1957)». Après avoir rappelé le contexte américain
favorable à l’émergence de cet enseignement qui plaçait l’art au cœur des
pratiques éducatives, Jean-Pierre Cometti évoqua ses conséquences sur
l’art aux USA : «Quelque chose s’est implanté dans la pratique artistique,
dans la conjugaison des arts sans division, dans l’art de la performance».
Performance de Joëlle Léandre, cipM_MOD 2014 © Jean-Marc de Samie
En contrepoint, Éric Giraud retraça les périodes
fondatrices, nomma les figures tutélaires, souligna
sa dimension communautaire et rappela que
ce n’était pas une école qui formait à devenir
artiste mais «un puits sans fond de spécialités, de
domaines, d’expertises, de pratiques, d’actions et
de réflexions». Le lendemain, MOD et le cipM
écrivaient un troisième chapitre en invitant à la
table quatre spécialistes de l’art américain, du
Black Mountain College et de l’histoire de la
danse : Judith Delfiner, Mary Holden, Anne
Lucas et Christine Rodès.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Le colloque Black Mountain College s’est déroulé
les 30 et 31 mai au cipM, à Marseille
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La fin d’un monde
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Joseph Boyden nous a toujours fait voyager sur
les traces de son peuple, le peuple premier du
Canada… Jusque-là c’était au XXe siècle, avec
des Indiens d’aujourd’hui. Dans le grand cercle
du monde entraîne plus loin. Dans le temps. Au
XVIIe siècle précisément. Au moment où un
monde bascule. Où tout va changer pour les
populations natives de ces contrées de la Petite
France que le «Peuple du Fer» est en train de
coloniser et que les «Corbeaux» (c’est ainsi que
les Indiens appellent les Jésuites encombrés de
leurs soutanes noires) tentent de christianiser.
Un moment-clé où l’orenda, la magie indienne
-c’est d’ailleurs le titre original du roman- est
jugée impure. Et de ce fait condamnée à disparaître, vaincue par une autre magie, celle du
Grand Génie des Bois Charbons (l’autre surnom
donné aux missionnaires chrétiens). Le récit
est très documenté : on en apprend beaucoup
Dernière partie
Le dernier roman de Christine Brunet, Poker
menteur, clôt une série commencée avec Nid de
vipères. Ce sixième thriller permet de retrouver
des héros récurrents. Les noms changent afin
de protéger l’identité de truands et de policiers. Axelle de Montfermy (auparavant Aloys
Seignier) se voit propulsée dans une nouvelle
affaire aux ramifications multiples où chacun
avance dissimulé. Les capacités de l’héroïne
sont proches d’une sorte d’iron-woman, sans
doute grâce au Dragon bleu (explications dans
le troisième tome de la série). Mais ce n’est pas
ce qui importe. Si vous cherchez de l’aventure,
vous serez servi. L’intrigue est menée tambour
battant, les faits s’imbriquent avec une rigueur
de métronome, jusqu’à la géographie des lieux
dans lesquels les personnages évoluent. Marseille,
ville que l’auteure connaît bien, sert de cadre à
sur la civilisation huronne, son mode de vie,
les partis de traite et les partis de chasse, sur
le festin des morts, les séances de guérison, le
pouvoir des rêves et aussi sur la façon dont les
tribus «caressent» (c’est-à-dire torturent) leurs
prisonniers. Pourtant, loin d’être un banal roman
historique, ou pire un récit exotique, le dernier
ouvrage de Joseph Boyden emporte. Par son
lyrisme, par sa puissance poétique et narrative.
Trois voix s’y font entendre : celle d’Oiseau, chef
de guerre huron ; celle de Chutes-de-Neige, la
captive iroquoise qu’il a adoptée ; celle enfin
de Christophe Corbeau, le Jésuite. Chacune
d’elles trouve son ton particulier dans cette
fresque puissante, qui donne vie à de nombreux
personnages touchants, comme le guerrier Renard
ou la «sorcière» Petite-Oie. Un superbe voyage
dans le temps, dans les mots.
FRED ROBERT
cette histoire de trafic de drogue international
où les plus hautes sphères sont impliquées. Ne
soyez pas effarouchés par l’épaisseur du bouquin,
environ cinq cents pages ; il se lit comme un
petit pain au chocolat. Suspens, coups de théâtre,
retournements, tous les ingrédients sont là,
dans un style qui ne cherche pas de fioritures.
Les verbes abondent, les adjectifs sont rares, le
mouvement est privilégié, laissant percevoir sous
tel ou tel geste la psychologie des personnages.
Les dialogues sont remarquablement construits,
avec leurs silences, leurs non-dit, leurs ellipses ;
les mots se posent comme autant d’amorces,
de pièges, de feintes, dans cette partie de cartes
cruelle où chaque erreur peut tuer. Du polar
qui devrait inspirer les cinéastes !
MARYVONNE COLOMBANI
Dans le grand cercle
du monde
Joseph Boyden
traduit de l’anglais
(Canada)
par Michel Lederer
Albin Michel,
23,90 euros
Joseph Boyden était invité le 13 juin à Marseille
et le 14 à Aix-en-Provence, dans le cadre des
Escales en Librairies organisées par Libraires
à Marseille
www.librairie-paca.com
Poker menteur
Christine Brunet
Éditions Gascogne, 20 euros
La longue nuit des Harkis
Ahmed Kalouaz est un écrivain prolifique, auteur
de nombreux récits courts, pour ados ou adultes,
publiés essentiellement au Rouergue. La plupart
se situent dans notre région, la plupart parlent
des enfants de l’immigration algérienne, dont
la trilogie qui romance sa propre vie et s’attache
au personnage de son père, puis de sa mère.
Les solitudes se ressemblent raconte une histoire
plus douloureuse encore, celle des enfants de
Harkis. Mise à distance : la narratrice est une
femme, Fatima, amoureuse d’un homme qu’on
ne verra pas, passant une nuit solitaire dans une
chambre d’hôtel à rassembler et rêver ses souvenirs
en parcelles. Sa mémoire est précise, mais son
esprit vagabonde, et le récit avec lui, ressassant
l’ignominie du camp de Saint Maurice, le sort
des incasables, son enfance sous les miradors
français, dans la peur, le silence et l’absence
d’amour, puis son adolescence rebelle, son
enfermement, les ménages, seul travail qu’on
lui a laissé faire… D’autres bribes surgissent, son
fils, son amant, et puis son père encore perdu
parmi les Chibanis, et ce qu’elle imagine de
l’Algérie, de la faute des Harkis, de l’abandon de
l’armée française, de la violence des représailles
en 1962. Le récit tourne, revient, s’attarde en de
courtes phrases sans pathos, fluides, nettes, qui
sonnent souvent comme un murmure avant le
sommeil. Une nuit de solitude, pour dire toute
une vie aux marges de la vie, sans tendresse et
sans épanchement, sans crise non plus.
Le court roman fait sentir combien, aujourd’hui
encore, les descendants des supplétifs de l’armée
française ont vécu l’horreur, en Algérie puis en
France, traités là-bas comme des traîtres que
souvent ils n’étaient pas, enrôlés de force ou de
peur, et ici comme des moins qu’humains, à la
fois arabes et renégats. Une page d’histoire dont
la France peut rougir, et qui n’est sans doute pas
étrangère aux scores FN dans le Gard.
AGNÈS FRESCHEL
Les solitudes se ressemblent
Ahmed Kalouaz
Le Rouergue, coll. La Brune, 13 euros
Les trois vies
d’Azlan
Par ici, on connaît bien Velibor Colic. En 2012, les lycéens
et apprentis de la région lui ont décerné le Prix Littéraire
PACA pour son Jésus et Tito, une plongée douce-amère
dans la Yougoslavie de sa jeunesse. Il était dernièrement
au Salon de Cassis. Et le voici qui démarre actuellement
la première partie d’une résidence proposée par Peuple
et Culture Marseille pour la troisième édition de D’une
langue à l’autre. Une résidence d’écriture autour de son
ouvrage en cours Manuel d’exil. L’exil, il connaît bien :
fuyant la guerre dans les Balkans, il s’est réfugié en France
en 1992. C’est d’ailleurs d’exil et d’errance qu’il est question dans son dernier roman Ederlezi. Ederlezi, la fête du
printemps, la Saint-Georges, célébrée le 6 mai, la plus
grande fête tzigane. Velibor Colic le rappelait lors de la
soirée d’ouverture de sa résidence : «Aujourd’hui, dans le
monde, on adore le nomadisme mais on déteste les nomades.»
Son roman rend donc hommage à ce peuple «sans Dieu,
sans terre et sans cimetière», éternel bouc émissaire que les
nazis et les oustachis ont exterminé dans leurs camps, que
la guerre des années 1990 a continué de massacrer, que
l’espace Schengen refoule aujourd’hui inexorablement.
Un hommage envoûtant comme les mélopées tziganes
qui résonnent dans ses pages, enivrant comme les bières
et les rakis qui les abreuvent généreusement, passionnant
comme les légendes qui les peuplent, attachant comme
cet Azlan dont on suit les trois vies. Azlan Baïramovitch
est un chanteur du village de Strehaïa, le village aux trois
noms (comme les trois peuples qui y vivaient en harmonie)
aujourd’hui rayé de la carte. Ce que conte Ederlezi, c’est
donc l’histoire fabuleuse de ses trois existences terrestres,
entre voyages et exils, du début du XXe siècle à 2009.
Toutes trois tragiquement finies… mais ponctuées de fêtes
mémorables, d’amour et de musique jusqu’à plus soif. Une
«comédie pessimiste» comme l’indique le sous-titre ; un
hymne au peuple tzigane, à son sens de la dérision et à son
énergie inaliénables surtout. Saine et revigorante lecture
en ces temps de régressions fangeuses.
FRED ROBERT
Ederlezi
Velibor Colic
Gallimard, 18 euros
L’auteur est en résidence d’écriture avec Peuple et Culture
Marseille (jusqu’au 5 juillet). La deuxième partie
de la résidence aura lieu de fin septembre à fin novembre.
De nombreuses rencontres, des lectures et des ateliers sont
prévus. Renseignements sur www.peuple-culture-marseille.org
ou en téléphonant au 04 91 24 89 71
Dans les plis du kimono
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«Je vous sais gré de bien vouloir prêter l’oreille
à mon histoire...» De cette exquise civilité du
narrateur, de cette bonne volonté à coopérer
avec son interlocuteur, le récit va faire un usage
subtil et ce n’est pas la moindre des qualités de
ce roman serré, à la saveur aigre-douce.
Il n’est pourtant pas fréquentable ce… -on ne
connaîtra pas son nom- qui se qualifie d’«imbécile
de mon espèce» ou même de «bête immonde» sans
plus se troubler ni redresser sa route zigzagante.
Entre deux femmes, dont la discrètement sublime
Ohan, l’homme flotte, tangue dangereusement
et découvre sur le tard les affres délicieux de la
paternité ; le mélodrame n’est jamais loin mais
à la japonaise : façon marionnettes du Bunraku
dont les ficelles seraient tirées par une main
capricieuse, sans rien d’implacable ni de tragique
au fond. L’auteur de cette amorale confession
semble elle-même taillée dans de l’étoffe de
chef-d’œuvre : modern girl (môga) des années
À tâtons
Commençons par la fin qui de toutes façons est
bouclée dès les premières pages de ce roman noir
cousu de fil blanc : « Au début, tu auras peut-être
peur de marcher seule dehors. Mais avec quelqu’un
à tes côtés pour t’épauler tout ira bien, j’en suis
certain» et puis «La jeune femme ferma les yeux
et hocha lentement la tête en signe d’approbation.»
Elle est aveugle ; il n’est pas le criminel que
l’on croit ; un homme -très méchant, bien fait
pour lui- a été poussé sous les roues du train
et le suspect numéro un (il s’appelle Akihiro
mais cela n’a peut-être aucune importance)
s’est introduit chez Michiru (même remarque),
jeune fille non voyante et orpheline qui plus
est, solitaire et recluse donc ; ça c’est le début.
Reste à écrire les 250 pages de ce récit qualifié
20, créatrice de kimonos, Uno Chiyo a lancé
le premier magazine de mode occidentale, écrit
quelques romans et beaucoup vécu ; la main
très sûre trace des motifs toujours nécessaires,
pas un brin décoratifs, car il est bien évident
que pouvoir imaginer le héros affrontant la
nouvelle de la mort de son fils, deux petits flans
de riz à la main, décuple l’émotion du lecteur
comme aiguisent ses sens le bruit des socques
sur le tatami ou l’odeur des tissus mouillés
par la pluie d’automne ; rendons hommage à
un texte rare qui ose faire de la confusion des
sentiments une élégante et forte ode à la vie !
MARIE JO DHO
Ohan
Uno Chiyo
Traduit du japonais par Dominique Palmé
et Kyôko Satô
Philippe Picquier, 12 euros
peut-être légèrement de «thriller psychologique» :
co mment la sensible Michiru percevra-t-elle la
présence de l’intrus ? Que voit le gentil Akihiro de
la vie quotidienne de sa compagne malgré-elle ?
Exercice de style limpide à la limite de l’ennui qui
consiste à opposer méthodiquement perception
de l’un contre sensation de l’autre et à développer
minutieusement les sentiments y afférant ; pas
très excitant, peu de suspens, point de frisson
mais des mignardises, des situations convenues
proches de la bande dessinée ou du manga fade.
Ce Rendez-vous dans le noir fait se rencontrer
sans surprise deux personnages sans relief. Un
peu raté non ?
Rendez-vous dans le noir
Otsuichi
Picquier Poche 8,50 euros
M-.J.D.
Une agence engagée
Deux jours avant le 11 septembre 2001, s’inauguraient les bureaux parisiens de l’agence VII fondée
la même année à New York. «VII représente des
photographes souhaitant s’impliquer dans le processus
politique par la voie du plaidoyer» déclare un de
ses fondateurs, Gary Knight, dans le dernier
album 100 photos pour la liberté de la presse de
Reporters Sans Frontières. Les images produites
pour VII sont régulièrement publiées dans les
grands titres de presse internationale. Leurs
auteurs couvrent un large spectre de faits sociétaux
jusqu’à s’ouvrir à des genres parfois plus singuliers
: inventaire distancié d’objets laissés par des boat
people à Lampedusa par Davide Monteleone,
sécheresse fatale au Kenya constatée par Stefano
De Luigi, femmes policières iraniennes suivies
par Alexandra Boulat ; Christopher Morris
fixe un Président Hollande hiératique dans les
lambris dorés de l’Élysée, Tomas Van Houtryve
choisit le contrepoint poétique avec ce bouquet
de fleurs jaunes de cette Coréenne dans le métro
à Pyongyang. Le travail reconnu de la vingtaine
de photographes qui composent l’agence leur a
permis d’obtenir de nombreuses distinctions,
mais aussi des résultats tangibles lorsque le
géant informatique Intel renonce à utiliser les
«minéraux de la guerre» suite au reportage de
Marcus Bleasdle dans les mines congolaises.
Portolio à prolonger avec les contributions de
Philippe Labro, Gary Knight, Seymour M. Hersh,
Majid Saeedi et du co-fondateur de Wiki-Leaks,
Julian Assange claquemuré dans l’ambassade de
l’Équateur à Londres. Une version numérique
enrichie est disponible sur Apple Store.
En plus de ses albums, RSF édite chaque année
un classement et une carte de la liberté de la
presse dans le monde qui va du blanc (bonne :
Namibie, Costa Rica, Estonie...) en passant par
le jaune, l’orange et le rouge, jusqu’au noir (très
grave)... Quelle couleur pour la France en 2014 ?
CLAUDE LORIN
100 photos de l’agence VII pour
la liberté de la presse
Reporters Sans Frontières, 9,90 euros
Fragmentation numérique
Homme de radio (il anime l’émission Soft Power
sur France Culture depuis huit ans) et écrivain (son
livre Mainstream est un best seller international),
Frédéric Martel vient de publier chez Stock un
ouvrage sur les internets. Pourquoi ce pluriel ?
Parce que sa thèse principale définit le réseau
plutôt sous l’angle territorial que sous celui de la
mondialisation si souvent mise en avant. «C’est
la fragmentation qui définit internet, ses contenus
dépendent de la géographie, la langue, la culture.»
Selon lui, contrairement à ce que l’on croit
souvent, les contenus globaux sont minoritaires,
même si la domination américaine sur le web
n’est pas à dénier. Les internautes s’intéresseraient
avant tout à ce qui les concerne directement, leur
cercle d’amis, leur environnement quotidien. En
2020, on prévoit que 5 milliards d’êtres humains
seront connectés, soit le double du nombre
actuel ; la part de l’anglais dans les échanges
en ligne baissera statistiquement, au profit des
nombreuses langues de pays émergents, qui
s’équipent de mobiles de manière exponentielle...
On lira avec grand intérêt cette enquête de
terrain dans une cinquantaine de pays, à la
découverte des usages d’internet un peu partout
dans le monde, du Moyen-Orient à la Chine,
de l’Europe à la Silicon Valley, en passant par
le Brésil et l’Afrique.
GAËLLE CLOAREC
Frédéric Martel était présent le 22 mai
à La Bo(a)te pour présenter son livre,
à l’invitation de Zinc. Retrouvez son interview
sur notre Webradio Zibeline
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Smart – Enquête sur les internets
Frédéric Martel
Stock, 22 euros
Une femme cinéaste
À son père qui demandait à sa fille de 5 ans ce
qu’elle voulait faire plus tard, elle répondit :
«Papa, c’est moi qui décide.» Jane Campion
vient de présider le 67e Festival de Cannes, et
décider de sa vie, c’est bien ce qu’elle a fait !
Le critique de cinéma Michel Ciment vient
de lui consacrer un livre, dense, superbement
illustré, construit chronologiquement, à partir
d’une trentaine d’entretiens avec la cinéaste
néo-zélandaise, première femme à avoir remporté
la palme d’Or à Cannes en 1993 avec La Leçon
de piano. Michel Ciment montre comment
cette cinéaste à l’indépendance farouche, qui
s’est toujours revendiquée comme femme, a su
surprendre la critique, jouer avec la notion de
genre cinématographique et surtout dépeindre
avec finesse aussi bien la sexualité féminine que
la complexité des rapports humains. «Portrait de
femme, 4e opus de J.C., pourrait aussi bien être le
titre de tous ses films (…), évoque la toute puissance
du désir.». Car les femmes sont au centre de sa
vie et de son œuvre, ses héroïnes, passionnées,
désirantes, vulnérables parfois. Michel Ciment
n’a raté aucun rendez-vous avec la cinéaste : il
retrace son enfance, ses premiers courts, prémices
d’une œuvre, ses premiers longs, Two friends
(1986) et Sweetie (1989), jusqu’à la série télé Top
of the lake (2013). Neuf conversations entre la
cinéaste et le critique qui analyse le film et le
cheminement créatif de l’artiste en y incluant
extraits de carnets, de story-board et des photos
de plateau. Et pour terminer ce livre passionnant,
quatre écrits de la réalisatrice dont John Keats et
moi (2009), où elle évoque sa rencontre, en 2003,
avec le poète à partir de la biographie d’Andrew
Motion qui a donné naissance à Bright Star
(2009), inspiré de l‘histoire d’amour de Keats
et Fanny Brawne. «J’espère que je continuerai à
apprécier ce chemin que Keats a ouvert à mes sens,
mon âme et mon imagination, comme un portrait
vers le cœur humain.» On n’en doute pas et c’est
avec plaisir qu’on savoure Jane Campion par
Jane Campion qui nous plonge dans l’univers
de cette femme cinéaste et donne envie de (re)
voir tous ses films.
Jane Campion par Jane Campion
Michel Ciment
Cahiers du Cinéma, 45 euros
ANNIE GAVA
Elles en 14/18
La Bretzel CompaGny en résidence au Théâtre
de Lenche donnait le 27 mai deux représentations de son nouveau spectacle : Bien à vous ou
Lettres de femmes pendant la guerre de 14-18. Une
fresque émouvante de quatre années d’horreurs
civiles. Trois femmes sur décor minimaliste de
banc, gramophone et tableau noir effeuillent
l’éphéméride des angoisses, espoirs, désespérances
d’autres femmes. Témoins, actrices ou victimes,
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parfois supportrices des nationalismes exploiteurs,
des sœurs, mères, épouses, amies ou simplement
marraines de guerre partagent la misère quotidienne des « poilus » et les privations, par la
chaleur de leurs lettres. Les textes choisis avec
soin dans les archives départementales des BdR
forment le véritable décor émotif du spectacle
aéré d’opportunes respirations humoristiques.
Les textes s’accumulent au sol formant tapis aux
souvenirs exhumés par un spectacle à mettre
sans réserve entre toutes les oreilles et toutes
les consciences.
YVES BERCHADSKY
Les représentations ont eu lieu le 27 mai
au Théâtre de Lenche, Marseille
Un millefeuille d’images
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Après Photomed à Sanary et Images singulières
à Perpignan, Arnaud Bizalion s’apprête à poser
ses valises de livres à la Bourse du travail, au côté
du Bec en l’air, pendant les Rencontres d’Arles1.
C’est donc tambour battant qu’il promeut sa
maison d’édition née en avril 2013, et en toute
liberté car il est seul maître à bord : «Ce gain
de mobilité favorise la rencontre et la découverte.
Quand on est libre des contraintes diverses, on
est plus perméable… on gagne en création.» Une
liberté fraichement acquise puisque de 1990 à
2012, il participa à l’aventure de la célèbre maison
d’édition marseillaise Images en manœuvre,
aujourd’hui dissoute. Maîtrisant toutes les ficelles
du métier d’éditeur d’art, d’architecture, de
danse, de guides de voyages, il a jeté son dévolu
sur la photographie contemporaine par «volonté
de concentrer le faisceau et par connaissance de sa
cible, le risque étant de ne pas remplir ses objectifs
si on se disperse». Le résultat est tangible : le
catalogue compte déjà onze titres et une collection de poche qui donne la parole aux jeunes
photographes (Notes). Des auteurs vivants avec
lesquels il noue des relations et dont il apprécie
le travail plastique («ceux qui m’intéressent ont une
pensée directrice forte, une envie de tripatouiller
quelque chose»), tout en revendiquant l’essence
de son rôle («il faut que l’auteur ait les capacités
d’aller jusqu’au bout d’un projet éditorial. Je le
conseille et l’accompagne mais je ne dois pas me
substituer à lui»). Ainsi ont pris forme Waterfront
avec André Mérian, New York avec Vincent
Jendly, Arles avec Michel Bourguet, des auteurs
découverts récemment ou côtoyés de longue
date. Comme Bernard Plossu qui publiera en
octobre prochain Mer, la canadienne Camille
McOuat et son délicieux It was so beautiful I
died tiré de séries conceptuelles repérées aux
Comptoirs arlésiens de la photographie, galerie
dont il partage «le regard, la pensée, la direction
France de Stéphane Couturier, Pluie noire de
Lucie Jean. Si possible en écho à une actualité
brûlante ! Ça tombe bien, Stéphane Couturier
exposera à l’Hôtel des arts à Toulon, Lucie Jean
aux Comptoirs arlésiens de la photographie
et Didier Ben Loulou, auteur de Marseille,
est l’hôte de la Non-Maison à Aix jusqu’au 31
juillet. Didier Ben Loulou qui fait entendre les
battements de la cité phocéenne dans ses photos
carrées, encadrées d’un discret liseré blanc, aérées
au fil de doubles pages grises : personnages pris
sur le vif, routes défoncées, tissus chatoyants,
tatouages des murs et des peaux…
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
1
du 7 au 13 juillet
Marseille
Photographies et texte Didier Ben Loulou
traduction anglaise Gila Walker
Arnaud Bizalion éditeur, 30 euros
Dans la collection Notes
Marseille
Didier Ben Loulou, 20 euros
It was so beautiful I died
Camille McOuat, 20 euros
Le Train jaune
Marc Corigliano, 15 euros
artistique cohérente et le choix de défendre une
photographie de femmes». C’est cet état particulier
de disponibilité à l’artiste et à l’œuvre qui lui
permet d’accoucher simultanément de Les années
Beauduc de Cécil Mathieu, Alger, climat de
Arles
Textes Jean-Marie Rouquette
et Jean-Marc Bernard
photographies Michel Bourguet, 15 euros
L’imagier de Laurent Dessupoiu
À en croire le catalogue publié par la Villa
Tamaris centre d’art en corollaire de l’exposition
La sensation d’un voyage inachevé de Laurent
Dessupoiu, ses œuvres parleraient d’elles-mêmes.
Car seul le texte Deux ou trois choses que je sais,
ou que je devine, à propos de Laurent Dessupoiu
de Robert Bonaccorsi introduit l’ouvrage de 112
pages. Exception faite aussi des indispensables
biographie et bibliographie. Une «discrétion»
qui nous autorise à le feuilleter indifféremment par la fin ou le début, à divaguer entre
les dessins, sculptures et acryliques, tout en
décryptant attentivement les titres si précieux
pour l’artiste : Gladiateur des temps modernes
(série de portraits parfois cyclopéens, bouches
grillagées, grimaçantes, pleines d’effroi) ; Sur les
traces de la liberté (série cosmopolite composée,
entre autres, d’un portrait et graff sur porte
en bois, d’un assemblage de 16 acryliques sur
toile démultipliant le même motif ) ; J’ai décidé
d’être heureux, L’adversité me fouette ou encore
Imagine qu’il n’y ait ni pays ni religion qui sont
autant le sujet de la toile que le titre, répété à
l’infini, superposé, noyé dans le fatras de couleurs. C’est alors, et alors seulement, que l’on
décide d’apprendre «deux ou trois choses» que
Robert Bonaccorsi sait de Laurent Dessupoiu.
À savoir qu’il «vit, travaille, crée à Istres dans un
vaste atelier à sa (dé)mesure», qu’il a «le goût
de la confrontation des corps et des idées» et,
plus obscurément, qu’il s’agit d’une «œuvre
polysémique qui accorde aux linéaments les
propriétés des objets décrits par leur virtualité1».
M.G.-G.
L’exposition s’est déroulée du 22 mars au 18 mai à
la Villa Tamaris centre d’art, La Seyne-sur-Mer
1
Alfred Jarry, Gestes et opinions du Docteur
Fanstroll
Lire et
relier
La 6e édition du Festival du Livre de la Canebière
s’est avérée «compliquée», si l’on en croit Cécile
Silvestri, responsable de la programmation.
«Cette année, on n’a pas d’argent, on fait tout,
les bénévoles sont épuisés.» À peine réussissait-on
à l’attraper, filant entre deux stands, qu’elle
était déjà repartie, appelée par d’autres tâches
urgentes... Un manque de moyen se traduisant
par une impression générale de flottement, avec
peu de ventes sur les étals des éditeurs, et une
participation du public quelque peu décousue.
On retiendra cependant de beaux moments !
Notamment l’initiative de Mathilde Chèvre,
créatrice de la maison d’édition bilingue Le
port a jauni, venue lire dans l’Espace Jeunesse
quelques-uns de ses ouvrages en français/arabe (et
provoquant chez ses auditeurs un coup de cœur
pour La roue de Tarek, très joliment illustré par
ses propres dessins). Ou bien la rencontre avec les
bénévoles de l’Office Central des Bibliothèques,
une association fondée dans les années 20, qui
anime à Marseille plus de 30 bibliothèques de
quartier, et 20 antennes en milieu hospitalier.
De quoi remettre un peu de baume au cœur
des amoureux du livre, toujours défendu et
apprécié par de fervents adeptes.
GAËLLE CLOAREC
Le Festival du livre de la Canebière a eu lieu
du 6 au 8 juin à Marseille
Mathilde Chevre © Gaëlle Cloarec
© Anthony Pastor, Prix littéraire Paca 2011-2012
Le Prix littéraire a 10 ans !
Zibeline, en partenariat avec l’Agence régionale
du Livre PACA, fête les 10 ans d’aventures littéraires
et graphiques du Prix littéraire des lycéens et apprentis
de la région PACA. Anthony Pastor, lauréat 2011-2012,
livre son témoignage inédit.
Retrouvez des extraits de ces témoignages sur le
site et le blog dédié : blog.prixpaca.com
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lors de ces tête-à-tête
avec des chercheurs
d’une durée de sept
minutes montre en
main. L’occasion par
exemple de faire
la connaissance de
Leila Qasemian,
micro-biologiste iranienne enseignant à
l’Université de FrancheComté, qui a appris le
français pour pouvoir
suivre ses études ici, et
déclare avec un grand
sourire avoir «choisi la
France pour sa richesse
culturelle».
Conception artistique de la planète CoRoT-7b et son étoile © ESO
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L’édition 2014 du Printemps des chercheurs s’est
déroulée dans une atmosphère bon enfant,
propice à la curiosité. Toute la journée du
23 mai, aux abords et dans le hall de la
bibliothèque de l’Alcazar, le Souk des sciences
déployait une dizaine de stands, invitant le
passant à s’approcher de pigments colorés,
ailes de papillons, ou étals de livres. Derrière
chacun, un ou plusieurs scientifiques, prêts
à répondre à toutes les questions. Qu’est-ce
que la microscopie à force atomique, par
exemple ? Une discipline beaucoup plus facile
à saisir lorsqu’on peut s’appuyer sur une
maquette ludique, à manipuler soi-même.
Côté sciences humaines, ça discute ferme
sur les études de genre, la caractérisation
des rôles féminins et masculins. Une jeune
sociologue se réjouit de la rencontre avec les
passants : «Dans ce quartier, il y a beaucoup
de musulmans. On sent tout de même que la
religion est un frein, mais cela fait plaisir de
découvrir des gens ouverts, de discuter, même
si l’on n’est pas d’accord.»
Le soir, une formule bien rythmée permet
de découvrir dans l’auditorium une succession de thématiques, articulant recherche
fondamentale et développement de projets
concrets. En une vingtaine de minutes, un
intervenant présente son travail puis répond
aux questions du public, avant de passer
le relais à un autre. Sandrine Sarrazin, du
Centre d’Immunologie de Marseille Luminy -un
établissement majeur en Europe- dévoile une
découverte récente qui permettra à terme de
renforcer les défenses de patients atteints
de leucémie face aux infections. Marc Ricci,
un entrepreneur, explique le parcours qui l’a
amené à concevoir un vitrage photovoltaïque
semi-transparent, permettant d’autonomiser
énergétiquement les bâtiments du tertiaire.
Imaginez la tour CMA-CGM, qui culmine
tel un sémaphore sur le Port Autonome de
Marseille, équipée de ce matériau ! Et les
économies d’énergie qui en découleraient !
Magali Deleuil (LAM, CNRS-AMU), diminuée
par une extinction de voix carabinée, n’en
captive pas moins son auditoire lorsqu’elle
décrit les avancées de la science en matière
de détection des exoplanètes. «Certaines
Lycéens lors d’un satge au laboratoire de Tous Chercheurs © François Guênet, Inserm 2010
Rencontrer la science
présentent des caractéristiques très étranges,
qui n’existent pas dans le système solaire.»
On lui souhaite, comme elle en a formulé le
vœu, de faire partie de l’équipe qui fera la
preuve de l’existence d’une vie ailleurs que
sur Terre...
Le lendemain, le speed-dating scientifique a
remporté un très grand succès. On se pressait
GAËLLE CLOAREC
Le Printemps des chercheurs 2014 a eu lieu
du 19 au 24 mai à Marseille
Mensuel gratuit paraissant
le deuxième mercredi du mois
Édité à 32 000 exemplaires
imprimés sur papier recyclé
RetrouveZ Zibeline et vos invitations sur notre site
Édité par Zibeline SARL
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Dépôt légal : janvier 2008
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