Jean Louvet est considéré comme un intellectuel engagé. Dans ses diverses œuvres, il tente
de mettre en avant les contradictions sociales de sa région, qui s!étendent tout de même au-
delà de la Belgique. On note dans son écriture une vision désenchantée du prolétariat et de
son avenir tout en gardant un œil très critique sur les modes de représentation de cette
classe ouvrière. Il parvient à transmettre au spectateur cette même distance intelligente.
Dans son propos, il s!interroge sur les aliénations de la société face à la dissolution des
idéologies de la Gauche. Quelles sont les conséquences de l!industrialisation ? De quelle
manière les gens vivent-ils entre eux aujourd!hui ? Quelles conséquences peuvent avoir
l!individualisme et la recherche du pouvoir sur le monde ouvrier ?
Je m!intéresse à ce que je connais, c!est-à-dire les intellectuels, la politique, le pouvoir,
le désir. La figure de l!intellectuel est quelque chose que j!interroge et ça peut aller d!
Un
Faust
à
Hamlet
, en passant par des personnages fictifs, des atterris, des perdus se
posant des questions. C!est donc par rapport à cette figure de l!intellectuel que le Faust
m!intéressait. Et puis,
Un Faust
, c!est aussi une pièce sur la perte, sur les désillusions
de la Gauche. C!est
Un Faust
qui n!a plus de monde cohérent, qui n!a plus de projet,
qui n!a plus de rêve.
(Jean Louvet, Théâtre II, Luc Pire, AML Editions)
Jean Louvet écrit
Un Faust
en 1985. C!est une commande faite à Jean Louvet par
L!Ensemble Théâtral Mobile, avec lequel l!auteur a déjà collaboré trois fois.
Après lecture de nombreux ouvrages sur ce personnage au théâtre et dans la littérature,
Jean Louvet se concentre sur le
Faust
de Goethe. En effet, le personnage de Goethe s!ancre
aussi dans les débuts d!une ère industrielle.
Par contre
,
le Faust de Jean Louvet s!éloigne de celui de Goethe : il ne se pose plus la
question de quitter sa petite condition pour aller vers le « grand monde » mais de quitter la
réussite pour se recentrer sur sa vie personnelle et mettre en doute ses valeurs.
Il m!a semblé qu!aujourd!hui le chemin devait être inverse. Mon Faust vient de la
politique, du public, de l!histoire et retourne à la solitude. Il rencontre Marguerite qui est
le produit d!une société repliée sur le corps, l!égo, le narcissisme, mais qui est en
même temps le produit logique de la société à laquelle il a participé.
Marc Liebens met en scène le spectacle à Bruxelles en 1985 avec sur scène Marcel Delval,
Patrick Descamps, Jo Deseure, René Hainaux et Carmela Locantore.
Extrait de Lecture de Jacques Dubois, Professeur à l!Université de Liège
(éditions Labor)
Cette pièce présente une variation actualisée sur le grand mythe faustien.
Par rapport à
Conversation en Wallonie
, avec
Un Faust
, on ne change pas véritablement de
problématique, en dépit des apparences.
Au fond, la pièce de 1986 reprend Jonathan Busiaux là ou
Conversation
l!a laissé. Certes, la
figure de l!intellectuel s!est amplifiée : nous avons affaire à un homme de réflexion et de
recherche qui s!est engagé dans son temps et dans la défense des opprimés. Mais la
question de départ n!a pas changé : comment et pourquoi s!engager aux côtés des dominés,
quand on appartient, quoi qu!on fasse, au camp des dominants ?