Conseil économique pour le développement durable
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L’évaluation économique
des scénarios énergétiques
Septembre 2013
Le CEDD a pour mission de mobiliser des références économiques pour élaborer les
politiques de développement durable. Sa composition reflète la diversité de la recherche
académique et de l’expertise des parties prenantes sur les thématiques économiques liées à la
transition écologique. Ses travaux visant à éclairer les choix. Ils se doivent de refléter la
diversité des points de vue.
Les contributions à ces rapports n’engagent que leurs auteurs, dont les éventuels liens
d’intérêt doivent être signalés. En effet, la possibilité de nouer directement un dialogue entre
universitaires et experts, éventuellement liés à des opérateurs ou entités privées, est une
richesse, mais appelle des conditions transparentes. Dans ce rapport, on signalera à ce titre
les apports de Renaud Crassous et Fabien Roques (EDF et IHS CERA) sur l’évaluation de
l’intermittence (qui développe des réflexions commencées pour le groupe d’experts du
DNTE), et d’Alain Grandjean et Hélène Le Téno, dont la contribution est un extrait du
rapport de « The Shift Project ».
Avant-propos
Notre modèle énergétique émet bien trop de gaz à effet de serre. Il est incompatible avec la
stabilité du climat. Pour y remédier, il y a deux grands leviers. D’abord réduire la
consommation d’énergie. C’est un triple enjeu, économique, social et écologique. Cela
permettra de faire baisser notre déficit commercial, de prémunir ménages et entreprises de la
flambée du prix de l’énergie, et de diminuer nos émissions. Ensuite, il faut décarboner
l’énergie : réduire la part du pétrole, du gaz et du charbon. La transition énergétique touche
ainsi tous les domaines : agriculture, industrie, transport, chauffage… Elle constitue une
politique d’ensemble, car l’énergie est au cœur de notre société.
Compte tenu des enjeux, la Conférence environnementale avait posé, dès l’automne 2012, le
principe d’un Débat ouvert et citoyen, pour construire un projet de société autour de nouveaux
modes de vie sobres et efficaces en énergie. Il est alors apparu que la qualité du dialogue entre
les acteurs dépendrait crucialement des conditions dans lesquelles ils ont accès à une expertise
pertinente, permettant une réflexion informée et argumentée. C’est dans cette perspective que
j’ai accepté la présidence de son groupe d’experts, qui avait pour mission de porter un avis sur
les documents servant de base au débat, et analyser les trajectoires.
Ainsi, dans le cadre du « DNTE », les grands enjeux de la transition énergétique ont tous été
abordés de manière sérieuse et documentée. Il suffit, pour s’en convaincre de lire les centaines
de page des annexes du rapport de synthèse et des études fournies par les experts. Comment
maîtriser la facture d’énergie (par une baisse de la consommation), comment développer les
énergies renouvelables, comment décentraliser notre politique énergétique alors qu’elle
s’inscrit dans un cadre européen ? Sur ces trois sujets, quels financements mettre en place ?
Les orientations fournies par le débat et les mesures proposées sont claires, même si elles
restent à préciser dans certains cas, et appellent encore beaucoup de pédagogie, notamment
pour que soit pleinement prise la mesure de la nécessité de préparer tôt notre avenir en ce
domaine, en établissant, dès maintenant, un cadre d’action pour les décennies à venir.
Le souci d’expliciter les trajectoires, d’en rendre transparentes les hypothèses, a
incontestablement servi le débat, même s’il n’a pas été possible de dégager un consensus sur
un scénario précis. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? A cet égard, il ne faut pas
sous-estimer d’ailleurs que, qualitativement, un diagnostic consensuel tend à émerger, y
compris sur l’enjeu que représente la réduction de la consommation d’énergie.
Pour permettre la construction d’une vision partagée de la stratégie à mettre en œuvre,
l’évaluation des grandes familles de trajectoires envisageables devra se poursuivre, pour
éclairer le Gouvernement et le Parlement sur l’économie de chacune d’elles, et permettre ainsi
que les choix soient posés en « pleine lumière » de leurs enjeux, sans sous-estimer,
notamment, les retours sur investissement des stratégies d’efficacité énergétique. Dans cette
perspective, les contributions des différents membres du CEDD à ce rapport sont précieuses,
notamment pour que l’expertise soit mobilisée au meilleur niveau de l’état de l’Art, au service
de l’intérêt général.
Alain Grandjean
Président du groupe d’experts du
Débat national sur la transition énergétique
Introduction
Le débat national sur la transition énergétique (DNTE) intervient à un moment-clef pour ces
politiques, confrontées à un double défi. Tout d’abord, la diminution par quatre de nos
émissions de gaz à effet de serre, -qui reflète l’effort que les économies développées doivent
réaliser pour la stabilisation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère-, n’est qu’à peine
esquissée, alors qu’elle nécessite la mobilisation de tous les secteurs. Par ailleurs, l’essentiel
du parc nucléaire, mis en place dans notre pays après les chocs pétroliers des années soixante-
dix, atteindra une quarantaine d’années entre 2020 et 2040.
Certes, il peut sembler qu’il s’agit d’horizons encore éloignés. L’importance des
transformations à réaliser, et l’inertie des structures de production ou de consommation
concernées, suggèrent au contraire qu’il est temps de poser les cadres de régulation appropriés
pour relever ces défis, en prenant la mesure de l’ampleur des ruptures à opérer. En effet, d’un
côté l’acceptabilité du nucléaire a été remise en cause après l’accident de Fukushima, et de
l’autre, la réévaluation à la hausse des ressources fossiles disponibles fait que la
décarbonation de l’économie ne peut résulter d’un processus spontané.
Comment concilier « décarbonation » de l’économie, compétitivité et pouvoir d’achat ? Dans
quelles directions orienter les investissements futurs ? Eclairer ces questions nécessite de
décrire le champ des possibles, notamment par le biais de scénarios. Mais, il faut ensuite
qualifier les arbitrages et conflits d’objectifs qu’ils révèlent.
A cette fin, ce rapport, qui regroupe des contributions de différents membres du CEDD
élaborées en toute indépendance, vise à éclairer l’évaluation économique des scénarios,
pour que soient pris en compte l’ensemble des enjeux, technologiques, comportementaux,
de pouvoir d’achat ou de compétitivité.
Tout d’abord, Katheline Schubert, Fanny Henriet et Nicolas Maggiar rendent compte de
leurs évaluations du coût pour atteindre le facteur 4, telle qu’elles ressortent d’une
modélisation économêtrique intégrée macroéconomie-énergie. Leur diagnostic est que le
niveau de prix du carbone envisagé dans le rapport Quinet de 2009 (32 €/t CO2 à court terme,
100 €/t en 2030) demeure probablement sous-estimé, même si celui-ci stimule fortement le
progrès technique portant sur l’énergie. L’identification de tous les gisements mobilisables est
donc cruciale.
Dans cette perspective, Alain Grandjean et Hélène Le Téno s’intéressent au côté de la
« consommation » à la fois pour que la transition carbone puisse être reconnue comme un
projet collectif « positif », et, tout simplement, parce que décarboner l’économie, c’est
d’abord décarboner la consommation : alimentation, logement, mobilité. Ils insistent sur le
rôle de l’expérimentation, et soulignent que l’une des finalités de la transition énergétique est
justement la réduction des dépenses contraintes des ménages.
Même si le débat public, notamment au niveau national, et dans les médias, demeure focalisé
sur le mix électrique, un consensus tend à émerger sur les limites d’une approche de la
transition énergétique exclusivement centrée sur l’analyse des filières décarbonées. Il faut
prendre le problème du côté de la consommation, -car celle-ci représente une part essentielle
des émissions, directes et « importées »-, et parce qu’il ne peut y avoir de transition
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