Toutes nos mères sont
dépressives
Un spectacle pour ceux qui veulent "sauver" leurs parents.
Comment célébrer la femme la plus importante à vos yeux, j’ai nommé votre
maman, en dix leçons?
Prenez:
83 kg de votre meilleur ami;
4 perruques bien fagotées;
2 paires de talons aiguilles;
1 bouteille de rhum en faïencerie de Baudour;
5 personnages dont un coach;
1 pantalon taille basse à fin lignage noir.
Remuez le tout.
Faîtes revenir à feu doux pendant une heure vingt minutes, et vous obtiendrez un
moment de théâtre unique, fait d’accidents, d’improvisations, de révélations
fracassantes et d’émotion.
Après l’homme du câble, retrouvez la compagnie Chéri-Chéri dans son nouvel
opus. Impudeur, passions dévorantes, fuite en avant, rien ne sera épargné à vos
yeux de spectateurs complices et avertis.
Un spectacle à consommer sans modération pour tout qui veut « sauver » ses
parents sans perdre trop de temps.
1. Note d’intention :
Cela fait plusieurs années que Quentin Marteau m’accompagne dans mon travail
d’auteur, de comédien et de directeur de troupe. C’est avant tout un ami qui
connaît nombre de mes qualités et défauts, un camarade hors pair et un excellent
comédien. Après notre cursus au Conservatoire Royal de Bruxelles, nous avons
travaillé ensemble à de nombreuses reprises et notamment en tant que
comédiens au sein de notre troupe, Chéri-Chéri. Pêle-mêle, citons : Yvonne
Princesse de Bourgogne de W. Gombrowicz créé au Parc Royal de Bruxelles
(2004), Une pucelle pour un Gorille de F. Arrabal créé aux pieds de l’atomium
sous chapiteau (2006), et plus récemment L’homme du câble (2009) ou
Politicovskaia, dans une mise en scène de Peggy Thomas (2010). A chaque fois,
notre complicité et notre professionnalisme se sont consolidés. Nous nous
épaulons dans les moments délicats que ce métier nous procure et nous
partageons également les moments de joie et de travail que nous nous offrons.
En 2007, accompagnés de Muriel Legrand, Cécile Vangrieken et Joëlle Franco,
suite au choc que Quentin et moi-même avons éprouvé devant un spectacle de
Sophie Perez et Xavier Boussiron (El cou du cric andalou), nous avons créé un
Cabaret Furieux, joué à l’atelier 210. Sur base de textes propres mais aussi de
Georges Bataille et de Francis Picabia, nous avons exploré l’humour subversif
de la représentation et les limites de l’impudeur au théâtre. Nous avons accouché
d’un « ovni théâtral » pour reprendre les dires de Laurent Ancion, critique au
journal Le soir… Dans cet « otni » (objet théâtral non identifié) coloré et varié,
Quentin et moi avions un numéro théâtral des plus étonnants : travestis en direct,
nous explorions, sur base d’un langage simple et d’une véritable caricature
assumée, la féminité, ses désirs, son ennui, sa folie. Le résultat, tel que décrit par
de nombreux amis et metteurs en scènes, méritait une suite.
Aujourd’hui, en parallèle à ma carrière d’acteur, et après Tripalium, traitant du
rapport au travail, j’ai entamé l’écriture d’une trilogie sur la famille : L’homme
du câble et Politicovskaia, respectivement volets 1 et 2, ont déjà été joués et
montés en 2009/2010. Pour effectuer une parenthèse, et parce que je me suis
souvenu du plaisir et des thématiques à explorer autour de notre duo, je voudrais
reprendre notre collaboration là où nous l’avons laissée, tout en invitant Jessica
Gazon à être notre regard extérieur.
A l’époque, nous improvisions face caméra. Puis, je retranscrivais les
parties de texte les plus savoureuses et nous élaborions au fur et à mesure de ce
travail de plateau notre schéma narratif. Nous voudrions continuer à travailler de
la sorte : travail de plateau le matin, 3 jours par semaine et travail d’écriture les
autres jours de la semaine, et cela sur 6 semaines d’atelier. Jessica, qui a joué
dans Tripalium, mis en scène L’homme du câble et qui connaît également
Quentin Marteau en tant que comédien, nous rejoindra en fin de semaine.
Ce travail nous l’avons débuté cet été 2010. C’est pourquoi, vous trouverez en
annexe de ce dossier une vingtaine de pages de texte brut, demandant à être
affinées notamment puisque nous avons découvert que ce spectacle se bâtissait
sur deux trames narratives. La première est celle de trois amis acteurs
(Quentin/Thibaut/Christophe) qui jouent les mères et leur fils, les amis, les
coachs... La seconde est celle d’une mère (Chantal) rencontrant différents
protagonistes révélateurs de sa maternité et de sa féminité. L’entrelacs entre les
deux sera la volonté de Quentin de « sauver » l’image de sa mère par le théâtre
là où les deux autres acteurs, invités à cette célébration théâtrale, tenteront de
tirer la cérémonie vers l’expiation.
Il y a un an, Quentin et moi avons eu la chance d’aider I. Biliecki dans un travail
de chantier, via la bourse SACD qu’elle avait obtenue. Le travail fut passionnant
et prometteur. Nous nous sommes souvenus de la qualité de travail que l’octroi
de cette bourse avait procuré à Isabelle et nous nous sentons tout à fait prêts
pour en bénéficier à notre tour.
2. Thématiques de travail et d’écriture, quelques pistes.
2. 1. L’(a)sexualité :
Nos deux héroïnes sont traversées par toutes sortes de désirs refoulés. Où sont
les hommes dans leur quotidien ? Qu’est-ce que la féminité si elle n’est pas
honorée par le mâle ? L’une d’elles s’est fait une raison sur l’abstinence et les
absences de son époux à coups de « C’est mieux comme ça. On peut être proche
autrement ». Dans une société de l’über- et de la métro-sexualité, interrogeons le
stéréotype du fantasme féminin. Notons enfin que face aux mères, les fils
affirment une sexualité épanouie comme autant de gants jetés à celles qui
désirent tenir leurs fils en laisse comme des chiens.
2.2. L’ennui comme siège du langage :
Dès le départ, l’économie de mots et leurs répétitions morbides ont guidé nos
improvisations, surtout dans le chef du personnage de Chantal. Dans la suite de
notre travail, nous voudrions toucher au même degré de langage banal et
quotidien (dialogues) alternant avec de véritables exercices de styles à l’image
des difficultés de communication liées aux limites du langage et à ses enjeux
inconscients. Nous sentons que ces envolées seront concentrées dans la bouche
de Chantal/Quentin défendant l’héroïne du quotidien et dans la scène 3 dite du
rêve.
Ch: Viens… Entre.
Gene: Michel n’est pas là ?
Ch : Non… Il travaille… Tu as faim ?
Gene: Non.
Ch: J’ai fait des pâtes.
Gene: Ah !
Ch: Tu en veux ?
Gene : Oui… Elles ont l’air bonnes.
Ch : Elles sont chaudes.
Gene : Elles ont l’air bonnes.
Ch : Elles sont chaudes.
Ensemble: Bon appétit !
Elles mettent leurs têtes dans leurs assiettes.
2.3. La psychologisation du quotidien : Jos, le coach.
Au début de la pièce, pour continuer à donner vie à leurs existences, elles se sont
enfermées dans une pensée « rationalo-psychologisante », c’est elles qui le
disent. A coup de Marabout et de littératures féminines, elle appréhendent les
évolutions de leurs vies quotidiennes, sans plus vraiment savoir ce qu’est leur
quotidien ou même leur vie, « si ce n’est une suite de jours égaux à eux-mêmes
et indélicats »! Quelles normes la féminité renvoie-t-elle aux mâles ? Quels
secrets de caste et chastes recèlent la littérature féminine ?...
Une rencontre primordiale pour ces deux femmes sera celle du coach
comportementaliste Jos : il invite Chantal à la suite de Gene à révéler sa féminité
de manière assertive, via des recettes et des trucs langagiers. Que penser de ces
formules magiques (PNL, communication non violente…) destinées à aider les
êtres humains ? Nous verrons que pour Chantal, loin de la « soigner », ces
formules mettent en places des enjeux inconscients, où le langage deviendra le
vrai lieu du combat, jaillissant malgré elles en torrents irraisonnés.
2.4. La masculinité.
Il est bien évident qu’en miroir à ces deux personnages féminins joués par des
hommes, c’est tout autant la masculinité qui est au cœur de notre propos : les
absents, les éternels insatisfaisants, les héros, les amants, les sensibles, les
dévoués… aucun qualificatif n’échappera à la définition du viril, telle que
dressée par elles. Toutefois, quels bénéfices leurs hommes tirent-ils de nos
héroïnes en perdition ? Quels avantages machistes ont-il à les laisser en friche,
en proie à leurs névroses maladives ? Le jeu des identités hommes/femmes et de
leurs limites, se joue nécessairement à deux. C’est aussi via ce duo/quatuor que
nous entendons explorer le féminin, quitte à endosser aussi la figure des
hommes sur le plateau : trois comédiens, six rôles.
1 / 14 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !