Triptyque Des années 70 à nos jours…
Le 15 mars 2016 par Nadja Pobel
La fin des utopies
Généalogie d’aujourd’hui Sans être désenchantée, la génération de Julie Deliquet
regarde dans le rétroviseur via Brecht et Lagarce, avant de se coltiner à sa réalité dans
un triptyque peu novateur sur le fond, mais épatant dans sa forme.
Trentenaire passée par le Conservatoire de Montpellier, l’École du Studio Théâtre d’Asnières et
l’école de Jacques Lecoq, Julie Deliquet a trouvé en route des compagnons avec lesquels créer en
2009 ce collectif portant en lui la notion d’expérimentation, In Vitro. D’emblée, ils montent Derniers
remords avant l’oubli dans lequel Jean-Luc Lagarce signe la fin des utopies : un trio amoureux
ayant acheté une maison se retrouve flanqué et d’un nouveau conjoint, et de leur solitude, pour clore
ce chapitre. Sans éclat, entre cynisme et lassitude, ces personnages sont justement interprétés
; sans trop en faire, par une troupe qui une heure plus tôt a démontré à quel point elle savait jouer
collectif.
En effet, à cette échappée dans les années 80, Julie Deliquet a trouvé un prequel avec la pièce
de Brecht, La Noce, qui tourne comme dans un film de Vinterberg, au règlement de compte à
mesure que les verres d’alcool se vident et que le mobilier, construit par l’époux, se dézingue. La
metteuse en scène parvient habilement à établir une tension au long court, évitant les trous
d’air grâce à ses acteurs qui savent occuper l’espace et le temps sans jamais donner, ne serait-ce
qu’un instant, une impression de brouillon.
Tant pis pour les victoires, tant mieux pour les défaites
En fin de parcours, après plus de 2h30, elle présente la version 90’s : celle des descendants de
68 devenus bobos parisiens, partis s’installer à la campagne pour renaître ou s’enterrer, c’est selon.
Vidéo et témoignages d’enfants à l’appui, elle questionne l’héritage en réunissant autour de la table
(élément central et sommaire de ce triptyque) des quadragénaires désormais parents d’ados.
La famille et l’argent ne sont pas plus qu’hier les ingrédients d’un supposé bonheur après lequel
chacun court. Souvent drôle, cette dernière partie ne nous apprend pas grand-chose sur nos
condisciples, mais les regarde avec lucidité. Et donne surtout naissance à un collectif très uni,
convaincant, que l’on aimerait voir partir à l’abordage de textes plus rugueux ou, à défaut,
d'un grand classique comme celui que les Possédés – artistes qui leur ressemblent tant - ont
récemment livré avec Platonov.