IN VITRO DELIQUET COLLECTIF JULIE « Des années 70 à nos jours… » TRIPTYQUE LA NOCE BRECHT I DERNIERS REMORDS AVANT L’OUBLI NOUS SOMMES SEULS MAINTENANT LAGARCE CRÉATION COLLECTIVE 18 < 28 SEPTEMBRE { AU THÉÂTRE DES ABBESSES } Dossier d’accompagnement SAISON 2014 I 2015 D’APRÈS LES DOSSIERS DU COLLECTIF IN VITRO I COLLECTIF IN VITRO JULIE DELIQUET La Noce I Derniers remords avant l’oubli I Nous sommes seuls maintenant TRIPTYQUE « Des années 70 à nos jours » FAMILLES, ENCORE ET TOUJOURS D’une génération à l’autre, passant par Brecht et Jean-Luc Lagarce, jusqu’aux échos de mai 68, le collectif In Vitro secoue les ombres et les non-dits des relations familiales, en un triptyque qui parcourt le temps avec une réconfortante vitalité. Quand on se marie chez Brecht – même revu au goût des années 1970 – on n’est pas forcément à la noce. Dans le cas présent, entre les aveux de la mariée enceinte, les mauvaises plaisanteries des uns et des autres, tout se déglingue, et pas seulement les chaises fabriquées par le marié. Une génération plus tard, chez Jean-Luc Lagarce, les mariages sont loin, les familles se recomposent, se retrouvent pour des questions de maison à vendre. Mais les intérêts divergent, les non-dits et les rancunes remontent. Et l’on se re-sépare comme si de rien n’était: Derniers remords avant l’oubli. Génération suivante, sous l’œil de leurs enfants de 20 ans, la réunion de famille une fois de plus tourne à l’aigre, pour cause de points de vue opposés sur le quotidien, les projets et, c’est nouveau, ce qui se passe dans le monde. Nous sommes seuls maintenant proclame le Collectif In Vitro, qui parcourt le temps et son héritage avec une vitalité réconfortante, une impitoyable sensibilité. Et une réjouissante maîtrise théâtrale dans ce triptyque, à voir dans son ensemble (ce n’est pas un marathon) comme une saga. Colette Godard 2 SOMMAIRE La Saga Des Familles I C. Godard La Noce Note d’intention Le spectacle : entre réalisme et théâtralité Bertolt Brecht Derniers remords avant l’oubli Note d’intention Jean-Luc Lagarce Nous sommes seuls maintenant p. 4 p. 6 p. 7 p. 11 p. 12 p. 14 p. 15 p. 20 L’équipe p. 22 p. 23 p. 24 p. 28 p. 29 p. 30 Repères bibliographiques p. 34 Extraits de presse p. 35 Après Lagarce et Brecht… Le spectacle Le collectif In Vitro Julie Deliquet 3 LA SAGA DES FAMILLES © Pascale Fournier À travers La Noce, Derniers remords avant l’oubli, Nous sommes seuls maintenant, en famille, Julie Deliquet et le Collectif In Vitro parcourent le temps, depuis les années 1970. Au commencement était La Noce. Celle de petits bourgeois entraînés par Brecht dans un maelström burlesque autant qu’impitoyable, qui fait exploser les hypocrisies, déglingue les relations convenues, casse les meubles autant que les certitudes… Mais quoi, il faut bien vivre, alors on continue. On continue, et nous voilà face à la génération suivante, chez Jean-Luc Lagarce. De nouveau en famille. Plus précisément une famille d’amis, deux hommes et une femme. Suffisamment liés pour, ensemble, avoir acheté une maison où ils ont vécu de beaux jours. Et puis le temps passe, s’en est venue la lassitude, le besoin d’autre chose. La femme et l’un des hommes sont partis vivre de leur côté. L’autre homme est resté, seul. Et puis voilà que la maison doit être vendue. Donc, les autres arrivent avec leurs conjoints respectifs. Les retrouvailles sont amères, les vieilles rancœurs s’entremêlent au désir de retrouver quelque chose d’avant. L’ambiance, pourtant, est totalement opposée à celle de La Noce. Nous sommes chez Jean-Luc Lagarce, en un monde où l’impossible à dire passe par la grâce d’un langage délicieusement ironique, tendrement implacable. Derniers remords avant l’oubli, le titre donne le ton. 4 En fait, c’est par cette pièce que Julie Deliquet et le collectif In Vitro ont commencé le travail sur Le thème : Les relations familiales, toujours. La situation : les héritiers des années 1970/1980, devenus à leur tour parents d’une fille de 20 ans. Ils ont atteint un âge où il serait normal de rentrer dans le rang, comme dirait Lagarce, mais eux veulent commencer une autre vie. En l’occurrence, à la campagne. Ils achètent une maison dans les Deux Sèvres où ils convoquent parents et amis. Les voilà tous autour d’une table, se portant des toasts, évoquant un avenir de rêves écologiques, un passé guerrier, avec un vieux copain argentin qui les a accompagnés dans leur combat contre la dictature chilienne. Mais qu’y a-t-il d’authentiquement sincère dans ces utopies militantes ? Qu’y a-t-il de sincèrement authentique dans des projets d’avenir, conformes, eux aussi, à l’air du temps ? La question reste posée. Triptyque. Pour la raison que tous sont trentenaires, et que pour eux, Lagarce appartient à la génération de leurs parents, qui avaient vingt ans dans les années 1970/1980 et dont ils voudraient tant comprendre les rêves, les motivations. « Ce que, dans ces années d’utopie, ils cherchaient à conquérir, ce qu’ils nous ont légué, et que nous voudrions maintenir. » Est alors venu le désir de connaître également ce dont ces mêmes parents ont hérité. Remontant le temps, Julie Deliquet a lu des dizaines et dizaines de textes avant de découvrir cette Noce insensée, écrite par un tout jeune Brecht en pleine révolte familiale, et c’est ce qui l’a séduite. C’est l’opposition entre la brutale folie de l’un et la subtile détresse de l’autre qui a retenu son intérêt et celui du Collectif. Ils ont travaillé selon leur méthode, c’est-à-dire ensemble. Car si Julie Deliquet fantasme sur les années 1970, ce n’est pas pour retrouver l’éblouissante théâtralité dont le langage, sous le « règne du metteur en scène » pouvait passer par les somptueux éclairages, les trouvailles scénographiques, les audaces dramaturgiques, entre autres. Elle, compte sur l’essentiel : la puissance de l’acteur en prise directe avec les mots. Donc, pour La Noce comme pour Derniers remords avant l’oubli, chacun s’est emparé des répliques, des personnages, est passé de l’un à l’autre avant de s’engager en un seul, a improvisé à partir des situations, avant de revenir à la base. « Jour après jour je les suivais, je prenais des notes, nous en discutions, leur avis est essentiel. Ils ne sont pas seulement des interprètes, ils inventent, ils écrivent ce qu’ils ressentent, et nous utilisons les enrichissements apportés par ce travail au texte initial. Celui offert aux spectateurs car de toute façon, le style et le talent d’un auteur comme Lagarce sont irremplaçables. De même pour La Noce, dans la mesure où la pièce est trop bien construite pour la bousculer. « Mais il y a des variantes. Une façon de ne pas forcément prendre chaque soir la même place, de ne pas forcément adresser les mêmes mots à la même personne. Sans rien changer à la pièce, puisque de toute façon, tous les personnages sont tout le temps présents sur scène, écoutent, réagissent. Une façon, de ne pas donner chaque soir exactement la même représentation. » C’est également ce qui se passe avec Nous sommes seuls maintenant, création absolue du Collectif. Le travail a été le même, mais à partir d’un thème, de situations, d’improvisations, aboutissant à ce que Julie Deliquet appelle « l’écriture de plateau ». Colette Godard © Julie deliquet 5 Bertolt Brecht Magali Rigaill © L’ARCHE ÉDITEUR MISE EN SCÈNE Julie Deliquet ASSISTÉE DE Julie Jacovella SCÉNOGRAPHIE Charlotte Maurel LUMIÈRES Jean-Pierre Michel DE TRADUCTION LA NOCE AVEC BERTOLT BRECHT Olivier Faliez LE PÈRE DE LA MARIÉE Caroline Darchen LA MÈRE DU MARIÉ Agnès Ramy LA MARIÉE Anne Barbot LA SŒUR DE LA MARIÉE Gwendal Anglade LE MARI Richard Sandra L’AMI DU MARIÉ Julie André LA FEMME AMIE DE LA MARIÉE David Seigneur L’HOMME SON MARI Jean-Christophe Laurier LE JEUNE HOMME Collectif In Vitro. d’Arcadi, du Théâtre de Vanves (compagnie en résidence) et du Théâtre d’Alfortville. PRODUCTION AVEC LE SOUTIEN AVEC L’AIDE © Sabine Bouffelle 6 d’Arcadi Île-de-France/Dispositifs d’accompagnement. NOTE D’INTENTION « Quand la jeune mariée regarde en arrière, vers les jours heureux de son enfance, alors il se peut qu’une légère nostalgie la gagne, car elle met maintenant un pied dans la vie, dans la vie hostile, aux côtés il est vrai de cet homme aguerri, qui a maintenant bâti son propre chez soi de ses mains – à prendre dans notre cas au pied de la lettre – pour partager désormais avec l’élue de son cœur les joies et les peines. » Un repas de noces pris en cours comme un déjeuner de famille des années 1970. Des tables, du vin, de la fumée, 9 convives et Brecht. On mange, on rit, on s’organise autour de cette communauté festive. Puis on explose les codes, on fait craquer la robe parce que ça serre trop, on casse les chaises : le rideau tombe, allez tout le monde dehors ! On jette l’emballage, on abîme le décor, on vire le costume, les mots fusent et on finit par faire l’amour, presque nus, lavés d’une certaine souillure de cette noce passée. Transposition de ce que veut dire un espace qui s’écroule, qui est envahi. Tout est spectacle. Nous trichons. 7 EXTRAIT Une Noce autour d’une table avec parents et amis. On mange, on danse, on boit, on chante, on se vide. « Cela doit être une merveille » mais les invités débordent, la noce dérape et cherche sans cesse à se rattraper aux meubles qui finissent pas se briser eux aussi. « On ne doit pas jeter de pierres quand on est assis dans une maison de verre. » […] On passe avec La Noce à la parole vive qui taille au couteau, qui abîme là où elle passe, tellement directe que parfois il vaut mieux faire comme si personne n’avait entendu. Là où les silences sont univoques chez Lagarce, Brecht provoque l’insolence de ce qui ne se dit pas. La traduction de Magali Rigaill fait l’éloge d’une parole directe, moderne dans sa ligne et dans ses choix. Cette langue ne fait que renforcer la vitesse et l’impact du plan-séquence de Brecht. La virtuosité d’un verbe court et précis précipite l’action dans un engrenage enivrant qui, une fois lancé, ne peut mener que vers la brisure. La modernité du phrasé donne une sensation de redécouverte du texte dans un grand respect de son origine. Retour à l’origine et à la jeunesse de Brecht, à son insolence et à sa provocation. LE MARIÉ : « Comment est ce qu’on pourrait les faire partir! Ils bouffent, ils boivent comme des trous, ils fument, ils bavassent et ils ne veulent pas partir ! Finalement c’est notre fête quand même ! » LA MARIÉE : « Comme tu as l’air nul dans ton veston d’intérieur ! Ton visage est tout autre ! Mais pas en bien ! » LE MARIÉ : « Et toi comme tu es vieille ! Quand tu chiales, ça se voit ! » LA MARIÉE : « Maintenant il n’y a plus rien de sacré ! » LE MARIÉ : « Maintenant c’est la nuit de noces ! » 8 LA NOCE : L’ÉCRASEMENT DU SACRÉ L’ACTEUR MAÎTRE DES LIEUX : DÉFENDRE L’HUMAIN On casse le couple et sa symbolique ! Les mariés chassent les invités pour ne pas se perdre et se faire avaler par la pression sociale. On les retrouve dans les débris d’une maison souillée, violentée, sous des costumes tachés par la honte, qu’ils finiront par arracher, pour se révéler : nus. La Noce, c’est la réunion de 9 individualités qui forment un groupe éphémère et hypocrite. L’égoïsme de la table occulte la communion du mariage et ne fait que cloisonner les relations du marié et de la mariée. Chacun est ramené vers sa famille et amis comme identitaires d’une appartenance sociale et culturelle. Les invités éloignent cet homme et cette femme qui en viennent à se juger de loin. Tout ce que le mariage voile habituellement sous le poids de la tradition est ici dévoilé par Brecht sans pudeur ni état d’âme. Il écrit à la fin que le couple craint de ne déjà plus s’aimer et que maintenant il faut vivre ensemble. La Noce n’est pas un point de départ, mais une transition, un « antre » deux. La scène est une arène dont le vin rouge ne fait qu’attiser les chants et la danse : on provoque l’action, on la cherche, rien n’est vraiment accident. Derrière cette tablée d’étrangers, seuls les mariés restent dans les miettes et les éclats. On part sans politesse. L’acteur fonde le travail et l’ancre dans un langage qu’il s’approprie pour le faire sien et commun à celui des autres. Une fois la communauté créée, les personnages se façonnent dans l’action de l’improvisation, moteur principal de répétition, et soulèvent ensemble cette noce qui deviendra la leur. Je recherche en tant que metteur en scène l’effacement d’un rôle dont l’acteur vient à se dispenser. Je réunis, je construis, j’accompagne puis m’isole face au groupe qui lui, grossit, nourri du travail d’acteur qui le rend tout puissant et suffisamment aguerri pour me surprendre là où je ne l’attends plus. Je ne fixe pas un corps théâtral sur un tuteur, je le laisse monter dans une certaine anarchie naturelle qui tient grâce à son équilibre : le choral. Je ne cherche pas l’exploit de l’acteur, ni sa performance, je recherche l‘hypnose du groupe qui me capte sur sa vie. L’acteur accepte de regarder en lui pour regarder les autres, être là au milieu du plateau et du temps, oser chercher les traces de la vie comme un engagement. Ce théâtre n’explose pas, il implose et laisse les traces d’un passage. Je travaille sur ce passage du plan-séquence, unique dans sa constitution d’énergies du moment, et fondatrice d’un acte théâtral qui s’inscrit dans le lieu unique, sans ellipses, sans scènes et sans actes. Je considère que la séquence finale entre les mariés n’est pas une scène privée mais une scène publique avec comme témoin le désastre de cette noce. Les mariés baignent dans les restes de la fête. Leurs manches trempent dans le vin dont ils finissent les derniers fonds. La langue n’est pas coupée, la soirée se poursuit dans la noirceur du silence encore empreint des fracas du dîner. Indirectement les autres personnages seront au plateau, tels des fantômes, narguant les masques qui tombent. La mariée enfourche la table, soulevant sa robe afin d’expulser ses doutes et s’interroger sur ce qu’elle est devenue. Cette noce respirera et agira en direct, proche du spectateur, afin de risquer le moment présent et atteindre l’identité du spectacle : un spectacle sur le fil de ses interprètes et sur les choix et l’audace de leurs actes. 9 L’UNIVERS 70’: EXPLOSION DES CODES Monter La Noce dans l’univers des années 1970, proche d’une ambiance du cinéma de Buñuel, Sautet, Pialat. On fume beaucoup, on boit beaucoup, on parle beaucoup, on se libère. On glisse tout doucement vers la décadence, vers une communauté festive d’une époque contre tous principes et qui se fout des traditions. Pourquoi les années 70 ? J’ai envie d’ancrer le travail de La Noce dans une prise de pouvoir de la table et du groupe où le mariage est désacralisé. On n’est plus vierge, les traditions on n’en veut plus et la famille est écrasée par les amis. La femme s’affirme dans le texte de Brecht, je veux qu’elle fume, qu’elle soit en pantalon, moderne, porteuse d’une époque et à la fois annonciatrice d’une autre, qui se verra, elle, plus conformiste et dans l’appel d’un retour aux valeurs familiales. Dans la pièce le couple ne reprend plus les meubles de famille, il veut innover ; il personnalise son intérieur, il se démarque des anciens, il s’affirme, il se marginalise, il fait dans le « non durable ». J’insiste sur cette idée de « communauté » presque écrasante face aux mariés. Le choral envahissant sera ma ligne de mise en scène : une sensation de brouhaha permanent, d’un mariage pris en cours, une grande proximité de la table face aux spectateurs, des acteurs presque intrusifs dans leur insolence pour retrouver un théâtre populaire et grande gueule qui ne s’appuie que sur le collectif. 10 LE SPECTACLE : ENTRE RÉALISME ET THÉÂTRALITÉ LA SCÉNOGRAPHIE Je veux mêler l’illusion de l’acte théâtral à la supercherie de l’acte marital dans la pièce de Brecht. Désacraliser un théâtre qui se dévoilera à nu et désacraliser une noce qui tombera sans politesse : tricher en direct en mentant bien ! L’acteur passera de ses propres mots à ceux de Brecht et rentrera en scène. Distancier pour mieux s’immiscer ! Nous avons choisi de transposer cette noce en 1974 et de travailler sur la bascule du langage improvisé à celui de la langue écrite. Tout notre travail s’appuie sur le fait de partir sur une sensation d’invention et de la faire perdurer dans le texte. Imposer une époque c’était trouver un terrain commun aux thèmes d’improvisations proposés au plateau avec les thèmes de La Noce de Brecht. Ce dispositif de bascule improtexte permet à notre spectacle de respirer à notre rythme et de s’articuler autour d’une œuvre écrite tout en laissant une place à la création. Nous voulons créer notre plan-séquence. Nous ne travaillerons pas sur une scénographie astucieuse où les trucages animeraient la casse des tables et des chaises. Nous sommes partis sur l’idée que l’espace de la maison des mariés est un espace qu’il faut déprivatiser pour le rendre public : on pourrait croire à un restaurant ! Créer le doute d’un lieu déjà envahi. Seul le sol sera travaillé : un lino d’époque 70’, des tables et des nappes 70’, une banquette et des chaises de restaurant ainsi qu’un espace pour écouter des vinyles en direct. JEU ET DOUBLE-JEU L’idée de casse dans la pièce ne m’intéresse que dans l’idée d’une déconstruction théâtrale. Cette noce laisse des traces sur son passage, elle abîme, elle agresse. Casser les meubles c’est aller au bout de la fête, c’est brûler ce qui reste et ne laisser qu’un choix aux mariés: Finir nu, sans époque, sans costume, sans référent. L’esthétique des années 1970 me mènera à travers la casse à une chute de l’époque pour tendre vers la nôtre: celle de 2011. Ma dramaturgie est construite autour d’une mise en abîme de la casse qui s’attaque directement à la déconstruction théâtrale. Ma scénographie 1970 tombera avec la noce. 2011 sera plus fort et la réalité rattrapera la fiction. Le mariage et le théâtre ne seront qu’une même estrade. Le spectateur sera tantôt témoin des dessous du mariage, tantôt voyeuriste des ficelles du théâtre. Jouer avec cette ambiguïté, cette frontière si mince qu’est le temps de la représentation avec celui de la réalité. S’amuser avec l’idée de « faire croire », sans passage au noir, sans début, sans sacraliser le texte. Dans cette pièce tout est permis et c’est ça qui est excitant ! 11 BERTOLT BRECHT Né dans une famille bourgeoise, il entame des études de médecine qui le conduisent, en 1918, à intervenir comme infirmier au front. Cette expérience le conduit à un rejet du militarisme, et, plus généralement, de la soumission aux puissants. Cette tendance à l’anarchisme est lisible dans ses premières pièces : Baal, puis Tambours dans la nuit, et L’Opéra de quat’sous, dans lesquels il ridiculise les valeurs de la bourgeoisie et prône un hédonisme individuel. À la fin des années 1920, il s’intéresse à l’économie politique pour écrire Sainte Jeanne des Abattoirs. Il adhère alors au marxisme sans proprement adhérer au parti communiste. L’arrivée de Hitler au pouvoir le contraint à un exil américain où il écrit Mère Courage et Galilée. Après la chute du Reich, il rejoint l’Allemagne de l’Est où le prestigieux Berliner Ensemble lui est confié. Il y met en scène ses dernières pièces auprès d’une équipe constituée de fidèles. Sa veuve, Hélène Weigel continuera à faire fonctionner le théâtre après sa mort et de jeunes metteurs en scène formés par le maître y produiront des spectacles d’un « brechtisme » de plus en plus rigide. Il fut un grand théoricien du théâtre, s’intéressant à tous les aspects de la production d’un spectacle. Le jeu, la scénographie, le costume, mais aussi la régie, la machinerie ou le maquillage, tout participait à induire chez le spectateur une réaction critique vis-à-vis de ce qui lui était présenté. Ce qu’il appelait « distanciation » impliquait aussi l’usage de toutes sortes de techniques : masques, pancartes, pauses narratives et absence d’un personnage positif susceptible de recevoir l’adhésion du public. Brecht n’entend jamais donner de leçon mais déciller les yeux de son spectateur. 12 13 DE Jean-Luc Lagarce MISE EN SCÈNE & SCÉNOGRAPHIE Julie Deliquet Mathilde Morières LUMIÈRES Richard Fischler & Jean-Pierre Michel SON David Georgelin VIDÉO DERNIERS REMORDS AVANT L’OUBLI AVEC Éric Charon PIERRE Gwendal Anglade PAUL, MARI D’ANNE Agnès Ramy ANNE, ÉPOUSE DE PAUL Julie André HÉLÈNE, ÉPOUSE D’ANTOINE Olivier Faliez ANTOINE, MARI D’HÉLÈNE. Annabelle Simon LISE, FILLE D’HÉLÈNE ET ANTOINE Collectif In Vitro. d’Arcadi, de l’Adami, de la mairie de Paris et du Théâtre de Vanves (compagnie en résidence). Prix du Public Jeunes metteurs en scène 2009 du Théâtre 13. AVEC L’AIDE d’Arcadi Île-de-France/Dispositifs d’accompagnement. PRODUCTION AVEC LE SOUTIEN JEAN-LUC LAGARCE © Sabine Bouffelle 14 NOTE DINTENTION Une maison, vestige d’un amour passé à trois… Pierre y vit toujours, seul. Hélène et Paul ont refait leur vie chacun de leur côté… Aujourd’hui ils reviennent chez Pierre avec leurs nouvelles familles, pour débattre de la vente de cette maison achetée en commun quelques années auparavant. Ensemble, ils vont revenir sur leurs traces… L’action se passe en France, de nos jours, un dimanche, à la campagne, dans la maison qu’habite aujourd’hui Pierre et qu’habitèrent par le passé avec lui Hélène et Paul. 15 LA PIÈCE Dans la première version du texte, il y avait comme des logorrhées ininterrompues, scandées par des virgules et de rares points. La version définitive, elle, introduit des paragraphes et des alinéas. La parole de Lagarce et ses non-dits : la parole de Lagarce se prolonge au-delà de ce qui est dit et pose le silence comme seule retenue avant la vérité. Travailler sur la difficulté de dire. L’impératif de sincérité. Trouver le mot, celui qui convient et ne trahit pas. Ne pas déborder. Parler trop pour ne pas trop en dire. Savoir où les mots vont, jusqu’où ils vont. L’illusion de la consolation… Plus on avance dans la pièce et plus on nous tire en arrière vers ce passé qui les unit. Ce passé, celui d’Hélène, Paul et Pierre ne m’intéresse pas, c’est ce qu’il en reste aujourd’hui qui joue. Le présent prend en otage tous les protagonistes face à cette vente de la maison. Dans l’écriture de la pièce le silence et la présence peuvent écraser le discours. Antoine, Anne et Lise peuvent écraser la vieille histoire, même si ils nous apparaissent comme victimes d’une situation imposée. Après des pages et des pages, l’auteur a essentialisé Derniers remords avant l’oubli et supprimé des passages entiers avec pour traces de ces mots effacés, ces fameux «… ». J’ai souvent dit pendant le travail, il faut désacraliser Lagarce. Ce n’est pas lui que je veux entendre c’est la voix des acteurs. Lagarce on peut lui faire confiance, mais nous, nous devons nous imposer comme une évidence face au texte. Il faut être insolent avec la langue et prendre le pouvoir pour passer au plateau. Il faut s’autoriser et se donner la liberté de trouver des réponses hors les mots pour s’approprier le discours et le nourrir d’une vraie sensation et non d’une idée présupposée. Nous avons abordé les non-dits et les «… » par un travail d’improvisation collective où l’acteur prend la parole et le pouvoir de ses propres choix. Derniers remords avant l’oubli ce n’est pas les retrouvailles de Pierre, Hélène et Paul, la pièce traite au présent d’un huis clos de 6 personnes qui se retrouvent confrontées au passé des uns qui concerne le futur des autres… La maison avale, emprisonne et aspire tout ce beau monde autour d’un repas improvisé. Il faudra assister, mettre sur table le passé, l’affronter pour mieux le digérer. Faire le vide… et vendre ? Le discours est construit comme une nécessité de parole, un devoir vital pour sauver sa peau. Il faut convaincre ! Rien n’est quotidien chez Lagarce. Le personnage, et donc l’acteur, doit obtenir quelque chose de l’autre, et s’il est en « monologue », il doit le considérer comme un dialogue avec lui-même. La pensée avance toujours, la répétition chez Lagarce nous mène plus loin dans le discours, ce n’est jamais un référent passé, c’est une marche en plus. EXTRAIT PIERRE : C’est vous, toi et elle (si je me trompe, vous m’arrêtez), c’est vous deux qui souhaitiez, qui avez souhaité, expressément, cela ne pouvait pas attendre, ce dimanche-ci, tout le monde, vos familles, immédiatement, c’est vous qui souhaitiez qu’on se voie, qu’on parle, qu’on se revoie et que nous réglions nos affaires, l’argent, mettre tout cela à jour, cette maison, cet endroit, la part de chacun. Je ne me trompe pas. Je me trompe ? Le travail sur les enjeux et les objectifs de chaque personnage est primordial. L’état de départ plante la pièce et laisse part au discours des uns et à l’écoute des autres. Qu’est ce qui se joue avant de prendre la parole ? Qu’est ce qui se joue avant la confrontation ? Il faut toujours rester vigilant face à cette écriture et prendre le pouvoir ! Ne pas jouer la conséquence dans Derniers remords avant l’oubli, on banaliserait le propos. Il ne faut pas tout attendre de Lagarce, lui-même a ponctué son discours de «… ». 16 LA RÉPÉTITION Si l’acteur parle, il prend un risque et cherche à obtenir quelque chose de l’autre et non déverser une parole qui soulage. Parler ça fait mal. A les voir improviser, je comprends que le temps du texte est très proche de celui de la vie réelle, il respire, il hésite, il tend vers la maladresse. Je dois rester proche de cette sensation lorsque nous passerons au plateau… L’acteur s’approprie la parole, ralentit et réduit peu à peu la distance entre lui et son personnage. Il répond à Lagarce ! L’acteur se sert des mots comme matière mais n’en n’attend pas tout, il s’inscrit dans une proposition d’immédiateté à travers un jeu au présent. Naviguer entre réalité et dramaturgie. Imposer le collectif : voilà comment ça commence ! Tous les acteurs, donc personnages seront présents sur le plateau. Pas de scènes découpées et privées, une parole entendue et donnée. Cette contrainte et identité de mise en scène m’est apparue comme une évidence à la lecture du texte. On ne se ballade pas en électron libre dans une maison inconnue mais on reste, on assiste, on gène. Ce choix insiste sur l’idée d’égalité des rôles et de leur pouvoir hors les mots. Un regard poursuit un non-dit, le malaise et la politesse font reculer l’instant de vérité. Les scènes sont revisitées dans une sensation de plan-séquence qui dépend beaucoup de ce qui vient de se passer à l’instant même où l’acteur prend la parole. On ne peut pas présupposer, l’adresse est multiple, il faut faire un choix. Ce choix de « à qui je parle » est remis en doute à chaque représentation, le collectif bouge sur scène, l’ambiance est toujours différente, il faut partir de ça. C’est le mot d’ordre : le choral donne le « la », le drame de chacun n’est aucunement fondateur de la représentation et c’est pourquoi elle est mouvante. J’ai choisi comme acteurs des personnalités qui pouvaient déjàtrouver en eux la nature de leurs personnages attribués. Chercher sur son identité et la distancier pour s’en amuser. Nous travaillons sur le référent. Le travail de répétition consiste à trouver un langage commun qui rend l’acteur disponible et suffisamment souple pour se laisser colorer par l’autre et par l’imprévu. Le point de départ fut la prise de conscience de l’acteur de ce va et vient permanent entre texte, histoire, personnage et lui dans sa réalité. Le travail consiste à jouer avec ces allers retours et à ne jamais les opposer mais au contraire, chercher à les faire se rencontrer. L’immersion dans la pièce nous donne des réponses inattendues et une grande disponibilité pour son propre personnage et celui des autres. On mange en vrai, on ne dit rien, on s’ennuie vraiment, on avance dans le propos mais on s’éloigne de la logorrhée. 17 SCÉNOGRAPHIE ET VIDÉO Passage au plateau, et mise à nu : un espace réel, celui d’une maison. J’enlève les meubles et ne laisse que les murs et quelques signes que Pierre vit toujours ici. Un lit, une porte, une tapisserie années 1970 projetée sur un cyclo en fond de scène, un sol bâché. La scéno, avec l’écran vidéo doit mettre en abîme cette frontière entre passé, présent et futur. Pendant l’entrée du public, nous avons le voyage en voiture d’Hélène et Paul sur le cyclo, en fenêtre ouverte sur l’extérieur, l’ailleurs. Passage du dehors au-dedans. Confrontation de ceux qui sont partis vivre ailleurs avec celui qui est resté. L’espace d’une maison sans meubles fait appel au passé, au lieu vide, neutre encore. L’origine. Nous nous projetons aussi dans le futur, à savoir ce que cette maison va devenir si elle est vendue : elle se videra. Les murs, c’est ce qui reste et je souhaite que ce soit cela qui soit projeté en avant. L’acteur n’aura d’appui que la situation, les mots… Une porte décrochée en guise de table, un lit, des livres, ce qui reste de l’esprit d’une maison, juste ce qui reste. Ce vide, c’est le point de départ, c’est garder le plus longtemps possible son objectif car nous sommes dans l’impossibilité d’aller ailleurs. Le plateau ne tient qu’à l’équilibre du groupe. Il faut affronter la parole, le malaise et assister. Pierre qui reçoit joue déjà avec cette idée que Hélène et Paul veulent tout bazarder. Il n’offre rien que son toit et rien d’autre, pas de bonnes manières, il s’amuse, il a le pouvoir, il est chez lui. On ne peut pas être à l’aise, c’est ce que je souhaite… Vitil encore ici ? Nous jouons un huis clos sans convention de prise de parole alors il faut que tout le monde trouve sa place. Cet espace bouge avec les murs de la maison qui les aspirent vers un repas paralysant. La tapisserie recule, avale et emprisonne. Puis les murs vont se déplacer, tanguer, changer et s’arrêter dans le flou, la confusion. La tapisserie annonce le chaos et la mise à nu du plateau et du discours qui tend vers la vérité. 18 LES 3 MOUVEMENTS MOUVEMENT 1 Proximité avec le public, intrusion des acteurs dans la salle, les retrouvailles chez Pierre, on aborde la vente : 12H MOUVEMENT 2 La table recule, fin de repas, la vente n’avance pas : 15H MOUVEMENT 3 Le chaos, fuite, la discussion est impossible : 18H 19 JEAN-LUC LAGARCE Disparu prématurément, Jean-Luc Lagarce demeure à ce jour l’un des auteurs dramatiques les plus joués en France. Dès 1978, il fonde le Théâtre de la Roulotte, mettant en scène des classiques comme Labiche, Marivaux et Ionesco. Cela lui permet également d’expérimenter sur scène ses propres textes, comme Carthage encore ou La Place de l’autre, alors qu’il a déjà écrit La Bonne de chez Ducatel et Erreur de construction. Centré essentiellement sur le discours, le théâtre de Lagarce laisse peu de place à l’intrigue. Au cours de sa carrière, il écrit, écrit sans cesse, comme Voyage de Madame Knipper vers la Prusse Orientale en 1981, ou encore Vague souvenir de l’année de la peste en 1982, qui marque les esprits, puis Hollywood en 1983 et Les Orphelins 1984. C’est vers la fin de la décennie que Jean-Luc Lagarce apprend sa séropositivité : sa maladie va ancrer son processus de création. Il signe alors Les Solitaires intempestifs, Derniers remords avant l’oubli, Les Prétendants et Music-Hall en 1989, puis Juste la fin du monde en 1990 et Nous, les héros en 1994. Affaibli par la maladie, il crée encore quelques pièces comme Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne, J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne et Le pays lointain, avant de s’éteindre, à seulement 38 ans. 20 21 Julie Deliquet Charlotte Maurel & Julie Deliquet LUMIÈRES Jean-Pierre Michel ASSISTÉ DE Laura Sueur MISE EN SCÈNE SCÉNOGRAPHIE NOUS SOMMES SEULS MAINTENANT AVEC Julie André, Gwendal Anglade, Anne Barbot, Éric Charon, Olivier Faliez, Pascale Fournier, Julie Jacovella, Jean-Christophe Laurier, Agnès Ramy, Richard Sandra, David Seigneur, Annabelle Simon Collectif In Vitro. Théâtre Romain Roland de Villejuif – Théâtre Gérard Philipe de Champigny-sur-Marne. AVEC L’AIDE À LA PRODUCTION du ministère de la Culture et de la Communication-Drac Île-de-France, et d’Arcadi. AVEC LE SOUTIEN DU Fonds SACD Théâtre, du conseil général du Val-de-Marne-94, et de l’Adami. AVEC LE SOUTIEN DU Théâtre de Vanves, du Studio-Théâtre de Vitry, de la Comédie de Valence, de la Ferme du Buisson, scène nationale de Marne-la-Vallée, du Théâtre de la Ville-Paris. Ce spectacle a été répété au Théâtre de la Bastille et a bénéficié de son soutien technique. Avec l’aide d’Arcadi Île-deFrance/Dispositifs d’accompagnement. En collaboration avec le Bureau FormART. PRODUCTION COPRODUCTION CRÉATION COLLECTIVE PRODUCTION, ADMINISTRATION © Sabine Bouffelle 22 Cécile Jeanson, Bureau FormART APRÈS LAGARCE ET BRECHT… Aller vers l’écriture collective par sa fougue et son insolence, à travers le couple des mariés Jacob et Maria, pour mieux les retrouver abîmés, désillusionnés dans Derniers remords avant l’oubli. Faire que les deux spectacles se répondent. Écrire une nouvelle dramaturgie. Mais il manque un volet : nous avons beaucoup improvisé et une partie de notre matière au plateau ne pouvait être injectée dans ces deux spectacles. Elle ne trouvait pas sa place car à travers elle, c’est nous qui prenions la parole et non plus les auteurs ! Il fallait donc nous imposer dans ce qui nous restait à dire mais ailleurs : dans une création collective. Ce projet mûrit depuis le début du travail du collectif : il est comme une réponse à : « Pourquoi avoir monté le Lagarce et le Brecht ? ». « Revenir sur les thèmes du Lagarce et du Brecht, les unir ou les opposer, se faire se rencontrer les personnages, en créer de nouveaux… Partir de la matière de deux ans d’improvisations pour poursuivre la recherche. Travailler sur un territoire connu et aller enfin vers la création. Notre création. Poursuivre l’idée du plan-séquence, d’un repas organisé, improvisé qui va vers la déconstruction. Le thème de départ sera l’héritage, ou plus précisément mai 2011 les héritiers. » Voici les quelques phrases griffonnées à la va vite après une représentation de La Noce de Bertolt Brecht et de Derniers remords avant l’oubli de Jean-Luc Lagarce, présentée pour la première fois en diptyque au Théâtre de Vanves. Ce sera notre point de départ. Une saga. Le dernier volet d’un triptyque des années 1970 à nos jours. Travailler sur notre propre fantasme de mai 68 en tant qu’héritiers. Jean-Luc Lagarce écrit Derniers remords avant l’oubli en 1988. Nous sommes en pleine ère Mitterrandienne, et il met en scène trois anciens amants, la quarantaine, qui se retrouvent pour vendre leur maison, témoin des utopies de 68. Je me suis amusée pour notre second projet à y associer La Noce de Brecht. Imaginer cette noce dans les années 1970 comme la genèse de notre histoire. Mettre en scène cette génération que dépeint Lagarce, bercée LE TITRE Une réplique du Brecht m’interpelle, celle du marié, à la fin de la pièce, qui regarde le public avec insolence et dit : « Nous sommes seuls maintenant ». Et dans une provocation légère commence à faire l’amour avec la mariée sous nos yeux complices. Ce sera le titre. Car c’est ce regard que je veux porter sur la prochaine création : celui de 2012 sur 68. Cette complicité partagée d’une génération qui s’adresse à une autre, qui se construit dans les yeux et les idéaux d’une autre. 23 LE SPECTACLE Nous sommes une génération qui n’a pas, contrairement à celle de nos parents, héros de 68, bousculé l’histoire. Nous n’avons pas fait la révolution. Nous avons été dans l’ombre des barricades, fascinés par l’insouciance d’une génération qui s’est imposée à l’Histoire. LES SOIXANTE-HUITARDS litique, historique ou documentaire. C’est une introspection. Une génération incarne l’autre, la représente, lui redonne vie. Fantasmer le fantasmé ! Travailler sur le souvenir pour aborder la fiction. Mettre en scène, non pas les évènements de mai 68, mais ce que ces évènements ont laissé comme empreinte sur cette génération. Notre création s’articulera autour de notre interprétation de ces empreintes. Et nous les incarnerons. Nous serons ces 68ards. Les jouer c’est prendre de la distance avec nous-mêmes et aller au bout du fantasme que nous projetons sur eux. C’est bien évidemment aussi une manière d’en rire… Oui, bien sûr, nous pourrons émettre avec une ironie non dissimulée que les nouvelles libertés personnelles dont a pu bénéficier la génération 68 n’ont pas eu que des effets entièrement positifs sur la structuration identitaire de leurs enfants… Nous voulons avant tout dresser le portrait d’une époque, à la fois fascinante de liberté et de contradiction. Nous partirons donc de rapports intergénérationnels, représentés par un couple central qui aura vécu mai 68, parents d’une fille de 20 ans. Une famille. Un arbre généalogique se ramifiera autour de la figure du couple. « Ce qui concerne les évènements de Mai 68, ou une personne qui a conservé cet esprit. » Les révolutionnaires d’hier sont devenus nos parents, une génération qui au-delà des utopies envolées refuse encore aujourd’hui l’idée de vieillir et de laisser la place. La nécessité du devoir de transmission a été elle remise en question. Cette idée du refus de vieillir cache également une angoisse naturelle de la mort mais pose également la question du regard que cette génération pose sur la nôtre. Monologue de Pierre dans Derniers remords avant l’oubli de Jean-Luc Lagarce (1988) : PIERRE : « La plaisanterie, c’est ainsi que j’appelle parfois ma jeunesse, la plaisanterie devait se terminer. Je suis rentré dans le rang, être comme les autres, que mon existence soit désormais semblable. Je renonçai à l’écriture prétentieuse de petits poèmes adolescents pour devenir, il était temps, professeur, enseignant auxiliaire dans le secondaire, parler dans le vide aux terrifiants héritiers des autres. » « Est-il possible d’avoir le droit d’être jeune et révolté après la génération 68 ? » NOTRE PAROLE FRANÇOIS Nous ne ferons pas une critique de la génération 68. Nous serons dans l’observation, l’exploration, le souvenir, la réflexion, parfois amusés, nostalgiques, ironiques ou tendres. Comment fantasmer ce « joli mois de mai » tant de fois raconté et sûrement déformé. Moi, je suis François, François Grumillier, j’ai 40 ans, je suis marié à Françoise. On s’est rencontrés dans un petit café, « les Écureuils », en 68, un petit peu avant les événements, c’est chez Adèle. Françoise est là, assise à une table, elle sirote un truc à la menthe et bouffe du regard un grand type qui gesticule et fait du bruit au milieu d’un tas de chevelus, et qui parle de sa foutue Révolution. Ça, c’est François. Nous ne chercherons pas la vérité historique, nous la déclinerons théâtralement. Ce n’est pas un projet po24 Elle aurait pu naître au milieu des indiens Mapuche, mais sa grand-mère Simone, féministe en diable, et son grand-père Georges, les parents de Françoise nous crient au bout du fil « Vous allez pas faire ça ! ? » Bon, du coup, on retourne fissa à Santiago, capitale, dans un bel hôpital tout blanc, faut pas croire… Des fois Françoise raconte qu’on était pas là Sullivan et moi pour la naissance de Bulle… On lui dira jamais qu’on chialait comme des mômes derrière la porte. Puis le train du socialisme est passé. El pueblo unido, jàmas sera vencido ! Allende, Allende… 1970. Mon cœur explose. Mais faut rentrer, Simone va mourir. Retour à Paris. Réel. On se prend Pompidou en pleine tronche, c’est l’autre monde. Il pleut souvent à Asnières dans le petit pavillon familial où Simone s’éteint, vous la verrez jamais Simone. Et Georges baisse un peu les épaules depuis. C’est un chic type ce Georges, Gaulliste pur et dur, qui enrobe ses valeurs d’une poésie de gauche qui le rend ma foi très sympathique, je l’appellerais bien papa, moi. Y a aussi Catherine, la petite sœur de Françoise, Catoche, qui avoue que quand elle écoute Rien qu’une larme dans tes yeux de Mike Brandt, elle pleure. Vingt ans plus tard, François n’aura donc plus jamais revu ni son père ni sa mère avant qu’ils meurent. D’abord lui, arrêt du cœur (« lui qui n’en avait pas », dira François), puis elle. Dans le fond, y a Michel Bandini, qui rit beaucoup quand il sait pas quoi dire. Y a aussi un beau brun ténébreux, à l’accent qui chante, l’Argentin Sullivan, qui a l’air de couver François, à moins qu’il ne le chauffe à blanc, on sait pas bien. Puis d’autres que l’histoire ne retiendra pas. D’un coup, Françoise se lève, François panique et file droit sur elle, il lui dit alors cette phrase mémorable, dont on a beaucoup ri depuis : « Et ma Révolution, je la ferai pas sans toi ». Jamais plus l’un sans l’autre, donc. Barricades. Passons. On se dit qu’on partirait bien maintenant. Sullivan nous accompagne, il sera notre partenaire de vie pour voir les glaciers du Chili. Et Michel sera « celui qui reste ». On piquera vite fait 3000 balles dans la soupière familiale. Et sans aucun remord, on crache un dernier coup sur Papa, Monsieur Grumillier, 26 Quai de Béthune, Île-St-Louis, Paris, et c’est fini. Fuite non pas de la capitale, mais du Capital. Un p’tit coucou par la fenêtre, à Marie-Pierre ma petite sœur de 15 ans qui voit du cuir et des cheveux se carapater sur le pont de la nuit. Au Chili, il se passe une chose, le ventre de Françoise devient rond. Bulle de jouissance, bulle d’espérance, qui deviendra Bulle, notre fille. Si cela avait été un garçon, François l’aurait probablement jeté dans la Seine, va savoir pourquoi… 25 Nous sommes seuls maintenant. Estamos solos ahora. Les gens vont et viennent, et ça passe souvent par chez nous. On s’attroupe sans modération, autour de la table, toile cirée, petits carreaux bleu et blanc, du grand-père à la petite fille. On a découvert la mirabelle des Vosges dans un vieux bahut à Pouffonds, dans les Deux Sèvres, près de Melle, où on vient de s’acheter une petite maison à crédit, Françoise et moi, et on est comme des gosses. La mirabelle, on en boit pas mal, ou de l’alcool de Glycines, étiquette 76. Je déclame des discours en espagnol, alors que j’en connais pas une bribe. Ça remonte, c’est le souvenir. Je me prends un peu pour Fidel. Et si on demande un jour à François le truc qui le définit le mieux, il vous répondra (imitant Trénet) : « Fidèle, fidèle, je suis resté fidèle, à des lieux, et des amis très bien… » Catherine, un jour, nous ramène Jacques et ce sera un petit peu le couple hitchcockien de notre histoire. Jacques, c’est notre figure de droite, il appartient au monde de la finance. Il est avocat d’affaires. Il pense que l’exploitation maximale de la liberté mène à la connerie. Bref… Autant vous dire qu’on a pas choisi d’être beaux-frères tous les deux. À Pouffonds, y a Daniel, exploitant agricole, deux traites par jour, génial ! Casquette au front, toujours. Un brin porté sur la prune, et la dépression, et ça tout le monde s’en fout. Je l’aime bien, je sais pas pourquoi. Les jours et les fêtes passent donc ainsi. Toutes les occasions sont bonnes. Dernière trouvaille : fêter 68. Finalement, on l’aura pas fait des masses, mais on en parle beaucoup, c’est ce qu’a l’air de penser Carmen, la girlfriend de ma fille. Elles font de la guitare ensemble, et pas que. Avec Françoise, on a cette solide impression que jamais rien de bien grave ne pourra nous arriver. Aujourd’hui, je vais mourir. Enfin, François n’en sait rien encore. Je vous dis ça tout de suite car dans quelques secondes je vais devenir François et je ne pourrais plus vous parler. Mai 68 est mort, vive Mai 68 !!! (François porte un toast) Chupito!!! À Paul McCartney, le seul Dieu que je reconnaisse !… mais des fois je dis que c’est John Lennon. » LA RÉPÉTITION La famille sera notre fil dramaturgique et notre travail d’investigation sera la matière pour notre écriture collective. De Mai 68 à nos jours… La répétition se voit divisée en deux axes : Un travail d’investigation sur le terrain ou à partir d’archives : individuellement ou en groupe. Je propose aux acteurs un thème de recherche ou d’enquête qu’ils devront transposer théâtralement. Nous animons aussi de grands débats collectifs autour des thématiques du spectacle, sous une forme ludique, partant d’une réalité pour tendre vers une théâtralité. Individuellement, chaque acteur est responsable de rencontres avec la génération 68, récits qui seront par la suite déclinés au plateau, redistribués, pour créer une des bases de notre écriture collective. Nous mêlons à notre improvisation des textes théâtraux, littéraires, poétiques, des discours historiques, des extraits d’émissions de télévisions retranscrits, pour consolider notre langage et enrichir notre problématique. 26 LA FAMILLE LA SCÉNOGRAPHIE Cette famille fera donc écho aux deux précédents spectacles et les acteurs improviseront autour de nouveaux liens inter générationnels. Dans un premier temps notre terrain d’expérimentation s’inscrira dans le réel : notre salle de répétition sera une maison et notre temps d’improvisation sera long pour s’apparenter au plus près au temps de la vie. Les personnages, bien que totalement fictifs, ne sont jamais loin des acteurs et de leurs précédents rôles… c’est un jeu de « faux-semblant/réalité » entre nous qui provoque l’instant de jeu sur lequel on se base pour construire notre dramaturgie. L’espace scénique doit être, pour nous, simple et symbolique. Une grande table, toile cirée à petits carreaux bleu et blanc et des bancs. Nous avons la volonté d’alléger au maximum nos spectacles d’un point de vue scénographique pour qu’ils soient les plus malléables et les plus adaptables aux lieux qui nous accueillent. Pour nous, l’essentiel est de s’approprier un espace le plus rapidement possible sans devoir dépendre de longs montages techniques dont notre travail peut tout à fait se passer. Aller à l’essentiel, glisser doucement de la salle de répétitions réelle à l’espace théâtral. Notre travail consiste surtout à trouver la place de la table en fonction de la disposition scène-salle des théâtres. Cette table symbolise le reste d’une maison sur laquelle le réel (nourriture, boissons…) peut s’inviter. La toile cirée c’est notre quête du Larzac à nous ! Les bancs sur cette création remplacent les chaises (très importantes sur les deux précédents spectacles) et collectivise encore plus cette idée des places dans la distribution. Les personnages n’ont pas d’assises attribuées, les rôles et les places de chacun sont amenés à bouger et à s’inter-changer. LE RÉEL Une des comédiennes de la distribution, Pascale, est responsable du « réel ». Son rôle est de bousculer la fiction avec un acte dit « de la vraie vie ». La répétition ou la représentation se voit prise à son propre piège quand le réel lui répond. Des amateurs viennent jouer (souvent par surprise pour les acteurs) leurs propres rôles et improviser avec nous autour d’un thème qui les concerne de près. Évidemment ce que nous constatons, c’est que le réel sera toujours plus fort que la fiction de par son évidence et son honnêteté. Les confronter pour nous, c’est apprendre du plateau au-delà des codes théâtraux classiques. Dénoncer le faux-semblant, le mettre en difficulté, peut le rendre plus fort quand il doit par la suite s’affirmer pour exister : notre théâtre trouve ses racines comme ça. Donc nous décidons de l’inscrire dans notre distribution. Quel sera ce réel dans le spectacle ? Peutêtre jamais le même ? Une surprise en tous cas… LE COLLECTIF Ce troisième spectacle sera celui qui réunit tous les acteurs de la compagnie. J’aime l’idée que les trois pièces puissent être en « autogestion » par tous les membres du collectif. Comédiens, costumier, assistant, accessoiriste sont tous acteurs et techniciens de cette aventure. C’est ce que j’essaie déjà d’insuffler dans mes répétitions de manière plus radicale qu’auparavant. J’initie mais c’est le groupe qui parle. La création me permet de sortir de cette idée de « rôles » et de parler plus librement d’équipe. Oui, il y aura des personnages avec une hiérarchie dramaturgique mais je veux donner prioritairement la parole à la communauté en organisant une complémentarité des individus au service de l’enjeu collectif. C’est pourquoi j’avais besoin et l’envie de monde pour ce projet. Tout le défi est de faire s’exprimer un groupe sans passer par l’équilibre et l’équité. C’est un puzzle complexe, déséquilibré, qui cherchera à se construire ensemble. J’aime travailler sur la maladresse de l’instant théâtral, la pauvreté scénographique, sur la fragilité qui s’en dégage. Je dis souvent à mes acteurs : « N’ayez pas peur d’être médiocres » (en opposition à la figure des héros tragiques) pour moi c’est un compliment ! C’est fantasmer le réel en lui restant fidèle. 27 LE COLLECTIF IN VITRO Le collectif In Vitro se crée en 2009. Amorphe, maquette présentée au Théâtre Romain Rolland de Villejuif, est le point de départ de notre démarche artistique. La création réunit une part importante de la compagnie sous une forme ouverte au collectif et à l’immédiateté des propositions artistiques de chacun. La compagnie a pour but de rassembler un certain nombre d’acteurs, qui ont déjà pour la plupart travaillé ensemble, sous différentes formes, laissant l’improvisation et la proposition individuelle s’inscrire comme moteur de la répétition et de la représentation. L’échange et la surprise de l’instant de répétition et de la représentation doivent primer sur l’idée du metteur en scène elle-même. L’acteur est responsable et identitaire de notre démarche à travers ses choix sur le plateau. Donner l’illusion du direct spontané, s’inscrire dans le présent, trouver sa place en fonction du groupe : s’approprier l’espace théâtral et réduire la frontière avec le spectateur. Revenir à la direction d’acteurs pour que la représentation soit entièrement dictée par les interprètes : très peu de décors, très peu de costumes, retour à un théâtre de mise à nu. Nous travaillons sur le lieu unique, la proximité scène-salle, le temps réel et l’idée de collectif ultra présent au plateau, chassant le théâtre classique découpé en scènes. Notre temps est celui du plan-séquence. Se mobiliser autour d’une même exigence, c’est donner la chance à une nouvelle complicité metteur en scène/acteurs. Le collectif est subventionné à ce jour par l’Adami, l’Arcadi et la Mairie de Paris pour le spectacle Derniers remords avant l’oubli, de Jean-Luc Lagarce, avec lequel il est encore en tournée. La compagnie a été soutenue par le Théâtre de Vanves qui l’a accueillie en résidence pour la création de La Noce de Bertolt Brecht en mai 2011. 28 JULIE DELIQUET METTEUR EN SCÈNE I DIRECTION ARTISTIQUE © Béatrice Cruveiller Elève au Conservatoire de Montpellier puis à l’École du Studio Théâtre d’Asnières, elle intègre la compagnie Jean-Louis Martin-Barbaz. Parallèlement elle co-fonde la compagnie Tais toi Ma Langue, et crée Calliope et Cyclopia. Elle poursuit sa formation pendant deux ans à l’École Internationale Jacques Lecoq et monte L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer de Copi. Elle travaille depuis sa création avec la compagnie Le Laabo et joue dans le spectacle Hold On mis en scène par Anne Astolfe, créé en 2011 au Théâtre de l’Onde puis en tournée. Elle crée le collectif In Vitro en 2009 (après avoir monté Amorphe, présenté sous forme de maquette au théâtre Romain Rolland de Villejuif) et présente Derniers remords avant l’oubli de Jean-Luc Lagarce dans le cadre du concours jeunes metteurs en scène 2009 du Théâtre 13, elle y reçoit le prix du public. Ce spectacle sera joué au Lavoir Moderne Parisien, au Studio Théâtre d’Asnières, au Théâtre Mouffetard, au Théâtre de Vanves, puis en tournée. Elle est accueillie en résidence au Théâtre de Vanves (scène conventionnée pour la Danse) pour y créer La Noce de Brecht. Spectacle repris au Festival Impatiences, au 104, en 2013. En 2012, le collectif travaille sur une maquette de leur future création Nous sommes seuls maintenant qui sera présentée en triptyque au Théâtre de Vanves ainsi qu’au festival Artdanthé en 2013, associée aux deux précédents spectacles. Nous sommes seuls maintenant sera créé en novembre 2013 au Théâtre Romain Rolland de Villejuif, puis repris à la Ferme du Buisson, au Théâtre de Vanves, à la Comédie de Valence, au festival Artdanthé ainsi qu’au Théâtre Gérard Philippe de Champigny sur Marne. Elle enseigne depuis janvier 2010 à La Fabrique, école d’art dramatique de Champigny-sur-Marne 29 L’ÉQUIPE JULIE ANDRÉ comédienne ANNE BARBOT comédienne De conservatoires à l’École du Rond-Point, Julie se forme à la danse, au théâtre et au chant. Après à l’École du Studio Théâtre d’Asnières elle est dirigée par JeanLouis Martin-Barbaz pour La Cuisine au Silvia Monfort ; elle enchaîne avec Chacun son dû de Catherine Verlaguet au Théâtre Romain Rolland et en tournée; Sophie Lorotte la met en scène dans Le Songe d’une nuit d’été au Théâtre Mouffetard et également en tournée ; elle continue avec Delphine Lalizout pour L’Hôtel du libre-échange au Dejazet, et dernièrement, c’est La Douleur de la cartographe de Chris Lee, mis en scène par Camille Chamoux au Chaudron à la Cartoucherie et au Lavoir Moderne Parisien. Elle participe également à la création d’Amorphe maquette dirigée par Julie Deliquet présentée au théâtre Romain Rolland de Villejuif. Elle a joué dans Ivanov au Théâtre de La Tempête ainsi qu’en tournée en 2010 dans une mise en scène de Philippe Adrien. Elle joue Hélène dans Derniers remords avant l’oubli du Collectif In Vitro. Elle débute sa formation à l’école Dullin avant de rejoindre l’École du Studio Théâtre d’Asnières, dont elle intègre la Compagnie en 2001. En 2005, elle achève sa formation à l’École Jacques Lecoq. Elle joue dans Le TDM3, m.e.s. A. Recoing, dans Le Songe d’une nuit d’été (Hermia) m.e.s. J-L. Martin Barbaz, L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (Irina) m.e.s. J. Deliquet, Jacques ou la soumission (Jacqueline) m.e.s. H. Van Der Meulen, Ô ciel la procréation est plus aisée que l’éducation (la cousine), m.e.s. Marie Bout, Nocturne urbain, chorégraphie J-M Hoolbecq… Dernièrement elle joue dans L’Écrivain public (Leïla) écrit et mis en scène par J. O’Brien au Théâtre Romain Rolland (2010 : tournée en NouvelleZélande) et dans J’ai grandi ici m.e.s. J. O’Brien. Prochainement, elle jouera dans la prochaine création de Juliet O’Brien, Femmes. Par ailleurs, elle adapte et met en scène La Femme d’un autre et le mari sous le lit de Dostoïevski, La Noce de Tchékhov, La Reine des neiges, adaptation du conte d’Andersen, Shitz de H. Levin et 3 ciné-contes d’Edwige Bage. Elle assiste Paula Giusti dans sa reprise du Grand Cahier d’A. Kristof. Avec certains comédiens de l’école Lecoq, elle fonde la compagnie Ahuri théâtre et joue des spectacles burlesques à Tokyo, Osaka et Kyoto, elle y débute la danse traditionnelle japonaise (Nô) et le Tate Do (combat de sabre), et intervient à l’université de Tokyo Toho Gakuen Drama School sur « Le corps en jeu et la notion de Temps ». GWENDAL ANGLADE comédien Formé au cours René Simon et à l’École du Studio Théâtre d’Asnières, Gwendal Anglade interprète Puck dans Le Songe d’une nuit d’été mis en scène par JeanLouis Martin-Barbaz, Jacques dans Jacques ou la soumission mis en scène par Hervé Van Der Meulen, Étienne dans Occupe toi d’Amélie mis en scène par Jean-Louis Martin-Barbaz, Garbenco dans L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer mis en scène par Julie Deliquet, Ivan dans Le Mandat de Nikolaï Erdman, mis en scène par Stéphane Douret et plus récemment Carl dans Le Chemin des passes dangereuses de Michel Marc Bouchard mis en scène par Claude Cretient. Il participe en 2007 à la création d’Amorphe maquette dirigée par Julie Deliquet présentée au théâtre Romain Rolland de Villejuif. Il est aussi la voix de Valérian, dans Valérian et Laurelin, série d’animation Franco-japonaise pour France 3. Il joue Paul dans Derniers remords avant l’oubli du Collectif In Vitro. Dans le cadre de l’École des maîtres 2009 et sous la direction d’Arthur Nauzyciel, il joue A doll’s house d’Ibsen en tournée à Liège, Reims, Rome et Lisbonne. ÉRIC CHARON comédien Après des études littéraires et théâtrales, il entre à l’École du Studio Théâtre d’Asnières et travaille sous la direction de Jean-Louis Martin Barbaz, Hervé van der Meulen ou encore Edmond Tamiz. En 2000, il complète sa formation en intégrant pour deux ans l’École Internationale Jacques Lecoq. Il croise notamment les routes de Pierre Spivakoff, Jean-Claude Penchenat, Mario Gonzalez, Victor Costa Andrès, Hubert Colas… Il joue Où est-il l’été un cabaret d’après les chansons de Boby Lapointe. Il travaille ensuite aux créations de Lionel Gonzalez (Ruzzante, Molière, Ghelderode), ou 30 encore Luis Jiménez en France et en Espagne (Dompteur d’ombres d’Itziar Pascual et Ay Carmela de José Sanchis Sinisterra) ; avec le Groupe 3.5.81 sur Le Ventre des philosophes de Michel Onfray dans une mise en scène de Patrick Simon ; puis avec le « d’ores et déjà » et Sylvain Creuzevault dans Visage de feu de Marius von Mayenburg, Foetus, Baal de B.Brecht à l’Odéon et récemment dans Le Père Tralalère. Il est aussi l’assistant de Julie Deliquet pour la création Amorphe maquette présentée au théâtre Romain Rolland de Villejuif. Il est à La Colline à la rentrée 2009 avec la nouvelle création de Sylvain Creuzevault Notre terreur ainsi qu’avec une reprise du Père Talalère. Teknaï pour la création du triptyque Les Cadouins, création collective dont le premier volet M. Martinez s’est joué au Théâtre du Rond-Point en décembre 2010 et le second, Britta Baumann, au Théâtre 13 en mars/avril 2011. Il joue Antoine dans Derniers remords avant l’oubli du Collectif In vitro. PASCALE FOURNIER costumière Formée au sein de la compagnie Emmanuel Ray, Théâtre en Pièces à Chartres, elle travaille aussi avec diverses compagnies de la région Centre en tant que comédienne, assistante à la mise en scène et accessoiriste…. En 2002, Pascale intègre l’École Jacques Lecoq où elle rencontre Julie Deliquet et travaillera ensuite sur L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer de Copi en tant que bruiteuse violoncelliste. Depuis 2009, Pascale travaille au Théâtre de l’Est Parisien en tant qu’habilleuse. Sur l’ensemble de la saison elle réalise costumes et accessoires selon les diverses créations, ainsi qu’avec la compagnie Hors cadre pour la réalisation du décor. CAROLINE DARCHEN comédienne Après avoir suivi les cours de Jean-Louis Martin-Barbaz à l’École du Studio Théâtre d’Asnières, elle rentre à l’École Jacques Lecoq pour y compléter sa formation. Elle commence à jouer avec le Studio des textes de Labiche, Aristophane, et différents cabarets sous la direction de Jean-Louis Martin-Barbaz, Hervé van der Meulen, Patrick Simon. Elle joue dans 31, rue des capucines, spectacle de rue co-mis en scène par Doriane Moretus et Bénédicte Guichardon (2002). Par la suite, elle travaille avec Laurent Rogero avec lequel elle crée Loki trompeur des dieux (2002) et Héraklès douze travaux (2004). Avec Lionel Gonzalez, elle poursuit une recherche sur le jeu masqué dans la Compagnie du Balagan: Sganarelle ou le Cocu imaginaire (2003), Escurial, Le Médecin malgré lui (2005). Elle joue dans Mort accidentelle d’un anarchiste et Auschwitz et après…, mis en scène par Karine Tabet (2006). Elle travaille aujourd’hui avec le Théâtre D’ores et Déjà et joue dans Le Père Tralalère, création mise en scène par Sylvain Creuzevault qui s’est jouée au Studio Théâtre d’Alfortville, au Théâtre de Vanves, au Théâtre national de la Colline ainsi qu’en tournée. JULIE JACOVELLA assistante à la mise en scène Formée au Conservatoire du 19e arrondissement de Paris par Danièle Girard et Michel Armin, elle intègre l’École du Studio d’Asnières sous la direction de JeanLouis Martin-Barbaz. Elle joue dans plusieurs pièces du répertoire ou créations, avec entre autres, Les Quatre Jumelles de Copi au Théâtre Agitakt mis en scène par Thomas Quillardet, La Quête du rââââle au Théâtre des Blancs-Manteaux mis en scène par Benjamin Pascal, Le Mandat au Théâtre 13 mis en scène par Stéphane Douret, Faites comme chez vous à la Comédie de Paris mis en scène par Bruno Lugan, Lettres d’amérique à la Cité nationale de l’Histoire de l’Immigration… En 2005, elle participe à la création de Pad Brapad & Cie compagnie associant théâtre, musique et ateliers. En 2006, avec le groupe Pad Brapad Moujika (groupe de musique de l’europe de l’est), elle participe à un spectacle musical intitulé Hum… Hum… à l’espace la Comédia ainsi qu’à Vivant Cruel Vivant création d’André De Baecque. Elle a tourné dans plusieurs courts métrages et programmes court pour le net (notamment Valentine et moi primé au Festival de Luchon en 2009) et plus récemment dans une nouvelle trilogie pour Canal +. En 2010, elle rejoint le Collectif In Vitro pour Derniers remords avant l’oubli de Jean-Luc Lagarce au Théâtre Mouffetard mis en scène par Julie Deliquet et poursuit son travail au sein du collectif en tant qu’assistante à la mise en scène de Julie Deliquet sur La Noce de Brecht, spectacle accueilli en résidence au Théâtre de Vanves en 2011. OLIVIER FALIEZ comédien Comédien depuis une dizaine d’années, Olivier a débuté son parcours avec la compagnie Zébulon : La Nuit des rois de W. Shakespeare, Le Premier d’I. Horowitz, au Lucernaire à Paris. Il s’est ensuite formé à l’Atelier Blanche Salant puis à l’École Jacques Lecoq à l’issue de laquelle il a co-écrit Mad Maths, conférence burlesque sur les mathématiquesen tournée depuis 2003. Il a participé à plusieurs créations du Théâtre des Bains-Douches au Havre autour d’auteurs contemporains (J-Yves Picq, Michel Vinaver et Marius von Mayenburg). Il se partage actuellement entre deux « aventures » au long cours : le collectif In Vitro (Amorphe, Derniers remords avant l’oubli et La Noce) et la compagnie 31 JEAN-CHRISTOPHE LAURIER comédien JEAN-PIERRE MICHEL éclairagiste Il a suivi les cours du Conservatoire national supérieur de Musique et de Danse de Paris, des conservatoires du Ier et XIe arrondissements, de l’École du Studio d’Asnières et de l’école Internationale Jacques Lecoq. Il a joué notamment dans Marie Stuart de Schiller sous la direction de Fabian Chappuis, La Cuisine d’Arnold Wesker, Dom Juan de Molière, Britannicus de Racine sous la direction de Jean-Louis Martin Barbaz, Les Vagues de Virginia Wollf, Jacques ou la soumission de Ionesco, Le Triomphe de l’amour de Marivaux sous la direction d’Hervé Van der Meulen, Le Médecin malgré lui (spectacle masqué) sous la direction de Lionel Gonzales, Faut pas payer de Dario Fo sous la direction de Patrick Roldes… Il travaille aussi en collaboration avec de jeunes auteurs dont C. Verlaguet pour laquelle il interprète le rôle de Mathias dans Chacun son dû. Musicien et possédant un prix de clarinette, il joue Don Giovanni et Les Noces de Figaro sous la direction musicale de Jean Roudon. Il participe aussi en tant que comédien à plusieurs cabarets et spectacles musicaux dont L’Histoire du soldat de C. F. Ramuz mise en scène par Philippe Perrussel. Il tourne également pour la télévision dans des réalisations de Bertrand Van Effenterre, Frédéric Berthe, Stéphane Kappès. Dernièrement il a mis en scène un spectacle musical autour des musiques de Bachen collaboration avec l’ensemble de musique baroque dirigé par Françoise Lasserre. Éclairagiste de formation depuis 1997, Jean-Pierre Michel travaille pour le TNP, l’Opéra de Lyon, le Théâtre des Célestins, puis pour le Studio Théâtre de la Comédie-Française (avec Nicolas Lormeau, Christophe Lidon ou encore Michel Didym). Il participe à l’aventure de Zingaro sur Triptyk avec Bartabas. Il poursuit son chemin avec Jacques Châtelet pour Shéhérazade, chorégraphie de Blanca Li à l’Opéra Garnier, ou avec Patrick Méeüs pour Le Prince de Hombourg de Heinrich Von Kleinst mis en scène par Daniel Mesguich au Théâtre de l’Athénée. Il crée les lumières pour Serge Tranvouez au sein de la Comédie-Française et de la Comédie de Reims, pour William Mesguich de la compagnie de l’Étreinte, Christophe Luthringer du Septentrion, Jacques Connort et Valérie Thomas de Mare Nostrum, Carole Drouelle du Théâtre de l’Acacia et Maria Cristina Mastrangelie avec la Cie Octogone. Il assiste notamment Eric Soyer pour les créations des lumières pour les metteurs en scène tels que Joël Pommerat, Christine Dormoy, Laurent Fréchuret ou Emmanuelle Laborit. MATHILDE MORIÈRES vidéo Réalisatrice, cadreuse, monteuse, et truquiste. Depuis quelques années, sous le pseudo de Tilde. M, Mathilde Morières réalise ce qu’elle appelle des « Haïkus Vidéo », films courts où elle s’extirpe de la narration pour se consacrer à la forme. Ils ont donné lieu à la création en 2006 d’un site Internet, http://tilde.m.free.fr, sur lequel elle met régulièrement en ligne ses nouvelles productions. Elle envisage d’associer ce travail vidéo à son travail photographique dans une installation. En parallèle du montage de son documentaire sur les lieux autogérés du rock en Europe, tourné à l’occasion de la tournée d’un groupe de hard-core l’hiver dernier, la réalisatrice continue son exploration visuelle dans plusieurs courts-métrages où le graphisme et l’animation assument une large part de la narration. Elle participe en 2007 à la création Amorphe dirigée par Julie Deliquet, maquette présentée au théâtre Romain Rolland de Villejuif. CHARLOTTE MAUREL scénographe Formée à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris, Charlotte Maurel réalise la scénographie de nombreux spectacles des metteurs en scène tels que François Duval, Patrick Roldez, Sophie Lorotte… Elle a travaillé en tant qu’assistante-scénographe sur les deux dernières créations de la compagnie de Laurent Terzieff (Hughie de Eugene O’Neill, L’Habilleur de Ronald Harwood). Elle a assisté le scénographe Roberto Platé sur Les Oiseaux d’Aristophane mis en scène par Alfredo Arias pour La Comédie-Française. Elle travaille aussi pour les bureaux d’étude des ateliers de construction de décors de la Comédie-Française, de l’Odéon, la MC93 de Bobigny. 32 AGNÈS RAMY comédienne DAVID SEIGNEUR comédien Après une formation de trois ans au cours René Simon, elle intègre à l’École du Studio Théâtre d’Asnières. En Parallèle, elle joue dans des mises en scènes signées Claude Chrétien, Dominique Boitel, Christine Meyr, Patrick Simon et David Sztulman. En 2003, elle intègre durant un an la troupe de Pierre Cardin, joue dans plusieurs créations et tourne en France, en Italie, et en Russie. En 2005, elle fonde la troupe des Lorialets avec Mathieu Coblentz et crée leur premier spectacle Jean et Béatrice de Carole Fréchette. En 2006, elle tient le rôle titre dans Fantasmagorique, moyen-métrage réalisé par Damien Gault et Isabelle Dagnac. En 2007, elle joue au théâtre13 Le Mandat de Nikolaï Erdman, mise en scène de Stéphane Douret. Elle participe également à la création d’Amorphe maquette dirigée par Julie Deliquet présentée au Théâtre Romain Rolland de Villejuif. Elle joue Molière au théâtre du Lucernaire sous la direction de Laurent Ferraro et tourne Caméra Café 2e génération pour la télévision. Elle joue la môme crevette dans La Dame de chez Maxim de Georges Feydeau, mis en scène par Hervé Van Der Meulen au Théâtre de L’Ouest Parisien à Boulogne Billancourt. (Tournée festival d’Anjou, Sarlat et Cormatin). Elle joue Anne dans Derniers remords avant l’oubli du Collectif In Vitro. Formé à l’École supérieur d’art dramatique de la ville de Paris (direction Y. Pignot, JC. Cotillard) il travaille, entre autres, sous la direction de N. Briançon au Théâtre Hébertôt, J. Jouanneau au théatre de la cité (dans le cadre de l’opération Talent Cannes/ADAMI), S. Kouyaté au théâtre des Bouffes du Nord, W. Mesguish au Théâtre 13, P. Roldez au Lucernaire, R. Santon au Théâtre Silvia Monfort, C. Verlaguet au théâtre R. Rolland à Villejuif… Au cinéma, il a tourné sous la direction E. Guirado (Quand tu descendras du ciel), P. Jolivet (La très très grande entreprise), A. Lot (Une petite zone de turbulence), JF. Richet (Mesrine/ L’ennemi public n°1)… ANNABELLE SIMON comédienne C’est au sein de la compagnie Arcanes en Savoie qu’Annabelle débute sa formation théâtrale. Après cinq années sous la direction de Fabrice Melquiot, elle poursuit son apprentissage pendant deux ans à l’École du Studio d’Asnières dirigée par Jean-Louis Martin-Barbaz avant d’intégrer le TNS. Durant ces trois années, elle travaille avec Laurent Gutman, Jean-Louis Hourdin, Odile Duboc, Nicolas Bouchaud et Stephane Braunschweig. À sa sortie, elle est engagée par Emmanuel Demarcy-Mota dans Marcia Hesse de Fabrice Melquiot, spectacle joué à la Comédie de Reims ainsi qu’au Théâtre de la Ville. Avec le collectif de Reims, elle participe à des lectures poétiques pour le festival Scène Ouverte puis avec Jean-François Sivadier à la Comédie-Française dans le cadre du festival « Premières lignes ». Elle participe à la création d’Un message pour les cœurs brisés de Gregory Motton mis en scène par Benjamin Moreau au Théâtre 145 à Grenoble et reprend le rôle de Puce dans Pinok et Barbie une pièce pour enfant de Jean-Claude Grumberg mis en scène par Lisa Wurmser en tournée puis au Théâtre de l’Est Parisien, elle y joue aussi La grande Magie de Eduado De Filippo mis en scène par Laurent Lafargue. RICHARD SANDRA comédien Après 3 années passées au Théâtre universitaire de Chambéry, le CDN de Savoie (via un stage dirigé par G. Desarthe) lui donne le soutien nécessaire à ses premières productions (lecture spectacle de Qui je suis de P. P Pasolini; création de Nena de Maria Irène Fornes, programmé l’année suivante à l’Espace Malraux, scène nationale de Chambéry). Comédien, il joue Shakespeare, Musset, S. Shepard, Molière, Dubillard, Pasolini… L’année 2000 marque un tournant : il entre à l’École Jacques Lecoq. En 2002-2003, il part en tournée en Angleterre et en Écosse comme marionnettiste. De 2004 à 2005, il partage son temps entre la France et l’Angleterre. En 2005, il retrouve la marionnette pour France 5 (5 rue Sésame). En 2007-08, il rencontre les Sentimental Bourreau (Avignon In 2007). De 2009 à 2010 il est engagé par Omar Porras pour Les Fourberies de Scapin. Avec le Théâtre de Paille il jouera le Père et l’Ogre dans Le Petit Poucet de C. Baratoux. Il a également écrit et joué dans plusieurs courts-métrages, et travaillé pour la radio (France Culture, Arte radio). 33 REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES → Lectures de Lagarce : Derniers remords avant l’oubli, Juste la fin du monde, sous la direction de Catherine Douzou (Presses Universitaires de Rennes) → UBU Scènes d’Europe – Les compagnies dramatiques indépendantes en France aujourd’hui. Ce numéro de juillet 2014 est consacré aux jeunes compagnies, avec notamment un focus sur le travail de Julie Deliquet et le collectif In Vitro. 34 EXTRAITS DE PRESSE DERNIERS REMORDS AVANT L’OUBLI PRIX THÉÂTRE 13 mieux sauver le sien. Comme un laminoir. Splendide dispositif, aussi simple qu’efficace, pour servir d’écrin à du Lagarce ! Mais ce n’est pas tout. Car le phrasé de l’auteur français le plus joué du moment ne pardonne pas la médiocrité. Avec son verbe court, hachuré, avec son style fait de redites, de superpositions de mots où est dit tout et son contraire parfois dans la même réplique, Lagarce se mérite ! Mais oublier que chez l’auteur de L’Apprentissage, les silences et les non-dits nous parlent autant que les mots serait aussi préjudiciable que de mal le déclamer. Julie Deliquet réussit magnifiquement à gérer cette double constance. Dans les partis pris de mise en scène et dans sa direction artistique. Tous les comédiens restent en scène en permanence. Effet casse-gueule. Et pourtant. « Ça c’est imposé à moi dès la lecture, ce qui accentue la composante chorale », nous dit-elle. Dans une œuvre où se consument les rancœurs sur les cendres de l’amitié mourante, le procédé va créer une tension qui ne fera pas pour autant sombrer le spectacle dans le lacanisme à deux balles. Ce seront en effet plus souvent des rires qui fuseront. Des rires qui peuvent même être d’autodérision… Quant aux comédiens, dirigés de main de maître par ce petit bout de femme toute jeunette, ils sont parfaits. Non seulement dans les phases de jeu parlé mais aussi, et c’est assez rare pour ne pas le mentionner, dans les silences. LAGARCE SUBLIMÉ Quatrième pièce en lice pour le Prix Théâtre 13 : Derniers remords avant l’oubli. Le texte difficile de JeanLuc Lagarce est magistralement mis en scène par Julie Deliquet qui a su en capter toutes les subtilités, dont toutes les strates psychologiques des personnages. Résultat : un spectacle de très haut vol dominé par des comédiens impeccables. Plus qu’un coup de cœur : un coup de foudre ! L’ESQUISSE… Une maison dans laquelle ont vécu Paul, Pierre et Hélène. Seul Pierre y vit désormais alors que Paul et Hélène, anciens amants, arrivent avec leur nouvelle famille, dans le but de vendre ce bien qui leur fait du mal à tous, financièrement, psychologiquement. Les tensions vont naître, les passions vont s’exacerber, les remords vont faire rapidement prendre la place de la joie des retrouvailles… LA CRITIQUE DE FRANCK BORTELLE… Un lit, une table démontable en deux secondes, quelques livres de poche. Décor d’un lieu de passage plus que d’une résidence principale. Aucune sédentarisation apparente. Un mur-écran, un film projeté avant le spectacle : celui des protagonistes dans leur véhicule. En split-screen, histoire de scruter les personnages avant leur arrivée. Impossible de les surprendre ailleurs, de percevoir une seconde d’inattention dans leur regard. Ils jouent même quand ils ne jouent pas. C’est là aussi que se joue toute la différence. Du très très bel ouvrage ! ENTRÉE EN SCÈNE DES COMÉDIENS… Assorties d’épisodiques grondements caverneux, les images vidéo vont alors se faire plus « speedantes », quasi lynchéennes : une tapisserie de fleurs d’un autre temps bougera au mur, au sol, constituant un antre de la folie mouvante, étourdissante, prenant au piège ces six personnages en quête d’honneur. Honneur que chacun va tenter de bafouer chez l’autre pour 35 36