MICHEL BOUQUET DANS «'PAUVRE BiTos » ...des gens heureux FRANCINE BERGÉ ET HUBERT DESCHAMPS DANS c CHER ANTOINE » Le e pauvre » est quelqu'un.:. MONELLE VALENTIN DANS « ANTIGONE » ... qui ne cherche qu'à se venger... Françoise Rosay, Francine Berge, Claude Nicot, Jacques François, Edith Scob, Hubert Deschamps — qui acceptaient d'être constamment en scène sans avoir rien à faire. Dans une pièce dont le rythme est syncopé, ils échangent seulement quelques répliques banales et si je ne crois pas que cela suffise à égaler « la Mouette » ou « la Cerisaie » c'est que la plupart de ces répliques m'ont paru autant de lieux communs destinés à accrocher un public aussi complaisant envers Anouilh qu'il l'est envers son public. « Une chose qui m'a particulièrement enchanté dans cette oeuvre pleine d'une philosophie si forte et si subtile — écrit Jean Dutourd — c'est qu'elle est royalement bourrée de mots d'auteur, et des plus brillants. » On ne saurait mieux dire, mais nous voilà bien loin de Tchékhov et de Pirandello. Une liaison avouée Mais ce qui a surtout ému les professionnels, c'est qu'ils ont pensé qu'Anouilh s'y mettait en scène luimême. Son héros est, comme lui, auteur dramatique à succès. Tout ce qui est dit sur le théâtre peut être attribué à Anouilh et si, à cinquantetrois ans, il ne s'est pas suicidé comme son héros, on peut être sûr que son amertume et ses sentiments pessimistes envers les femmes, • l'amour et la vie sont ceux du personnage que joue, d'un air las et chuintant plus que jamais, Jacques François. Mais Anouilh est plus malin que cela. Il a dit un jourJ:- Je n'ai pas de biographie et j'en suis très content. » Son Antoine de SaintFlour, mort en 1913, ressemblerait plutôt à Edmond Rostand et à Henri Bataille réunis. Auteur 1900, il est aussi un romantique attardé puisque, à cinquante ans, il eest retiré dans un château de Bavière pour découvrir enfin, lui qui a été la coqueluche des actrices et des femmes du monde, le véritable amour auprès d'une petite bonne allemande qui le quitte après trois ans pour se Marier. D'où k suicide. Anouilh, lui, à cinquante-neuf ans, ajoute un triomphe à une carrière d'auteur dramatique commencée en 1932 avec une pièce qui s'intitulait : « l'Hermine », n venait de Bordeaux où son père était tailleur et sa mère,: violoniste dans un orchestre de femmes -- métier, selon Anouilh, lugubre et humiliant. Il s'en est _ souvenu dans son théâtre. Une première fois, en 1938 dans « la Sauvage », créée par Ludmilla Pitoëff, plus récemment dans e rOrchestre », une de ses pièces les plus grinçantes. Etudiant en droit, préfère hanter, vers 1930, les balcons haut perchés des théâtres et, en particulier, ceux de cette même Comédie des Champs-Elysées où il découvre Giraudoux, sa première grande admiration, et où il devient secrétaire de Louis Jouvet, qui n'a jamais monté une seule de ses pièces. Entre vingt et vingt-cinq ans, attiré par lé Boulevard il a la chanee d'être joué par Pierre Fresnay, Madeleine Ozeray; -Aimé Claiion.d, d'être Monté aux Ambassadeurs (« 'Y avait un prisonnier ») avant d'être découvert par le découvreur de Tchekhov et de Pirande116, Georges Pitoëff, qui monte, en 1938, une pièce d'Anouilh écrite six ans plus tôt sous l'influence du « Siegfried » de Giraudoux, et de «_Comme tu me veui », de Pirandello : « le.VoYageur sans bagages ». Avec Cette, pièce,- terrible d'amertume, et « le Bal des voleurs -2 , « pièce rose » et poétiquement désinvolte, qui est créée la même année, Anouilh a trouvé son stYle. Il n'en changera dans « Pauvre Bitos » et dans « Cher Antoine », où l'on voit da \ e la seconde partie des' comédiens répéter la scène que nous avons vue « pour de vrai » au début de la pièce. de son temps dans un chalet de montagne, en Suisse. Il n'en revient guère que pour faire répéter ses pièces car, depuis une dizaine d'années, il s'est fait son propre metteur en scène. Avec bonheur — sauf quand, ayant renoncé un temps à écrire pour le théâtre, il avait voulu monter « RiL'amour toujours raté » charcl III » et « Catherine de HeilL' histoire du théâtre de Jeanbronn », de Kleist, où il était visiblement dépassé. Anouilh est celle (rune liaison avouée A la différence de son fastueux et avec les auteurs qu'il a admirés dans romantique Antoine de Saint-Flour, sa jeunesse. En 1956, dans un artiJean Anouilh a mené la vie d'un pede retentissant du « Figaro » et tit-bourgeois. Il est de ces gens qui, contre Popinion de Jean-Jacques Gauvenus du peuple, refusent le peuple tier, il faisait r éloge des pièces et, surtout, ce qu'on faire d'Adamov, de Beckett et d'Ionesco. pour améliorer son sort. Mais ce qui apparaissait alors ,comme Il méprise la politique, mais de nouvelles formes de théâtre comme par hasard, ses amis ont touqu'Anouilh admirait n'a en rien infléjours été des gens d'extrême-droite chi son propre style. « Cher Antoine » Robert Brasillach, Marcel Aymé, aurait pu être écrit en 1930. Pierre Fresnay et l'éditeur Roland Ce qui appartient en propre à Jean Laudenbach. Pendant l'occupation, où Anouilh, ce qui fait qu'il est ton: l'on crée quatre pièces de lui, son seul jours reconnaissable, c'est une sorte :acte de « résistance » est, in extremis, d'amertume du plutôt d'aigreur qui en juin 1944, son e Antigone », Sa ferait de lui un « homme titi ressen- - - , De Giraudoux, il a retenu une certaine forme littéraire. Réaliste, il cède Volontiers à des emportements lyri- P 1 us belle pièce oit l'ont voit _l'hé= rouie_ de là - tragédie antique on liment »: Les personnages qu'il met en scène et qu'on rencontre, Dieu lutte contre la toute-puissance de merci, rarement dans la vie ; sont tous l'Etat. Mais douze ans après la Libération, il écrit « - Pauvre Eitos` méchants, bêtes et envieux. Riches ou pauvres, ce sont des ratés: Ce qu'il : - ou le dîner de têtes », où il Met veut nui» dire dans «- Cher Anen scène un être ridicule et féroce, tome •, il l'a toujours dit : l'amour. qui pourrait sauver los hommes , est , un susbtitut chargé de « l'épuration en. 1945. Anouilli imagine que des « -raté ». La pureté tin peu niaise de gens, tout aussi Méchants que lui,. lui ses jeunes filles, de ses jeunes garfont jouer le role de Robespierre dans .çons est noyée très vite sous un océan belle occasion - de médiocrité, qu'il déverse sur eux - une soirée travestie pour Anouilh de stigmatiser et la Réavec un plaisir évident. Les riches et et la Libération, vnintlun les bourgeois sont des gens abomina- deux• priodes é. de l'histoire . où, bles, mais les pauvres — à de rares. comme chacun, sait, ne furent cornexceptions près : la jeune bonne de mises que, des abominations. , e la Grotte » -- ne Sont pas mieuX Pour Anouilh, dans .« Pauvre .Bitraités : rappelez-vous l'abominable dans d'autre s pièces, le père de • la_ Sauvage »... Anouilh p;1 tfs'.vcroem_Z i; ll end,an Procureur l'a-t-il assez dit ? =- n'a jamais pu - - . - - oublier son enfance misérable et à › . 0Weritique, est quelqu'un qui ne cherl, qu'à se venger des gens -heureux. ques,, à_ des métaphores qui se vou- - voulu- depuis en accuser l'univers encCh'eest un *aigri et à la 'limite u n cou. lier. ' draient, poétiques: De Tchekhov il peur de têtes. "L'idée- de vouloir faire " Ses rares amis — des' acteurs:-sonn'a gardé que l'amertume. De Pi- .la-révolution est, une idée stupide. Un e, éditeur louent sa parfaite 'gentil- randelk, nombre de personnages et idée d avorton : peuple,: le Vrai leàse: Il à - été longtemps.de situations,; plus « - le théâtre dans marié à -uDe monelle vwen"'peuple a seul l'honneur et l'élégance Merveilleuse actn'ee, le théâtre »; qu'il 'utilise- à plein dans « la Répétition ou l'amour puni » tin. Aujourd'hui, il passe le plus clair Le Nouvel Observateur Page 45 , ,