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Jésus en son temps
Milieu du Nouveau Testament
Chapitre premier
De l'Exil à la deuxième révolte juive
Quelques repères historiques
S'intéresser au monde de Jésus, c'est d'abord prendre conscience que nous sommes
devant un monde complexe : évoquer le judaïsme à l'époque de Jésus, c'est évoquer le judaïsme
de Palestine mais aussi celui de la diaspora. 700000 habitants en Palestine... mais il y en a
davantage dans le pourtour méditerranéen. Le judaïsme de la diaspora est très différent de
l'autre. Même au niveau de la dispora, il y a des différences. Il y a donc des communautés qui sont
différentes. Ac 6 : institution des 7 : les Hellénistes qui récriminent contre les Hébreux : tous sont
juifs et se sont convertis au Christ mais leur manière de penser leur rapport au Temple et à la
Torah n'est pas tout à fait la même. Un juif qui vit à Jérusalem et un juif qui vit à Rome ont des
sensibilités différentes : quant aux rapport à avoir avec le monde païen par exemple. Cela se voit
dans les rapports entre Paul et Pierre.
Cette complexité s'exprime aussi par les différences politiques : Judée, Galilée et Samarie
vivent des réalités différentes : toutes sont sous l'autorité de Rome mais différemment : ex : il y a
dans un cas un roi juif qui règne : Hérode. En même temps, la Galilée a été rejudaïsé un siècle et
demi avant Jésus.
Dans tout cela, les attentes ne sont pas les mêmes. Il y a des judaïsme et pourtant, tout le
monde se réclame de la Torah, de Moïse, tout le monde a le me rite. Mais les manières de
penser le Messie, la résurrection, Dieu, le rapport à la liberté, le rapport à l'occupant, à l'autorité
sont différentes. Le Christ vit dans un monde divers, complexe, tourmenté, divisé.
Autre complexité : sources :
des sources chrétiennes : les Évangiles (des confessions de foi très marquées par la diversité
des desseins théologiques de leurs auteurs) ; la littérature apocryphe ; la littérature judéo-
chrétienne (nous est malheureusement assez peu connue : nous n'avons que quelques
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citations) ;
la littérature juive (la Mishna, le Talmud : si ces textes ont sans doute comme sous-bassement
des traditions que l'ont peu dater de l'époque de Jésus, ils sont cependant postérieurs de
plusieurs siècles).
L'œuvre de Flavius Josèphe (Josèphe ben Mathias). en 38, mort vers la fin du premier
siècle. C'est un juif, aristocrate, à Jérusalem. Se lance dans une carrière politique. Meneur
de la première révolte juive en 66. Change de camp, se rend aux romains et écrit, à Rome,
l'histoire du judaïsme : deux œuvres monumentales : La guerre des Juifs (écrite
immédiatement après la chute de Jérusalem en 70) et Les Antiquités juives (années 90). Ces
deux œuvres sont essentielles pour connaître l'histoire du judaïsme et la naissance du
christianisme. Il raconte par exemple que, très jeune, il fait le tour des courants religieux du
judaïsme de l'époque : esséniens, baptistes, pharisiens, zélotes. + Témoignages sur Jésus qu'il
faut lire avec prudence.
L'archéologie : pour des renseignements sur la vie quotidienne et sur l'importance de certains
lieux.
Ces sources sont toutes à manier avec prudence. Nous nous intéresserons bien sûr uniquement à
la Palestine et non à la diaspora. 'Palestine' = mot impropre pour l'époque de Jésus. Ce sont les
romains qui vont donner à cette terre le nom de Palestine en souvenir des Philistins parce qu'ils
veulent bannir cette terre de tout souvenir juif. Jérusalem perdra aussi son nom. On parle de la
Judée ; le reste est à part, n'existe presque pas...
I/ Un rappel nécessaire : l'exil
1/ 587/86 : une date cruciale pour l'histoire du Peuple de Dieu
Cette date est sans doute l'une des plus décisives de l'histoire de Jérusalem : destruction de
Jérusalem et de son Temple. Fin de la monarchie de Juda et début de l'exil à Babylone. Ce n'est pas
la quantité des exilés qui comptent : ceux qui partent, c'est ceux qui ont un savoir-faire : savants,
intellectuels, prêtres. D'où une situation particulière : deux types de communautés. L'exil ouvre
une période de crise profonde, crise qui ne s'arrêtera pas avec le retour des exilés (538), elle va
être à l'origine d'une rie de crises : un certain nombre de dominations. L'âge d'or est fini, et à
jamais.
Cette expérience va être traumatisante, elle va marquer à jamais l'imaginaire du peuple
juif. L'exil, la chute du Temple, cela va signifier, pour ce peuple qui n'est pas encore le peuple juif,
la perte de ce sur quoi il avait jusqu'alors bâti son identité : une terre que Dieu lui avait donné : il
n'y a plus de terre. Il s'était constitué sur une promesse faite à David : un roi (prophétie de Nathan
: sa royauté subsistera à jamais) ; sur le Temple (lente maturation du Peuple de Dieu : le Temple
unique, résidence du Dieu d'Israël, centralisation sur Jérusalem). Tout cela : Temple, terre et roi,
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disparaît. Tout cela avait édétruit en réponse à l'initiative de Dieu. Le Peuple se retrouve avec
ces deux cas de figure opposés : en Judée, des hommes et des femmes sans culture, sans mémoire
; à Babylone, des prêtres, des prophètes, des hommes cultivés, en exil, en terre païenne. Question
de fond pour chacun : le bien-fondé de la foi en ce Dieu. Des hommes et des femmes qui n'ont pas
encore accédé au monothéisme : c'est le Dieu que l'on vénère à l'exception des autres. Que tout ai
disparu insinue un doute redoutable.
C'est dans ce contexte de crise que le judaïsme va naître. La crise est constitutive de la
manière dont ce peuple va se construire.
2/ La Judée durant la période de l'exil
Par l'archéologie, on peut dire que nous sommes en Judée devant un pays ravagé, surtout
pour ce qui concerne les villes qui sont au sud de rusalem. Les reconstructions sont pauvres ;
période d'extrême pauvreté. N'oublions pas qu'il y a ceux qui sont partis à Babylone et ceux qui
sont partis à Alexandrie (en fuite pour la plupart). La population qui est restée sur place en est
réduite à une vie de privation dans une campagne qui est elle-même très éprouvée : il n'y a plus
d'industrie ni de commerce avant des taxes imposées par l'occupant et des pillards. À cela s'ajoute
l'arrivé de païens. Cf : Livre des lamentations (Jérémie) qui évoque la situation très difficile de
personnes aux prises avec la famine : 1, 11 . 2, 12 . 4, 9.
Le Temple : bien que détruit, un culte continue à y être célébré. Quelques prêtres sont
restés. Jr 41, 5. Mais, au même moment, des cultes étrangers semblent fleurir. Face à cette crise
profonde que représente l'exil, une religion populaire se met en place : références au culte
précédent + références à des cultes étrangers. Quelques milliers de personnes, pas plus.
3/ Les exilés de Babylone
Situation générale. C'est l'inverse. Ils sont l'ancienne élite sociale de Jérusalem. Dans le
malheur qui est le leur, ils ont une chance : ils ne sont pas dispersés aux quatre coins de l'empire
mais ils sont assignés à résidence dans quelques localités nouvelles de la région de Babylone. Ils ne
seront pas traités en esclaves : les babylonniens les respectent pour que les juifs mettent au
service de leurs occupants toutes leurs connaissances. Il bâtissent des maisons et font même du
commerce. Sur le plan matériel, on ne peut pas parler de souffrance. La période de
Nabuchodonosor est pour Babylone une période faste (604-562) : grands travaux, plusieurs
temples, amélioration de l'irrigation. Les exilés sont donc au contact d'une civilisation qui est très
riche culturellement, politiquement. Certains déportés vont me parvenir à s'enrichir assez vite
et à avoir des responsabilités. Beaucoup vont s'implanter : origine de la communauté de Babylone.
Grande question : nous sommes devant une communauté qui aurait pu se laisser séduire, d'autant
plus qu'il y a une crise de l'identité religieuse. Voilà pourquoi des récits bibliques (le deuxième
récit de création) sont manifestement inspirés de récits babyloniens.
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Dans ce contexte, à Babylone, naît le judaïsme, en particulier sous l'influence des prêtres
qui, en exil, vont relire le passé de leur peuple et passer au creuset de l'expérience biblique tout ce
qu'ils ont vécu, des scribes (deutéronomistes) qui relisent l'histoire de la royauté, des prophètes
qui accompagnent le peuple dans cette expérience dramatique (le me Isaïe). Tout cela conduit
le peuple à accéder à la conscience que le Dieu d'Israël est le seul Dieu, il n'y en a pas d'autre.
Naissance de cette conviction que le peuple de Dieu a été choisi pour être, au milieu des
nations, une communauté sainte, un peuple mis à part pour être, au milieu des nations, le signe de
la sainteté de Dieu. C'est ce qui est au cœur, aujourd'hui encore, du judaïsme. Ce peuple n'a pas
d'autre vocation que de se constituer comme une communauté sainte. Ça, c'est nouveau.
Des institutions nouvelles et constitution de la Torah. La circoncision (plusieurs hypothèses)
comprise comme signe d'appartenance à ce peuple mis à part pour Dieu. Les origines sont
beaucoup plus anciennes, non bibliques, mais elle reçoit une signification nouvelle (Ex 4, 24-26).
De ce rite déjà traditionnel, on va faire un signe majeur. Le sabbat : il a manifestement une origine
païenne (mot en accadien qui évoquait le jour de la pleine lune, jour en Mésopotamie) ; à
Babylone, le sabbat devient, pour le peuple, le symbole hebdomadaire de la fidélité à Dieu : il
prend une dimension religieuse : signe de l'Alliance ; on aboutit progressivement à une législation.
Enfin, les synagogues apparaissent : maison on enseigne la Loi, on prie mais on ne
pratique pas de culte sacrificiel. Certains auteurs ne sont pas d'accord.
Ce qui est sûr, c'est que du creuset de l'exil, c'est une religion différente qui va sortir par
rapport au 'Yahvisme' ancien. L'appartenance au peuple devient d'autant plus important que le
peuple se conçoit d'abord comme une communauté religieuse et non plus comme un état, comme
une entipolitique. Une entité religieuse à laquelle on appartient aussi bien par l'observance de
la Torah que par la prière dans les synagogues avec des rites qui se mettent en place. C'est une
communauté sacerdotale qui se constitue (importance de la présence des prêtres). L'aspect
politique disparaît : il n'y a plus de place pour le roi dans ce système ; les prêtres prennent le
premier rôle. C'est ça qu'on va retrouver à l'époque de Jésus. Dans tous les cas, ce qui est sûr, c'est
que, survivants de Judas ou exilés de Babylone forment deux groupes totalement différents. Leurs
évolutions respectives vont marquer la période exilique mais surtout post-exilique. Au retour de
l'exil, ces deux communautés auront fait des chemins opposés. S'il y aura des chemins d'entente, il
y aura surtout rivalité. Le rêve de l'unité se concrètisera par une fin de non recevoir.
II/ 538-332 : la domination Perse
1/ Un nouveau souverain : Cyrus
Babylone paraissait invulnérable. Elle va en fait s'affaiblir à la mort de son souverain,
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Nabuchodonosor, avec des guerres de succession qui vont faire qu'en 539, Cyrus, perse, va
attaquer Babylone, pratiquement sans rencontrer aucune sistance et s'empare de cette ville en
y restaurant un certain nombre de cultes. Cyrus, présenté comme le Messie, va inaugurer une
politique très tolérante : les perses ont pour renommée d'avoir toujours mené une politique de
respect des identités nationales et des dieux locaux. Il promulgue un édit qui nous est rapporté
dans le livre d'Esdras (6, 3-5 . 1, 2-4) qui prévoit le retour des Juifs dans leur patrie et la
reconstruction du Temple ainsi que la restitution de tous les ustensiles qui ont été emportés par
Nabuchodonosor.
2/ 538 : le retour des exilés
Esdras 1-6 brosse l'histoire de ce retour avec la construction du Temple. Tout ça a l'air
grandiose. On commence la reconstruction du Temple sans accepter l'aide de ceux qui étaient
restés. Ces gens restés sur place ont à leur tête le gouverneur de Samarie. Pendant l'exil, c'est
Samarie qui a pris le pouvoir. D'où tant de ressentiments qui sont restés jusqu'à Jésus et au-delà à
l'égard des Samaritains : ressentiments plus politiques. Lorsque ces 50 000 exilés reviennent, Es 4 :
ceux qui sont restés sur place portent plainte avec, à leur tête, le gouverneur de Samarie.
Cette présentation se heurte à beaucoup de difficultés. Dans les faits, on pense que, loin
d'être un retour triomphal, le retour des exilés va se heurter à bien des difficultés. D'abord, c'est
vraisemblablement un tout petit groupe qui va quitter Babylone, beaucoup ayant préféré rester.
L'arrivée va être l'occasion de bien des déceptions (cf. me Isaïe). Il ne reste presque rien de la
terre : Jérusalem et ses environs immédiats, des propriétés qui ont été redistribuées, des
étrangers qui ont profité de l'exil pour s'installer, des habitants de Judée qui ont abandonné leur
Dieu pour revenir au syncrétisme d'antan, des dirigeants samaritains qui craignent de voir leurs
terres confisquées, une ville en ruine. Tout est à reconstruire. Le tout donne une vision plus que
pauvre. Là où Esdras évoque 50 000, on pense aujourd'hui à quelques milliers, tout au plus.
Jérusalem n'est plus qu'un village. Les prêtres encadrent ces déportés en insistant sur les valeurs
du culte, de la circoncision et du sabbat. Le peuple va se reconstruire autour de ça. Hypothèses du
chant du serviteur souffrant : le serviteur comme peuple : le petit reste qui porte la destinée du
peuple. Il n'en n'est pas moins vrai que, même si les conditions sont épouvantables, on
commencera par reconstruire le Temple ce qui fait que, de l'avis de certains, il y aura plusieurs
phases : étant trop pauvres, on y renoncera pour recommencer une nouvelle fois. La dédicace
aurait été célébrée en février/mars de l'an 315 (Es 6, 15). On a une communauté regroupée autour
du Temple dirigée par des prêtres.
3/ Néhémie et Esdras
Ces deux hommes vont jouer un rôle très important. Néhémie est un gouverneur qui arrive
à Jérusalem vers 445. Il est envoyé par le roi perse. Il exercera sa fonction de gouverneur pendant
à peu près douze ans. C'est lui qui, malgré les pressions des peuples voisins, va s'attaquer à la
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